Le Réveil Irlandais

Deux témoignages

Extrait d’un discours sur le réveil religieux de 1859, par le Rév. J. Morgan, pasteur à Belfast.

Il se passe dans ce moment sous nos yeux des faits qu’on peut bien expliquer différemment, mais qu’on ne saurait nier. Dans ce pays et dans d’autres, des centaines et des milliers de personnes ont été frappées par une main invisible à laquelle elles ne pouvaient résister. Sous sa puissance, elles sont tombées comme anéanties. L’affection corporelle a été universellement accompagnée d’un travail mental extraordinaire. Le sentiment du péché a mis ces âmes à l’agonie et aucun remède n’a été efficace ; le nom de Jésus-Christ seul les a soulagées et il a guéri le corps et l’âme… Ce sont ici des faits que tout le monde peut voir et examiner de près. Ils sont indéniables ; mais comment les expliquer ? La seule interprétation satisfaisante, c’est l’action de l’Esprit de Dieu. L’indifférence, le scepticisme, la moquerie seraient ici hors de place ; ces choses sont indignes d’êtres responsables tels que nous. Une chose est certaine, c’est que l’Esprit de Dieu a, dans le passé, donné des signes extérieurs de sa présence. Nous disons, de plus, est-il déraisonnable de croire que le corps puisse être affecté par les émotions de l’esprit ? Lorsqu’une femme apprend la mort de son mari, nous étonnons-nous de ce que dans sa douleur elle tombe par terre ? Si un homme riche perd subitement sa fortune, est-il surprenant qu’il en devienne malade ? Quand un père est privé de ses enfants, n’y a-t-il point de danger que son désespoir lui fasse perdre la santé et la raison ? Pourquoi donc trouver étrange, qu’ayant vu son péché et sa condamnation, un homme tombe prosterné devant Dieu et soit incapable de se relever ? Ce qui est étrange, c’est la conduite de l’homme qui, endurcissant son cœur contre Dieu, s’attend à prospérer. D’ailleurs ne se pourrait-il pas que l’Esprit de Dieu voulut, par des manifestations extérieures, attirer l’attention sur son œuvre ? tant de la part de ceux qui en sont les objets que des simples spectateurs ? Nos sens sont plus impressionnables que notre esprit. Peut-être pour s’accommoder à notre faiblesse, l’Esprit Saint agit-il de la sorte afin de mieux réveiller les pécheurs et leur faire chercher le salut…

Avant d’aller plus loin, je dois avertir que l’œuvre du Saint-Esprit ne consiste nullement en manifestations extérieures. Dieu peut les employer pour éveiller l’attention, mais elles ne sauvent ni ne régénèrent : ce sont des moyens, mais non pas le but. Un miracle n’a jamais converti une âme, mais il a souvent éveillé l’attention et suscité un travail intérieur qui s’est terminé par la conversion, de même que l’affliction peut convertir, bien qu’elle ne le fasse pas toujours.

Le Dimanche est sanctifié par ceux qui ne l’observaient pas ; la maison de Dieu fréquentée par ceux qui y étaient étrangers ; la Parole du Seigneur lue par ceux qui ne l’étudiaient pas ; la prière en secret, en famille, en public, pratiquée où elle était inconnue. L’importance de ces changements a réveillé l’attention universelle. Dans cette province, des milliers de personnes qui ne se réunissaient que pour les affaires ou les plaisirs, s’assemblent pour prier. D’où vient un tel changement ? La forme du culte peut exister sans le fond ; mais quand ce culte est pratiqué avec ferveur, persévérance et joie, il faut qu’un esprit surhumain soit à l’œuvre… D’ailleurs, regardons au-delà des services extérieurs, et nous trouverons qu’un travail sérieux s’accomplit dans des esprits naguère indifférents, formalistes ou incrédules. Un grand nombre de ceux mêmes qui participaient au culte étaient indifférents et mondains. Parmi cette classe, un grand réveil s’est produit ; on a senti pour la première fois la valeur de l’âme et la nécessité du salut. Les ministres de l’Evangile ont dû exercer leurs fonctions d’une manière toute nouvelle. Leurs forces, leurs dons, leur temps ont été mis en réquisition comme ils ne l’avaient jamais été.

Extrait d’une brochure sur le Réveil religieux de Ballymena, par le pasteur de cette ville.

Après avoir signalé les traits de ressemblance entre le réveil d’Amérique et celui d’Irlande, commençant tous deux à la même époque, septembre 1857, par de petites et paisibles réunions de prière, M. Moore continue comme suit.

… Au commencement de l’année, un converti de Connor vint visiter des amis près de Ahoghill, et bientôt après, en réponse à ses prières, le Saint-Esprit fit éprouver à toute une famille un profond sentiment de ses péchés. Les membres en devinrent missionnaires dans le voisinage, et déjà, vers le milieu de février, des centaines de personnes, dans les paroisses de Dromaul et d’Ahoghill, éprouvèrent la même conviction sur leur état de culpabilité. Dans le mois de mars se formèrent des réunions de prières dans les maisons, les écoles et les églises où les nouveaux convertis exhortaient l’assemblée et où se rendaient de grandes foules. De nombreuses conversions en furent le résultat.

En avril l’œuvre commença à Ballymena. Le premier « frappé » fut un jeune homme de seize ans. L’impression chez lui fut purement spirituelle ; il n’eut pas à traverser la crise physique. Pendant des semaines, il resta sous une impression de terreur déterminée par le souvenir de ses fautes. Enfin il accepta Jésus pour son Sauveur et goûta la joie d’une paix profonde. D’autres personnes avaient déjà été frappées dans nos maisons, dans nos rues, dans notre marché, mais elles n’appartenaient pas à notre ville ; elles y étaient venues de la campagne. Une seconde, une troisième personne de notre paroisse, deux femmes d’âge moyen, d’une bonne réputation et assez bien instruites des doctrines de l’Evangile, tombèrent agonisantes sous le sentiment de leurs péchés ; l’une pleurait amèrement, l’autre restait comme absorbée dans une profonde méditation. Je me mis à prier, mais bientôt je dus me taire pour écouter moi-même dans la plus grande admiration une douce, puissante prière comme je n’en avais jamais entendu. Les premières visites que je dus faire après les précédentes furent auprès d’un arien et d’une famille catholique. Dans aucun de ces cas, excepté le dernier, je n’ai vu la crise physique devenue aujourd’hui si commune. Après mon retour d’une absence de deux jours, je retrouvai la ville dans la plus vive agitation. Plusieurs familles ne s’étaient pas couchées depuis deux ou trois jours. En passant dans la rue, on entendait d’un côté ou d’un autre, jour et nuit, s’élever d’une douzaine de maisons le cri : miséricorde de la part des « convaincus, » ou de douces prières de la part des chrétiens venus pour les consoler. Les affaires journalières étaient suspendues. Dans quelques rues on voyait trois ou quatre groupes de personnes, soit devant la porte, soit à l’intérieur, tout à la fois occupées de prières, de chants, d’actions de grâce. Des réunions publiques de prières se formèrent de toute part, à la ville, à la campagne, le jour, la nuit, dans les églises, dans les écoles, et bon nombre en étaient dirigées par des laïques ; les nouveaux convertis y prenaient souvent la parole, et tout cela au milieu des presbytériens, des épiscopaux et des méthodistes. Des curieux, venus d’Angleterre, d’Irlande, d’Ecosse, parcouraient nos rues et nos carrefours. Pasteurs, missionnaires, maîtres d’école, hommes d’affaires, froids questionneurs, étaient venus pour être témoins de ce spectacle merveilleux. Un de ces examinateurs sur vingt s’en retournait en apparence calme, sceptique, embarrassé. Bon nombre emportaient l’étincelle divine qui devait allumer le feu dans leur propre localité ; et aujourd’hui l’œuvre s’étend dans les paroisses do Broughshane, Ballymoney, Colleraine, Magherafelt, Cookstown, etc., etc.

Ici M. le révérend Moore ramène ses pensées uniquement sur sa paroisse et caractérise comme suit le réveil qui s’y accomplit.

1. Sentiment du péché. L’âme se reconnaît coupable et perdue. Le péché se fait sentir comme un pesant fardeau qui oppresse le cœur. Quelques-uns des convaincus se reprochent certaines fautes particulières, mais la plupart, le péché en général. Chez presque tous, cette disposition produit une terreur profonde et comme la vue d’une éternelle condamnation. Chez les chrétiens languissants, se réveille un vif sentiment de leur indignité, de leur ingratitude, de leur incrédulité. Les « convaincus » de péché sont de tous les âges, de cinq ans à soixante-dix ; mais la grande majorité se compose de jeunes gens. Quelques-uns sont frappés de nouveau, bien qu’ils ne fussent pas retournés à leur première conduite, mais peut-être pour fortifier l’œuvre commencée en eux. Chez d’autres, il y a une alternative de rechute et de relèvement qui se termine quelquefois en mal, mais le plus souvent pour le bien.

2. La crise physique. La personne qui la traverse ne peut ni se tenir debout, ni rester assise ; elle tombe à genoux ou se couche. Souvent la chute est soudaine et accompagnée d’un cri d’horreur. Le plus grand nombre s’écrie : « Seigneur Jésus, aie pitié de mon âme ! » Tout le corps tremble comme une feuille, un poids intolérable oppresse le cœur, et le soulagement ne vient qu’après d’ardentes prières. En général le malaise physique et moral dure aussi longtemps que le patient n’a pas encore mis quelque confiance en Christ. Alors le regard, la voix, les gestes changent subitement. L’angoisse et le désespoir font place à la gratitude, au triomphe, à l’adoration. Une sueur couvre le corps. Quelques personnes passent plus d’une fois par cette crise. D’autres restent plusieurs jours sans manger ni dormir, bien que leurs yeux soient fermés. J’ai vu une jeune fille rester muette tout un jour. Mais les symptômes de cette crise sont trop divers pour être ici tous dépeints.

3. L’état mental. Le changement produit ne se borne pas à une vue plus claire de ce que le péché a de hideux et l’Evangile de beau, c’est de plus une revivification étonnante de la mémoire et de l’imagination. Des fautes depuis longtemps oubliées reviennent au souvenir avec vivacité ; l’instruction religieuse reçue jadis, les passages bibliques appris dans la jeunesse ou simplement entendus accidentellement se représentent avec une force, une exactitude, une abondance merveilleuses. Citer la dixième partie de ces passages avant l’impulsion divine ou même deux ou trois jours après, serait chose impossible pour ceux qui en sont les objets. J’ai vu des misérables créatures sans instruction aucune, incapables de dire seulement qui était Jésus, d’articuler un seul mot sur les conditions du salut, les promesses de l’Evangile, venir à la connaissance du Sauveur comme par intuition et lui rappeler ses promesses avec une humble, douce et confiante familiarité. Chez d’autres j’ai vu un sourire vraiment angélique tel que jamais les choses terrestres ne pourront en produire. Les mains s’élèvent souvent comme pour appeler leur bien-aimé Sauveur et se referment comme pour le serrer sur leur sein. « Mon doux Jésus, mon bien-aimé, je suis à toi et toi à moi, » etc., telles sont les paroles qui ordinairement s’échappent de leurs lèvres. Il y a parfois dans la contenance, dans la posture de la tête, des mains, une grâce parfaite, même chez les personnes sans éducation, dont on ne saurait se faire une juste idée. Ces joies sont par moment interrompues ; le corps prend alors une contenance irritée ; les mains s’agitent avec rapidité comme pour repousser une puissance hostile : on entend des mots tels que ceux-ci : Non, non, je ne veux pas, je ne veux pas, retire-toi, retire-toi. Parfois cette lutte est terrible ; le corps et l’esprit sont agonisants, et quand arrive la délivrance, c’est un triomphe dans l’extase.

4. Jésus est puissamment glorifié. Ceux qui trouvent ainsi la paix en Christ l’aiment les uns tendrement, les autres avec une puissante énergie. L’état de quelques-uns tient du ravissement. J’ai vu une mère à genoux, les yeux levés, les mains jointes ; elle souriait souvent, mais pendant une heure elle ne parla pas. Un de ses enfants, âgé de deux ans, entra dans la chambre ; en voyant sa mère il poussa un cri perçant ; le regard de celle-ci était brillant, les muscles de sa figure immobiles ; elle restait là, comme une statue, absorbée dans l’objet de son adoration. Quel qu’ait été le converti, catholique, arien, incrédule, son premier cri est toujours : « Seigneur Jésus, aie pitié de mon âme. »

5. Les nouveaux convertis éprouvent et manifestent les uns pour les autres un puissant amour. Il semble qu’ils ne puissent être heureux sans la société l’un de l’autre ; aussi pendant une ou deux semaines on les trouve réunis entre eux dans les maisons, et le jour et la nuit, chantant et priant, et dans les réunions publiques, quand ils le peuvent, ils se tiennent encore ensemble. J’ai vu des mères chrétiennes embrassant leurs fils nouvellement convertis, des sœurs leurs frères, des mondains leurs anciens compagnons de plaisir avec l’inexprimable puissance d’un saint amour. Sortant de leur agonie et se retrouvant unis en Jésus, combien ils s’aiment l’un et l’autre.

6. Une tendre compassion pour les inconvertis. Christ a pleuré sur Jérusalem. De même ces jeunes chrétiens, dans la chaleur de leur premier amour, supplient, les yeux mouillés de larmes, les pécheurs de venir à Jésus, et lorsqu’une de ces pauvres créatures pécheresses, perdues, ouvre les yeux sur son véritable état et crie miséricorde, alors la joie brille dans les regards des premiers qui se mettent à prier pour le pardon et le salut de celui qui vient d’être frappé ; et quand la paix semble obtenue, c’est une joie triomphante : « Nous avons un nouveau frère, nous avons une nouvelle sœur ! » J’ai souvent remarqué que lorsqu’ils avaient trouvé la paix pour eux-mêmes, ils se mettaient à prier avec instance pour les pauvres pécheurs ; plus d’une fois j’ai dû faire éloigner de jeunes personnes des meetings pour éviter la confusion. Au milieu de leurs prières silencieuses dans les bancs, elles se levaient tout à coup, des larmes abondantes coulaient de leurs yeux, et, comme s’il s’agissait de vie ou de mort, elles pressaient les pécheurs de venir à Jésus, et Dieu de leur envoyer son Saint-Esprit. Impossible d’arrêter ces élans.

7. Grand amour pour la Parole de Dieu. Bon nombre des convertis ne savent par lire. Une jeune fille de seize ans fut réveillée par la prédication de l’Evangile dans nos rues ; sa mère n’avait que cette enfant qui, peu de temps après sa conversion, fut atteinte de phtisie. Elle resta trois mois dans son lit et mourut. Pendant ce temps-là elle enseigna à lire à sa mère. On peut entendre à Ballymena de porte en porte des personnes de cinq à soixante ans épelant dans leur abécédaire, d’autres écoutant la lecture de la Bible faite par leurs voisins, et le soir, quand le travail est fini, de jeunes nouveaux convertis enseignant à lire à quelques pauvres gens. Je viens d’apprendre qu’un jeune garçon catholique, battu par ses parents pour avoir fréquenté les réunions évangéliques défendues par les prêtres et ne sachant pas lire lui-même, a acheté un Nouveau-Testament et l’a donné à un vieillard son voisin pour qu’il voulût bien lui en faire la lecture. Les nouveaux convertis portent constamment leur Bible avec eux dans les églises, dans les champs, dans les rues. Dans une des Ecoles du dimanche, le nombre des moniteurs et des écoliers a doublé en quelques semaines et dans d’autres a considérablement augmenté ; deux fois par semaine les maîtres y enseignent à lire, et, dans les rues les plus misérables, se forment des réunions des adultes qui ne peuvent pas se rendre aux écoles publiques.

8. Services religieux publics et particuliers, suivis avec ardeur. Dans ce moment, le dimanche, nos églises sont pleines. Les services en plein air sont suivis par des milliers, bien qu’il y en ait plusieurs sur des points rapprochés. Notre réunion de prières en temps ordinaire était suivie par cinquante personnes ; dans le mois dernier, au contraire, bien que tenue jusqu’à sept fois par semaine, cette réunion avait vingt fois plus d’auditeurs. Un soir nous eûmes d’abord un service de trois heures et demie. Je prononçai la bénédiction pour congédier l’assemblée, mais presque tous gardèrent leurs places ; une demi-heure après nous commençâmes à prier et à chanter ; je prononçai de nouveau la bénédiction pour congédier les auditeurs ; mais non, presque tous restèrent encore. Après m’être occupé un certain temps de quelques personnes en particulier, espérant qu’une troisième tentative serait plus heureuse, je me mis à prier pour une pauvre jeune fille qui me semblait terriblement tourmentée ; quelle ferveur se manifesta alors, tous priaient, grand nombre pleuraient. Après un chant, déjà sur le matin, je prononçai la bénédiction et me retirai ; cependant bon nombre restèrent toujours. Il y a peu de mois des cris de colère, des malédictions, des blasphèmes résonnaient le long de nos routes au retour du marché. Maintenant les chants qu’on peut entendre le soir dans la rue sont ceux des hymnes entonnées par les personnes qui reviennent des réunions de prière. Un jour de la semaine dernière, j’ai présidé trois assemblées différentes à la campagne. Un jour de la semaine précédente, j’avais visité huit familles sur un mille d’étendue. Tous les membres disponibles me suivaient d’une maison à l’autre, et les travailleurs dans les champs se joignaient à nous au passage.

9. Horreur du péché chez les nouveaux convertis. Quel changement profond et rapide ! Telle personne qui la semaine dernière, hier encore, se plongeait avec délices dans l’iniquité, aujourd’hui s’en éloigne avec horreur ! Et combien il est vrai que les choses vieilles ont été faites nouvelles ! J’ai vu des convertis retomber dans une tristesse presque aussi grande que celle où ils étaient au premier jour de leur réveil, par une simple rechute de leur part, ou même par la vue d’une faute commise par un autre. Alors ils gémissaient et pleuraient pendant des heures, non par la crainte de la condamnation, mais parle regret que Jésus eût été offensé. Ils savaient que Jésus les pardonnait ; mais ils ne pouvaient se pardonner eux-mêmes.

10. Pardon des offenses. Le précepte d’aimer ses ennemis est maintenant suivi avec bonheur, et les injures joyeusement pardonnées par ceux qui se sentent eux-mêmes pardonnés par le Seigneur. Voilà un robuste jeune homme qui a reconnu que Jésus s’est chargé de ses péchés ; il ne donne aucune attention aux amis, aux parents qui l’entourent. Mais son ennemi survient, lui se lève et court se jeter dans ses bras et lui offre une cordiale réconciliation. Le sentiment est réciproque, car cet ami est venu le voir précisément parce que Jésus, en le pardonnant, a emporté l’inimitié qu’il ressentait pour son adversaire. Un autre dont les offres de réconciliation avaient été repoussées, et que ses ennemis continuaient à insulter et à calomnier, me disait dernièrement : « J’avais l’habitude de rendre injure pour injure, coup pour coup, et de me plaindre à mes voisins. Aujourd’hui, grâces à Dieu, je sais me contenir (ce qui n’était facile il y a quelques semaines) et je vais déposer le tout dans le sein "de mon Seigneur qui me donne sa paix. »

11. Puissance de la prière. Quelques-uns pendant un certain temps ne peuvent pas prier. Leur désespoir, leurs angoisses sont inimaginables. « Je suis perdu, je suis perdu ! Je ne puis pas prier. Je lui résiste, je ne veux pas aller à lui, je suis perdu, perdu ! » Et quand l’esprit de prière s’est fait jour : « Mon Dieu, aie pitié de moi, pécheur ! » C’est un grand soulagement, bien que le fardeau du péché se fasse encore sentir. Une ferveur extraordinaire caractérise leurs prières. Quand ils ne sont encore que « convaincus » de leurs péchés, c’est une lutte où il semble y aller de la vie ou de la mort ; quand ils sont convertis, c’est une abondance d’actions de grâces et d’adoration pour leur bien-aimé Jésus. Quelques-uns sont doués d’une admirable facilité de s’exprimer. C’est une douce et respectueuse familiarité. C’est une poésie, une justesse d’expressions, une sublimité de pensées inconcevables pour ceux qui n’en ont pas été témoins. Je suis resté par fois confondu, humilié en face de ces suppliants. De telles prières sont au-dessus de la jouissance de l’esprit humain dans son état ordinaire, et même ceux qui les font, ne les font telles qu’une seule fois dans leur vie ou du moins que dans de bien rares occasions. Quand quelques semaines, quelques mois se sont écoulés, ces mêmes personnes affermies dans leur confiance en Christ, ne prient pas mieux que les autres chrétiens.

La fréquence caractérise aussi les prières des nouveaux convertis. Quelques-uns prient à la lettre, constamment à la maison, dans la rue, dans la solitude, en société. D’autres s’éveillent dans la nuit, baignés de larmes et au milieu d’une ardente prière.

12. Emploi des laïques. Il a été abondamment béni dans ce réveil ; depuis le noble et le riche jusqu’au simple manœuvre, tous ont prêté leur concours. Nos convertis ont présidé des meetings, prononcé des discours dans les églises, les écoles, les maisons, les rues et les champs. J’en ai entendu parler de un à trois chaque soir pendant le dernier mois ; tous on présenté de saines doctrines, et je n’ai eu que deux fois l’occasion d’ajouter un mot d’explication sur des points secondaires. Dans mon église, ces simples évangélistes prennent place sur la même estrade où se trouvent les ministres des deux églises établies. L’activité des laïques dans l’œuvre de Dieu s’étend en Amérique, en France, dans le Nord de l’Europe. Ne sont-ce pas des laïques qui, après la persécution de Jérusalem, portèrent l’Evangile de toutes parts ? les méthodistes n’ont-ils pas des agents divers ? Rome n’a-t-elle pas ses papes et ses cardinaux pour les hautes classes ; ses évêques, ses curés pour les classes moyennes ; ses moines et ses nonnes pour les pauvres ?

13. Ce réveil religieux a ses adversaires. Une discussion a été commencée dans les journaux pour le décrier. On trouve sur les murs, dans notre ville, des affiches annonçant des remèdes pour les maladies nerveuses ; on y offre un traitement secret par tel docteur, à certain jour, dans tel cabaret tenu par un catholique-romain. Un autre placard porte : « conviction, convulsions, épilepsie, folie ! » L’eau bénite, me dit-on, se vend à haut prix et on en fait grand usage aussi bien que de l’eau-de-vie et du laudanum. J’apprends par un catholique qu’un prêtre romain a déclaré que tous les membres de son troupeau qui avaient participé à ce réveil avaient dû cesser tout rapport avec lui.

14. Ce réveil démontre clairement la souveraineté de la grâce de Dieu. Voici un jeune homme qui déclare avoir servi le diable aussi bien qu’il a pu jusqu’à la semaine dernière. En voici un autre qui prie le contre-maître de faire arrêter les machines et de rassembler les ouvriers pour dix minutes, afin qu’il puisse leur montrer avec quelle énergie il sait blasphémer le nom de Jésus. Comment se fait-il que ces deux hommes soient saisis par l’Esprit Saint et deviennent de puissants soldats de Christ, tandis qu’une foule de leurs compagnons, hommes rangés mais incrédules, restent en dehors de l’Evangile ? Comment cet homme au corps athlétique, à la contenance orgueilleuse et méprisante, traitant le réveil de fanatisme, a-t-il pu être contraint, en revenant d’une réunion de prières, à tomber à genoux dans la rue pour implorer la miséricorde de Dieu, tandis que son aimable et délicat voisin est resté insensible et froid, lui qui, cependant, eût désiré être gagné ? Comment se fait-il que tel homme qui prie et blasphème tour à tour en revenant du marché, tantôt poussé à se mettre en prière, tantôt résistant à cette impulsion par des jurements d’ivrogne, soit le lendemain matin, à son réveil, si soumis aux influences du Saint-Esprit ? Il n’y a que la souveraineté de la grâce de Dieu qui puisse rendre compte de ces merveilleux effets.

15. Heureux résultats. On peut les résumer dans ce passage pris au sens moral : les aveugles voient, les impotents marchent, les impurs sont nettoyés, les sourds entendent, les morts vivent et l’Evangile est annoncé chaque jour de la semaine à des milliers de pauvres en richesse, en intelligence et en sainteté. Les ignorants, jeunes ou vieux, sont devenus dociles, ils apprennent à lire pour étudier la Parole de Dieu ; les querelleurs sont devenus calmes ; les ennemis s’aiment ; les jureurs bénissent le nom de Dieu ; les violateurs du sabbat le respectent ; les impurs ont abandonné leurs impuretés ; les ivrognes sont devenus sobres, malgré les tentations sans cesse répétées. Plusieurs débits de boissons ont été fermés ; les Ecoles du dimanche, les réunions de prière, les lieux de culte débordent d’auditeurs ; les pasteurs, les maîtres, les parents sont ranimés dans leur zèle ; plus aimants, plus actifs ; les bons livres sont demandés de toutes parts ; les sacrifices pour la cause de Christ sont plus abondants ; des catholiques et des unitaires ont pris la Bible comme seul guide et sont venus à Jésus comme leur divin Sauveur. La vie de milliers d’hommes changés dans cette ville et dans les environs témoigne de la vérité de ce que nous attestons ici. Qu’on parle d’excitation, de maladies nerveuses, d’épidémie ; nous laisserons dire et nous opposerons toujours, comme preuve, que c’est bien ici l’œuvre de Dieu : une conduite sainte et pure, non d’une heure ou d’un jour, mais de plusieurs mois et de plus d’une année.

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