Le triomphe de la foi justifiante

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Triomphe de la foi dans l’intercession de Christ.

… Qui même intercède pour nous.
Romains 8.34.

Nous sommes arrivés maintenant au comble du monument sur lequel s’appuie la foi du fidèle. L’Apôtre vient de nous présenter le Christ de Dieu, assis à la droite du Père comme Roi et comme Juge, possédant la toute-puissance dans les cieux et sur la terre, ayant en main le pouvoir de punir ses ennemis et de sauver ses amis, jouissant enfin d’une gloire et d’une majesté propres à rassurer la foi la plus tremblante en l’élevant non seulement au-dessus de la crainte d’une condamnation, mais encore à l’espérance d’être un jour là où est Jésus et de participer à sa gloire et à son bonheur. Mais comme cette espérance pourrait être quelquefois ébranlée par la vue des obstacles qui sont semés sur notre route, obstacles mentionnés au verset suivant ; comme nous n’avons pas encore quitté un séjour où règne avec puissance le Prince de ce monde, ni déposé une chair qui ne se rend point sujette à la loi de Dieu, et qui aussi ne le peut point (Romains 8.7) Paul, afin de justifier la confiance qu’il exprime dans notre texte et plus bas, met en avant ce que Christ fait maintenant dans la gloire, et pose ici le dernier étai qui doit affermir la foi du croyant si souvent assaillie par les vents et les orages. La mort de Christ, en payant notre dette, nous a acquis une parfaite rédemption (1 Timothée 2.6 ; Hébreux 9.12-14), ce dont sa résurrection est le témoignage ferme et assuré. Sa vie actuelle à la droite de Dieu est une garantie qu’il peut glorifier et qu’il glorifiera tous ceux que le Père lui a donnés (Jean 17.2). Mais il y a plus encore : Son cœur est le même dans les cieux qu’il était sur la terre (Jean 13.1, etc.), et c’est en notre faveur qu’il use des droits que sa mort lui donne, et de la gloire dont le Père a couronné sa personne et son œuvre. Car même il intercède pour nous, dit l’Apôtre ; circonstance remarquable de son élévation, qui fait comprendre pourquoi il peut sauver pleinement tous ceux qui s’approchent de Dieu par lui (Hébreux 7.25) ; pleinement, c’est-à-dire, parfaitement, jusqu’au bout, en dépit de tous les obstacles, et pour toujours.

Afin de rafraîchir les entrailles des saints, nous nous étendrons un peu sur ce ministère d’intercession, dont l’effet est d’affermir la foi des enfants de Dieu sur une base solide. Dans ce but, nous examinerons : primo, la liaison de l’intercession de Christ aux actes qui l’ont précédée, et comment elle en est et en devait être le complément : secundo, quelle sécurité le Chrétien peut trouver dans ces prières que le Christ glorifié fait entendre pour nous dans les cieux.

1. — Pour le moment nous ne parlerons pas de la nature de l’intercession de Jésus, ni de la manière dont il remplit cette charge ; mais nous nous occuperons de sa convenance et de sa nécessité pour que Jésus fût véritablement un Sauveur parfait.

1° — Quant à sa convenance nous remarquerons en premier lieu que, comme sacrificateur, Jésus n’était pas appelé seulement à offrir le sang qui devait faire propitiation pour les péchés de son peuple, mais encore à se présenter devant Dieu au nom de ce peuple et à intercéder pour lui.

Dans la sacrificature lévitique, on sait que c’était là le double ministère du souverain sacrificateur. Après avoir versé dans le parvis le sang de la victime de propitiation, revêtu de ses vêtements blancs, il se présentait dans le lieu très-saint avec ce sang, et un encensoir allumé, symbole de la prière et de l’action de grâces. Là il faisait aspersion sur le propitiatoire, qu’il avait auparavant couvert de la fumée du parfum ; et il faisait ainsi propitiation pour ses propres péchés, puis pour ceux du peuple, loin des yeux de ce dernier qui attendait au dehors, dans le parvis, le retour du Médiateur de l’alliance terrestre. On peut lire là-dessus Lévitique 16.14-18 ; Hébreux 7.27 ; 9.7-8 ; 13.11.

Maintenant ces choses étant l’image et l’ombre des choses célestes (Hébreux 8.5), il n’y aurait pas eu correspondance entre le type et l’antitype, si Jésus fût entré dans le ciel sans y remplir un ministère correspondant. Et c’est pour montrer cette parfaite correspondance, que Paul a écrit les chapitres 8 et 9 de sa magnifique Épître aux Hébreux, dans laquelle nous pouvons puiser tant de trésors de connaissances sur le ministère du Souverain Sacrificateur des biens à venir, et où il est fait mention, plus que partout ailleurs, de son intercession dans le sanctuaire céleste. — L’Apôtre Jean parle aussi de cette double fonction de Jésus, quand il le présente aux Chrétiens comme leur propitiation et leur Avocat, ou leur Défenseur (1 Jean 2.2). — Cette dernière charge n’est, en effet, qu’une continuation de son œuvre sur la terre. Le sang qu’il a versé dans le parvis, et la vie qu’il a donnée en rançon pour plusieurs, vie qu’il a reprise, sont montés avec lui dans les cieux, et ont une voix muette mais puissante qui demande continuellement pour son peuple de nouvelles grâces. Le même Jésus qui a prié pour les siens sur la terre, a maintenant pour office spécial dans les lieux célestes, d’intercéder, et de rappeler continuellement la mémoire de son sacrifice.

2° — Nous remarquerons ensuite que, sans remplir cet office, Jésus n’eût pas été un Sacrificateur parfait (Hébreux 8.4). Paul ne dit pas que si le Christ avait offert un sacrifice sur la terre, il ne serait point sacrificateur ; mais que si, après l’avoir offert, il fût demeuré ici-bas, son sacerdoce eût été imparfait, puisque ce sacerdoce lui imposait la loi, non seulement de se porter du parvis au sanctuaire, mais encore d’offrir dans ce dernier le sang et l’encens, à l’image du souverain sacrificateur lévitique qui en avait mandat spécial comme médiateur entre Dieu et le peuple d’Israël. — Même l’Apôtre observe que, sans cette entrée du Christ dans les lieux saints qui ne sont pas de cette structure, pour y faire le service d’intercession et y présenter son propre sang, le sacerdoce lévitique serait encore en force, et il n’y aurait rien à redire à l’alliance mosaïque (Hébreux 8.4-7). — Christ monté dans le sanctuaire céleste, offrant continuellement à la justice de Dieu son sang qu’il avait répandu pour le péché, et réclamant ainsi pour son corps la réalisation de toutes les promesses qui sont déjà oui et amen en lui (2 Corinthiens 1.20), était le seul fait qui pût accomplir la vérité de ce dont les cérémonies légales étaient les types ; et l’image devait tenir ferme jusqu’à ce que parût le corps qui la rendrait inutile (Colossiens 2.17). Établie par l’ordre de Dieu, la sacrificature lévitique ne pouvait être abrogée que par une sacrificature plus excellente, relative à des avantages spirituels, et exercée dans les lieux célestes ; sans cela Dieu se fût en quelque sorte renié lui-même. Et si Christ s’était borné à répandre son propre sang ici-bas, lui qui était d’une tribu étrangère au sacerdoce (Hébreux 7.11-14), et ne fût monté dans les cieux que pour y régner et non pas pour y officier comme sacrificateur intercédant, les fils d’Aaron auraient été autorisés à officier sur la terre comme auparavant, jusqu’à ce que vint un sacrificateur qui entrât dans les tabernacles éternels, avec l’encensoir et le sang de la propitiation. — Les mêmes vérités nous sont encore présentées sous un autre jour (Hébreux 9.8). Le tabernacle devait rester debout aussi longtemps que le Souverain Sacrificateur des biens à venir ne se serait pas avancé dans le sanctuaire céleste ; et, avec le tabernacle, une sacrificature ayant toujours le pas sur celle du Christ, même ravissant en quelque sorte au Seigneur le fruit de ses souffrances sur la terre.

3° — En dernier lieu, l’intercession de Jésus est, des deux parties de son sacerdoce, l’acte le plus éminent, même l’acte par excellence. Nous en avons la preuve dans la sacrificature d’Aaron et de Melchisédec, qui étaient des types remarquables, même peut-être les plus remarquables de Christ comme Sacrificateur.

Le ministère le plus excellent qu’il y eût dans la famille d’Aaron, était effectivement, non pas de répandre dans le parvis le sang des holocaustes, puisque tous les membres de cette famille jouissaient de ce privilège ; mais d’entrer dans le lieu très-saint avec le sang, et là de faire propitiation pour le péché. C’était la fonction qui constituait la dignité de la souveraine sacrificature et la différence entre celui qui l’exerçait et les autres fils d’Aaron qui servaient au tabernacle : personne que lui ne pouvait passer au-delà du voile, et encore n’avait-il ce privilège qu’une fois l’année ; (voyez Hébreux 9.6-7). Aussi quoique Jésus seul ait offert le sacrifice qui ôte le péché, ainsi que Paul le prouve (Hébr. ch. 10), et qu’en cela il ait sur son type une supériorité infinie, cependant son excellence comme sacrificateur ne gît pas tant en cette oblation parfaite, qu’en ce qu’il est entré au ciel même afin de comparaître pour nous devant la face de Dieu (Hébreux 9.24). Voilà pourquoi il est appelé le grand Souverain Sacrificateur (Hébreux 4.14), et pourquoi les croyants sont en conséquence exhortés à tenir ferme leur profession.

Quant à Melchisédec, de la sacrificature duquel Paul prouve la supériorité sur celle d’Aaron (Hébreux 7.4-10), il était aussi un type de Jésus, intercédant sur le trône, puisque c’est en y faisant asseoir Jésus, que le Père lui a juré, disant : Tu es sacrificateur éternellement selon l’ordre de Melchisédec. Mais comment ce Roi de Salem a-t-il été une figure du Christ Intercesseur ? L’Apôtre nous répond que c’est parce qu’il demeure sacrificateur à toujours (Hébreux 7.3, comparé avec Hébreux 7.23). La sacrificature de Jésus est perpétuelle, parce qu’il intercède toujours pour son peuple acquis. Ainsi le rapport qui existe entre son sacerdoce et celui de Melchisédec, tout comme la supériorité incontestable de ce dernier sur celui d’Aaron, nous montre quelle importance nous devons attacher à l’intercession de Christ. Aussi Paul parle-t-il avec une sorte d’emphase de cette partie du ministère de Jésus, dans le 1er verset du ch. 8 des Hébreux, la présentant comme la somme de tout son discours, ou de cette belle dissertation dans laquelle il est entré au chap. 7 sur le sacerdoce du Messie : et l’appelle-t-il, quelques versets plus bas, un ministère plus excellent que celui de Moïse.

En résumé, la sacrificature de Jésus dans les cieux est le complément nécessaire de son sacrifice sur la terre ; elle est l’oméga de ce dont celui-ci était l’alpha, et sans elle notre salut ne serait pas complet. Comme victime, Jésus a offert une oblation parfaite, c’est le thème de notre Apôtre dans la première moitié du ch. 10 des Hébreux. Mais il a bien soin de rappeler en même temps (comme en Hébreux 9.12) que Jésus est maintenant assis dans les lieux célestes ; et Hébreux 9.10, qu’il n’est devenu l’auteur du salut éternel pour ceux qui lui obéissent, qu’après avoir été consacré, étant appelé de Dieu à être sacrificateur à la façon de Melchisédec. Son sacrifice devait être présenté et agréé dans le lieu très-saint, pour que son sacerdoce fût réellement parfait, et que son peuple lui-même, parvenu à la perfection, pût jouir d’une consolation ferme et solide.

2. — Mais Dieu avait encore d’autres raisons pour faire exercer à son Oint l’office d’intercesseur : et leur exposition successive nous fera comprendre combien cet office était nécessaire pour amener notre salut à bonne fin, et en particulier pour fonder et enraciner la foi justifiante, en sorte que chaque fidèle put tenir le même langage que David (2 Samuel 23.5). Et ces raisons sont tirées, soit de Dieu lui-même et de ses perfections, soit des objets de l’intercession de Christ, soit enfin de Christ lui-même.

a) Dieu, agissant toujours conformément à ses perfections adorables dans tout ce qu’il fait, a tellement conduit l’œuvre de notre salut, que, de son commencement à sa fin, elle nous présente le Seigneur comme ne soutenant avec les pécheurs que des relations médiates, c’est-à-dire, tenant l’homme à distance, et ne lui accordant aucun privilège que par l’entremise d’un Médiateur (Hébreux 7.25). C’est une disposition qui avait force même dans le temps patriarcal ; car Dieu prenait alors une forme visible pour se montrer aux hommes. Et cette disposition fut encore bien plus marquée sous l’économie légale, puisque Dieu, après avoir donné sa loi par le moyen du médiateur Moïse, établit une sacrificature au milieu de son Israël. Enfin elle a été pleinement manifestée par l’apparition du Fils de de Dieu, de ce Jésus duquel la mission essentielle était de montrer Dieu aux hommes et en particulier de leur faire connaître le Père (Jean 1.17-18 ; 14.7-11). Cette harmonie dans l’œuvre de Dieu se continue par le sacerdoce de Christ sur le trône. S’il n’y était monté que comme Roi, l’harmonie eût été interrompue ; aussi le Père l’y a-t-il fait asseoir comme un Roi qui doit demander (Psaumes 2.6-8), et est-il appelé un Sacrificateur assis sur Son trône, (Zacharie 6.13), comme de fait il le sera un jour. Mais Dieu avait en outre à glorifier deux de ses éminentes perfections dans l’œuvre du Rédempteur, savoir sa justice et sa grâce, l’une qui veut être satisfaite, l’autre qui veut être implorée. Paul les joint ensemble dans la justification du pécheur, en Romains 3.24-26, et atteste ainsi la nécessité d’une grâce qui s’exerce en justice, et d’une justice d’accord avec la grâce, pour que Dieu soit réellement glorifié lorsqu’il justifie le méchant. Il faut que le ciel et la terre sachent que Dieu sauve parce qu’il le veut, et que pourtant il ne cesse pas d’être juste en sauvant. Or c’est précisément cette harmonie entre la justice et la grâce qui est maintenue par l’intercession de Christ. Sacrificateur sans souillure, il a magnifié la justice de Dieu en se soumettant à la sentence qu’elle porte contre le péché ; et par son oblation d’agréable odeur, il a non seulement fait honneur aux réclamations de la justice, mais encore démontré ses propres droits à réclamer la délivrance de son peuple. Et maintenant il magnifie la grâce de Dieu en la sollicitant en faveur des élus, et en demandant au Père qu’ils soient amenés à la participation des biens qu’il leur a acquis par son obéissance. — C’est là ce que le Saint-Esprit nous rappelle dans l’exhortation renfermée Hébreux 4.16. Nous pouvons aller avec assurance au trône de Dieu, parce que notre Souverain Sacrificateur est entré dans les cieux ; mais ce trône est appelé celui de la grâce, parce que le sacerdoce de Celui qui y est assis ne s’exerce plus vis-à-vis d’une justice envers laquelle il s’est exercé ici-bas sur la croix. Ainsi en était-il du ministère du souverain sacrificateur chez les Juifs. Dans ses vêtements ordinaires, il répandait d’abord le sang dans le parvis autour de l’autel des holocaustes, symbole de la sévérité et de la colère divine contre le péché : puis dans ses vêtements de lin, il s’avançait avec le sang et l’encensoir vers ce propitiatoire, symbole de la grâce de Dieu envers les pécheurs, et achevait là, comme nous l’avons vu, d’accomplir son office. Christ, après avoir de même achevé sur la terre d’accomplir toute justice, est donc maintenant employé à une œuvre d’un autre genre, celle de solliciter toute la grâce de Dieu, selon qu’il l’avait au reste annoncé à ses disciples en leur disant : Je prierai le Père (Jean 14.16). Lors de la première effusion de l’Esprit, Pierre déclare que Jésus avait reçu du père ce que l’on voyait et entendait (Actes 2.33) : pourquoi reçu ? parce que, selon sa promesse, Jésus avait prié pour cela. La Grâce l’exigeait pour les pécheurs, maintenant qu’elle était libre de se répandre sur eux ; comme la Justice exigeait que Jésus fût condamné et justifié pour laisser un libre cours à la Grâce.

b) Quant à nous, objets du salut, Dieu a eu aussi ses vues en plaçant Jésus dans les cieux comme intercesseur. En général le Seigneur a voulu que nous nous vissions sauvés de toute manière, c’est-à-dire, par rançon dans la mort de Christ, par puissance dans son ascension et sa résurrection, et enfin par grâce, amour et faveur, dans son intercession. Cette corde à trois cordons, que le Diable ne peut rompre, attache à l’ancre de l’espérance la nacelle du disciple, souvent battue par les vagues. Mais nous dirons en particulier.

A. — Que pour devenir auteur du salut éternel, ou appliquer aux hommes ce qu’il avait fait, il fallait qu’après avoir obéi, Christ devint sacrificateur d’intercession, ou à la façon de Melchisédec qui bénit Abraham : c’est la pensée de Paul aux Hébreux 5.8-10. On voit ici Jésus d’abord rendu parfait par des souffrances, en achetant à grand prix la délivrance de nos âmes ; puis placé à la droite de Dieu pour communiquer, à ceux qui lui obéissent, cette délivrance ou du moins les prémices que l’on en goûte ici-bas dans la conversion ; car nous sommes sauvés en espérance.

B. — Le pardon journalier de nos offenses dépend aussi de ce ministère céleste de Jésus. C’est parce que nous avons un avocat auprès du Père, savoir Jésus-Christ le Juste, qui est toujours vivant afin d’intercéder pour nous (1 Jean 2.2 ; Hébreux 7.25), que chaque jour nous pouvons et devons dire : Pardonne-nous nos offenses (Matthieu 6.12). Quoique le croyant soit justifié et sanctifié, il n’est pas tellement hors des atteintes du péché qu’il n’y succombe souvent, en sorte qu’il a besoin que la mémoire de sa justification soit rafraîchie dans son cœur ; chose qui se fait par un regard de foi porté, non sur la croix qui est derrière lui, mais sur Jésus intercesseur et sur le sang de l’aspersion qui crie de meilleures choses que celui d’Abel. De moment en moment nous avons besoin de la grâce de Dieu ; or ce sont les prières de Jésus qui nous l’obtiennent, ou plutôt c’est en vertu de son intercession qu’elle descend jusqu’à nous : et si nous nous tenons fermes dans cette grâce (Romains 5.2), nous le devons à ce que Jésus se tient lui-même à la droite de Dieu comme sacrificateur. L’intercession est à la justification, ce que la providence est à la création ; elle conserve ce que la croix a créé, c’est-à-dire la paix et la guérison de l’âme.

C. — Notre persévérance jusqu’à la fin y est aussi liée. — Sous la loi, il y avait commémoration des péchés d’année en année (Hébreux 10.3) ; sous la grâce, Dieu a pris soin de placer devant soi un sacrifice, et un sacrificateur saint, innocent, sans tache, séparé des pécheurs et élevé au-dessus des cieux, qui n’eût pas besoin, etc. (Hébreux 7.26-28). Et l’obéissance de ce fidèle serviteur plaît tellement au Père, que nos péchés ne peuvent plus lui monter au cœur. C’est ce que Dieu a fait à cause de nous, afin que nous trouvassions le repos de notre âme, là où il déclare trouver le repos de la sienne. Comme du temps de Noé, il établit l’arc-en-ciel pour être un signe de son alliance avec la terre, afin de ne plus la détruire par les eaux du déluge, le Père a placé Christ à sa droite pour être un signe de la perpétuité de son alliance avec l’Église. Christ est pour le Père ce que la Cène est sur la terre pour nous, un mémorial de la grâce ; et il ne cessera d’y être que quand la Cène cessera sur la terre par l’enlèvement de l’Église dans les cieux. — Et comme la justice de Dieu n’est plus provoquée par nos anciens péchés, elle ne l’est plus par les nouveaux, grâce à l’intercession de Jésus ; car le sang de ce Juste nous lave de tout péché. Sans doute le fidèle qui pèche, met un nuage entre Dieu et lui ; mais Dieu a pourvu à ce que ses pauvres enfants eussent un avocat, qui peut compatir à leurs infirmités (Hébreux 4.15) parce qu’il a connu, sans péché ni chute, ce que c’est que la tentation. Tant qu’il y aura du péché à craindre pour l’Église, cette dernière aura un sacrificateur dans les lieux saints qui ne sont point faits de main ; de là naît la parfaite sécurité du peuple croyant. Si lorsque nous étions ennemis, nous avons été réconciliés avec Dieu par la mort de son Fils, à combien plus forte raison, étant maintenant réconciliés, serons-nous sauvés par sa vie ? (Romains 5.10) Si la mort de Christ a rapproché l’Église du Père, et si, quand nous étions dans un état de péché, le Père, par la mort du Fils, nous a attirés dans sa communion, que ne devons-nous pas attendre de la vie de Christ dans les cieux, maintenant que nous sommes dans la grâce ! Si Christ étant vivant ne meurt plus et si la mort n’a plus d’empire sur lui ; s’il vit pour s’intéresser à ceux que le Père lui a donnés ; s’il comparaît pour eux devant la face de Dieu, avec le sang de l’aspersion ; qui pourrait les condamner pour leurs péchés de chaque jour ?

c) Enfin Christ lui-même, pour la gloire du Père et pour la sienne, et aussi afin d’exciter les croyants à le glorifier, a dû prendre après sa résurrection l’office d’intercesseur. Il faut que tous honorent le Fils comme ils honorent le Père (Jean 5.22-23) et le Fils, devant être honoré par ses créatures, ne doit pas cesser d’agir pour elles. Jésus s’est reposé du travail de son âme, comme Dieu se reposa après la création. Mais son repos n’est pas de l’oisiveté : sur le trône où il est assis, il exerce une charge honorable et excellente, celle de conserver son ouvrage, et celle de juger l’Église ou de la gouverner, et en même temps d’être pour elle Sacrificateur, Intercesseur, Défenseur ou Avocat. Que Jésus ne soit point, même ne doive pas être oisif dans les cieux relativement à son peuple, c’est ce qui est suffisamment prouvé par Hébreux 7.24 ; sa sacrificature est perpétuelle. Il n’est pas sacrificateur in partibus, comme certains Ministres d’une certaine église. C’est un titre d’honneur que Dieu lui a donné après sa résurrection (Hébreux 5.4-6) et auquel Jésus fait honneur lui-même, en vaquant continuelle-, ment à cette œuvre de grâce qui doit le glorifier aux yeux de ses rachetés, et tirer chaque jour de leur bouche de nouvelles adorations. — Mais surtout il était naturel, il était essentiel pour notre paix, que Celui qui avait mis avec tant d’amour la première main à notre salut, y mit aussi la dernière ; et que comme il avait jeté le fondement de l’édifice, il jouit aussi du privilège d’en lever la pierre la plus haute. Telle est la pensée de Paul aux Hébreux 12.2. Il nous invite à regarder à Jésus mourant, et à Jésus assis sur le trône du Père ; deux faces sous lesquelles il le considère dans cette Épître, et dont l’une est le commencement, l’autre la fin de la foi ; ou plutôt, deux ministères dont le premier a été comme le principe, et le second est comme la consommation de ce qui forme la substance de la foi. Ainsi l’intercession de Christ est ce qui couronne son œuvre : elle est l’Oméga de ce dont sa mort est l’Alpha. Mais, plus durable que son œuvre de souffrance qui a eu un temps limité, cette intercession s’étend jusqu’au moment où le dernier des élus sera amené à Dieu. Et comme Jésus a eu la gloire de réconcilier toutes choses avec le Père, ayant fait la paix par le sang de sa croix, il saura consommer également la délivrance de chacun de ceux que le Père lui a donnés ; douce pensée pour ceux-ci, qui ont tant besoin d’être assurés que Celui qui les a aimés dans ce monde, les aimera aussi jusqu’à la fin.

Maintenant il sera facile de comprendre pourquoi notre Apôtre s’élève à un si haut degré de confiance, et pourquoi sa foi triomphe, en contemplant Jésus priant pour son peuple dans les cieux. Et nous chercherons à faire entrer nos lecteurs dans les mêmes sentiments que l’Apôtre, en montrant, d’un côté, ce qui, dans cette intercession, sert à fortifier la foi justifiante, et de l’autre, la valeur, la puissance et l’efficace d’une intercession comme celle de Jésus ; le tout, toujours d’après les Écritures.

1° — Il y a plusieurs choses dans la sacrificature du Sauveur qui sont propres à réjouir et à affermir la foi des croyants. La principale est la nature même de cette intercession. Christ est parfait dans toutes ses œuvres et dans tous ses offices (Deutéronome 32.4) ; et cette perfection consiste dans la pleine et entière obtention du but que Dieu se propose dans les unes et dans les autres. Celui de la mort de Christ est obtenu, puisqu’il est écrit que nous sommes réconciliés et justifiés par son sang (Romains 5.9 ; Colossiens 1.20-22) et qu’Il a trouvé une rédemption éternelle (Hébreux 9.12). Quant à son intercession, elle a, comme nous l’avons déjà vu, le salut final des croyants pour objet, selon que le Saint-Esprit l’indique dans Hébreux 7.25 : Il peut sauver pour toujours, c’est-à-dire pleinement, parfaitement et jusqu’au bout (selon le sens du grec), ceux qui s’approchent de Dieu par lui. Puis donc qu’en s’offrant lui-même en sacrifice, Jésus n’a pas échoué dans son dessein, et que, par une seule oblation, il a amené pour toujours à la perfection ceux qui sont sanctifiés (Hébreux 10.14-17), qu’en résultera-t-il par rapport à la seconde partie de sa sacrificature ? qu’il réussira aussi bien que dans la première, et que comme sa mort nous a réconciliés, sa vie nous sauvera (Romains 5.10). Si donc sa mort nous donne une pleine confiance que nos péchés sont effacés, parce que cette mort est un sacrifice parfait, unique dans son espèce, et dont la puissance propitiatrice s’étend à tous les genres de péchés, pourquoi douterions-nous de la perfection et de la puissance de son intercession, ministère exercé dans la même perfection d’amour que celui qu’il a rempli sur la croix ? Et si le but de celui-là est d’amener nos âmes à la jouissance du salut éternel en les préservant de toute chute, et en faisant propitiation continuelle pour leurs péchés journaliers, pourquoi douterions-nous que Jésus n’atteigne ce but, comme il a atteint celui qu’il se proposait dans son sacerdoce terrestre ? Certainement ce serait mettre en question la perfection de ce sacerdoce tout entier. — Mais, dira quelque âme, mon incrédulité, la dureté de mon cœur, ne mettront-elles pas un obstacle à l’accomplissement du dessein de Christ ? Non certainement, si votre cœur déplore cette incrédulité et cette dureté aux pieds du trône de la grâce, et que vous vous en soyez sincèrement remis à Christ du soin de vous sauver. On ne saurait trop le redire, le sacerdoce de Jésus ne serait pas parfait s’il y avait un seul des élus qui manquât au grand appel qu’en fera un jour le cri de l’Archange : et Dieu qui veut avoir un peuple dans la gloire, se chercherait un autre sacrificateur que Christ pour accomplir cette volonté ; car il en faut un pour le salut des pécheurs. Mais si le ciel et la terre ne sauraient en fournir un autre, il faut donc que Celui que nous avons soit suffisant pour amener à la gloire ceux que le Père a attirés à lui : et ainsi toute âme, quelque misérable qu’elle soit, sera parfaitement sauvée, si elle suit l’attrait du Père et crie à Jésus qui est dans le ciel, comme la Cananéenne ou Bartimée criaient à lui sur la terre.

2° — Et s’il nous faut encore d’autres sujets de confiance, considérons les différentes circonstances de personnes ou de choses que l’intercession de Christ nous présente. Excellence dans l’intercesseur même, justice dans sa cause, puissance pour exécuter ce que le Père lui accorde, dispositions du Père à l’égard de Christ et de nous, que de motifs de triomphe ! que d’encouragements à se réjouir dans le Seigneur, et à recevoir ou à retenir ferme jusqu’à la fin l’assurance et la gloire de l’espérance ! (Hébreux 3.6)

a) Excellence dans l’intercesseur. Christ est un grand Souverain Sacrificateur (Hébreux 4.14 ; 10.21), et c’est ce qui nous donne hardiesse pour nous approcher de son trône (Hébreux 4.16 ; Éphésiens 3.12). Sa grandeur consiste, selon l’Apôtre dont nous venons de citer les paroles, en ce qu’il est le Fils de Dieu qui est entré dans les cieux ; et que la parole du serment qui a été fait après la loi, ordonne (comme sacrificateur à la place des hommes faibles de la loi) le Fils qui a été consommé pour l’éternité (Hébreux 7.28). Cette circonstance est très importante relativement à l’intercession de Christ ; car elle montre toute l’efficace de cette intercession, et le succès que nous pouvons en attendre. Comme la vertu de sa mort et de son sacrifice pour purifier la conscience des œuvres mortes, gît en ce que, par l’Esprit éternel, il s’est offert à Dieu sans nulle tache (Hébreux 9.12-14), ou en ce que la plus intime relation l’unissait à la Divinité ; celle de son intercession gît aussi en ce qu’il est Fils de Dieu, ou dans des rapports non moins étroits avec la personne du Père ; rapports non seulement de nature, mais de tendresse et d’affection. Et remarquons bien que c’est spécialement en qualité de Fils que Jésus est représenté comme intercédant, c’est-à-dire qu’il en appelle plutôt à l’amour que le Père lui porte qu’aux droits imprescriptibles de ce sang qu’il a versé pour satisfaire à la justice de Dieu : tellement que, s’il était possible que le sang fût oublié, comme c’est le Fils qui plaide, le Père donnerait toutes choses à cause de lui. Que ne peut-on donc pas attendre d’un intercesseur qui est Fils, et Fils tellement aimé du Père, que le Père ne peut rien lui refuser sans se renier soi-même ! Si Dieu a dit aux hommes : C’est ici mon Fils Bien-Aimé en qui j’ai mis tout mon bon plaisir ; écoutez-le (Matthieu 17.8) qu’était cette voix venant de la nuée, sinon l’écho du cœur du Père envers Celui qui pouvait dire : Père, je te rends grâce de ce que tu m’as exaucé : or je savais bien que tu m’exauces toujours ! (Jean 11.41-42). Oui, Dieu écoute Christ : Il l’écoute avec autant de joie et de franche volonté qu’il veut que nous l’écoutions nous-mêmes. Il ne l’écoute pas seulement comme garant, mais comme Fils ; et non seulement comme Fils, mais comme Celui dans lequel il a mis toute l’affection qu’il est capable d’avoir ; Fils qu’il aime parce qu’il est de la même nature que lui ; Fils qui a donné sa vie par amour pour le Père qui lui-même avait éternellement aimé les élus ; Fils obéissant (Hébreux 5.8-10 ; 7.26-28), qui, par ses travaux, ses douleurs, son supplice, a tissu la robe de noces dont l’amour du Père avait de tout temps voulu couvrir le peuple destiné à la gloire ; Fils, en un mot, qui l’a glorifié sur la terre et qui mérite tout ce que le Père peut lui donner (Jean 17.4). Quel Intercesseur ! et quel sujet de croire, d’espérer, de se réjouir ; surtout quand on pense que le Fils, étant héritier de toutes choses, n’a rien à demander pour lui-même proprement, et n’emploie l’immense crédit dont il jouit auprès du Père, qu’à solliciter sa faveur et les grâces qui en découlent, pour de pauvres êtres si indignes de la moindre de ses prières !

b) Mais Jésus parle aussi dans les cieux comme notre défenseur ou notre avocat (1 Jean 2.1-2). Il en appelle à la justice satisfaite par sa propitiation, aussi bien qu’à la grâce et à la faveur dont il jouit en tant que Fils ; et l’adjure, pour ainsi dire, de sauver ceux qu’elle ne peut plus condamner. De là ce nom de Jésus-Christ le Juste, donné au Fils par le Saint-Esprit dans le passage précité ; et ces déclarations de la justice et de la fidélité de Dieu dans le pardon qu’il accorde ; (Romains 3.25 ; 1 Jean 1.9). Lorsque Jésus prend entre ses mains la cause la plus décidément mauvaise, celle du plus misérable des misérables pécheurs, c’est une cause gagnée en cour céleste ; non pas à la manière des hommes, mais parce qu’elle devient bonne, une fois que s’en charge Celui qui, étant la propitiation pour nos péchés, peut seul présenter à Dieu cette justice, dont le poids souverainement excellent emporte bien loin celui de toute espèce de transgression, même de toutes les transgressions possibles. — Nous ne reviendrons point sur ce qui a déjà été dit de la perfection de cette justice ; mais nous rappellerons à nos lecteurs qu’il y a deux arguments que Jésus fait valoir en faveur des élus, et qui doivent exercer un effet puissant sur les entrailles d’un Dieu souverainement juste.

C’est d’abord son sang, ce sang avec lequel il est entré dans les lieux saints, après avoir obtenu une rédemption éternelle, et qui prononce de meilleures choses que celui d’Abel (Hébreux 9.12 ; 12.24). Ce sang, comme on le voit, a un langage muet, mais aussi éloquent que celui du premier homme qui ait souffert pour la justice (Genèse 4.10), quoique ne demandant pas vengeance comme ce dernier. Il y a ici une magnifique antithèse : Dieu hait souverainement l’injustice et le meurtre en particulier ; chaque goutte de sang innocent qui se verse sur la terre, sollicite sa justice contre celui qui l’a répandu. Mais le sang du juste, ayant coulé par le conseil déterminé de Dieu, qui l’avait permis et ordonné pour épargner celui des coupables, sollicite l’acquittement et la justification de ceux qui ont contribué à le répandre. Or plus juste a été la victime, plus pressantes sont ces sollicitations ; car leur puissance est selon la dignité de la victime. — Mais nous en jugerons mieux, en comparant le sang d’Abel le juste, avec celui du Juste par excellence. — Abel eût-il été le meurtrier de ce Caïn qui était du malin, le sang de Caïn fût retombé sur la tête d’Abel ; mais pas avec la même puissance que celui d’Abel sur Caïn, parce que celui-là était juste, et avait souffert pour la justice ; la mort des bien-aimés de l’Éternel étant précieuse devant ses yeux (Psaumes 116.15 ; 72.14). Le sang d’un simple fidèle, d’un membre du corps, prononçant des requêtes si énergiques, que sera-ce donc du sang du Roi des nations et du Chef de l’Église ? Si la voix de celui d’Abel montait de la terre à Dieu, celle du sang de Christ ne fera-t-elle pas retentir les cieux et la terre, jusqu’à ce qu’elle ait obtenu, non la malédiction, mais la bénédiction des âmes qui doivent être blanchies dans ce sang précieux ? — Et puis, observez que le sang d’Abel montait de la terre qu’il avait rougie, et ne demandait pour le meurtrier qu’une punition terrestre ; tandis que c’est dans les cieux, entre les mains mêmes de Celui qui est sacrificateur après avoir été victime, que le sang de l’Agneau sans défaut et sans tache fait entendre sa voix ; c’est au milieu des milliers d’anges, et devant Dieu qui est le Juge de tous (Hébreux 12.22-23) ; au milieu de toutes les choses célestes qui ont été purifiées par ce sang (Hébreux 9.23-24). Il ne monte donc pas de la terre ; mais il crie aux oreilles de Dieu ; il n’invite pas Dieu à descendre sur la terre pour faire justice, mais il invite Dieu à ouvrir les lieux saints aux habitants de la terre, et à exaucer la prière faite par Jésus dans le lieu où il a versé son sang : Père, je veux que là où je suis, ceux que tu m’as donnés y soient aussi avec moi (Jean 17.24).

Dira-t-on que nous ne devions pas tirer un tel parti d’une expression purement figurée, puisqu’il n’y a pas proprement de sang dans les cieux ? Mais pourquoi l’Écriture se servirait-elle de ces expressions, si nous n’étions pas en droit d’en tirer tout le parti possible ? — Au reste prenez les choses dans le sens propre. Dites que la mort de Jésus, ou plutôt le don que Jésus a fait de sa vie, représenté par l’effusion de son sang, est perpétué dans les cieux par sa présence corporelle, puisque c’est à sa mort sur la terre qu’il doit sa vie dans le ciel, et les mêmes vérités en jailliront toujours, même avec plus de force. Christ n’a qu’à lever sa main autrefois percée, pour faire retentir de louanges les voûtes célestes, et pour faire agir en faveur des élus, cette même Justice qui demanda jadis qu’on le mît au rang des malfaiteurs. Comme Agneau immolé, il est digne de prendre le livre et d’en ouvrir les sceaux, c’est-à-dire, de sortir avec puissance de son lieu pour détruire ceux qui corrompent la terre, et racheter, d’entre les mains de Satan, la possession et le royaume de son Épouse qui est l’Église (Apocalypse ch. 5 et 6) : et en cette même qualité, il a aussi le droit de réclamer le fruit de ses souffrances pour cette dernière.

Et la vie de Jésus se joint à sa mort pour renforcer le cri que celle-ci fait entendre dans le sanctuaire. Abel parle quoique mort ; combien plus Christ qui a été mort, et qui étant maintenant vivant, donne ainsi comme une vie à ses meurtrissures passées ? Il n’en est pas de lui comme du premier Adam. Celui-ci eut-il été anéanti après être retourné dans la poudre, la puissance de son péché n’en eût pas moins subsisté pour assujettir tous les hommes à la condamnation jusqu’à la fin du monde. Et de ce qu’Adam n’a pas été anéanti, les suites de ce péché ne reçoivent aucune diminution ; tout cela parce que ce péché nous condamne naturellement et nécessairement. Mais la mort de Christ étant une cause gratuite de salut, une conséquence de l’amour divin pour l’homme, la vie de Christ y ajoute un degré de valeur qui en rehausse les instances auprès de Dieu ; de la même manière (si l’on ose adopter cette comparaison) que les prières d’un misérable ajoutent à la compassion que nous inspire la vue de son triste état. Comme Dieu se souvient de son alliance avec Abraham, Isaac et Jacob qui vivent en lui, (Luc 20.38), et qu’il ratifiera un jour à l’égard d’Israël les promesses faites aux pères, ainsi Christ étant aussi vivant pour Dieu (Romains 6.10), et Dieu étant le Dieu de Christ vivant (Éphésiens 1.3), il se souvient du sang de Golgotha qui, après avoir été porté dans les lieux célestes, est présenté par Celui-là même qui l’a versé, accompagné du témoignage constant que le Père a rendu de son efficace, savoir de la présence de Jésus dans le ciel (Hébreux 9.24). Oh ! quel trésor de consolations nous tirerions de ces circonstances réunies, si notre foi, plus ferme, plus vivante, savait se nourrir de Christ, et regardait aux choses d’en haut, comme elle y est exhortée ! (Colossiens 3.1-3). Mais, misérables que nous sommes, au lieu de tendre les oreilles pour écouter la voix qui appelle sur nous toutes les compassions et les bénédictions du Père, nous écoutons la voix trompeuse et séduisante du monde, de Satan ou de la chair ; ou bien, piège encore plus subtil, nous cherchons en nous-mêmes ce qui ne retentit qu’aux cieux, c’est-à-dire la voix qui rassure et qui console. On se complaît davantage à s’entendre parler de Christ et à consulter les sentiments de son propre cœur envers Christ, qu’à demeurer en quelque sorte au pied du trône de la grâce, suspendu aux lèvres de Celui dont la voix arrive au cœur du Père des miséricordes, du Dieu des consolations, et tire de cette source abondante les eaux qui rafraîchissent l’âme altérée. Faut-il maintenant s’étonner, se plaindre, si l’Évangile qui, par sa nature même, devrait réjouir, laisse encore tant de cours dans un état de trouble, de gêne ou de tristesse ?

c) Mais, pour en revenir à notre puissant Intercesseur, n’oublions pas que c’est du trône qu’il prie, et que c’est sur le trône qu’est assis Celui, dont la mort et la vie s’unissent pour émouvoir en notre faveur les entrailles du Père. C’est dans la toute puissance qui lui a été donnée sur toutes choses, afin de donner la vie éternelle à ceux que le Père lui a donnés (Jean 17.2), que Jésus exerce son ministère d’intercession : tellement qu’il n’y a pas seulement en lui d’énergiques arguments pour le gain de la cause dont il s’est chargé, mais encore le pouvoir d’accomplir envers nous tout ce qu’il obtient du Père, tout ce que l’amour du Père veut accorder à ceux qui s’approchent de lui par Christ. Ce n’est pas une moitié de l’empire céleste que Christ a reçue, mais le Père a donné tout jugement au Fils ; (voyez Jean 5.24-27). La volonté de Christ est aussi libre, sa monarchie ainsi que son autorité sont aussi absolues que celles de Dieu lui-même. Dans un sens, le Père a quitté le trône pour y placer le Fils, comme Pharaon fit monter Joseph sur le sien. — Or si Christ comme Roi, et afin d’honorer le Père, veut tout ce que veut le Père, demande tout ce qui plaît au Père, et a la puissance d’exécuter tout ce qu’il demande, que ne peut-on pas obtenir de Dieu par lui ? Qui peut s’opposer au salut de l’âme pour laquelle Jésus non seulement prie, mais prie avec autorité, et prie avec pouvoir d’accomplir tout ce qui fait la substance de sa prière ? Remarquez cette expression : Mon Roi ; que le Père emploie quand il parle du sacre de Jésus (Psaumes  2) : Christ est donc le Roi du choix de Dieu ; Celui qui gouverne, conduit, dirige, soutient toutes choses par sa parole puissante (Hébreux 1.3), de la part et à la place de Dieu. Et quand il a été sacré Roi par le Père, le Père lui a dit : Demande-moi ! en sorte que Christ, pour la gloire du Père, doit demander ; et que d’un autre côté, établi Roi par le choix de Dieu même, il ne peut pas essuyer de refus. — Aussi sa prière sur la terre, modèle de celle qu’il fait maintenant dans les lieux célestes, était-elle sur le ton de l’autorité : Père, ceux que tu m’as donnés, je veux qu’ils y soient aussi avec moi, (Jean 17.24). Et si Dieu daigne honorer tellement les prières de ses pauvres enfants ; s’il les regarde comme trop puissantes pour y résister (comme ce fut le cas avec Jacob, Osée 12.4, et avec Moïse, Exode 32.10) ; si l’homme peut forcer la force de Dieu, (Ésaïe 27.5) ; que sera-ce des prières de ce Jésus qui est non seulement appelé le Juste, mais le Roi de Dieu, Celui qui a reçu toutes choses entre les mains de la part du Père, et qui possède un nom au-dessus de tout nom ? Voyez-en un bel exemple dans Zacharie 1.12 et suivants. Là nous entendons d’abord l’Ange de l’alliance, intercédant auprès de l’Éternel des armées en faveur de Jérusalem foulée aux pieds par les Gentils ; puis l’Éternel lui répondant de bonnes paroles, des paroles de consolation. Mais ce qu’il y a de singulièrement remarquable dans cette réponse, c’est que l’Éternel s’excuse, pour ainsi dire, de son long délai à rétablir son peuple dans sa terre et à le délivrer de sa captivité, et qu’il en rejette la faute sur la méchanceté des ennemis de Jérusalem (v. 15). Tout ceci sans doute est une manière de parler selon l’homme : mais on y voit une intention marquée de faire observer la tendre pitié de Christ pour son peuple, et en même temps l’espèce de crainte que le Père éprouve de contrister le cœur de son Roi, ainsi que l’empressement avec lequel il répond à ses prières. — Et l’on serait en droit de s’étonner qu’il en fût autrement, vu l’unité de nature, de volonté et de puissance qui existe entre la personne du Fils et celle du Père (Jean 10.30 ; 5.19). Ce n’est pas ce que lui-même, individuellement considéré, a jugé ou juge bon de demander pour ses frères, qui fait le sujet des prières de Jésus dans son humanité glorifiée. Sur la terre il disait : Car je suis descendu non point pour faire ma volonté, mais la volonté de celui qui m’a envoyé. Le Père qui m’a envoyé m’a prescrit ce que j’ai à dire et comment je dois parler, (Jean 6.38 ; 12.50) ; or comme alors sa parole était celle du Père, il en est ainsi maintenant : c’est la voix du Père qui est entendue dans la bouche de Jésus intercesseur. Dans cette charge il manifeste l’amour du Dieu invisible dont il est l’image (Colossiens 1.15), et ne demande que ce qui a été donné en lui à l’Église dès les temps éternels (2 Timothée 1.9). Dieu se renierait donc lui-même (2 Timothée 2.13), si Christ sollicitait en notre faveur des grâces que le Père ne pût pas ou ne voulût pas nous octroyer ; car c’est le conseil éternel de Dieu qui s’exécute. soit dans l’intercession de Christ, soit dans les choses pour lesquelles il intercède. Jésus ne peut et ne doit faire d’ailleurs que ce qui plaît au Père ; et de son côté, à cause de ses promesses, le Père ne doit rien refuser à l’homme de son choix, celui-ci ne demandant rien autre que l’accomplissement des promesses, qui lui ont été faites à cause de son obéissance jusqu’à la mort. Voilà ce qui justifie la confiance que nous avons en lui, savoir, que quand nous lui demandons quelque chose selon sa volonté, il nous exauce (1 Jean 5.14) ; et tel est aussi l’un des fermes fondements de la gloire et de la justification des croyants. Heureux serions-nous si notre foi pouvait ou savait se prévaloir de cette autorité dont le Seigneur Jésus jouit auprès du Père, et assiégeait souvent ce trône où Christ ordonne quand il prie, et d’où partent les réponses en même temps que les demandes.

d) Enfin, pour clore nos méditations sur le sujet, aussi bien que pour rendre accomplie la joie et la sécurité des croyants sincères, pesons toute la valeur de cette déclaration du disciple bien-aimé, aux petits enfants qu’il avait engendrés à Christ par l’Évangile : Que si ou quand quelqu’un a péché, leur dit-il, nous avons un avocat auprès du Père, savoir Jésus-Christ le Juste (1 Jean 2.1). Cette déclaration suppose qu’il y aura des croyants qui pécheront, lors même que leur devoir est de fuir tout péché et de vivre dans une communion habituelle avec leur Dieu et Sauveur. Et maintenant avec quoi l’Apôtre les relèvera-t-il ? Est-ce en leur disant : Repentez-vous, priez, prenez des résolutions, veillez sur vous-mêmes ? Non ; ce serait bander la plaie à la légère ; ce n’est pas en chargeant l’âme tombée et froissée de sa chute, ce n’est pas en la ramenant sur elle-même, ce n’est pas en lui recommandant les actes de l’homme qui est debout, qu’on la retirera du filet, ni surtout qu’on calmera sa conscience angoissée. Nous avons un Défenseur auprès du Père, si nous avons péché : voilà le remède le plus pressant et le plus salutaire. Christ Intercesseur est le bouclier de l’âme qu’accuse le grand adversaire : et ce fut dans cette même pensée que Jésus annonça à Pierre qu’il serait relevé de sa triste chute (Luc 21.31-32). C’est en revenant à Christ que le pauvre enfant de Dieu retrouve la communion de l’Esprit qu’il avait contristé. — Mais, considérons de plus près les paroles de l’Apôtre. Il ne dit pas : nous avons un Avocat auprès de Dieu, parce que ce n’est pas le titre significatif que Dieu prend avec les croyants, comme Jésus le fit sentir à Marie, après que lui-même eut été déclaré Fils dans sa résurrection (Jean 20.17). Mais il dit : auprès du Père, pour nous rappeler, d’un côté, la relation que Dieu soutient avec Christ et avec nous, et de l’autre, notre commune participation avec Christ dans cette relation, ce qui doit doubler notre confiance ; car cette expression générale permet à chaque enfant de Dieu de s’identifier avec Christ et de dire : L’Avocat est auprès de son Père et du mien. Or Jésus priant auprès de son Père, et auprès de notre Père, est quelque chose de merveilleusement propre à allumer une sainte confiance dans le fidèle, même le plus misérable.

Car que n’octroiera pas le Père des miséricordes à la prière de son Fils bien-aimé ? Lorsque Jésus était sur la terre dans l’infirmité, Marthe, quoique faible en connaissance, pouvait lui dire avec confiance : Je sais que tout ce que tu demanderas à Dieu, Dieu te le donnera. Lui-même, quelques moments plus tard, confirma ce témoignage de Marthe en prononçant, avant d’exaucer les cris des deux sœurs de Lazare, ces remarquables paroles, qui donnaient, comme par avance, une idée de la puissance de son intercession auprès du Père : Père, je te rends grâces de ce que tu m’as exaucé. Or je savais bien que tu m’exauces toujours ; mais je l’ai dit à cause de ces troupes que sont alentour de moi (Jean 11.22, 41,42). Ici nous l’entendons d’abord exprimer sa reconnaissance au Père d’avoir exaucé ses prières pour la résurrection de son ami : et ensuite manifester publiquement l’expérience qu’il avait faite plusieurs fois du plaisir que le Père prenait à ses requêtes, dont on avait pu voir le succès dans d’autres miracles que celui-ci : manifestation dont le but était d’amener à la foi cette troupe de gens qui l’environnait, et à laquelle il était encore inconnu. Jésus donc a toujours été entendu du Père pendant son séjour ici-bas. Plus tard encore, il fut exaucé relativement à ce qu’il craignait (Hébreux 5.7) ; sa prière au Père pour ses bourreaux fut enregistrée, et, au temps marqué, sera accomplie par la conversion d’Israël. De quel crédit ne jouira-t-il donc pas maintenant dans les cieux, surtout après avoir été déclaré Fils par sa résurrection d’entre les morts, et avoir achevé l’œuvre que le Père lui avait donnée à faire ? Relisons le Psaume 2 que nous avons déjà cité, et nous en jugerons. L’Éternel m’a dit : Tu es mon Fils, je t’ai aujourd’hui engendré. Demande-moi, et je te donnerai pour ton héritage les nations, (vers. 7, 8). Ainsi le privilège que Christ a reçu du Père lors de sa résurrection, est celui de demander et de recevoir. Dieu a été réjoui de l’œuvre parfaite du Christ, et lui a remis toutes choses entre les mains. Jésus, comme Fils, aura-t-il donc moins d’influence auprès du Père en faveur de l’Église qui est de ses os et de sa chair, et en faveur même du plus petit d’entre ses frères, que la reine Esther, qui au fond n’était qu’une esclave, n’en eut auprès du roi de Perse, son époux, pour le salut de son peuple et de sa parenté ? Loin de nous cette injurieuse pensée ! Comment Jésus ne triompherait-il pas dans une cause de laquelle le Père l’a établi défenseur, et qu’il plaide non pas devant un étranger, mais devant son Père ? Ainsi, lors-même que votre cas semble désespéré, ne désespérez de rien. Regardez en haut, si Satan vous accuse après être parvenu à vous renverser ; et vous y trouverez non seulement un juste qui est la propitiation pour tout le monde, et qui réclame de la grâce un droit que lui a concédé la justice ; mais encore un Être souverainement cher au Père, priant pour les pécheurs, et envers qui les entrailles paternelles de Dieu se sont toutes ensemble échauffées.

Et puis, ne l’oublions pas non plus, c’est auprès de notre Père que Jésus intercède. Le Père lui-même nous aime, parce que vous m’avez aimé et que vous avez cru que je suis issu de Dieu, a dit le Christ à ses disciples (Jean 15.1,26-27). Ainsi le cœur du Père à notre égard est ému du même sentiment qu’à l’égard de Christ lui-même. Le Père aime le Fils, (Jean 3.36), parce que le Fils a laissé sa vie pour la reprendre, (Jean 10.17) ; c’est pourquoi il aime aussi ceux pour lesquels il n’a pas épargné son propre Fils, et il les a mis en lui sur le trône. En sorte que Jésus n’en appelle pas seulement au Père comme étant le sien, mais comme étant aussi celui de toute sa famille, selon ce qui est écrit : Voyez quel amour le Père nous a donné, que nous soyons appelés fils de Dieu (1 Jean 3.1 ; lisez aussi Jean ch. 17, tout entier). Combinez maintenant toutes ces circonstances réunies, et considérez, lecteurs chrétiens, tout ce que vous avez dans le ciel pour la joie de votre foi. C’est le Fils qui parle pour vous à son Père et au vôtre, le Fils qui est un avec le Père, assis sur le trône du Père, demandant ce qui plaît au Père, après avoir pleinement accompli toute la sainte volonté du Père pour votre justification. Et ce Père auquel il parle, a fait éclater son amour envers nous, (Romains 5.8) : non seulement il n’a pas épargné son propre Fils (Romains 8.29), mais en lui il vous a bénis de toute bénédiction spirituelle dans les lieux célestes (Éphésiens 1.3) ; en lui réconciliés (Colossiens 1.19) ; en lui rendus participants de toutes ses promesses (2 Corinthiens 1.20) ; en lui ressuscités et assis ensemble dans les lieux célestes (Éphésiens 2.6). Comment donc son cœur ne serait-il pas disposé à donner aussi bien que celui de Jésus à demander ? Comment le Père refuserait-il d’accorder des grâces à ceux qu’il a gratuitement aimés, et d’un amour qui remonte à des temps éternels (2 Timothée 1.9), d’un amour que n’augmente pas même cette œuvre excellente de Christ qui n’en est que la conséquence ? Non ; si le cœur de David était tellement attaché à Absalom, qu’il consentit à recevoir ce dernier, et à lui pardonner, sur le simple récit d’un mensonge fait par une femme déguisée en veuve désolée, à l’instigation de Joab ; que fera donc notre Père qui est aux cieux, quand c’est Jésus-Christ le Juste qui est notre Avocat auprès de Lui, et qui unit la voix de sa prière à la voix de son sang pour solliciter notre réintégration dans notre patrie et toutes les grâces qui peuvent nous y préparer ? Qui est-ce qui condamnera quand Christ prie pour nous ?

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