Le Culte du Dimanche : 52 simples discours

26.
Le Triomphe et Golgota

Et lorsqu’ils approchèrent de Jérusalem, et qu’ils furent arrivés à Bethphagé, vers le mont des Oliviers, alors Jésus envoya deux disciples, en leur disant : Allez à la bourgade qui est devant vous, et vous trouverez aussitôt une ânesse attachée, et un ânon avec elle ; détachez-les et amenez-les moi. Et si quelqu’un vous dit quelque chose, vous direz : Le Seigneur en a besoin, et aussitôt il les enverra. Or ceci arriva, afin que fût accompli ce qui a été déclaré par le moyen du prophète, disant : Dites à la fille de Sion : Voici, ton Roi vient à toi, doux et monté sur un âne, sur le poulain de celle qui porte le joug. Les disciples s’en étant donc allés et ayant fait comme Jésus leur avait ordonné, amenèrent l’ânesse et l’ânon et placèrent sur eux leurs vêtements, et il s’assit dessus. Et la plupart des gens de la foule étendirent leurs propres vêtements sur le chemin, et d’autres coupaient des branches d’arbres et les étendaient sur le chemin. Mais les foules qui précédaient et celles qui suivaient criaient, disant : Hosanna au fils de David ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Hosanna dans les lieux très hauts ! Et quand il fut entré dans Jérusalem toute la ville fut en émoi, disant : Qui est celui-ci ? Mais les foules disaient : Celui-ci il est le prophète, Jésus, de Nazareth en Galilée.

Et Jésus entra dans le temple de Dieu, et il chassa tous ceux qui vendaient et qui achetaient dans le temple, et il renversa les tables des changeurs et les sièges de ceux qui vendaient des pigeons. Et il leur dit : Il est écrit : Ma maison sera appelée une maison de prière ; mais vous en faites une caverne de voleurs. Alors des aveugles et des boiteux s’approchèrent de lui dans le temple, et il les guérit. Mais les principaux sacrificateurs et les scribes voyant les merveilles qu’il avait faites et les enfants qui criaient dans le temple et disaient : Hosanna au fils de David ! en furent indignés, et ils lui dirent : Entends-tu ce que ceux-ci disent ? Et Jésus leur dit : Oui. N’avez-vous jamais lu : De la bouche des petits enfants et des nourrissons tu t’es préparé une louange ? Et les laissant, il sortit de la ville pour aller à Béthanie, où il passa la nuit.

Or le matin, comme il retournait à la ville, il eut faim. Et voyant un figuier sur le chemin, il s’en approcha, mais il n’y trouva rien que des feuilles, et il lui dit : Que jamais aucun fruit ne provienne plus de toi ! et à l’instant le figuier sécha. Et voyant cela les disciples s’étonnèrent et dirent : Comment ce figuier a-t-il séché à l’instant ? Et Jésus répondant leur dit : En vérité, je vous le dis, si vous aviez de la foi et que vous ne doutiez point, non seulement vous feriez ce qui a été fait au figuier, mais si même vous disiez à cette montagne : Ote-toi de là et te jette dans la mer, cela se ferait. Et tout ce que vous demanderez dans la prière avec foi vous le recevrez.

Et quand il fut venu dans le temple, les principaux sacrificateurs et les anciens du peuple vinrent à lui, comme il enseignait, et lui dirent : Par quelle autorité fais-tu ces choses, et qui t’a donné cette autorité ? Jésus, répondant, leur dit : Je vous demanderai, moi aussi, une seule chose ; et si vous m’y répondez, je vous dirai, moi aussi, par quelle autorité je fais ces choses. Le baptême de Jean, d’où venait-il ? du ciel ou des hommes ? Mais eux raisonnaient entre eux, disant : Si nous disons : Du ciel, il nous dira : Pourquoi donc n’avez-vous pas cru en lui ? Et si nous disons : Des hommes, nous craignons la foule ; car tous tiennent Jean pour un prophète. Et répondant ils dirent à Jésus : Nous ne savons. Et lui aussi leur dit : Moi non plus, je ne vous dis pas par quelle autorité je fais ces choses. Mais que vous en semble ? Un homme avait deux enfants ; et s’adressant au premier, il dit : Mon enfant, va travailler aujourd’hui dans ma vigne. Il répondit : Je ne veux pas ; mais plus tard, s’étant repenti, il y alla. Puis il vint à l’autre, et lui dit la même chose. Celui-ci répondit : Oui, seigneur ; et il n’y alla pas. Lequel des deux fit la volonté de son père ? Ils lui dirent : Le premier. Jésus leur dit : En vérité, je vous dis que les péagers et les femmes de mauvaise vie vous devancent dans le royaume de Dieu. Car Jean est venu à vous dans la voie de la justice, et vous ne l’avez point cru, tandis que les péagers et les femmes de mauvaise vie l’ont cru ; mais vous, ayant vu cela, vous ne vous êtes pas même repentis ensuite pour le croire.

Ecoutez une autre parabole : Il y avait un homme, maître de maison, qui planta une vigne, et l’entoura d’une haie, et y creusa un pressoir, et bâtit une tour ; et il l’afferma à des vignerons, et s’absenta. Or, lorsque la saison des fruits approcha, il envoya ses serviteurs vers les vignerons pour recevoir ses fruits. Mais les vignerons s’étant saisis de ses serviteurs, battirent l’un, tuèrent l’autre, et en lapidèrent un autre. Il envoya encore d’autres serviteurs, en plus grand nombre que les premiers, et ils les traitèrent de même. Ensuite il envoya vers eux son fils, disant : Ils auront du respect pour mon fils. Mais les vignerons, voyant le fils, dirent entre eux : Celui-ci est l’héritier ; venez, tuons-le et possédons son héritage. Et s’étant saisis de lui, ils le jetèrent hors de la vigne et le tuèrent. Quand donc le seigneur de la vigne sera venu, que fera-t-il à ces vignerons ? Ils lui disent : Il fera périr misérablement ces misérables, et il affermera la vigne à d’autres vignerons qui lui en rendront les fruits en leur saison. Et Jésus leur dit : N’avez-vous jamais lu dans les Ecritures : La pierre qu’ont rejetée ceux qui bâtissaient, elle est devenue la principale pierre de l’angle ; c’est par le Seigneur qu’elle l’est devenue, et elle est merveilleuse à nos yeux ? C’est pourquoi je vous dis que le royaume de Dieu vous sera ôté et sera donné à une nation qui en produit les fruits. Et celui qui tombera sur cette pierre sera brisé ; mais celui sur qui elle tombera, elle l’écrasera.

Or après avoir entendu ses paraboles, les principaux sacrificateurs et les pharisiens comprirent que c’était d’eux qu’il parlait ; et ils cherchaient à s’emparer de lui ; mais ils craignirent la foule, parce qu’elle le tenait pour un prophète.

(Matthieu 21)

Depuis trois ans et demi qu’il parcourt la Palestine, soulevant sur son passage l’admiration du peuple jusqu’à faire naître le désir de l’élever au trône, Jésus n’avait jamais rencontré un aussi beau succès que celui dont nous venons d’être témoins. Ici tout lui devient facile : les événements s’arrangent autour de lui, les obstacles disparaissent, ses ennemis s’écartent, et lui s’avance en triomphateur. Au sortir de Betphagé, des étrangers lui cèdent une monture, ses disciples se dépouillent pour la recouvrir, y placent leur Maître et marchent à sa suite. Bientôt la foule, émue par le dernier miracle, la résurrection de Lazare, s’ébranle de toutes parts, accourt sur le chemin de Jérusalem et vient, comme en un centre, se réunir autour du Sauveur. Les uns le suivent, les autres le précèdent ; ceux-ci étendent leurs vêtements sous les pieds de sa monture, en signe d’humilité, devant l’héritier du Roi-Prophète ; ceux-là détachent des branches de palmier et les jettent au-devant du Prince qu’ils veulent honorer, et tous s’écrient dans leur enthousiasme : « Hosana au fils de David ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! »

Le cortège, brillant et nombreux, approche des portes de la ville sainte : le bruit s’en répand dans les rues, le peuple entier s’en émeut ; les uns demandent : Qu’est-ce, qu’est-ce donc ? Et les autres répondent : c’est Jésus le prophète ! La foule grossit toujours et vient jusqu’au temple, dont mille voix font retentir les voûtes du cri mille fois répété : « Hosana au fils de David ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! »

Jésus entre dans le temple. Encore ici rien ne lui résiste : des marchands établis depuis longtemps sous le portique sont chassés par son fouet vengeur, comme la poussière d’un vêtement ; Jésus les traite de voleurs, et ils se taisent ; il les frappe, et ils fuient humiliés et tremblants.

Le temple ainsi balayé de cette race mercantile, le peuple se presse autour du Sauveur. Les malades viennent lui demander la santé ; d’un mot il les guérit, en présence des grands-prêtres irrités. Des enfants, à l’imitation des pères, répètent : « Hosana au fils de David ! » et les pharisiens, envieux, mais craintifs devant le peuple, prient timidement Jésus de faire taire ses disciples ; il leur ferme la bouche par une citation de leurs saints Livres, et, après cet éclatant triomphe, comme s’il avait pris possession de son trône dans la maison de son Père, il se retira paisiblement à Béthanie.

Oui, je le répète, voilà le plus grand, le plus beau, le plus éclatant triomphe que Jésus ait eu parmi les hommes pendant sa vie terrestre… Mais attendez quelques heures, et déjà les pharisiens conspirent ; un traître se trouve ; un complot se forme ; des sbires arrivent ; Jésus est pris, garrotté, mis en jugement ; des faux témoins s’élèvent contre lui ; le grand-prêtre demande son sang, et le peuple, qui criait hier : Hosana ! hosana ! crie à cette heure : Crucifie ! crucifie ! Jésus est insulté, conspué, flagellé, chargé d’un poteau, mis en croix, lacéré au milieu de la joie infernale du peuple, qui autour de l’échafaud attend sa mort. Jésus expire !

Quelle leçon ! Hier le triomphe, aujourd’hui la défaite ! Hier tout était facile, aujourd’hui tout est obstacle ! et ces deux séries d’événements ne sont séparés que par quelques heures ; c’est quand tout semble assuré que tout croule, et le pas dirigé sur Sion se tourne vers Golgota.

Hélas ! cette triste expérience du Maître n’a été que trop souvent répétée par ses disciples. Dans la vie du chrétien, rien n’est plus près du succès que l’épreuve, et lorsque, portant mes regards autour de moi, je contemple la prospérité de quelques-uns, cette pensée m’épouvante ! Quand je me dis (et combien d’entre vous comme moi peuvent se le dire), quand je me dis : Je suis en santé, j’ai de bons parents, de bons amis ; Dieu a pourvu d’avance à mes besoins, oh ! je tremble, je tremble sur tant de bonheur à la fois ! Je me dis : Cela ne peut durer ; cela n’est pas fait pour toi ; c’est un triomphe ; prends garde ! un Golgota s’approche !

Ce que je me dis, chers amis, je vous l’adresse. Peut-être dans ce moment quelques-uns de vous jouissent-ils d’une douce paix répandue par le Saint-Esprit dans leurs cœurs ; peut-être venez-vous de surmonter une grande tentation ; le malin semble-t-il s’être enfui pour toujours ; peut-être la sanctification vous est-elle devenue plus facile ; peut-être prenez-vous plaisir à la prière, à la lecture de la Parole ; vos œuvres chrétiennes sont florissantes ; enfin vous êtes joyeux en le Seigneur. C’est un vrai triomphe ; prenez garde ! un Golgota s’approche !

Vous, moins doués du côté de la piété, peut-être l’êtes-vous plus du côté de la fortune ; car rarement ces deux prospérités croissent ensemble : vos champs ont beaucoup rapporté ; votre commerce s’est agrandi ; un héritage vous est échu ; enfin une faveur vous est tombée inattendue ; vous n’avez plus d’inquiétude ni pour le présent, ni pour… C’est encore un triomphe ; prenez garde ! un Golgota s’approche !

Vous, riches d’une autre richesse, vous êtes heureux par vos affections ; votre famille est prospère ; une épouse bien-aimée veille sur vous ; vos enfants progressent dans les sciences et dans la piété ; la santé de celui pour lequel vous aviez craint est maintenant aussi florissante que jamais ; vous fondez sur lui les plus douces espérances ; vous construisez déjà son avenir en jetant vos soins autour de sa vie et vos bras autour de sa tête. C’est toujours un triomphe ; prenez garde ! un Golgota s’approche !

Et toi, hypocrite dont la honte reste cachée au monde, toi qui brilles sous de vaines apparences, toi que le monde honore parce qu’il ne te connaît pas, toi qui comptes sur la sottise des chrétiens que tes semblants abusent, on t’estime, on t’approuve, on t’appelle frère… Prends garde ! c’est ton triomphe ; ton Golgota s’approche !

Mais ces paroles prophétiques reposent-elles uniquement sur une ressemblance de notre histoire avec celle de Jésus-Christ ? Est-ce une analogie donnée pour une preuve ? Non, cette vérité du revers suivant le triomphe est dans la nature des choses, dans les plans de la sagesse divine. L’homme longtemps prospère, fût-ce dans un don spirituel, s’endurcit, devient orgueilleux, et, couvert des bienfaits de Dieu, n’aperçoit plus la main qui les dispense. Il faut pour son bien que l’épreuve vienne à son tour le rappeler au devoir, lui faire sentir sa dépendance et ranimer ses prières. La souffrance est un chemin parallèle à celui de la prospérité ; tous deux conduisent au même but. Ne soyons donc pas surpris lorsqu’une épreuve qui peut-être déjà se prépare tombera sur nos têtes ; disposons-nous plutôt à l’accueillir ; elle nous est bonne, nécessaire ; elle contribuera finalement à notre vraie prospérité. Il faut la subir, non comme une nécessité fatale, mais l’accepter avec courage, et bénir Dieu de nous avoir jugés capables de la soutenir. C’est ici que ce Dieu connaîtra ceux qui sont véritablement ses enfants ; car si les soucis et la persécution étouffent la semence jetée dans les cœurs pierreux, les soucis et la persécution cèdent passage à l’épi robuste s’élevant d’un cœur bien préparé. Le fer brûlant plongé dans l’eau froide en sort acier ; le chrétien plongé dans l’épreuve en sort plus fort et plus croyant. Encore une fois, courage ; si votre triomphe est passé, vous savez du moins que c’est pour votre bien que vous êtes aux pieds de Golgota.

Maintenant, suivons notre Maître plus loin. Son humiliation est profonde ; ses ennemis l’ont vaincu ; c’est peu, ses amis l’abandonnent : Pierre le renie, Judas le trahit ; Joseph d’Arimathée, le plus courageux, vient assez tard pour n’enlever qu’un corps ; il l’ensevelit ; une pierre est scellée ; des soldats armés gardent une tombe, et les disciples ont si complètement perdu toute espérance qu’ils se lamentent et pleurent comme des enfants délaissés sur le grand chemin.

Mais tout à coup une rumeur étrange se répand. On dit que Jésus est ressuscité, qu’il est vivant ! Son sépulcre est ouvert, des anges sont venus rouler la pierre ; les gardes épouvantés se sont prosternés contre terre, et le Sauveur est sorti vainqueur du tombeau pour monter au ciel, où il doit régner une éternité. Les Apôtres s’attendaient si peu à cet événement qu’ils ne veulent pas y croire ; quand des femmes pieuses leur assurent avoir vu le Seigneur, ils les traitent de folles, plus tard, lorsque dix d’entre eux ont vu et entendu Jésus, le onzième s’obstine encore et dit qu’il ne croira que lorsqu’il aura mis sa main dans les plaies encore béantes. Est-il possible de témoigner plus vivement sa surprise ? Non, sans doute, et nous trouvons ici un exemple frappant d’une seconde vérité : si le chrétien n’est jamais plus près de l’épreuve que dans le triomphe, l’épreuve le conduit à un nouveau triomphe. Il y a plus : alors la vallée de larmes, traversée au milieu des ténèbres, s’illumine, et le malade guéri y contemple avec reconnaissance les instruments de douleur qui lui ont rendu la santé. A cette heure, les Apôtres comprennent que Christ avait dû souffrir selon les Prophètes ; que la croix du supplicié était une croix de salut ; que sa mort était le chemin de la résurrection, et que le sacrifice du Fils de Dieu était la seule expiation possible des péchés des croyants. Dès lors plus de tristesse ; toute larme est essuyée ; les regards s’élèvent vers le ciel pour y voir monter Jésus, et ne retombent sur la terre que pour chercher des âmes à sauver.

Disciples de Jésus, qui devons-nous estimer heureux d’être traités comme notre Maître, sommes-nous à cette heure sous l’épreuve ? prenons courage, elle aura un terme d’autant plus rapproché que nous aurons plus complètement accepté la douleur. Pour Jésus, l’épreuve a été courte parce qu’elle a été admirablement supportée ; soyons certains que la nôtre se terminera dès qu’elle ne sera plus nécessaire. La verge de Dieu ne se lève pas pour punir, mais pour ramener ; retournons à lui et il cessera de frapper.

Êtes-vous depuis quelque temps sous les serres d’une tentation qui vous tienne séparés de votre Sauveur, vous prive de son Esprit et vous empêche de lire sa Parole ? prenez courage, c’est une épreuve. Le Seigneur ne vous y laisse que pour vous fortifier par le combat. Rappelez-vous vos jours de foi, de zèle, de piété ; dites-vous qu’ils peuvent revenir ; dites-vous que jadis déjà vous avez rencontré de ces heures de sécheresse finalement suivies de rafraîchissement. Que cette dernière perspective vous soutienne et vous fasse prier. Sachez que ce n’est pas vous les premiers qui dans ce moment voulez le mal, mais Satan, qui s’efforce de vous persuader que sa volonté est la vôtre, que ses pièges sont vos plaisirs, que sa volonté serait votre bonheur. Ne le croyez pas ; sa victoire ferait votre honte, son succès votre remords, son triomphe votre perte. Courage ; regardez Jésus : Pierre le tente et il s’écrie : « Arrière de moi, Satan ! » La tentation passe et le triomphe arrive.

L’épreuve pèse-t-elle sur votre corps et non sur votre âme ; souffrez-vous un de ces maux que l’œil n’aperçoit pas, mais que la chair n’en sent pas moins ? courage, courage, c’est encore une épreuve ; sans elle peut-être seriez-vous tombés dans cette autre bien plus terrible, la tentation du péché. C’est quand le corps est faible qu’on s’humilie, qu’on songe à la mort, qu’on fuit le mal ; c’est quand on souffre qu’on prie, qu’on croit, qu’on aime et qu’on désire de déloger. Votre corps dépérit, mais par là votre âme se fortifie. Courage, l’épreuve vient de Dieu, le triomphe n’est pas loin.

Serait-ce un enfant, une femme, un ami que vous auriez perdu ? Toujours je vous répéterai : Courage ; il vous a été retiré par le Dieu d’amour qui vous l’avait donné. Sa vie vous eût été douce, sa mort peut vous être utile ; sa vie eût fait de vous un idolâtre de la créature, sa mort ramène votre cœur vers Dieu. Vos liens sont rompus sur la terre, mais renoués dans le ciel. Ne vous sentez-vous pas déjà plus détachés du monde, mieux disposés à partir, courbés plus bas sous la main de Dieu ? Poursuivez donc cette marche, et votre épreuve elle-même se transformera en triomphe.

Vous, dans une position étroite de fortune, sachez-le bien, Dieu ne vous oublie pas ; il vous éprouve, et vos tentations sont bien moins périlleuses que celles de l’abondance : pauvres, vous êtes moins orgueilleux ; pauvres, vous priez davantage ; pauvres, vous passez dans le travail une vie qui, oisive, eût cherché le vice pour se remplir. Oui, c’est un bienfait de Dieu qu’une vie occupée, et rien n’occupe mieux que la nécessité. Si le besoin vous presse, soyez assurés que ce n’est que pour un temps, et que, lorsque vous vous serez mis en quête du royaume des cieux et de sa justice, le reste vous sera donné par-dessus.

Hélas ! Seigneur, il est facile d’exhorter ses frères, facile même d’écouter l’exhortation dans la prospérité. Mais, nous qui parlons, nous qui écoutons, que ferions-nous si l’épreuve venait à l’heure même ? O Dieu, cette pensée nous épouvante ! Nous craignons encore plus de souffrir que de pécher ! Nous te prions plus volontiers de nous épargner la maladie que la tentation ; aie pitié de nous, défends-nous contre nous-mêmes. Ne nous donne pas plus de fardeau que nous n’en pouvons porter ; que ta main nous soulage, et que, relevés de l’épreuve, nous courions nous jeter dans tes bras pour y vivre saintement en attendant que le temps vienne où toute larme sera essuyée de nos yeux et où nous ne sentirons plus que pour t’aimer !

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