Quelques femmes de la Réforme

Marguerite Le Riche

1559

Marguerite Le Riche, née à Paris, avait épousé Antoine Ricaut, libraire à l’enseigne de la Grande Caille, ce qui avait fait donner à sa femme le surnom de dame de la Caille. Plus forte et plus courageuse que son mari, qui, tout en approuvant les projets de réforme, craignait, en travaillant à les faire réussir, de s’exposer à des persécutions, Marguerite se joignit aux assemblées des protestants et prit en elle-même l’engagement de renoncer aux cérémonies du culte papiste. Les fêtes de Pâques étant arrivées, Ricaut voulut la contraindre de se rendre à la messe ; pour le cas où elle s’y refuserait, il la menaça même de l’y porter. Marguerite se réfugia chez des amis pendant quelques jours, après quoi elle résolut de retourner auprès de celui « à qui Dieu l’avoit liée et conjointe, encore qu’elle prévoit les grands ennuis et fascheries qu’elle auroit avec lui. »

Mais, pas plus tôt rentrée à sa maison, dénoncée par le curé de St. Hilaire, sa paroisse, elle fut arrêtée et conduite à la conciergerie. Elle déclara, sans rien dissimuler, qu’elle s’était retirée chez des amis pour éviter des cérémonies réprouvées par sa conscience ; elle avoua la part qu’elle avait prise aux assemblées des chrétiens et fut trouvée si obstinée et si ferme dans ses convictions religieuses, que, renvoyée le 5 mai à l’évêque de Paris ou à son official, elle fut, après un second interrogatoire, déclarée par lui hérétique pertinax, et livrée au bras séculier.

« Estant revenue à la cour, on lui amena des docteurs et autres gens pour disputer avec elle ; mais sa foi n’en fut en rien esbranlée, et demeura toujours victorieuse en tous les assauts qui lui furent donnés. » La cour condamna Marguerite à être bâillonnée et conduite, dans un tombereau, sur la place Maubert, pour y être « arse et consumée en cendre. » — On devait préalablement la mettre à la torture et à la question extraordinaire pour lui faire dire le nom de ses complices. Elle supporta avec un courage héroïque sa détention et les angoisses du cruel supplice qui l’attendait ; elle encourageait même et exhortait les prisonniers qu’elle voyait passer entre les mains du bourreau. « Même à M. du Bourg (Anne du Bourg) elle servit beaucoup pour le confermer, car elle avoit une petite fenêtre en sa chambre qui regardoit celle de M. du Bourg ; et de là, par paroles ou signes, quand on l’empeschoit de parler, l’incitoit de persévérer constamment et le consoloit, de manière qu’icelui du Bourg, estant importuné par aucune de se désdire, dit ces mots : Une femme m’a montré ma leçon et enseigné comment je me doi porter en ceste vocation-ci : sentant la force et vertu des admonitions de ceste povre femme. »

La condamnation ayant été prononcée, Marguerite fut conduite, selon la coutume, à la chapelle de la conciergerie, où elle ne cessa d’exhorter ou de chanter des Psaumes jusqu’au moment où l’on vint la chercher pour la mener au supplice. Sa constance et son courage servirent beaucoup la cause de l’Évangile. Une foule de peuple suivait le tombereau, sur lequel elle paraissait le front serein, les yeux levés au ciel, et sans aucune marque de crainte ou de faiblesse ; aussi les gens, surpris d’une telle persévérance, étaient en admiration, comme dit l’auteur naïf de cette biographie, et s’écriaient : « Voyez vous la meschante, elle ne s’en fait que rire. » On lui offrit encore, pour prix d’une rétractation, la faveur d’être étranglée ; mais elle répondit « que son propos estoit si bon et si bien fondé en la parole de Dieu, qu’elle ne le changeroit jamais. » Elle fut donc brûlée vive, le 16 août 1559.

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