Le don de parler diverses langues

TROISIÈME PARTIE

LE TEXTE DE PAUL

CHAPITRE 5

DEUX SORTES DE PARLER EN LANGUES ?

La relation entre les textes de Luc et de Paul.

1

POUR INTERPRÉTER LE TEXTE DE L'APÔTRE PAUL

Le seul apôtre (Marc et Luc, les deux autres auteurs bibliques qui mentionnent le don des langues n'étaient pas apôtres.) qui parle du don des langues dans ses écrits est Paul. D'ailleurs, tout son enseignement sur cette question se trouve enfermé dans un unique passage : les chapitres 12, 13 et 14 de sa première épître aux Corinthiens, qui forment un seul argument. De plus, à part trois brèves mentions dans le chapitre 1 Corinthiens 12.10, 28, 30 et deux dans 1 Corinthiens 13.1, 8 — qui ne contiennent d'ailleurs aucune définition — l'enseignement de Paul sur le don des langues est entièrement concentré dans le chapitre 1 Corinthiens 14.1-33, 39-40.

À première vue, comme je l'ai fait remarquer, il devrait être facile d'aborder l'enseignement de Paul, car nous avons toute la matière groupée en un seul texte et le sens général de l'argument de l'apôtre est, à mon avis, très clair. Pourtant, nous trouverons notre étude compliquée en raison des préjugés contradictoires qui sont ancrés dans la pensée chrétienne contemporaine. Ceux-ci rendent notre tâche beaucoup plus lourde et nous obligent à examiner ce texte de Paul avec le plus grand soin, avec le plus d'objectivité et d'intégrité possible.

Comment interpréter l'enseignement de Paul ?

Paul n'est pas toujours facile à comprendre. Son esprit est si riche, ses idées foisonnent avec une fraîcheur si surprenante, qu'il semble avoir de la peine à trouver un vocabulaire pour les développer, un vocabulaire que l'Esprit de Dieu était précisément en train de créer par lui. Ses lettres étaient dictées dans des conditions souvent difficiles, au cours d'une vie harcelée, super-active et même en prison ; elles sont merveilleuses, mais elles portent parfois les traces des interruptions, des circonstances adverses. Elles ont été, pour la plupart, écrites à l'occasion d’une crise ou d'une urgence particulière plutôt qu'en guise de dissertations académiques... ce qui ne les empêche pas d'être pleinement inspirées de Dieu.

Ah ! si seulement l'apôtre avait ajouté, par exemple, quelques précisions sur sa conception du don des langues ! Nous aurions tant aimé posséder de sa part une véritable doctrine à ce sujet... S'il ne la donne pas, c'est certainement parce que ses lecteurs connaissaient déjà son point de vue ; ils ont eu le temps de l'apprendre pendant les dix-huit mois ou les deux ans de son séjour à Corinthe ! Il est évident que le Saint-Esprit considère que nous sommes déjà suffisamment éclairés par le reste de la Bible, c'est pourquoi il n’a pas poussé Paul à apporter plus de précisions.

En fait, Paul n'offre aucune description des langues miraculeuses : il en rectifie seulement les abus ; il ne parle que de leur fonction. Si nous ne nous référons qu'à son seul texte pour déterminer le sens du « parler en langues » sans tenir compte de l’ensemble de l'Écriture, nous serons toujours à la merci de nos présuppositions ou des influences que nous avons subies de la part d’autres hommes. Nous serons également tentés d'interpréter les paroles de Paul à la lumière de nos propres expériences, qui sont souvent imparfaites et parfois trompeuses. Nous ne retiendrons qu'une idée plutôt confuse de la nature des langues miraculeuses. Quand un passage est susceptible de plus d'une interprétation — et c'est le cas ici, comme en témoignent les multiples explications contradictoires avancées par différents auteurs et prédicateurs — alors, l'imagination, les raisonnements, les préférences jouent inévitablement dans la formation des conclusions. Chercher à ouvrir une porte doctrinale sans en utiliser la clé, c'est un acte de folie.

L'apôtre Paul est pourtant bien capable de nous donner des définitions extrêmement claires quand il le juge nécessaire. C'est le cas, par exemple, de son enseignement sur le salut par la foi, ou sur l'amour, ou sur la résurrection. En fait, les écrits de Paul sont si percutants qu'ils forment la base de la plupart des doctrines chrétiennes.

Si Paul entendait, dans ce passage, un don des langues tout autre que celui décrit par Luc dans Actes 2, il n'y a pas le moindre doute que le Saint-Esprit aurait amené Paul à nous le dire et à nous en donner une définition ou une description non seulement claire, mais indubitable. Il ne nous laisserait pas dans l'incertitude. Avec quelques phrases de plus, il satisferait notre curiosité.

Mais l'Esprit ne répond pas ici à notre question. Pourquoi ? Pour la simple raison qu'il ne voit aucune nécessité d'ajouter quoi que ce soit aux clarifications qu'il nous a déjà données dans le texte de Luc.

Voir clair en refusant la lumière ?

Comment devons-nous alors comprendre l'enseignement de Paul sur les « langues » ? Il n'y a qu'une seule manière d'arriver à une interprétation valable : respecter les normes fondamentales d'interprétation du texte de la Bible que nous avons déjà énoncées.

1

— Nous allons (je l'espère) laisser de côté nos idées préconçues, même si elles nous sont chères, afin de découvrir le sens exact du texte biblique, autrement dit : afin d'écouter Dieu lui-même et non les hommes, ni même nos sentiments.

2

— Nous allons également tenir compte de l’ensemble des textes bibliques et en particulier de tout ce que Dieu dit à ce sujet par la main de Paul, de Luc et de Marc. Nous refuserons de sortir de leur contexte les quelques versets ou demi-versets qui nous plaisent sans tenir compte du reste de l'enseignement de Paul dans sa totalité. Ayant ainsi acquis une vue d'ensemble, nous saurons mieux accorder à chaque phrase sa valeur exacte et sa place dans l'argumentation de l'apôtre.

3

— Il va sans dire que nous allons relever le passage biblique le plus clair, le plus développé, qui ne laisse aucune place à l'ambiguïté, qui n’admet qu'une seule signification : c’est ce passage-là dont nous nous servirons comme clé pour interpréter les autres. Sans cela, nous ouvrons la digue à l'imagination et aux raisonnements purement humains.

Si nous négligeons la lumière que Dieu nous offre par sa Parole, il n'est pas étonnant qu'ensuite nous tâtonnions. C'est ce qui explique la confusion qui enveloppe la doctrine du « parler en langues » et les conflits qu'elle entraîne. Dieu nous offre, comme nous l'avons dit, une clé ; il a mis dans la Bible un passage absolument clair, qui ne contient aucune équivoque : le texte des Actes 2.1-11. Vouloir ouvrir la porte de 1 Corinthiens 14 sans cette clé, c'est ou bien la trouver fermée, ou bien l'enfoncer de manière à mettre en pièces le trésor que nous cherchions.

Abandonner le principe de l'explication des passages peu clairs, ou susceptibles de plus d'une interprétation, par ceux qui sont absolument clairs, c'est la démission de la raison, c'est le culte des ténèbres. C'est refuser la lumière de Dieu. Quand un homme, une église ou un mouvement spirituel ferme les yeux sur une vérité évidente, il ne faut pas s'étonner si l'Esprit cesse ensuite de l'amener plus loin. Il est incontestable qu'un voile d'aveuglement tombe étrangement sur des personnes et des communautés apparemment zélées pour l'Évangile, parce qu'elles refusent les éclaircissements et les avertissements que le Seigneur leur donne. Même de très grands hommes de Dieu ont été aveuglés sur certaines questions. C'est un fait historique.

Dieu nous donne la clé

Or, comme nous l'avons dit, le passage le plus clair de toute la Bible au sujet des « langues miraculeuses » est le chapitre 2 des Actes.

Au moment donc d'étudier 1 Corinthiens 12 à 14, pourquoi compliquer les choses ? Si Actes 2 est le passage « clé », du fait qu'il est de loin le plus clair, pourquoi chercher à interpréter l'enseignement de Paul selon d'autres normes — qui ne peuvent qu'être arbitraires ? Si nous refusons la clé, si nous nous privons des moyens que Dieu nous donne, nous ne pouvons espérer résoudre les énigmes que nous pose l'argumentation de Paul. C'est l'ignorance du rapport qui existe entre Actes 2 et 1 Corinthiens 14 qui explique les divergences d'interprétations, qui ont provoqué tant de conflits entre chrétiens.

Ce sont donc des raisons bibliques qui m'ont amené à croire que, pour Paul, auteur de la première épître aux Corinthiens, les langues miraculeuses sont de la même nature que celles décrites avec tant de détails et d'exactitude par Luc, l'auteur des Actes. Quand Paul parle de « langues », il entend « langues » : langues véritables, connues des hommes et adressées en premier lieu aux non-croyants. Car Paul, bien qu'il ne décrive pas la nature des langues miraculeuses, nous donne cependant une définition extrêmement claire de leur but : « Les langues, dit-il, sont un signe. pour les non-croyants » 1 Corinthiens 14.22... exactement comme dans Actes 2. Si nous n'admettons pas cela, nous allons à l'encontre d'un principe fondamental de l'exégèse biblique.

II

LUC ET PAUL

Deux sortes de langues miraculeuses ?

On dit couramment aujourd'hui que le Nouveau Testament connaît deux sortes de « parler en langues » ; certains vont jusqu'à dire qu'il y en a trois ou plus. Aux yeux de celui qui ne cherche pas à approfondir, les textes du chapitre 2 des Actes et du chapitre 14 de 1 Corinthiens semblent, à première vue, présenter deux tableaux différents. Ce contraste a amené bien des chrétiens à tirer la conclusion qu'il existe en fait deux phénomènes spirituels authentiques bien distincts : d'une part, les langues intelligibles du livre des Actes et, d'autre part, les langues inintelligibles des Corinthiens.

Pourtant, le fait que le « parler en langues » se présente dans le Nouveau Testament sous deux aspects ne signifie en rien qu'il s'agisse de deux phénomènes différents, mais plutôt du même phénomène considéré sous deux points de vue distincts.

Dans le livre des Actes, aux chapitres 2, 10 et 19, comme nous l'avons remarqué, les langues miraculeuses sont représentées comme étant l'expérience initiale d'un groupe.

À Jérusalem (chapitre 2), à Césarée (chapitre 10) et à Éphèse (chapitre 19), ceux qui croient à l'Évangile parlent « en langues » à l'heure même où ils naissent de nouveau. Tout aussi remarquable est le fait que les langues se manifestent dans chacun de ces trois cas au moment de la naissance de l'église dans cette localité.

Rappelons en passant que les langues ne sont pourtant pas considérées, dans le livre des Actes, comme étant le « signe du baptême » de l'Esprit (comme on l'enseigne souvent de nos jours). Dieu attribue les langues, répétons-le, non au baptême, mais à la plénitude de l'Esprit ; car nous lisons : « ils furent tous remplis du Saint-Esprit et se mirent à parler en d'autres langues. Actes 2.4

Néanmoins, dans le texte des Actes, les « langues » sont chaque fois représentées comme un acte initial, ayant lieu au moment de la nouvelle naissance, au début de la vie spirituelle. J'ai déjà dit que Dieu ne nous révèle pas si ce phénomène était quelquefois répété par la suite dans l'expérience des personnes en question : le livre des Actes garde le silence le plus absolu à ce sujet.

À Jérusalem, ce phénomène arrive au moment de la naissance d'une église entière unie et entièrement fidèle au Seigneur Jésus. À Corinthe, nous voyons une église établie depuis des années, mais tourmentée par des conflits, dans un état de confusion extrême, faisant des « langues » un culte régulier.

Dans Actes 2, les langues éclatent spontanément et servent à amorcer et à convaincre une foule de non-croyants, après quoi, autant que le texte nous le dise, le phénomène ne se reproduit pas jusqu'à la visite de Pierre à Césarée plusieurs années plus tard (Actes 10) ; alors que, dans 1 Corinthiens 14, les langues sont cultivées par les membres de l'église et apportent un tel désordre que Paul consacre la plus grande partie de trois chapitres à démontrer la nécessité de poursuivre des activités plus importantes, plus nécessaires à l'édification de l'église.

Dans les Actes, les langues sont comprises par les différents groupes linguistiques de la foule dans la rue ; chez les Corinthiens, elles ne sont comprises par personne et risquent même de nuire à la bonne marche des rassemblements de l'église.

Outre ces différences très évidentes, il y en a d'autres. Si l'on n'examinait pas les textes sérieusement, on pourrait se demander si Paul n'avait pas en vue, après tout, un phénomène complètement distinct de celui qu'avaient connu les apôtres à Jérusalem. Il emploie des expressions qui sembleraient à première vue confirmer cette supposition : « Celui qui parle en langue parle à Dieu... s'édifie lui-même... Qu'il prie pour interpréter... » 1 Corinthiens 14.2,4,13 Alors que, dans Actes 2, la foule inconvertie s’écrie : « Comment les entendons-nous dans notre propre langue à chacun, dans notre langue maternelle... parler... des merveilles de Dieu ? » Actes 2.8-11

Une dichotomie impossible

Comment expliquer ces différences ? Y a-t-il en fait dans la Bible deux sortes de « parler en langues » complètement distincts ? Autrement dit : Luc et Paul entendent-ils par le phénomène des langues miraculeuses, deux choses différentes et même opposées ?... comme s'il s'agissait, pour Luc, de véritables langues humaines, comprises par ceux à qui elles sont adressées, alors que pour Paul, il s'agirait de langues incompréhensibles qu'il faudrait utiliser soit dans sa prière personnelle, soit accompagnées d'une « interprétation » dans l'assemblée ?

Aujourd'hui, on enseigne très couramment une distinction entre les langues des Actes et celles de 1 Corinthiens (c'est-à-dire entre celles de Luc et celles de Paul) ; on appelle souvent les premières le signe et les dernières, le don des langues. Il y a, d'ailleurs, beaucoup de variations entre les interprétations des uns et des autres.

1° — Le « signe » des langues ?

On enseigne d'abord que le « parler en langues » est le signe initial d'une expérience spirituelle ; mais, contrairement à l'enseignement des Actes, on l'attribue à une expérience postérieure à la nouvelle naissance qu'on appelle généralement (mais pas toujours) « le baptême » de l'Esprit ; on enseigne que le croyant, au moment d'expérimenter ce « baptême », est poussé par l'Esprit à parler « en langues ». Selon cette thèse, le fait qu'une personne a parlé au moins une fois « en langues » constitue une preuve — ou la preuve — de son « baptême » spirituel. On appelle cette manifestation « le signe » des langues.

2° — Le « don » des langues ?

On enseigne également que certains croyants (et pas nécessairement tous) reçoivent en outre le don des langues ce qui leur permet d'exercer cette faculté de façon plus ou moins régulière. Dans bien des milieux, on impose à tous les croyants, sans exception, l'obligation de cette pratique.

Examinons de plus près ces deux affirmations :

1

Ceux qui font des langues le signe ou un signe initial d'une expérience qui vient après la nouvelle naissance et qu'ils appellent le baptême de l'Esprit, fondent en général leur doctrine sur les textes de Luc et particulièrement sur le deuxième chapitre des Actes. Pourtant, cette interprétation n'est pas justifiée et cela pour plusieurs raisons :

— Ils oublient sans doute le fait que les langues du chapitre 2 des Actes étaient compréhensibles, ce qui est en contraste avec le langage inintelligible qui passe dans ces milieux contemporains pour être le « signe » du baptême de l'Esprit.

— Ils oublient également que les langues du livre des Actes ont eu lieu chaque fois le jour même de la nouvelle naissance. Dans Actes 10, Pierre n'avait même pas fini de prêcher que l'Esprit de Dieu fit parler « en langues » ceux qui l'écoutaient. Il n'est jamais question, dans les Actes, d'une « deuxième expérience » qu'on appellerait le baptême de l'Esprit.

— Ils ignorent également le fait que, dans le Nouveau Testament, comme nous l'avons déjà indiqué, le baptême de l'Esprit n'est jamais représenté comme une expérience postérieure à la nouvelle naissance. Tous les passages qui en parlent, à partir du chapitre 2 des Actes, mettent le verbe au passé.(Voir nos appendices F et G) Cela signifie que, pour le vrai croyant, le baptême spirituel est une réalité déjà acquise. Nulle part la Bible ne lui dit de recommencer à chercher cette expérience, car, aux yeux de Dieu, il est déjà mort avec Christ et c'est là le sens du baptême spirituel. Cette identification à Christ dans sa mort permet enfin à Dieu de pardonner à l'homme son péché et, par conséquent, de l'associer à Christ dans sa résurrection. La nouvelle naissance est en effet les prémices ou l'avant-goût de la résurrection. Dieu ne peut pas pardonner les péchés d'un homme qui n'est pas baptisé par l'Esprit, c'est-à-dire : « plongé » dans la mort de Christ. La nouvelle naissance ne peut pas avoir lieu avant le baptême de l'Esprit.

— La dite interprétation ne tient malheureusement pas compte non plus de la déclaration précise de Paul, que les langues « ne sont pas un signe pour les croyants ». En fait, dans Actes 2, un grand nombre de non-croyants ont été amenés, par ce « signe », à croire en Christ. Affirmer que le baptême spirituel vient après la nouvelle naissance est contraire à l'Écriture. De même, prétendre que le « parler en langues » est le signe du baptême de l'Esprit, c'est-à-dire d'une deuxième expérience, c'est faire de la définition de Paul un non-sens. Ce serait affirmer que les langues sont après tout un signe pour les croyants, ce serait annuler la Parole de Dieu.

— On cherchera d'ailleurs en vain un autre texte où l'Écriture appelle les langues « un signe ». Je ne trouve aucun fondement biblique pour cette thèse. 1 Corinthiens 14.22, qui est la seule référence, annule effectivement cette interprétation.

2

— Ceux qui croient au « signe » initial des langues maintiennent également, comme nous l'avons vu, que certains de ceux qui ont reçu le « signe », sinon tous, reçoivent aussi le « don » des langues qu'ils exercent par la suite plus ou moins à volonté dans ou en dehors de l'église.

D'aucuns — et ils sont nombreux — enseignent même, comme nous l'avons indiqué, que tout croyant sans exception doit recevoir non seulement le « signe initial » mais aussi le « don » des langues.

Cette doctrine pose, certes, d'énormes problèmes à des multitudes d'individus qui n'arrivent pas, malgré de gros efforts, à « parler en langues ». Elle renforce également la profonde division entre les églises qui y tiennent et celles qui ne peuvent pas admettre cette doctrine.

Personnellement, je ne trouve nulle part que le Nouveau Testament fasse une distinction entre un « don » des langues et un « signe » des langues. Il n'y a aucun passage qui dise qu'il y a deux sortes de langues miraculeuses venant de Dieu, pas plus que deux baptêmes ou deux Esprits ou de deux Seigneurs. Éphésiens 3.1-3 L'Écriture reconnaît bien, cependant, un vrai et un faux don, comme elle reconnaît un vrai et un faux « Jésus ». 2 Corinthiens 11.4

D'ailleurs, si Paul appelle les langues « un signe », il le fait en plein milieu du chapitre 14 où il traite longuement la question des langues et précisément en tant que « don ». Si Paul reconnaissait l'existence de deux sortes de langues, s'il faisait une distinction entre un « signe » et un « don » des langues, n'aurait-il pas indiqué dans ce passage la différence entre l'un et l'autre ? Pourtant, il n'en souffle mot. C'est donc en vain que l'on fait appel à Paul pour justifier la distinction arbitraire entre un « signe » et un « don » des langues.

Quant à Luc, il nous donne encore moins d'espoir de faire la différence entre le « signe » et le « don » des langues. Les trois cas de « langues » dans son récit sont de toute façon chaque fois une expérience initiale, donnée, comme nous l'avons répété, le jour même de la nouvelle naissance et en langues compréhensibles. Pourtant, Luc n'applique pas une seule fois le terme « signe » aux langues miraculeuses ; il ne fait pas non plus d'allusion à une autre forme de langues.

Dieu ne nous mystifie pas

Si la Bible reconnaissait deux ou plusieurs types de langues miraculeuses provenant de l'action de son Esprit, elle nous le dirait clairement. Or, il n’en est rien. Paul n'indique aucune distinction entre les langues de l'église primitive à Jérusalem et celles que lui-même a connues à Éphèse dans Actes 19. Même dans 1 Corinthiens 14, répétons-le, il définit les vraies langues comme étant un signe pour les non-croyants. Les « langues » qu'il désapprouve sont au contraire une fausse manifestation spirituelle. Si Paul croyait à un phénomène autre que celui que Luc raconte, Dieu nous le ferait comprendre sans ambiguïté, car son Esprit ne mystifie pas le croyant. « Toutes les paroles de ma bouche, dit la sagesse de Dieu... sont claires et droites » Proverbes 8.8-9

Il est bon de toujours comprendre l'Écriture de la manière la plus « normale », la plus simple, la plus directe, qui est après tout la plus intelligente. Dieu est lumière et Sa Parole est lumière. Il a en horreur les ténèbres ; Son Évangile est transparent, à tel point que même un enfant peut en saisir l'essentiel. C'est cette conviction qui m'a amené à comprendre l'enseignement biblique sur le don des langues — et en particulier les textes de Paul — de la manière la plus directe, la plus lumineuse possible.

Je trouve donc absolument gratuite la supposition que le Nouveau Testament connaisse deux sortes de « parler en langues » venant de Dieu : celui du chapitre 2 des Actes et celui de 1 Corinthiens 14. je sais que certains chrétiens ont construit une doctrine imposante sur la supposition que cette différence existe ; mais une supposition est un fondement trop fragile pour qu'on y bâtisse sa vie et même toute l'œuvre de Dieu. Une maison spirituelle, pour résister aux mauvais jours, a besoin d'être solidement fondée sur le roc de la vérité inébranlable et incontestable de la Parole de Dieu.

À mes yeux, le genre de raisonnement qui cherche à compliquer la simplicité de l'Écriture est non seulement douteux, mais dangereux : je crains que ce ne soit une manipulation de la vérité. C'est avec de telle méthodes que les faux témoins de Jéhovah et tant d'autres sectes veulent nous faire croire à la non-divinité du Seigneur Jésus et à d’autres hérésies — alors que l'enseignement du Nouveau Testament sur ces questions est clair pour celui qui veut voir les choses en face. Restons lucides et fermes dans notre compréhension de la Bible. Le Nouveau Testament parle de « langues » mais nulle part de « deux sortes » de langues authentiques.

III

PAUL ET LUC NE SE CONTREDISENT PAS

On a certainement tord de vouloir créer une opposition entre les Actes et l'épitre de Paul aux Corinthiens, car les deux livres, comme nous allons le voir, proviennent de la même source. Ils se complètent et sont même contemporains. Les auteurs de ces deux livres étaient trop proches l'un de l'autre pour ne pas avoir une unité de vision.

Nous savons que Luc est l’auteur du livre des Actes : mais d'où Luc a-t-il tiré ses informations ?

1

Luc était l'enfant spirituel de Paul. L'auteur de 1 Corinthiens 14 est celui qui a converti et formé l'auteur du livre des Actes. Luc écrit ce qu'il a appris en premier lieu de Paul lui-même. Qui lui aurait communiqué ses notions fondamentales sur l'origine de l'église et même sur les langues miraculeuses du chapitre 2 des Actes sinon Paul, avec son coéquipier Silas ? C'est ce même Paul qui, avec Silas, à fondé l'église de Corinthe et qui lui a donné, pendant son long séjour dans cette ville, la somme de son enseignement.

Il est très probable et même certain que, par la suite, Luc a vérifié et complété ses connaissances en se référant dans la mesure du possible, à des témoins oculaires, comme il l'a fait pour le contenu de ses Évangiles ; Luc 1.14 Actes 1.1 mais il n'y a pas le moindre doute que sa pensée a été formée dès le début par Paul. En outre, Silas, compagnon de Paul, était originaire de l'église de Jérusalem : Actes 15.22 il avait donc certainement pu apporter à Luc des précisions très sérieuses sur l'église primitive et les événements du chapitre 2 des Actes. Luc ne raconte que ce qu'il a entendu de témoins fidèles ou ce qu'il a vu de ses yeux. Il est impensable que Luc ait conçu les langues miraculeuses avec une optique différente de celle de Paul — et encore moins, avec une optique opposée.

2

Notre argument est puissamment renforcé par un autre fait :

Luc, pendant qu'il rédigeait le livre des Actes, était le compagnon intime de Paul.

Luc a rencontré Paul et Silas en l’année 49 ou 50 de notre ère, à Troas, où il s'est converti. Il les a ensuite accompagnés en Macédoine où il a participé à la fondation de l'église de Philippes ; nous le savons, parce que cette partie du récit des Actes est rédigée à la première personne. Luc est alors resté en Macédoine quelques années, sans doute au milieu des églises que Paul avait fondées. Durant cette période, il a pu très probablement rencontrer Paul à plusieurs reprises, puisque l'apôtre a de nouveau entrepris plusieurs voyages dans la région. Il est même très possible que Luc ait visité Corinthe à cette époque, car la distance n'était pas grande. Pourquoi pas ?

En l'an 57, Luc s'est joint de nouveau à l'équipe de Paul et a voyagé avec lui jusqu'à Troas. Actes 16.8-18 (après quoi Luc reprend le récit à la troisième personne) À partir de ce moment jusqu'à la fin du livre des Actes, le récit est entièrement à la première personne. Nous savons donc que Luc a accompagné Paul pendant son dernier voyage à Jérusalem où l'apôtre fut arrêté. C'est sans doute là que Luc a pu vérifier les détails du chapitre 2 des Actes auprès de témoins oculaires sur place, parmi lesquels certains des apôtres qui se trouvaient encore dans cette ville. Luc est encore resté auprès de Paul pendant ses deux années d'emprisonnement à Césarée en Palestine. Ici, Luc a eu la possibilité de vérifier les détails du chapitre 10 des Actes, sans doute auprès de Philippe, l'évangéliste, chez qui il avait logé avec Paul (Actes 21.7-8). Corneille, étant officier romain, n'était peut-être plus là, mais Luc a sûrement pu s'entretenir avec des personnes qui l'avaient connu et qui avaient été très probablement présentes lors des événements. Il est même fort probable que Luc, pendant ce long séjour en Israël, se soit entretenu également avec Pierre en personne, peut-être même à Jérusalem avant l'arrestation de Paul.

Luc nous raconte ensuite, d'une manière très détaillée, son voyage jusqu'à Rome avec Paul. Pendant ses deux années en prison, Paul était libre de s'entretenir autant qu'il le voulait avec ses amis, y compris Luc. Après avoir comparu devant le tribunal de Néron, il fut libéré en l'an 62 ou un peu avant ; mais le récit de Luc se termine brusquement alors que Paul était encore en prison. Il est donc pratiquement certain que Luc avait fini de rédiger l'essentiel de son texte avant la libération de Paul, car il n'aurait certainement pas manqué de noter un fait aussi saillant.

Il serait inconcevable que Paul, pendant ces quatre ans d'association intime avec son enfant spirituel, n'ait pas su que Luc rédigeait son histoire des Actes des Apôtres, dont la vie et le ministère de Paul lui-même occupent la plus grande partie ! Actes 7.58 ; 9.1-30 ; 11.25-30 ; 12.24 ; 28.30 De qui, en fait, Luc a-t-il appris tous ces détails sur la vie de Paul sinon de l'apôtre lui-même ? Luc est reconnu par les savants comme un historien d'une exactitude remarquable. Il n'a certainement pas manqué d'obtenir de Paul toutes les vérifications possibles sur la matière qu'il incorporait avec tant de précision dans son livre.

Nous savons que Paul, après sa libération, a été de nouveau arrêté, vers l'an 65. C'est alors qu'il a écrit pour la dernière fois à Timothée disant que Luc était encore avec lui 2 Timothée 4.11 alors que tous ses autres amis l'avaient abandonné. Peu de temps après, il a comparu pour la deuxième fois devant Néron qui l'a fait décapiter. Ainsi, Luc est resté en proche contact avec l'apôtre jusqu'au bout.

Le document historique de Luc reflète inévitablement la pensée de l'apôtre ; on ne peut le dissocier des écrits de Paul. Les Actes et les épîtres se complètent et il faut les lire ensemble. On a tort, comme je l'ai déjà dit, de vouloir créer une opposition entre la pensée de Luc et celle de Paul.

En d'autres termes, pendant tout le temps que Luc écrivait le livre des Actes et même après, il était intimement associé à Paul, dont il était l'enfant spirituel et le disciple. Nous pourrions donc dire qu'il écrivait sous le regard de Paul, qui lui a certainement fourni des détails de ses propres voyages et expériences racontés par Luc avec tant de fidélité.

3

Qui a transmis à Luc le récit sur les langues du chapitre 19 des Actes, sinon Paul lui-même ? Car il ne faut pas oublier que Paul était présent en personne à Éphèse, comme Luc lui-même nous le dit, Actes 19.1-7 au moment où les disciples de Jean-Baptiste ont parlé « en langues » après la prédication et l'imposition des mains précisément de Paul.

Luc n'ajoute aucune explication ni aucune description de ces langues, pas plus qu'il ne le fait pour celles du chapitre 10 des Actes. Ayant donné une description détaillée du phénomène dans Actes 2, il juge inutile d'en rajouter une pour les deux autres cas : il est évident que les trois cas représentent, pour lui, un phénomène identique.

Est-il concevable que les langues dont Paul était le témoin et même l'instigateur à Éphèse, dans Actes 19, soit un phénomène totalement distinct de celui du chapitre 2 des Actes ou du chapitre 10 des Actes ? Ou encore : que les langues de Paul dans Actes 19 soient différentes de celles de 1 Corinthiens 14 ?

Et si Paul a transmis à Luc les détails sur le cas des langues miraculeuses d'Éphèse, serait-il même concevable que Luc l'ait tenu dans l'ignorance en ce qui concerne son récit sur les langues à Jérusalem ? Vu leur intimité, il est impensable que Paul n'ait pas lu et même approuvé son chapitre 2 des Actes.

Il se peut que Pierre, lui aussi, ait vu le manuscrit. Luc est réputé, comme nous l'avons dit, pour son exactitude en tant qu'historien. Il nous apprend, dans l'introduction à son Évangile, Luc 1.1-4 qu'il s'est référé avant tout aux dépositions des témoins oculaires et qu'il s'est donné la peine de tout vérifier minutieusement. Nous pouvons croire fermement qu'il n'a pas manqué l'occasion, lors de son long séjour en Israël, de vérifier avec tout autant d'exactitude les faits de son récit apostolique et cela auprès des témoins concernés, dont Pierre était évidemment le principal. Qui, mieux que Pierre, pouvait lui garantir l'authenticité des événements des chapitres 1 et 2 des Actes et lui exposer la matière de sa longue prédication lors de cette première effusion du Saint-Esprit ? Qui, mieux que Pierre, pouvait lui confirmer l'historique de ses propres interventions à Samarie (chapitre 8), à Lydde et à Joppé (chapitre 9), à Césarée (chapitre 10) et à Jérusalem (chapitre 11), comme également de son emprisonnement par Hérode (chapitre 12) ? Comme je l'ai fait remarquer, Luc a dû avoir bien des possibilités de voir Pierre même longuement, ainsi que d'autres apôtres, pendant la période d'emprisonnement de Paul à Césarée.

4

Il est utile, d’ailleurs, de se rappeler que la plupart des épitres de Paul ont été mises par écrit et en circulation bien avant que Luc n'ait mis à jour le récit des Actes. Les épîtres aux Thessaloniciens datent, au plus tard, de l'an 50 ou 52 de notre ère, c'est-à-dire, d'une vingtaine d'années seulement après la résurrection de Jésus-Christ. La première lettre aux Corinthiens date presque certainement du printemps de l'année 54, et l'épître aux Romains, de l'année 57. Paul est arrivé prisonnier à Rome vers l'année 60 ; comme nous l'avons dit, le livre des Actes a dû, très probablement, être au moins esquissé, sinon achevé sous sa forme définitive, avant la fin de l'emprisonnement de l'apôtre, vers l'année 62. Paul, en attendant, avait déjà écrit toutes les épîtres que nous possédons de lui, sauf celles à Timothée et à Tite. (Voir à ce sujet l'excellent ouvrage du Professeur F.F. Bruce : « Les documents du Nouveau Testament : Peut-on s'y fier ? » (Éditions Telos).

Ainsi nous voyons que les épîtres de Paul, pour la plupart, précèdent chronologiquement les Actes ! Mais, en réalité, les événements des Actes sont contemporains de la rédaction des épîtres. Il va sans dire que, pour comprendre l'ensemble du message apostolique, il faut lire les épîtres en parallèle avec les Actes.

Or, la lettre de Paul aux Corinthiens date de six à huit ans avant la rédaction de Luc. Cela signifie que les idées de Paul sur le don des langues étaient déjà — et depuis longtemps — bien formulées. Il serait impensable que Luc n'en ait pas tenu compte, d'autant plus qu'il a inclu le récit de Paul à Éphèse dans son chapitre 19. Luc ne pouvait qu'être influencé par ce que Paul enseignait déjà.

Peut-on vraiment croire que Luc, en décrivant les événements du chapitre 19 des Actes, et même ceux des chapitres 2 et 10 des Actes, entendait par « don des langues » ou « parler en langues » autre chose que Paul ? Car non seulement Paul avait formé Luc, mais encore il était, comme je l'ai déjà dit, en mesure de corriger Luc dans ses travaux !

Plus j'examine la proposition selon laquelle Paul et Luc parleraient de deux choses différentes — opposées même — plus je suis convaincu, par le texte sacré lui-même, de l'impossibilité d'une thèse semblable.

5

Nous rappelons que c'est Paul en personne qui a fondé l'église de Corinthe et qui lui a incontestablement donné un enseignement de base sur les origines de l'église à Jérusalem et le phénomène des langues miraculeuses. C'est Paul qui est le père spirituel à la fois de Luc et de l'église de Corinthe. Pouvons-nous croire qu'il leur ait donné deux enseignements complètement différents et même contradictoires ? N'aurait-il pas pris soin de leur expliquer la distinction entre les deux sortes de langues miraculeuses, si distinction il y avait ?

— Aussi vrai que Dieu est fidèle, écrivait Paul à ces mêmes Corinthiens, la Parole que nous vous avons adressée n'a pas été « oui et non ». 2 Corinthiens 1.18

Si nous ne prenons pas le seul texte vraiment clair à ce sujet, qui est Actes 2, comme norme d'interprétation pour les autres textes qui sont, c'est indéniable, moins clairs, comment pouvons-nous espérer parvenir à une vraie compréhension du sujet et à une évaluation correcte de la pensée de Paul ?

Je crois personnellement que l'Écriture sainte ne connaît qu'un seul « parler en langue » authentique de provenance divine : celui du récit de Luc dans Actes 2. Je crois également que Paul n’a en vue que ce même « parler en langue » dans le seul texte qu'il consacre à la question : 1 Corinthiens chapitres 12 à 14. Je crois que toute déviation de cette interprétation directe, claire et biblique nous introduit dans un labyrinthe de suppositions qui ne deviennent pas plus sûres parce qu'un grand nombre de voix les affirment de façon autoritaire.

chapitre précédent retour à la page d'index chapitre suivant