Le repos éternel des Saints

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Importance d’une vie sainte pendant que nous sommes sur la terre

S’il y a un tel repos en réserve pour nous, pourquoi n’est-il pas plus fréquemment l’objet de nos pensées ? pourquoi nos cœurs ne sont-ils pas sans cesse tournés vers lui ? pourquoi n’est-il pas le sujet de nos méditations continuelles ? Quelle est la cause de cette négligence ? sommes-nous raisonnables ou non ?

Si le Dieu éternel nous a réservé une telle gloire, et s’il nous a promis de nous faire habiter avec lui, cela ne vaut-il pas la peine d’y songer ? Si Dieu ne doit pas nous permettre à la fin d’approcher de cette lumière, que signifient toutes ses invitations si pressantes ; pourquoi condamne-t-il ainsi notre attachement à la terre et nous commande-t-il : Affectionnez-vous aux choses qui sont en-haut ? Ah ! cœurs avilis ! si Dieu nous le défendait, sans doute que nous y aurions plus de penchant. Nous ressemblons aux Israélites, nos coupables devanciers : quand Dieu leur ordonne de se rendre au pays de Canaan, ils se révoltent et ne veulent pas bouger ; et quand il le leur défend, ils veulent se mettre en marche. Dieu nous dit : « N’aimez point le monde ni les choses qui sont au monde, » et cependant nous les aimons à la folie. Nous pensons sans cesse à nos plaisirs, à nos amis, à nos travaux, à notre chair et à ses convoitises, à nos misères, à nos craintes, à nos souffrances ; mais où est le chrétien dont le cœur soit attaché à son repos ? Quoi donc, avons-nous tant de bonheur que nous n’en voulions pas davantage ? N’y a-t-il rien dans le ciel qui puisse nous inspirer de douces pensées ? ou plutôt nos cœurs ne sont-ils pas charnels et stupides ?

Je parle maintenant à ceux dont les espérances sont au ciel ; et qui m’empêchera de les engager à avoir des dispositions célestes ? Chrétiens ! si vous ne voulez point écouter et obéir, qui écoutera et qui obéira ? dans notre découragement, nous pouvons cesser d’exhorter un monde aveugle et impie ; nous pouvons dire comme Moïse : « Voici, les enfants d’Israël ne m’ont point écouté ; comment Pharaon m’écoutera-t-il ? » Je vous somme, lecteur, si vous espérez participer à cette gloire, de vous mettre à l’ouvrage avec ardeur. Réprimandez votre cœur de son éloignement volontaire pour Dieu ; détournez votre âme des vanités qu’elle poursuit ; appliquez-la à la recherche de l’éternité ; occupez-la de la vie à venir ; accoutumez-vous à ces méditations ; que ces pensées ne soient pas passagères, mais fréquentes et sérieuses ; rassasiez votre âme des délices du ciel. Et si votre cœur commence à se relâcher, si vos pensées commencent à divaguer, rappelez-les, ramenez-les à leur tâche, ne leur pardonnez pas leur nonchalance, ne souffrez pas leur négligence. Et lorsque soumis aux ordres de Dieu vous aurez entrepris cette œuvre ; lorsque vous vous serez familiarisé avec elle ; lorsqu’en veillant soigneusement sur vos pensées, vous les aurez accoutumées à obéir à l’impulsion que vous voulez leur donner, oh ! alors vous vous trouverez aux portes du ciel : vous connaîtrez la douceur de cette œuvre et des voies de Dieu : vous saurez que la vie d’un chrétien est une vie de joie : vous rencontrerez en abondance ces consolations, objet de vos prières, de vos soupirs et de vos gémissements ; ces consolations qu’obtiennent si peu de chrétiens, parce qu’ils ne connaissent pas la voie qui y conduit, ou qu’ils ne se font pas un devoir d’y marcher. — Ne dites point : « Nous ne pouvons de nous-mêmes tourner nos cœurs vers le ciel : cela doit être l’œuvre de Dieu seul. » Quoique Dieu dispose souverainement de votre cœur, c’est vous qui en êtes le maître après lui. Sans Christ vous ne pouvez rien, mais avec lui vous pouvez faire beaucoup, et vous le devez : sinon, rien ne sera fait ou ce que vous ferez sera perdu, et vous-même vous vous perdrez par votre négligence.

Mais sentant qu’aussi longtemps qu’il nous reste encore des dispositions charnelles, qui sont une inimitié contre Dieu et contre l’œuvre de notre sanctification, tous les motifs ne nous sont que trop nécessaires, en voici quelques-uns qui doivent vous engager à remplir cet important devoir :

  1. L’accomplissement de ce devoir démontrera la sincérité de votre piété.
  2. C’est le moyen le plus sûr d’arriver à une vie de consolation et de bonheur.
  3. C’est la meilleure garantie contre les tentations.
  4. La pratique de ce devoir vivifiera vos grâces et stimulera vos bonnes œuvres.
  5. Elle vous consolera dans vos afflictions.
  6. Elle vous rendra utile aux autres.
  7. Elle honorera Dieu.
  8. Si vous négligez ce devoir, vous désobéirez aux commandements de Dieu, et vous perdrez les plus délicieuses révélations que nous offrent les Saintes-Écritures.
  9. Il est juste que vos cœurs soient avec Dieu qui a tant d’amour pour vous, et qu’ils soient tournés vers le ciel où sont vos plus chers intérêts.
  10. Le ciel est le seul bien qui soit digne de fixer vos cœurs.

1°. Un cœur toujours occupé du ciel sera une preuve évidente de la sincérité de votre piété, et un signe certain de l’opération de la grâce sanctifiante dans votre âme. Vous demandez souvent : Comment saurons-nous que nous sommes véritablement sanctifiés ? Jésus-Christ lui-même vous en indique une marque infaillible : « Où est votre trésor, là sera aussi votre cœur. » Dieu est le trésor et la félicité des Saints : le ciel est le lieu où ils jouiront le plus complètement de lui : en conséquence un cœur fixé au ciel est un cœur fixé en Dieu ; et, sans aucun doute, un cœur fixé en Dieu par Christ est la preuve la plus sûre de l’opération de la grâce sanctifiante. — La science n’est point un signe certain de la grâce ; les connaissances, les œuvres, les dons failliront ; les arguments de votre bouche et de votre plume peuvent être réfutés ; mais l’argument tiré du penchant de votre cœur prouve votre sincérité. Chrétien, si vous voulez avoir une preuve de vos droits à la gloire, efforcez-vous de fixer votre cœur en haut. Si le péché et Satan ne peuvent pas détacher vos affections du ciel, ils ne pourront jamais vous en éloigner vous-même.

2°. Avoir un cœur habituellement occupé des choses du ciel, c’est avoir trouvé le moyen le plus sûr pour arriver à une vie de consolation et de bonheur ici-bas. — Les contrées septentrionales sont froides et glacées parce qu’elles sont éloignées du soleil. La plupart des chrétiens ne sont si froids et si malheureux que parce qu’ils vivent loin du ciel. Si nous voulions essayer de vivre avec Dieu et de fixer nos cœurs en haut, quelle source de joie aurions-nous en nous-mêmes ! Si, comme le déclare David, la splendeur de la face de Dieu réjouit le cœur plus que le blé et le vin, sans doute ceux qui la contemplent de plus près doivent recevoir une mesure plus abondante de joie. A quoi devons-nous donc nous en prendre si nous sommes si pauvres de consolations, qu’à la négligence de nos cœurs ? Dieu nous destine une couronne de gloire ; il a promis de la placer bientôt sur nos têtes, et nous n’y pensons seulement pas. Il nous ordonne de la contempler et de nous réjouir, et nous ne la regardons seulement pas. Et cependant nous nous plaignons de manquer de consolations. C’est en croyant, et seulement en croyant, que nous sommes remplis de joie et de paix (Romains 15.13). C’est en espérant, et seulement en espérant que les saints se réjouissent.

Le Saint-Esprit nous console en nous encourageant à méditer sur les promesses, et en élevant nos pensées à la source de toutes les consolations. Mais il ne nous accorde pas ces joies tant que nous demeurons oisifs, ou que nous sommes occupés d’autre chose. Le Seigneur nous donne les fruits de la terre quand nous labourons, quand nous semons, quand nous sarclons, quand nous arrosons, quand nous engraissons la terre, quand nous taillons, et quand nous attendons patiemment sa bénédiction ; c’est de la même manière qu’il nous donne les joies de l’âme. Je vous en supplie, lecteur, si vous appréciez une vie de joie continuelle, et cette bonne conscience qui est une fête perpétuelle, mettez-vous sérieusement à l’œuvre, apprenez à vous former à un commerce céleste, et vous en recueillerez les fruits au centuple : vous reconnaîtrez que la récompense surpasse infiniment la peine. — Mais c’est ici la misère de la nature humaine : quoique tout le monde déteste naturellement le chagrin et aime une vie joyeuse, bien peu aiment la voie qui conduit à cette joie, et veulent se donner la peine nécessaire pour l’obtenir. Ils se contentent des plaisirs terrestres plutôt que d’aller en chercher au ciel : et cependant, au bout du compte, il faut qu’ils les tirent de là ou qu’ils s’en passent.

3°. Un cœur attaché au ciel est la meilleure garantie contre les tentations au péché. C’est là l’emploi le plus convenable de notre cœur. Quand nous sommes oisifs, nous invitons le démon à nous tenter. Si vous vous occupiez seulement des devoirs de votre vocation, vous ne seriez pas si disposé à céder aux tentations ; bien moins encore, si vous étiez occupé de Dieu. Un cœur attaché au ciel peut comme Néhémie répondre au tentateur : « Je suis occupé d’un grand travail, en sorte que je ne puis venir » : il n’a pas le temps de se livrer à la convoitise, à la frivolité, à l’ambition ou au monde. Un cœur qui vit dans le ciel est le plus dégagé de péché, parce qu’il a une perception plus juste et plus vive des choses spirituelles. Celui qui sent profondément l’horreur du péché, la vanité de la créature, la grossièreté des plaisirs de la chair et des sens, donne moins de prise aux tentations. La terre est le théâtre des tentations de Satan, et l’amorce ordinaire qu’il présente aux hommes ; mais comment se laisserait-il prendre à ces pièges, celui qui marche avec Dieu ? Les entretiens avec les hommes sages sont le moyen d’acquérir la sagesse ; les entretiens avec Dieu sont encore plus efficaces. Les mondains attachés à la terre ne connaissent que des entretiens terrestres : il n’est donc point étonnant que leur intelligence soit obscurcie et que Satan les tienne captifs à sa discrétion : il n’est point étonnant qu’ils n’estiment la piété que par ce qu’elle rapporte, qu’ils prennent le péché pour la grâce, leur propre volonté pour la loi de Christ, et à la fin l’enfer pour le ciel. Mais quand un Chrétien échappe à ses pensées mondaines et commence à s’entretenir avec Dieu, il est, comme Nabuchadnezzar, arraché aux bêtes sauvages, pour être conduit sur le trône ; et sa raison lui est rendue.

Un cœur tout occupé du ciel est encore fortifié contre les tentations, parce que ses affections sont entièrement absorbées par les jouissances ineffables d’un autre monde. C’est celui qui aime le plus, et non celui qui sait le plus, qui résiste le plus facilement aux sollicitations du péché. — Oh ! puissiez-vous vous nourrir fréquemment de la manne céleste et goûter les délices du ciel ! Comme cette nourriture fortifierait vos bonnes résolutions, et vous ferait mépriser les vanités du monde !

En outre, un homme dont le cœur est attaché au ciel est sous la protection de Dieu. Si Satan vous attaque, Dieu est engagé à vous défendre ; il se tiendra près de vous, et vous dira : « Ma grâce te suffit. » Quand un homme est sur la voie des bénédictions de Dieu, il est moins exposé aux séductions du péché — Au milieu de vos tentations, lecteur chrétien, usez de ce puissant secours : attachez-vous à Dieu d’un cœur pieux, entretenez toujours des rapports étroits avec Christ, et vous reconnaîtrez que cet appui est plus assuré que tout autre.

4°. En tenant votre cœur toujours tourné vers le ciel, vous sentirez augmenter la force de toutes vos grâces spirituelles, et vous vous animerez dans la pratique de tous vos devoirs. Un chrétien qui affectionne les choses d’en-haut est un Chrétien qui a de la vie. C’est notre éloignement du ciel qui nous rend si faibles et si pesants. Nous ne courons si lentement et nous ne luttons si mollement que parce que nous pensons peu au prix. Mettez-vous à l’œuvre avec ardeur et vous brillerez aux yeux des autres hommes d’un céleste éclat ; ils diront : « Certainement il a été avec Dieu sur la montagne. » Mais si, demeurant oisif, vous vous plaignez d’être mort et engourdi, de ne pouvoir aimer Christ, de ne pouvoir vous réjouir dans son amour, d’être sans vie dans vos prières et dans la pratique de vos devoirs, et si vous négligez cette œuvre vivifiante, vous êtes vous-même l’auteur de votre mal. Votre vie n’est-elle pas cachée avec Christ en Dieu ? Où devez-vous la chercher si ce n’est en Christ ? Mais vous ne voulez pas aller à Christ pour avoir la vie.

Si vous voulez avoir de la lumière et de la chaleur, pourquoi ne vous tenez-vous pas au soleil ? Faute d’avoir recours au ciel, votre âme est une lampe qui n’est pas allumée, et vos bonnes œuvres sont un sacrifice sans feu. Allez chaque jour chercher une étincelle à cet autel, et votre offrande sera consumée. Allumez votre lampe à cette flamme, puisez de l’huile à cette source abondante, et elle brillera d’un pur éclat. Tenez-vous près de ce feu vivifiant, vous verrez si vos affections ne deviendront pas plus ardentes. Tourmenté par la faiblesse de votre amour pour Dieu, levez au ciel les yeux de la foi, contemplez sa beauté, ses augustes perfections ; et sa bonté parfaite, sa douceur infinie raviveront votre cœur. Comme l’exercice entretient l’appétit, la force et la vigueur du corps, de même ces exercices pieux recroîtront la mesure de vos grâces et de votre vie spirituelle. De plus, le feu que vous tirez du ciel pour vos sacrifices n’est pas un feu artificiel on factice : le zèle qui s’enflamme par des méditations célestes est sans contredit un zèle céleste. Quelques hommes tirent leur ferveur de leurs livres, d’autres de la profondeur de leurs afflictions, d’autres des discours d’un ministre éloquent, d’autres du recueillement d’un auditoire ; mais celui qui connaît la voie du ciel et qui tire journellement sa ferveur de la véritable source, sentira son âme ranimée par ces eaux vivifiantes, et possédera ce zèle particulier aux saints. Ne dites point : « Comment des mortels peuvent-ils s’élever au ciel ? » La foi a des ailes, et la méditation lui fournit son char rapide. La foi est comme un miroir ardent destiné à embraser votre sacrifice ; la méditation le présente aux rayons brûlants du soleil ; laissez-les s’y concentrer pendant quelque temps, et votre âme en ressentira les heureux effets. Lecteur, quand vous voyez un chrétien plein de vie, quand vous entendez ses vives et ferventes prières, ses discours édifiants, ne dites-vous pas : « Que cet homme est heureux ! puisse mon âme jouir d’une telle félicité ! » Eh bien ! je vous le conseille au nom de Dieu ; mettez-vous avec ardeur à cette œuvre ; lavez-vous fréquemment dans le Jourdain, et votre âme purifiée de sa lèpre sortira de sa mort spirituelle : vous saurez qu’il y a un Dieu en Israël, et que vous pouvez vivre d’une vie active et heureuse, si vous ne négligez pas volontairement les grâces que Dieu vous accorde.

5°. Cette contemplation assidue et fidèle de la gloire est le baume le plus précieux dans toutes les afflictions. Ce baume, en ranimant nos esprits, rend nos souffrances moins amères, nous les fait supporter avec résignation et avec joie, et fortifie en nous la résolution de ne pas abandonner Christ. Sans ce léger avant-goût que j’ai eu du repos céleste, mes souffrances auraient été plus cruelles, et la mort m’aurait été plus redoutable. Je puis dire avec David : « N’eût été que j’ai cru que je verrai les biens de l’Éternel, c’était fait de moi. J’ai demandé une chose à l’Éternel et je la rechercherai : c’est que j’habite dans sa maison tous les jours de ma vie, pour contempler sa beauté et visiter son temple. Car il me cachera dans sa loge aux mauvais jours, il me tiendra caché dans le lieu secret de son tabernacle, et il m’élèvera comme sur un rocher. (Psaumes 27.13, 4-5)

Les souffrances ne sont rien tant que nous avons ces joies pour nous soutenir. Quand la persécution et la frayeur ont fait fermer les portes, Christ peut entrer et dire à ses disciples : « La paix soit avec vous. » Paul et Silas peuvent être au ciel, même lorsqu’ils sont plongés au fond d’une prison, le corps déchiré de coups et les pieds chargés de chaînes. Si le Fils de Dieu veut marcher avec nous, nous sommes en sûreté, même au milieu des flammes. Moïse regardait l’opprobre de Christ comme des richesses plus grandes que les trésors de l’Egypte, parce qu’il avait en vue la rémunération. « Et Jésus-Christ lui-même, le chef et le consommateur de notre foi, à cause de la joie qui lui était proposée, a souffert la croix, méprisant l’ignominie : et il s’est assis à la droite du trône de Dieu. » C’est là le précieux avantage de la foi : elle peut contempler en même temps la fin et les moyens.

La cause principale de notre impatience est que nous ne regardons que le mal sans songer à ce qui doit le suivre. Ceux qui ne voient Jésus-Christ que sur la croix et dans le tombeau, secouent tristement la tête et le croient perdu : mais Dieu le vit d’un seul coup d’œil mort, enseveli, ressuscité et glorifié. La foi imitera Dieu en cela tant qu’elle pourra s’aider du miroir de la promesse. Si nous pouvions apercevoir clairement le ciel comme la fin de toutes les dispensations de Dieu envers nous, aucune de ces dispensations ne nous paraîtrait si pénible. Nous reconnaîtrions que s’il y a une distance immense entre le ciel et le péché, il y en a une beaucoup moindre entre le ciel et la prison, le bannissement, la fosse aux lions, la maladie, la mort.

6°. Celui qui s’entretient avec le ciel est un chrétien utile à tous ceux qui l’entourent. — Le mondain ne parle que du monde, le politique que des affaires de l’État, le savant que de la science humaine, le chrétien formaliste que de ses observances et de ses pratiques ; l’homme dont le cœur est dans le ciel parle du ciel. Comme ses paroles sont douces et salutaires ! Comme ses discours fondent et pénètrent le cœur ! « Sa doctrine tombe comme la pluie, sa parole distille comme la rosée, comme la pluie menue sur l’herbe tendre, comme les ondées sur le gazon, tandis que ses lèvres invoquent le nom du Seigneur et annoncent la grandeur de son Dieu. » Ses pieux entretiens sur le ciel sont semblables à l’huile précieuse qui, versée sur la fêle de Jésus, remplit la maison de son parfum. Tous ceux qui l’approchent en ressentent les heureux effets. Heureux le troupeau qui possède un ministre en communion avec le ciel ! Heureux les enfants et les serviteurs qui ont un père ou un maître qui mène une vie céleste ! Heureux si vous avez un ami dans ces mêmes dispositions qui veille sur vos voies, qui vous fortifie dans votre faiblesse, qui vous ranime dans votre langueur, qui vous console par les moyens avec lesquels Dieu l’a si souvent consolé lui-même ! C’est lui qui animera la flamme de votre vie spirituelle, et qui amènera votre âme à Dieu. Allez en sa demeure, asseyez-vous à sa table ; il donnera à votre âme une nourriture spirituelle : voyagez avec lui et il hâtera vos pas vers le ciel ; si vous lui faites tort, il vous pardonnera, se souvenant que Christ lui a pardonné ses énormes transgressions ; si vous vous emportez, il sera doux à cause de la douceur de son divin modèle. S’il se fâche avec vous, il se réconciliera bientôt, quand il se souviendra que vous devez être pour toujours amis dans le ciel. C’est là le vrai chrétien, qui rend heureux et meilleurs tous ceux qui l’entourent.

7°. Nul homme n’honore Dieu si hautement que celui qui s’entretient avec le ciel. Un père n’est-il pas déshonoré, quand ses enfants n’ont qu’une nourriture vile et grossière, sont couverts de haillons, et ne fréquentent que des vagabonds et des mendiants ? De même nous déshonorons notre père céleste quand nous, qui nous appelons ses enfants, ne vivons que de la terre ; quand le vêtement de nos âmes est semblable aux haillons du monde ; quand nos cœurs se tournent vers la poussière et s’attachent à elle, au lieu d’être continuellement en la présence de notre père ? Assurément notre vie est indigne des enfants d’un roi, infiniment au-dessous de la grandeur de nos espérances, de la richesse de la maison paternelle, et des immenses préparatifs faits pour les saints. — Nous sommes bien heureux d’avoir un père qui reconnaît ses enfants même sous leurs haillons. Mais quand un chrétien vit en haut, quand son âme trouve sa félicité dans les choses invisibles, comme sa conduite honore Dieu ! Le Seigneur lui rendra ce témoignage : « Cet homme croit en moi et en ma parole ; il se réjouit de mes promesses avant leur accomplissement ; il est reconnaissant pour des biens que ses yeux n’ont jamais vus ; son cœur est avec moi, il aime ma présence, il en jouira dans mon royaume pendant l’éternité. — Heureux ceux qui n’ont point vu et qui ont cru ; — J’honorerai ceux qui m’honorent. » Combien Dieu se crut honoré par Caleb et par Josué, lorsqu’ils allèrent dans la terre promise, qu’ils en rapportèrent des fruits à leurs frères, qu’ils vantèrent la fertilité du pays, et qu’ils encouragèrent le peuple d’Israël à en prendre possession !

8°. L’âme qui ne place point ses affections dans les choses d’en-haut désobéit aux commandements de Dieu, et perd ces bienheureuses et glorieuses révélations que renferment les Saintes-Écritures. Le même Dieu qui vous a commandé de croire et d’être chrétien vous a aussi commandé de chercher les choses qui sont en haut, où Christ est assis à la droite de Dieu ; de vous affectionner aux choses qui sont en haut, et non à celles qui sont sur terre (Colossiens 3.1-2). Le même Dieu qui vous a défendu de tuer et de dérober vous a aussi défendu de négliger ce grand devoir ; oserez-vous lui désobéir volontairement ? Pourquoi ne pas vous en faire une obligation, aussi bien que de ses autres commandements ? Il en fait un devoir pour vous, et un moyen de consolation, afin que ce double motif vous engage à ne pas laisser perdre les faveurs qu’il vous accorde. De plus, toutes ces glorieuses descriptions du ciel, toutes ces révélations de notre bonheur futur, toutes ces promesses précieuses de notre repos ne sont-elles pas perdues pour vous ? Toutes ces choses ne sont-elles pas des étoiles dans le firmament de l’Écriture, des pages d’or dans ce livre de Dieu ? Vous ne devriez pas pour tout un monde renoncer à une seule de ces promesses. Le ciel est le complément de toutes nos grâces spirituelles, et les promesses du ciel sont l’âme de l’Évangile. Une parole de consolation sortie de la bouche de Dieu est d’un tel prix que toutes les consolations du monde ne sont rien en comparaison. Comment pouvez-vous en négliger ou en perdre un si grand nombre ? Pourquoi Dieu nous révèle-t-il ainsi ses desseins et les joies que nous devons posséder, sinon pour que nous puissions reconnaître que ses joies nous sont destinées ? S’il n’avait voulu nous remplir de joie par cette connaissance anticipée de notre bonheur futur, il aurait pu tenir ses intentions secrètes, et ne nous les révéler qu’au moment de nous faire jouir de notre félicité. Lors même que nous aurions été en possession de notre repos, il aurait pu nous en laisser ignorer la durée éternelle, en sorte que la crainte de le perdre aurait empoisonné la douceur de toutes nos jouissances. — Mais il a plu à notre père de nous ouvrir son conseil et de nous laisser voir le fond de son cœur, afin que notre joie fût complète, et que nous pussions vivre comme il convient aux héritiers d’un tel royaume. Laisserons-nous tout perdre ? Vivrons-nous au milieu des soucis et des inquiétudes de la terre, et ne nous réjouirons-nous pas plus de ces révélations que si Dieu ne nous les avait jamais accordées ? — Si votre souverain vous avait octroyé des lettres-patentes pour vous conférer quelque seigneurie, avec quelle ardeur vous les liriez et vous les étudieriez jusqu’à ce que vous fussiez en possession de la dignité elle-même ! Dieu vous a donné des lettres-patentes pour le ciel, allez-vous les laisser de côté comme si vous n’y pensiez plus ? Oh ! puissent nos cœurs être aussi élevés que nos espérances ! et puissent nos espérances être aussi élevées que ces infaillibles promesses !

9°. N’est-il pas raisonnable d’attacher nos cœurs à Dieu, à lui dont le cœur nous est si tendrement attaché ? Si le Dieu de gloire peut s’abaisser jusqu’à attacher son cœur à des pécheurs qui ne sont qu’une vile et coupable poussière, certes nous devrions facilement nous laisser persuader d’attacher nos cœurs à Christ et à sa gloire, d’élever chaque jour nos affections jusqu’à Celui qui a tant de condescendance pour nous. Chrétien, ne voyez-vous pas que Dieu vous entoure de son amour, même quand vous l’oubliez ? Ne vous prodigue-t-il pas ses faveurs journalières ? N’agit-il pas sur votre âme ? ne soutient-il pas votre corps ? ne conserve-t-il pas l’un et l’autre ? Pouvez-vous vous laisser absorber par les joies d’ici-bas et oublier votre Seigneur, lui qui ne vous oublie point ? Odieuse ingratitude ! Écoutez comment le Seigneur parle de sa tendresse pour nous. « Sion a dit : l’Éternel m’a délaissée : le Seigneur m’a oubliée. — La femme peut-elle oublier son enfant qu’elle allaite, et n’avoir point pitié du fils de ses entrailles ? Mais quand les femmes les auraient oubliés, je ne t’oublierai pas ; je t’ai gravée sur la paume de mes mains, et tes murs sont continuellement devant moi (Ésaïe 49.14-16). » Mais il parle bien autrement de nos sentiments envers lui. « La vierge oubliera-t- elle ses ornements, et l’épouse ses atours ? et cependant mon peuple m’a oublié durant des jours sans nombre (Jérémie 2.32). »

10°. Les droits que nous avons au ciel et l’intérêt que nous y prenons, ne devraient-ils pas y fixer continuellement nos cœurs ? C’est là que notre Père tient sa cour. Nous l’appelons notre Père. Indignes enfants ! tellement absorbés dans leurs jeux qu’ils oublient un père si tendre. Là encore est Christ notre chef, notre époux, notre vie : ne devons-nous pas tourner les yeux vers lui aussi souvent que nous le pouvons jusqu’à ce que nous le contemplions face à face. Là aussi sont beaucoup de nos frères qui nous ont précédés ; là sont nos amis auxquels nous étions si attachés et dont la perte nous a coûté tant de larmes. N’y a-t-il pas là de quoi fixer vos pensées ? Si vos amis étaient encore avec vous sur la terre, vous iriez les visiter ; et pourquoi ne pas les visiter plus souvent en esprit, et vous réjouir dans l’espérance que vous les retrouverez au ciel ? « Socrate se réjouissait de mourir, espérant aller rejoindre Homère, Hésiode et d’autres personnages distingués. Combien je me réjouis davantage, disait un pieux ministre, moi qui suis assuré de voir Christ mon Sauveur, le fils éternel de Dieu, avec tant d’hommes sages, pieux et célèbres, les patriarches, les prophètes, les apôtres, et les martyrs de Jésus ! »

De plus, notre demeure et notre habitation sont en haut. « Car nous savons que si notre demeure terrestre dans cette tente est détruite, nous avons dans le ciel un édifice qui vient de Dieu, une maison éternelle qui n’a point été faite par la main des hommes (2 Corinthiens 5.1). Pourquoi donc ne tournons-nous pas plus souvent nos regards vers cette demeure ? Si vous étiez exilé sur une terre étrangère, combien vous penseriez souvent à votre patrie ! Et pourquoi ne pensez-vous pas aussi souvent au ciel ? Nous sommes héritiers, et e’est là qu’est notre héritage : Un héritage incorruptible qui ne se peut souiller ni flétrir et qui nous est réservé dans le ciel. Si nous sommes dans la détresse et dans le besoin, là sont nos biens, « des biens des plus excellents, et qui sont permanents. » Là, enfin, est l’espoir de notre âme ; oui, là sont toutes nos espérances de bonheur : l’espérance nous est réservée dans les cieux. Pourquoi, mes bien-aimés frères, y pensons-nous si peu, quand nous y avons un tel intérêt ? Les hommes, ordinairement, estiment trop ce qui leur appartient et s’en occupent trop fortement. Oh ! puissions-nous nous occuper de notre héritage céleste, et l’estimer seulement la moitié de ce qu’il le mérite !

11°. Enfin, il n’y a que le ciel qui soit digne de fixer nos cœurs. Si Dieu n’a point nos cœurs, qui les aura ? Avez-vous trouvé quelque chose qui puisse vous tenir lieu de repos ? Avez-vous trouvé sur la terre un bonheur éternel ? Ah ! pauvre pécheur ! ne cherchez point ici-bas ce qui n’est point sur la terre, de peur que votre tentative ne vous coûte la perte de votre âme. Si Satan vous transportait pour vous tenter sur le sommet d’une montagne, et qu’il vous montrât tous les royaumes du monde et toute leur gloire, il ne vous montrerait rien qui méritât d’être préféré à votre éternel repos. Nous devons nous occuper des choses d’ici-bas autant que l’exigent le devoir et la nécessité ; mais quel est celui qui se renferme dans ces limites ? — Chrétien, considérez le néant des choses de la terre et le prix infini des choses du ciel. Si, comme l’abeille industrieuse, vos pensées pouvaient parcourir le monde en allant de fleur en fleur, de créature en créature, elles n’en recueilleraient aucun miel, aucune douceur, si ce n’est ce qu’elles auraient tiré de leurs rapports avec l’éternité.

Maintenant, lecteur, ces considérations ont-elles, ou non, du poids ? Vous ai-je, ou non, prouvé qu’il est de votre devoir d’attacher votre cœur aux choses qui sont en haut ? Si vous dites que non, vous mentez certainement à votre conscience. Si vous avouez que vous êtes convaincu que c’est un devoir pour vous, votre langue elle-même vous condamnera, si vous le négligez, volontairement. Ayez une volonté bien arrêtée, et votre tâche est plus d’à moitié remplie. Je vais maintenant vous donner quelques instructions simples et claires pour vous aider dans cette œuvre importante. Mais, hélas ! elles seront inutiles, si vous n’êtes pas résolu à les suivre.

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