Étude pratique sur l’épître de Jacques

1. La résignation chrétienne

1.1-4

1 Jacques, serviteur de Dieu et du Seigneur Jésus-Christ, aux douze tribus qui sont dans la dispersion, salut ! 2 Regardez comme un pur sujet de joie, mes frères, lorsque vous êtes exposés à diverses tentations, 3 sachant que l’épreuve de votre foi produit la patience ; 4 mais que la patience soit parfaite afin que vous soyez parfaits et accomplis, sans qu’il vous manque rien.

Jacques commence par exhorter les affligés à la patience et à la résignation. Ecoutons ses propres paroles : Regardez comme un pur sujet de joie, mes frères, lorsque vous êtes exposés à diverses tentations. La tentation, au sens de l’Ecriture, est un fait complexe : tout ce qui offre à la foi ou à la vertu chrétienne un obstacle, une occasion de chute, soit au dehors de nous, soit au dedans de nous, soit comme revers, soit comme prospérité, tout ce qui, en exposant la foi ou la vertu à faire naufrage, la met par là à l’épreuve et peut également servir à la confirmer, l’Ecriture l’appelle tentation. Quelques versions ont traduit le terme original par l’expression générale afflictions ; mais d’après le contexte il est évident qu’il s’agit ici, comme dans plusieurs autres endroits de l’Ecriture, d’afflictions qui sont pour les chrétiens auxquels s’adresse l’épîtrea, une tentation, une épreuve. Jacques exhorte ces chrétiens dans l’épreuve, et tous ceux qui se trouvent dans la même position, non seulement à endurer patiemment leurs souffrances, en portant leurs regards sur la gloire qui doit suivre, mais encore à se, réjouir de ces souffrances mêmes et à transformer leur douleur en joie.

a – On continua, même après la dispersion, à désigner d’une manière générale, sous le nom de « douze tribus », ce qui restait de la nation juive (Matthieu 19.28 ; Actes 26.7 ; Apocalypse 21.12) ; et Jacques applique le même nom aux chrétiens d’entre les Juifs auxquels s’adresse et qui étaient dans la dispersion, c’est-à-dire en dehors de la Palestine (Actes 8.1). Nous penchons à croire que la contrée qu’ils habitaient est la même où se trouvaient les lecteurs de Pierre, savoir l’Asie mineure (1 Pierre 1.1) En effet, les deux épîtres ont tant de points de ressemblance qu’elles paraissent avoir eu en vue les mêmes hommes et les mêmes besoins.

Jacques en parlant ainsi n’a en vue que ce qu’il y a de plus élevé dans l’homme, la partie impérissable de son être, « l’homme intérieur » de saint Paul. (2 Corinthiens 4.16) Convaincu que ces épreuves mises à profit devaient servir au développement de l’homme intérieur et étaient envoyées de Dieu dans ce but, il s’appuie sur cette conviction pour exhorter les chrétiens à ne pas se laisser abattre, mais à se réjouir de leurs souffrances par la pensée du bien qui doit en résulter pour leur âme. L’écrivain sacré suppose donc ses lecteurs placés au vrai point de vue d’où le chrétien doit envisager la douleur, ainsi qu’il le montre dans les mots suivants qui expliquent le motif de son exhortation : Sachant que l’épreuve de votre foi produit la patience. Il admet qu’il y a pour la foi un développement progressif et continu qui s’opère dans cette vie et qui a pour condition une lutte constante. Pour lui, la foi diffère absolument de tous les dons naturels que possèdent indistinctement tous les hommes ; elle leur est infiniment supérieure, elle porte en elle une puissance divine ; cependant elle a toujours à lutter contre des influences contraires et funestes, contre toutes les sollicitations de la chair et de l’homme naturel. De là naissent pour la foi des tentations de diverse nature auxquelles peut toujours s’appliquer le précepte de Jacques. Mais ici il est principalement question des difficultés que rencontre la foi dans les circonstances extérieures et qui doivent servir à montrer si c’est une foi vraie, une foi qui plonge ses racines dans le fond même de la vie, et qui par la puissance divine qui l’anime soit capable de vaincre le monde. C’est à cette foi inébranlable que Jésus-Christ oppose le terrain rocailleux où la semence de la parole de Dieu lève promptement mais sèche presque aussitôt, parce qu’elle n’a pas de sève ; image d’une conviction sans profondeur, sans racines, qui fait défaut au temps de la tentation. (Luc 8.6, 13) Mais lorsque la foi demeure victorieuse dans ces luttes, lorsqu’elle résiste aux attaques du monde, elle prouve par là sa force divine ; l’épreuve de la foi devient sa confirmation, elle sort de la lutte retrempée, affermie et a pour fruit la fermeté et la patience. C’est dans la tribulation seulement que l’homme apprend à faire le compte exact de ce qui est réellement à lui. »

Mais Jacques, sachant bien que dans les églises auxquelles il s’adresse, la foi était exposée à être mal comprise, s’efforce constamment de combattre cette tendance funeste à isoler et à réduire en formalisme les manifestations de la foi. Aussi ajoute-t-il qu’alors même que la foi se serait montrée invincible dans les luttes qu’elle a à soutenir contre ses ennemis extérieurs, la vie chrétienne ne saurait se contenter de ce fruit isolé ; la foi doit pénétrer toutes les sphères de la vie et se montrer partout agissante. Aussi s’empresse-t-il d’ajouter : que la patience soit parfaite ! Par cette « patience parfaite » on entend généralement une infatigable constance à supporter jusqu’au bout les persécutions ; mais le rapprochement des deux parties de ce verset et toute la teneur de l’Épître nous engagent à adopter plutôt le sens suivant : « Il ne suffit pas que la foi se soit montrée ferme ; il faut encore qu’à cette fermeté se joignent toutes les autres œuvres qui sont la manifestation de la foi. » L’on comprend alors que Jacques, se basant sur cette union nécessaire entre une foi persévérante et l’ensemble d’une vraie vie chrétienne, ajoute aussitôt : afin que vous soyez parfaits et accomplis, sans qu’il vous manque rien.

La perfection dont parle l’apôtre n’est pas une perfection absolue, telle qu’on ne la rencontre nulle part sur la terre ; il est question dans ce passage, ainsi qu’en plusieurs autres endroits de l’Ecriture, de tout ce qui sert à l’accroissement de la vie chrétienne, de tout ce qui contribue à la maturité du chrétien complet, de l’homme fait, comme l’appelle saint Paul. (1 Corinthiens 13.11 ; Éphésiens 4.8) Le chrétien accompli est celui de la vie duquel se trouve banni tout ce qui menace de troubler la vie chrétienne.

Jacques termine ces vœux en souhaitant qu’il ne leur manque rien, c’est-à-dire qu’ils possèdent l’ensemble des qualités, vertus et dispositions morales, qui sont le fruit de la foi chrétienne, lorsque celle-ci a pénétré, comme un levain efficace, l’être humain tout entier.

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