Dieu et mes sous

DES IDOLÂTRES QUI S’IGNORENT

Vous ne pouvez servir Dieu et Mamon.

Matthieu 6.24

Il serait souhaitable que chaque couple se trouve à court d’argent au moins une fois dans sa vie. Plus rien dans la caisse ! Expérience désagréable sur le moment mais à terme salutaire et donc enrichissante. Qui a les poches vides doit s’attendre au ciel. Mais alors, que d’inquiétude et d’affolement !

– Et demain, de quoi vivrons-nous ? Comment règlerons-nous l’électricité et le loyer ? Achèverons-nous de payer la voiture ?

Ah ! Comme un compte en banque bien garni rassure, sécurise, apaise ! Qui est en mesure de signer à volonté des chèques sans éponger pour autant son avoir peut respirer à l’aise et envisager l’avenir avec sérénité. Lorsque le lendemain est assuré, l’âme est en repos (Luc 12.19). Mais assuré par qui ? Ou par quoi ?

Le chrétien a beau savoir que Dieu est infiniment riche et disposé à pourvoir aux besoins des siens, il est néanmoins ébranlé dans son assurance lorsqu’il en est réduit à céder sa dernière « pite ». Preuve qu’il fait pleine confiance à son argent et… beaucoup moins à la Providence aux ressources pourtant inépuisables.

C’est reconnu. L’argent est un dieu qui tient une place énorme dans la vie des hommes. La Bible le nomme Mamon. Un dieu vénéré sur la terre. Ses autels sont dressés partout, sous tous les climats, chez les animistes d’Afrique comme dans les foyers chrétiens ou païens d’Europe et d’Amérique. Il trône dans les familles les plus orthodoxes, les plus austères, voire les plus pieuses. Une multitude de croyants lui sacrifient journellement leurs pensées, leurs forces, leur temps leur amour. On l’honore parce qu’il tient les clés du succès, de la gloire, de la puissance et d’un certain bonheur. De lui nous vient le pain quotidien, le vêtement, le nécessaire comme le superflu. Il rend la vie plus brillante, plus confortable, plus sûre donc plus agréable. C’est pourquoi, il n’est pas de religion mieux accueillie et plus répandue parmi les humains que celle de Mamon. Ses adeptes se comptent par millions, gens de toute race et de toute tribu. Et d’ailleurs, qui n’a été un jour ou l’autre son fervent disciple ? Qui, sur la terre, a pu échapper totalement à son attrait, à son charme envoûtant ?


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Au dieu Mamon, je peux sacrifier mes pensées.

Je m’imagine en train d’acheter un poste à transistors. Satisfait de mon achat, je quitte le magasin. Or que vois-je trônant dans une vitrine à l’angle de la rue voisine ? Le même appareil, le même modèle de la même marque… vendu avec un rabais de cinquante francs.

– Cinquante francs de moins ! Bigre, si j’avais su…

Et aussitôt cette impardonnable perte déclenche une succession – un flot – de réflexions attristées, de regrets. Je rentre à la maison maussade en ressassant cette mésaventure. Et Mamon de rire, lui qui accapare mes pensées des heures durant ! Des pensées qui devraient s’élever vers le Seigneur.

Naturellement, à l’inverse, si je constate que cet objet coûte cinquante francs de plus dans la boutique d’en-face, alors quelle jubilation ! Bref ! Perdue ou gagnée, cette modeste somme mobilise mes pensées. Mais que d’insomnies, d’heures remplies de lamentations lorsque les pertes se comptent par centaines où milliers de francs. Je puis passer des jours et des nuits à ruminer telle « mauvaise affaire », à chercher longuement comment récupérer les sommes perdues, à m’accuser interminablement de m’être laissé si stupidement berner. Hélas ! Le Seigneur qui veut être aimé « de toute notre pensée » (Luc 10.27) est grandement attristé lorsque Mamon devient le centre de nos préoccupations. C’est faire trop d’honneur à ce dernier.

Ne te fatigue pas pour t’enrichir, cesse d’y appliquer ton intelligence (Proverbes 23.4).


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A Mamon je puis sacrifier mon temps, mes forces et ma santé. Je pense à tel ouvrier rentrant à la maison au terme d’une journée de travail. Son salaire est modeste mais suffisant. Va-t-il se détendre et jouir de la vie familiale en se donnant aux siens ? Consacrera-t-il plus de temps à son Seigneur ? à son église ? Pas du tout. Il « expédie » en hâte son repas sans dire un mot à ses enfants, puis court chez l’épicier du coin faire quelques heures de « travail au noir » pour étoffer son revenu car l’épicier paye bien. De son côté, l’épouse ne chôme pas. Ses diplômes lui permettent d’être assise derrière un guichet à la grand poste. Bien sûr, l’un et l’autre rentrent fourbus à la maison, mais bah ! on se rattrapera durant les vacances. L’essentiel est d’encaisser de bons mois. Quant au Seigneur, il y a belle lurette qu’on l’a congédié. Le couple est trop las pour assister régulièrement au culte dominical, trop las pour se rendre à une soirée biblique.

Folie ! Mamon mobilise des forces que Dieu voudrait pour lui et son royaume.


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Enfin, à ce dieu exigeant – il veut mes affections – je puis sacrifier ce que j’ai de plus cher au monde : ma famille, mes proches. Faut-il parler ici des innombrables familles apparemment unies comme chair et ongles, brusquement déchirées lors d’un partage d’héritage ? Hélas ! Il arrive qu’on tienne davantage à un meuble branlant, à un champ ou à une maison, à quelques pièces d’or, qu’à un frère ou une sœur ; qu’au Seigneur lui-même. Ne réclame-t-il pas d’être aimé « de tout notre cœur » ?

Vous observerez que les personnes âpres au gain sont dures en affaire, sans cœur, impitoyables, avares de bons gestes, desséchées spirituellement. L’Ecriture qualifie les cupides de méchants (1 Corinthiens 5.11, 13). Lisez attentivement l’Ancien Testament et vous découvrirez combien l’idolâtrie est insupportable à Dieu et déchaîne sa plus vive colère. Aussi est-il impérieux que j’échappe à l’emprise de Mamon et refuse de plier les genoux devant lui. L’idole mordra la poussière, et l’argent perdra son pouvoir de séduction dès l’instant où je le donnerai avec libéralité, Le don profane l’argent, le désacralise, Ainsi détrôné, il est ramené au rang de serviteur. Il devient simple instrument, vulgaire outil. Bien plus, donner son argent sans regret au Seigneur est un acte de consécration : Dieu est délibérément choisi comme Maître. Et ma bourse arrachée à l’adversaire lui est désormais restitué (1). Il serait faux de croire que l’argent est en lui-même une chose mauvaise dès l’instant où il joue son rôle d’instrument, N’est-il pas à Dieu (Aggée 2.8) ? Le Seigneur n’est nullement opposé aux riches ni aux richesses puisque c’est lui qui les distribue (Proverbes 22.2). Ce qu’il condamne, c’est non l’argent, mais l’attachement à l’argent plutôt qu’à sa personne. Ce qu’il réprouve c’est l’emploi qui est fait de la richesse hors de son contrôle (Osée 2.10). De même, il désavoue ceux qui convoitent la fortune des nantis ou veulent s’enrichir au détriment des autres. Comme une perdrix qui couve ce qu’elle n’a pas pondu, tel est celui qui acquiert des richesses injustement ; au milieu de ses jours il doit les quitter. Et au moment de sa fin, il n’est qu’un insensé. (Jérémie 17.11).

(1) Lire Deutéronome 26.1, 11 qui illustre ce fait. Ici, les biens donnés à l’Egypte dominatrice sont désormais apportés à l’Eternel.

Un homme de Dieu éminent, sondant la Bible pour savoir ce qu’elle enseigne sur la mondanité, découvrit que dans l’Ancien comme dans le Nouveau Testament, celle-ci se confond dans la plupart des cas avec l’amour de l’argent. Poursuivre les richesses c’est « se conformer au siècle présent ».


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Petits enfants, recommandait le vieil apôtre, gardez-vous des idoles (1 Jean 5.21).

QUESTIONS

  1. Suis-je enclin à poursuivre les richesses et préoccupé de gagner toujours davantage ? En un mot, ne serai-je pas attaché aux biens matériels ?
  2. Dieu occupe-t-il mes pensées ? Dispose-t-il réellement de mon temps, de mes forces et de mon amour ? N’est-il pas trop souvent détrôné par les soucis d’argent ?
  3. Ai-je vraiment reconnu que la cupidité est une détestable idolâtrie ? Je veux bénir le Seigneur ; il ne se lasse pas de pardonner quiconque revient à lui.

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