La venue du Seigneur

II. Le plan de Dieu

Nous en avons une esquisse, une ombre seulement, dans le premier chapitre de la Genèse, complété par les trois premiers versets du second.

Quel ordre, quelle merveilleuse harmonie, dans l’apparition successive des choses créées, qui produisent finalement une création parfaite où tout était très bon. Adam, son chef-d’œuvre, en reçoit la domination. Elle est pour lui, Dieu la lui confie et peut ensuite, satisfait de son ouvrage, se reposer en lui.

Tout cela est d’une beauté et d’une simplicité incomparables. L’intelligence d’un enfant est captivée au plus haut degré par ce récit de la création, et le savant, le vrai savant, méditera toujours l’antique narration des six jours créateurs, avec un intérêt qui ne cessera de grandir.

Pourtant, ce tableau n’est qu’une préface. La préface d’un livre, la Bible, mais aussi et surtout la préface d’une création, d’une nouvelle création (2 Corinthiens 5.17), où la lumière jaillit plus belle (Jean 1.9) et le repos demeure stable à jamais (Hébreux 4.9-11). Cette nouvelle création est pour l’homme, le second homme, le seul normal , dont Pilate a pu dire « Voici l’Homme ». Ce nom d’homme ayant été déshonoré par le premier Adam, il appartient au dernier Adam de le relever en lui donnant une gloire céleste et éternelle (1 Corinthiens 15.45-47). Il faut donc qu’Il paraisse et prenne la domination pour qu’un jour le soupir de la création soit exaucé et que toutes les choses créées s’épanouissent dans leur état définitif à la satisfaction du Créateur. Il faut qu’Il Vienne afin que Dieu puisse entrer dans son repos, car maintenant : « Il travaille… et moi je travaille » dit Jésus (Jean 5.17)

Ce travail divin est devenu nécessaire avec la chute : c’est pourquoi l’Écriture, après nous avoir parlé du repos dont Dieu jouissait avant l’apparition du péché (Genèse 2), nous fait assister, sitôt la désobéissance consommée, à l’activité divine cherchant l’homme, non pour le précipiter en enfer, mais pour lui donner une espérance de salut.

Nous connaissons les efforts de l’homme pour se cacher et se justifier en rejetant, soit sur la femme, soit sur le serpent, la responsabilité de la faute, insinuant même que Dieu en est le premier auteur (Genèse 3.12). Le souvenir de la honteuse attitude de nos parents contribue puissamment à mettre en relief la grâce infinie du Dieu Trois fois Saint qui saisit cette occasion pour déposer la promesse fondamentale d’où les autres surgiront au cours des âges :

Je mettrai inimitié entre toi (le serpent) et la femme, et entre ta semence et sa semence. Elle te brisera la tête, et toi tu lui briseras le talon (Genèse 3.15).

Ces paroles, adressées au serpent lui-même pour mieux le confondre dans son apparente victoire, renferment en germe tout le plan de Dieu, développé ensuite par les Écritures de l’Ancien et du Nouveau Testament.

Par cette promesse merveilleuse l’incarnation projette son ombre ici-bas. « Celui pour qui sont toutes choses » prend place par avarice au sein de l’humanité, il est la semence de la femme dont la trace profonde se dessine au travers des siècles.

Laissons-nous arrêter par son berceau. Selon le texte que nous venons de citer, le cadre en est l’humanité. Plus tard, lorsqu’après le déluge cette humanité est divisée en trois grandes familles, celle de Sem, à l’exclusion des deux autres (Japheth et Cham), se trouve désignée comme héritière du trésor divin : Béni soit l’Eternel, le Dieu de Sem (Genèse 9.26). — Rien de pareil n’est dit de Cham, ni même de son frère Japheth.

En appelant Abraham à s’expatrier, l’Éternel le choisit du milieu des Sémites pour lui donner la promesse en ces termes : En toi seront bénies toutes les familles de la terre (Genèse 12.3) — Puis, parmi les fils d’Abraham, Isaac devient la souche de la postérité promise selon cette déclaration divine : J’établirai mon alliance avec lui (Isaac), comme alliance perpétuelle, pour sa semence après lui (Genèse 17.19) (1). Des deux fils d’Isaac, Jacob est mis à part, même avant sa naissance, pour jalonner la route de « la semence de la femme », car Dieu dit à Rebecca sa mère : Deux peuples se sépareront en sortant de tes entrailles ; et un peuple sera plus fort que l’autre peuple, et le plus grand sera asservi au plus petit (Genèse 25.23)

(1) Voir aussi Genèse 21.12, cité par Romains 9.7. « En Isaac te sera appelée une semence ».

A partir de Jacob, c’est Israël, le peuple issu de ses reins, qui devient le berceau de la « semence de la femme », faisant, pour ainsi dire, corps avec elle, ainsi que l’exprime la parole du prophète : Quand Israël était jeune, je l’ai aimé, et j’ai appelé mon fils hors d’Egypte (Osée 11.1) – parole citée par Matthieu 2.15 qui l’applique au Seigneur lui-même.

Des douze fils de Jacob, Juda, le quatrième fils de Léa, entre dans la ligne des ancêtres de l’enfant divin, car à sa naissance, sa mère s’écrie : Cette fois, je louerai l’Eternel (Genèse 29.35). — En recevant les trois précédents (Ruben, Siméon et Lévi), Léa ne parle que d’elle et de son mari. Plus tard, Jacob mourant confirme aussi cette élection : Le sceptre ne se retirera point de Juda, ni un législateur d’entre ses pieds, jusqu’à ce que Shilo (le repos) vienne ; et à lui sera l’obéissance des peuples (Genèse 49.10).

Enfin, dans la tribu de Juda, la maison de David est prédestinée et le terme de fils de David — synonyme de Messie — désignera la semence attendue dès le jardin d’Eden. Je susciterai après toi ta semence — dit l’Éternel à David — j’affermirai le trône de son royaume pour toujours… Et ta maison et ton royaume seront rendus stables à toujours devant toi, ton trône sera affermi pour toujours (2 Samuel 7.12-16). — Cette prophétie, réalisée partiellement par Salomon, sera littéralement accomplie plus tard. Elle vise un plus excellent que l’illustre roi d’Israël.

D’Eden, où la semence de la femme est mentionnée pour la première fois, nous avons suivi sa trace jusque dans la famille de David. L’histoire de cette dernière devient maintenant son histoire. Désormais, aucune nouvelle sélection n’est opérée et les yeux des fidèles se dirigent vers la maison royale, dépositaire de la promesse divine.

Deux choses cependant sont encore indiquées : le lieu où le libérateur apparaîtra et le temps dans lequel il viendra.

Et toi, Bethléhem, Ephrata, bien que tu sois petite entre les milliers de Juda, de toi sortira pour moi celui qui doit dominer en Israël, et duquel les origines ont été d’ancienneté, dès les jours d’éternité (Michée 5.1-2).

Voilà pour le lieu. Quant au temps, c’est Daniel qui le fixe.

Depuis la sortie de la parole pour rétablir et rebâtir Jérusalem, jusqu’au Messie, le prince, il y a sept semaines et soixante-deux semaines… Et après les soixante-deux semaines, le Messie sera retranché et n’aura rien (Daniel 9.25-26. Lire aussi vers 24) (2).

(2) Le décret de rebâtir Jérusalem fut donné à Néhémie (Néhémie 2) en l’an 454 avant J.-C., soit 483 ans (49 + 434 ; 7 semaines et 62 semaines) avant la crucifixion.

C’est d’une manière si merveilleuse que l’Ancien Testament présente le berceau de « Celui pour qui sont toutes choses ».

Quelle ressource pour soutenir l’attente du fidèle !

Encore une question qui s’impose assurément à maints esprits sérieux : Pourquoi Israël ? Pourquoi ce peuple mis à part, son culte particulier, son histoire extraordinaire ? Serait-ce sans une raison spéciale que le Dieu souverainement sage l’aurait distingué de tout autre pour s’occuper de lui d’une si étrange façon ?

Lui-même va nous répondre.

Comme une ceinture s’attache aux reins d’un homme, ainsi je me suis attaché toute la maison d’Israël et toute la maison de Juda, dit l’Eternel, pour être mon peuple, et un renom, et une louange, et un ornement (Jérémie 13.11). — Nous n’affaiblirons point la force de cette déclaration par une explication incomplète. Contentons-nous de relever l’énergie de cette image : « une ceinture attachée aux reins d’un homme », faisant corps avec lui, le servant et l’accompagnant. Israël est pour Dieu, pour Christ ; il fallait à celui-ci un berceau, une famille : Israël est choisi dans ce but et deviendra le pied à terre de l’Envoyé divin, le terrain où germera la semence de la femme, laquelle ensuite fructifiera en faveur du monde entier.

Israël est pour Christ. Son instrument et son témoin pour atteindre les nations et les bénir selon la promesse faite à Abraham.

Mais, pour parvenir à ce but, le peuple élu a trois conditions à remplir, conditions qui se retrouvent en tout temps à la base des relations créées entre Dieu et ceux qu’Il veut employer. Israël est rigoureusement séparé de toutes les autres nations, par l’alliance qui l’unit étroitement à son Dieu. Ensuite, il est enseigné par une loi inflexible ne souffrant aucune violation, et, enfin, il doit servir l’Éternel en lui rendant un culte dont tous les détails sont réglés par la volonté divine. Ces trois conditions satisfaites, Dieu se solidarisera complètement avec son peuple et celui-ci ne connaîtra que la bénédiction.

Hélas ! nous n’ignorons pas qu’Israël a honteusement failli ; aussi la malédiction devint-elle sa part et, de ce fait, le plan de Dieu a subi un retard regrettable à notre point de vue du moins. Cependant, la semence de la femme, enfermée dans le sein du peuple élu, devait, malgré tout, porter son fruit, même en dépit de la stérilité du sol.

Israël, au lieu de répondre à la pensée de son Dieu, entre donc en guerre avec Lui, se plaçant ainsi sous la menace d’un jugement redoutable. Que va faire Jéhovah ? Il frappera ! sa sainteté l’exige, mais auparavant Il use de grâce en donnant à son peuple les prophètes.

Ces hommes extraordinaires, tirés du milieu du Peuple, apparaissent avec l’époque des Juges (Juges 6.8) pour exercer leur ministère jusqu’après la captivité de Babylone, c’est-à-dire pendant près de neuf siècles. Quel message ont-ils pour le peuple ?

Premièrement, ils doivent lui rappeler ses origines, sa vocation, le mandat confié. Leur voix s’adresse à la conscience, cherchant à la réveiller. Ils prêchent la repentance accompagnée d’un vrai retour à l’Éternel.

En second lieu, ils parlent de Celui qui vient. Ils l’attendent, ils le voient dans l’avenir et le dépeignent sous ses divers caractères. Une révélation s’ajoute à une révélation ; la vision de l’un complète la vision de l’autre. Aux yeux de la chair, ces diverses prophéties peuvent paraître se contredire, car le Libérateur promis apparaît soudain, revêtu de la majesté divine, le Dieu fort, pour n’être plus ensuite qu’un homme méprisé du peuple… frappé de Dieu et affligé. Il est tour à tour un Juge implacable — exerçant la vengeance, maniant l’épée de l’Éternel — et le Prince de paix. Il doit souffrir et mourir, détruire et sauver. Il est sans apparence et pourtant sa gloire remplira la terre. Il est le serviteur parfait… mais… son sceptre est une verge de fer. Son règne aura pour effet la prospérité universelle, toutefois Il sera retranché. Son sépulcre comme son trône est l’objet de la prophétie. Lire Ésaïe 2, 9, 11, 49, 50, 53, 63, etc.

Prise dans son ensemble et d’une manière superficielle, la prophétie est un fouillis inextricable d’idées étranges et paradoxales, où la raison humaine se perd complètement. Mais, ce désordre apparent est le langage de l’Esprit de vérité, rendant par avance témoignage des souffrances qui devaient être la part de Christ et des gloires qui suivraient (1 Pierre 1.11). Ces gloires sont si nombreuses et si variées, qu’il est impossible à nos esprits bornés de les embrasser toutes ensemble, d’en saisir la puissante unité et la parfaite harmonie. Rendons grâces à Dieu de nous en parler comme Il le fait et méditons avec soin ces saints oracles.

Quatre choses, cependant, ressortent clairement des révélations reçues par les hommes de Dieu penchés sur le berceau du Messie : Il doit souffrir, juger, régner et bénir.

Parmi les prophéties de l’Ancien Testament, nous devons mentionner les Psaumes à cause de leur caractère spécial. Le temps et la place nous manquent pour nous y arrêter, nous dirons simplement qu’ils expriment les soupirs, les prières, les louanges des fidèles en rapport avec les expériences futures du Libérateur promis. Placés par avance dans diverses circonstances présentant une certaine analogie avec celles que traversera le Messie, l’Esprit met dans leur bouche le langage qui sera le sien plus tard. — Cela dit, n’oublions pas que les Psaumes, comme les autres Écritures de l’Ancien Testament, ne perdent rien de leur valeur pour nous qui vivons dans des temps différents.

Israël a entendu les prophètes. Il possède au complet les oracles de l’Ancien Testament. Il est donc dûment renseigné pour recevoir le Messie promis, l’écouter et croire en Lui, d’autant plus que les expériences cruelles de l’exil ont porté certains bons fruits ; les idoles ont disparu et la Loi de Moïse est en grand honneur.

A n’en pas douter, c’est le moment favorable pour la manifestation du Libérateur. On parle de lui constamment, son Nom passionne les esprits, car n’est-ce pas sa puissance qui chassera les Romains et rendra au peuple sa grandeur passée en relevant la maison de David dont la gloire brillera d’un éclat sans précédent ?

… Il arrive donc et présente ses titres ! Dès les premiers jours, sa personne et ses œuvres sont discutées ; on l’observe, on s’étonne, quelques-uns le suivent, d’autres l’admirent, mais, hélas ! d’une manière générale, la foule est scandalisée et la lutte s’engage, s’accentuant chaque jour davantage pour arriver enfin au dénouement tragique que l’on sait.

Comment expliquer une attitude si déconcertante de la part de ceux qui devaient retirer un si grand bénéfice de la venue du Libérateur ?

Lui s’efforce de convaincre son peuple. Ses paroles et ses œuvres « accomplissent les Écritures » mais, plus Il parle, plus Il agit, plus aussi la résistance et l’opposition grandissent car la repentance n’a pas préparé les cœurs à le recevoir. Or, tant que la repentance n’a pas creusé le sillon, « la semence de la femme » n’a pas rencontré le terrain propice à la riche moisson promise.

Il est très instructif de suivre dans l’Evangile de Matthieu (écrit spécialement pour les Juifs) le cours et le dénouement de cette lutte déicide. Lamentable est l’état d’Israël. Sa lèpre morale, sa paralysie et sa fièvre spirituelles sont pires que celles des malades qui se succèdent dans les chap. 8 et 9. Il est possédé du démon aussi sûrement que les hommes du pays des Gergéséniens et sa cécité est semblable à celle des deux aveugles implorant la pitié de Jésus. Et surtout, il est mort, la vie manque absolument. Qui la lui communiquera ?

Son Messie méprisé. Ne vient-Il pas de lui montrer sa toute-puissance en guérissant ces divers malades et en rendant la vie à la fille de Jaïrus, fidèle image de la fille de Sion morte dans son endurcissement ? D’une parole aussi, Il peut guérir son peuple, ouvrir ses yeux, le délier, en un mot lui donner la vie et le rendre propre à l’accomplissement de ses destinées glorieuses.

Mais tous ses appels sont vains. Le témoignage de ses œuvres, accompagné d’un enseignement incomparable, contenu dans le sermon sur la montagne, laisse les consciences inertes ; aussi le Serviteur de l’Éternel peut-Il faire monter vers Lui ce cri de souffrance : J’ai travaillé en vain, j’ai consumé ma force pour le néant et en vain ; toutefois mon jugement est par devers l’Eternel, et mon œuvre par devers mon Dieu (Ésaïe 49.4).

L’état misérable de ce peuple qui rejette son Messie est comparé en Matthieu 12.43-45 à celui d’un homme duquel un esprit immonde a été chassé. Cet esprit immonde revient bientôt.

L’homme, c’est Israël ; l’esprit immonde, l’idolâtrie qui, après la captivité de Babylone, fut entièrement extirpée sans pourtant faire place à une piété réelle, car la maison, bien que balayée, est vide et ornée des multiples fleuris de la propre justice et de l’orgueil. Il est donc facile au mauvais esprit de reprendre possession du lieu d’où il a dû partir, mais il y revient avec sept autres esprits plus méchants que lui, autrement dit, avec la plénitude de l’esprit de Satan qui va se traduire par le forfait accompli le jour de la crucifixion. La dernière condition de cet homme-là est pire que la première. Et Jésus ajoute ces mots qui ne permettent aucun doute sur la signification de cette allégorie : Ainsi en sera-t-il aussi de cette génération méchante.

Quelle est la réponse du Messie à cette hostilité irréductible, en d’autres termes, comment le plan de Dieu se poursuivra-t-il au sein du peuple qui le repousse ?

Nous le voyons au chapitre suivant.

Tandis que le chapitre 12 clôt la première partie de l’Evangile par la description de l’état irrémédiable de la nation entière, à l’exception de quelques-uns qui s’en distinguent en recevant l’Envoyé céleste, le chapitre 13 introduit un nouveau mode de révélation en rapport avec la triste condition des Juifs, auxquels le Seigneur va parler dans un langage absolument énigmatique pour les incrédules, mais riche en instructions pour les fidèles.

Il prononce des paraboles.

Il est facile de lire ces récits familiers, d’en tirer des enseignements bienfaisants, sans avoir jamais réfléchi à la raison qui peut avoir conduit Jésus à donner à sa prédication cette forme spéciale. Pourtant sa réponse à la question des disciples est suffisamment claire. Pourquoi leur parles-tu en paraboles ? — disent-ils — Parce qu’à vous — répondit-il est donné de connaître les mystères du royaume des cieux ; mais à eux, il n’est pas donné… je leur parle en paraboles, parce que voyant, ils ne voient pas, etc. (Lire Matthieu 13.10-17).

Remarquons à ce propos que la parabole n’est pas employée par le Maître, dirigeant ses serviteurs, ou par le Père, enseignant ses enfants. Ni avec Abraham, ni avec Moïse, Dieu ne parle en paraboles ; avec David non plus, sauf après son crime, quand il s’était mis au rang des ennemis de l’Éternel (2 Samuel 12). — Le genre allégorique, par contre, est d’un fréquent usage plus tard, du temps des prophètes, lorsque la condition morale d’Israël était devenue telle que le jugement s’imposait. Il l’est, pour la même raison, dans la seconde partie du ministère de Jésus, et aussi quand l’Église, ayant failli dans son témoignage, se confond avec le monde. L’Apocalypse, de tous les livres scripturaires, est le plus emblématique parce que les visions qu’il contient se rapportent à un temps d’apostasie où la révolte arrive à son paroxysme. Le mal est manifesté par l’accueil fait aux oracles divins.

Comparons les épîtres à ce livre mystérieux. Quel frappant contraste ! C’est la parole du Père à ses enfants, le Saint-Esprit les conduisant dans toute la vérité, leur annonçant ouvertement les choses à venir.

Nous pouvons conclure de ce qui précède qu’en prononçant les paraboles, le Seigneur a voulu dire aux Juifs rebelles : « Désormais ma parole sera pour vous une pierre d’achoppement ; en rejetant la prédication de la repentance, vous vous condamnez à ne pas me comprendre ; néanmoins je vous parle, mais sans profit pour vous !… » Par contre, les siens recevront de nouvelles lumières, absolument nécessaires pour les préparer aux événements prochains. Ces paraboles leur dévoileront « les mystères du royaume des cieux » par des révélations surprenantes. Le Seigneur, notons-le bien, reste avec eux sur le terrain de l’Ancien Testament ; Il parle en Roi, mais en Roi rejeté. Les prophéties s’accompliront, le règne sera établi, mais auparavant, Lui doit disparaître, s’en aller hors du pays (Matthieu 25.14), puis juger pour faire goûter ensuite à son peuple ces temps de paix et de gloire décrits par les anciens prophètes.

En somme, les disciples doivent se résigner à voir l’attente se prolonger encore. La promesse, au lieu de recevoir son accomplissement définitif, va, semble-t-il, tomber dans l’oubli, mais loin de se laisser abattre, ils auront à prendre courage pour témoigner en prêchant l’Evangile du royaume.

Disons, à ce propos, qu’il faut distinguer ce dernier de l’Evangile de la grâce (Actes 20.24) prêché par l’apôtre Paul.

Nous aurons l’occasion de revenir sur cette question. Contentons-nous, pour le moment, de dire qu’il ne s’agit pas ici de deux Évangiles, mais plutôt de deux aspects différents de l’Évangile de notre Seigneur Jésus-Christ. Tandis que l’Évangile du Royaume prépare le croyant à se tenir devant le Fils de l’Homme ici-bas, l’Evangile de la grâce lie le racheté à un Christ glorifié En-Haut, où les siens entreront avec Lui avant qu’Il vienne régner.

La croix, nous le savons, est la suprême manifestation de la puissance de Dieu, donnant à la fois satisfaction à sa justice éternelle et libre cours à son amour envers le pécheur.

Elle est aussi le crime des crimes, lequel, comme nous l’avons dit, « anéantit, à première vue, toutes les espérances et détruit le plan divin en produisant le triomphe complet de celui de Satan ». — Israël a rejeté son Messie ; cet acte insensé aurait été sa ruine, si Lui de son côté avait rejeté son peuple, mais, ô merveille ! Il le met au bénéfice d’une prière, prononcée sur la croix, lorsque son sang coulait : Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu’ils font (Luc 23.34).

Cette prière incomparable ne pouvait qu’être exaucée et elle le fut d’une manière saisissante par la prédication des douze après la Pentecôte.

En effet, Pierre annonçant la bonne nouvelle s’exprime ainsi : Repentez-vous donc et vous convertissez pour que vos péchés soient effacés : en sorte que viennent des temps de rafraîchissement de devant la présence du Seigneur, et qu’il envoie Jésus-Christ, qui vous a été préordonné, lequel il faut que le ciel reçoive jusqu’au temps du rétablissement de toutes choses… (Actes 3.19-21). — Israël eût-il, comme nation, accepté ce message !… alors, non seulement le salut individuel était chose acquise pour chaque Juif converti, mais le peuple entier aurait échappé à l’épouvantable châtiment sous lequel il gémit encore aujourd’hui, et, son Messie, venant sur les nuées, eût pu l’introduire dans la jouissance des bénédictions milléniales.

Hélas ! nous connaissons sa folie. Par le meurtre d’Etienne, les chefs et la foule ont montré clairement qu’ils ne voulaient rien de Jésus crucifié. En tuant le serviteur, ils mettaient à mort le Maître pour la seconde fois, consommant ainsi leur crime antérieur. Désormais, le jugement devenait inévitable et Dieu devait abandonner son peuple rebelle ; mais auparavant, Il a pris congé de lui par la bouche d’Etienne, qui retrace aux oreilles des Juifs les voies merveilleuses de la grâce divine. Ce discours remarquable, vrai réquisitoire, loin de toucher les consciences, irrite les cœurs, et, lorsque le nom de Jésus est prononcé, la rage des persécuteurs est à son comble. Etienne, lapidé, meurt après avoir vu le Fils de l’Homme debout à la droite de Dieu (Actes 7.56).

Dès ce moment, ce titre de Fils de l’Homme disparaît, car il caractérise plus particulièrement les relations du Seigneur avec Israël et le monde. Jamais nous ne le rencontrons dans les épîtres, pas même dans le reste du livre des Actes. Nous le retrouvons bien une fois en Apocalypse 1.13, mais c’est précisément en rapport avec la manifestation du Seigneur venant en gloire pour juger et régner.

Une nouvelle économie a donc commencé, durant laquelle le peuple terrestre est remplacé par un autre comme témoin de Dieu ici-bas.

Remarquons encore ceci : en Eden, après la chute, Dieu laisse la création pour s’occuper spécialement de l’humanité. — A Charran, par l’appel d’Abraham, Il abandonne pour ainsi dire l’humanité en faveur d’Israël. — A la mort d’Etienne, Israël, à son tour, est mis de côté pour permettre à Dieu de révéler le mystère caché dès les siècles (Éphésiens 3.9). — Mais Celui pour qui la création, l’humanité et Israël ont vu le jour, est Celui aussi par qui leur restauration aura lieu. A Lui la gloire aux siècles des siècles !

Avant d’aller plus loin, il n’est pas inutile de relever le fait que le livre des Actes nous place en présence de deux apostolats distincts : l’apostolat des douze ou de Pierre (chap. 1-12) et l’apostolat de Paul (chap. 13-28).

Il existe entre eux certaines différences qu’il est intéressant de relever.

Le premier, par exemple, a pour point de départ le ministère terrestre du Messie groupant autour de Lui ses apôtres et les préparant pour un service apparaissant comme la prolongation du sien, soit au milieu d’Israël, soit en faveur des nations.

Le second, au contraire, surgit d’une manière inattendue par la rencontre du Seigneur avec Saul de Tarse, arrêté, brusquement sur le chemin de Damas et d’emblée mis en rapport avec un Christ céleste, glorifié à la droite de Dieu.

Ensuite, tandis que l’apostolat des douze mettait l’accent sur la nécessité de la conversion pour obtenir la jouissance des bénédictions promises par l’Ancien Testament et rattachées au règne du Messie, l’apostolat de Paul fait contraste en considérant le croyant en Christ ; il le voit ressuscité avec Lui, bourgeois des cieux. En d’autres termes, si la prédication des douze vise à l’établissement du Royaume, celle de Paul travaille à la formation de l’Eglise en prêchant Jésus comme Seigneur (2 Corinthiens 4.5).

Dès lors, nous ne devons pas nous étonner si, immédiatement après le meurtre d’Etienne, la personne et le ministère de Paul entrent en scène, et si, dès le chap. 13, l’apostolat, des douze passe à l’arrière-plan. Pour la même raison, Paul est l’apôtre des Épîtres et reçoit toutes les révélations en rapport avec le nouvel état de choses caractérisé par l’économie de l’Église. Pierre, Jacques, Jean et Jude ont aussi écrit, mais, chose digne de remarque, c’est pour construire sur le fondement posé par Paul (comp. 1 Corinthiens 3.10 ; Éphésiens 2.19-20 ; 3.8-9 ; 1 Pierre 2).

A l’Évangile du Royaume, prêché par Jésus et les douze. correspond l’attente du Roi qui va paraître ici-bas, et, à l’Évangile de la grâce (3), annoncé par Paul, l’attente du Seigneur venant chercher son Église bien-aimée pour l’introduire auprès de Lui dans la gloire céleste.

(3) Ou Évangile de la gloire d’après 2 Corinthiens 4.4.

Disons enfin que la prédication de l’Évangile de la grâce cessera avec l’enlèvement de l’Église. Alors, l’Évangile du Royaume retentira de nouveau et caractérisera le témoignage des saints durant la période apocalyptique.

Dans ce temps-là, les événements se précipiteront pour amener la réalisation des promesses, dont l’accomplissement aura souffert de si nombreux retards. « Celui pour qui sont toutes choses » viendra avec les siens pour juger et répandre ici-bas la bénédiction découlant de son règne de paix. Le plan de Dieu réalisé (4) apparaîtra dans sa belle unité, comme une chose digne de Lui.

(4) En partie du moins, car nous devons tenir compte des événements qui suivront le Millénium et nous souvenir que ce dernier n’est qu’une préface du règne qui dure aux siècles des siècles.

Nous reprendrons ce sujet, mais, pour l’heure, un autre s’impose à notre sérieuse attention.

chapitre précédent retour à la page d'index chapitre suivant