Théologie Systématique – IV. De l’Église

II
Du Baptême

1. Origine, sens et durée de l’institution

Lustrations dans presque tous les cultes ; Ablutions juives ; Baptême des prosélytes ; Baptême de Jean. — Le baptême chrétien cérémonie d’initiation et symbole de régénération. — Baptême d’« eau » et baptême d’« Esprit ». — Rapport avec la circoncision. — Est-il une institution perpétuelle ? Les Sociniens et les Quakers l’ont nié ou mis en question.

Les lustrations existaient dans presque tous les anciens cultes et formaient une des cérémonies d’initiation à la plupart des mystères, la purification extérieure étant un emblème naturel de la purification intérieure exigée par la Divinité et promise par les néophytes. La loi mosaïque prescrivait des ablutions nombreuses (Exode 19.10,14 ; 29.4 ; Lévitique 15.5-6 ; Nombres 31.23-24 ; 2 Rois.5.14 ; Jean 2.6). Les grâces évangéliques sont souvent annoncées sous l’image d’eaux pures et vivifiantes (Ézéchiel 36.25 ; Ésaïe 44.3 ; Zacharie 13.1 ; Jean 7.37-38). Déjà avant le Christianisme, le baptême était usité chez les Juifs. Ils baptisaient leurs prosélytes, comme les Esséniens leurs disciples.

Jean baptisait, de la part de Dieu, (Jean 1.33 ; Matthieu 3.14 ; 21.25 ; Marc 11.29 ; Luc 7.29) ceux qui venaient à lui pour les prédisposer au Royaume des Cieux, dont il annonçait l’approche (Actes 19.4). Jésus se présenta lui-même au baptême de Jean (Matthieu 3.13-17 ; etc.), et il le remplaça ensuite par le baptême chrétien.

On ne connaît pas l’époque précise où il l’institua, mais tout indique qu’il le fit dès les premiers temps de son ministère (Jean 3.26 ; 4.1) ; et il en donna ou renouvela le précepte avant de monter au Ciel (Marc 16.16). (Il n’est pas dit que les apôtres, à l’exception de saint Paul, aient été baptisés).

Nous trouvons dans le Nouveau Testament deux formules du baptême, l’une complète : « … baptisait au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. » (Matthieu 28.19), l’autre abrégée : « … ils furent baptisés au nom du Seigneur Jésus. » (Actes 19.5), qui est au fond la même, car être baptisé en Christ ou au nom de Christ, c’est admettre par le fait toute la doctrine, évangélique.

Les Pères parlent de cinq baptêmes : 1° le baptême d’eau ; 2° d’Esprit ; 3° de sang (ou le martyre) (Matthieu 20.22) ; 4° de lumière (Apollos qui connaissait et prêchait l’Évangile, sans avoir reçu le baptême chrétien (Actes 18.25) ; 5° de larmes (la pénitence).

Le baptême est : 1° une cérémonie d’initiation au Christianisme (Matthieu 28.19 : « Faites des disciples de tous les peuples (μαθητεύσατε, Matthieu 27.57, où il est dit que Joseph d’Arimathée était aussi disciple de Jésus, ὃς καὶ αὐτὸς ἐμαθήτευσεν τῷ Ἰησοῦ, et Actes 14.21, où, pour annoncer que Paul et Barnabas avaient fait beaucoup de disciples à Derbe, l’historien sacré se sert de cette expression : καί μαθητεύσαντες ἱκανούς. Ce verbe n’est pas employé ailleurs dans le Nouveau Testament. La traduction ordinaire de Matthieu 28.19 : « Instruisez toutes les nations, etc. », ne rend donc pas exactement le grec. Le terme qui exprimerait le mieux la pensée du texte est celui de « convertissez », dans l’acception extérieure que lui a faite le langage actuel.), les baptisant, etc. » ; Marc 16.15.16 ; Jean 4.1 ; Actes 2.41 ; 8.12, 36 ; 16.15, 33 ; 1 Corinthiens 12.13), emportant une profession de foi et de consécration à Dieu ou à Jésus-Christ, comme l’indique la proposition ἐις, ἐις τὸ ὄνομα τοῦ Πατρὸς, καὶ, etc. (Matthieu 28.19) ; εἰς τὸ ὅνομα τοῦ Κυρίου Ἰησοῦ (Actes 19.5) ; εἰς Χριστον, (Romains 6.3-10) et la déclaration de saint Paul, Galates 3.27 : « Vous tous, qui avez été baptisés, vous avez été revêtus de Christ » ; ainsi que celle de saint Pierre, 1 Pierre 3.21. Le baptême est : 2° un symbole de la régénération évangélique (Jean 3.5-6 ; Romains 6.3, 6 ; Colossiens 2.12 ; Hébreux 10.22 ; 1Jean 5.6). C’était aussi le double sens de la circoncision. Elle était la marque du Mosaïsme, et, de plus, un emblème de la purification du cœur (Deutéronome 30.6 ; Jérémie 4.4 ; Romains 2.28-29) et un sceau de la justification par la foi (Romains 4.11). Aussi saint Paul la confond-il avec le baptême (Colossiens 2.11-13), se servant également des deux rites pour représenter la destruction du vieil homme et la formation de l’homme nouveau en Jésus-Christ.

Il faut distinguer dans le baptême, comme en tout sacrement, le signe et la chose signifiée, l’emblème de la grâce et la grâce elle-même, en d’autres termes le baptême extérieur et le baptême intérieur, ou le baptême d’eau et le baptême d’Esprit. L’un nous fait membres de l’Église visible et nous place à la source des grâces évangéliques, qu’il ouvre en quelque sorte devant nous ; l’autre nous fait membres de l’Église invisible et nous confère ces grâces, dont le premier n’est que le signe et le gage ; l’un nous rend chrétiens devant les hommes, l’autre devant Dieu. Ils peuvent être l’un sans l’autre ; on peut avoir reçu le baptême d’Esprit sans le baptême d’eau, et vice versa.

Le baptême est-il une institution perpétuelle ? — C’est l’opinion commune. L’Église l’a toujours cru et enseigné. On l’a pourtant plus ou moins contesté presque à toutes les époques.

Dans les premiers siècles, quelques gnostiques rejetèrent sur ce point la croyance et la pratique générale (Irénée, Théodoret, Tertullien). Ainsi firent, au ive siècle, les Massaliens ; dans le Moyen Age, les Cathares ; quelques personnes à la Réformation ; et depuis lors les Quakers, de même que des théologiens isolés et quelques petites communautés religieuses qu’on a désignées sous le nom d’antibaptistes (en Irlande particulièrement).

Ces adversaires du baptême se divisent en deux classes ; ils arrivent à une conclusion semblable en partant de principes opposés, chaque parti exagérant l’un des caractères du rite chrétien (interne, externe) au point d’anéantir l’autre.

Les premiers, ceux qui partent de l’externe, disent que le baptême étant simplement une cérémonie destinée à marquer le passage du judaïsme ou du paganisme à la religion de l’Évangile, il cesse naturellement à mesure que le Christianisme s’empare du monde ; signe et sceau du prosélytisme, il n’a plus son sens primitif si on l’applique à des personnes nées et élevées dans l’Église, il ne devrait aujourd’hui être pratiqué que par les missionnaires. — La plupart des sociniens, des rationalistes, des unitaires ont plus ou moins professé cette opinion ; ils ne conservent le rite baptismal que parce qu’il est établi, et par respect pour l’usage.

« Ils l’aboliraient facilement dans les familles chrétiennes, dit Priestley, mais comme c’est un acte tout à fait indifférent, ils ne pensent pas qu’il y ait des raisons suffisantes pour abandonner l’ancienne coutume. ». Cette opinion est parfaitement logique chez eux ; car si le baptême n’est qu’un acte symbolique d’adhésion au Christianisme et de profession extérieure, il devient inutile, et doit tomber, par conséquent, là où tout le monde étant censé chrétien personne n’a besoin de déclarer qu’il l’est. — Mais, pour naître dans une contrée ou dans une Église chrétienne, on ne naît pas chrétien, au sens propre du mot. Le baptême n’est pas seulement une cérémonie d’initiation, il est encore l’emblème de la régénération, le sceau des promesses et des grâces évangéliques ; il symbolise et la conversion extérieure qui ouvre l’Église visible, et la conversion intérieure, le renouvellement du cœur qui ouvre l’Église invisible en formant au dedans de nous le Royaume de Dieu ; sous ce rapport, il est aujourd’hui et il sera toujours ce qu’il fut au commencement. Il conserve sa place et sa valeur, parce qu’il conserve sa signification intime. On ne met en question sa perpétuité que parce qu’on se méprend sur sa pleine destination, méconnaissant un de ses caractères et de ses buts essentiels.

La seconde classe d’antibaptistes comprend ceux qui, dans leur opposition au formalisme, cette lèpre des Églises, ont poussé le principe de la spiritualité jusqu’à renverser plus ou moins les observances religieuses, les pratiques du culte et les moyens extérieurs de grâce. Tels furent autrefois les Massaliens, les Cathares, etc., chez les catholiques ; tels sont aujourd’hui les Quakers chez les protestants, et, chez les grecs, les Duhobortsi, vrais Quakers de l’Église Russea. Ce n’est pas seulement le baptême que rejettent ces ultra-spiritualistes chrétiens, c’est aussi la Sainte Cène et presque toutes les ordonnances et les formes ecclésiastiques. Ils disent qu’en attachant au rite extérieur une sorte de sainteté, en le considérant comme un canal ou comme un gage de la grâce, en le rendant obligatoire et perpétuel, on méconnaît le vrai caractère du Christianisme, et l’on ramène la loi cérémonielle ; suivant eux, le seul baptême réel et perpétuel est le baptême du Saint-Esprit, dont le baptême d’eau fut pour un temps le garant et le symbole. Ils font remarquer que, d’après saint Pierre (1 Pierre 3.21), la purification du corps n’est rien et que la purification de l’âme est tout. Ils rappellent que, selon saint Paul (Éphésiens 4.5), il n’y a qu’un seul baptême, comme il n’y a qu’un seul Seigneur et une seule foi, et ils soutiennent que ce ne peut être que le baptême intérieur, dans lequel nous mourons avec Christ pour renaître avec lui à une vie nouvelle. Ils ajoutent que Jean-Baptiste annonce (Matthieu 3.11) que le baptême d’eau cesserait quand viendrait le baptême d’Esprit, ou le vrai baptême chrétien. Ils insistent sur ce que l’auteur de l’Epître aux Hébreux place les baptêmes parmi les ordonnances charnelles qui devaient prendre fin, etc. (Hébreux 9.10)b.

aDict. of all religions. — Vie de W. Allen

b – Voy. Barcklay, Apol. — Toutes les tendances spiritualistes ou mystiques accusent celles qui le sont moins de légalisme et de judaïsme. — Cette accusation est dirigée en bien des sens par ta théologie actuelle contre l’ancienne dogmatique.

Ce dernier passage est évidemment relatif aux ablutions ou purifications mosaïques. Le contexte le prouve et l’emploi du pluriel (βαπτισμοι), ne permet pas non plus d’en douter. On ne peut supposer que saint Paul ait rangé le baptême, institué par Jésus-Christ, qu’il avait reçu, qu’il administrait, parmi ces ordonnances et ces pratiques charnelles et temporaires dont il parle là ; il le représente au contraire, dans son enseignement général, comme partie essentielle de l’économie évangélique, il réunit le baptême extérieur au baptême intérieur et fait de l’un le signe et le gage de l’autre, à l’exemple du Seigneur (Jean 3.5). Dans l’Epître aux Hébreux elle-même (Jean 10.22-23), il fait une allusion manifeste au baptême en l’opposant aux cérémonies légales : Ayant les cœurs purifiés d’une mauvaise conscience, et le corps lavé d’eau pure. » Les termes « ραντισμένοι » et « λελουμένοι » étaient affectés au service lévitique ; ils désignaient, l’un la purification par le sang, l’autre la purification par l’eau. Les Juifs étaient nettoyés des souillures légales par l’aspersion du sang des victimes et ils pouvaient se présenter alors devant Dieu ; les chrétiens participent à l’aspersion du sang de Christ (εἰς ὑπακοὴν καὶ ῥαντισμὸν αἵματος Ἰησοῦ χριστοῦ) (1 Pierre 1.2) et ils sont faits ainsi sacrificateurs de Dieu le Père (Apocalypse 1.6). Les Juifs se préparaient par des ablutions à entrer dans le Temple ou dans le Tabernacle, les chrétiens ont reçu le baptême pour être introduits dans l’Église. L’allusion est manifeste, et comme ces pratiques juives durèrent autant que l’économie ancienne, dont elles étaient une des lois constitutives, les pratiques chrétiennes doivent, ce semble, par analogie, durer autant que l’économie nouvelle. C’est bien le sens de ce passage et la doctrine générale de saint Paul (Voy. Romains 6.3 ; 1 Corinthiens 12.13 ; Galates 3.27 ; Colossiens 2.12). — 1 Pierre 3.21 suppose l’observance du baptême et veut prévenir les fausses idées qu’on pouvait attacher, ou qu’on attachait peut-être déjà à l’acte extérieur. — Matthieu 3.11 annonce seulement la grande différence du baptême de Jean et de celui de Christ. Loin d’avoir aboli le baptême d’eau, Jésus-Christ l’a pratiqué (Jean 4.1) et ordonné (Matthieu 28.19). Le principe sur lequel on argumente ici contre la croyance et la coutume universelle est si peu fondé, que nous voyons saint Pierre baptiser Corneille et sa famille, en suite et à cause de l’effusion du Saint Esprit sur eux (Actes 10.48). Nous ne devons pas spiritualiser le Christianisme plus que ne l’ont fait, Jésus-Christ et les apôtres.

En somme, rien n’indique dans le Nouveau Testament que le baptême ne dût être qu’une institution temporaire ; tout conduit au contraire à la considérer comme perpétuelle, et les premiers disciples, dépositaires de la pensée des fondateurs de l’Église, l’entendirent ainsi ; tous les monuments historiques démontrent qu’on baptisa dès les premiers temps les personnes nées de parents chrétiens, aussi bien que les prosélytes.

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