Le problème du mal

VII. Le Secours

Messieurs,

Ce qui nous manque en présence du bien, c’est la force de l’accomplir. Sauf les cas où nous sommes aveuglés par une passion entraînante, nous sentons, nous comprenons que la pratique du mal nous rend malheureux ; mais nous n’avons pas le courage de rompre avec le malheur. Où pouvons-nous trouver la force qui nous manque ?

Pour répondre à cette question, cherchons un symbole dans la force dont nous disposons pour agir sur notre corps, ou dans ce qu’on appelle la force physique. A la vérité, il y a ici plus qu’un symbole. Le lien de nos deux natures est si intime, si profond et si continu, qu’elles ne sont jamais séparées. Notre vie spirituelle ne se manifeste que sous la condition de l’existence des organes, et par leur moyen. Un idéalisme faux, résultat d’une philosophie égarée, peut seul méconnaître la valeur morale de la discipline du corps. D’un autre côté, on ne saurait contester l’influence de la moralité sur les fonctions de l’organisme ; l’hygiène, comme on l’a dita, est plus une vertu qu’une science. L’homme qui aura la volonté assez ferme pour régler son corps selon les véritables lois de la nature, obtiendra un meilleur résultat pour sa santé qu’un homme dirigé par le plus habile des médecins, mais qui cédera à des penchants désordonnés. La force qu’on appelle physique, et la force qu’on nomme morale ont donc des relations fort étroites ; et, si l’on tient compte de l’action de la volonté sur les organes de la pensée, on ne trouvera jamais une séparation absolue entre notre nature corporelle et notre nature spirituelle. Mais, sans entrer dans l’exposition d’un sujet qui nous mènerait fort loin, cherchons seulement dans la force corporelle un symbole de la force morale. Comment s’entretient et s’accroît la puissance que nous exerçons dans les mouvements musculaires ? Par son exercice même ; c’est pouf cela que le travail des mains, la promenade et la gymnastique contribuent à la bonne santé. Mais l’exercice n’entretient la force qu’en la dépensant, et la détruirait bientôt si elle n’était alimentée par la nourriture. Nous prenons une nourriture tantôt solide et tantôt liquide, et les parties solides de la nourriture doivent être liquéfiées pour servir à l’alimentation. La nutrition s’opère par un merveilleux ensemble de fonctions de l’appareil digestif et de celui de la circulation ; et il existe, dans l’ensemble de ces fonctions, un phénomène primitif dont tout le reste procède. Ce phénomène est la respiration. La condition nécessaire de l’alimentation du corps est notre contact avec le principe vivifiant de l’atmosphère. Au moment où l’enfant va commencer sa vie propre, en sortant du sein de sa mère, il faut avant tout que l’air entre dans ses poumons, il faut qu’il respire ; ce n’est qu’après avoir respiré qu’il pourra prendre le sein de sa nourrice. Tels sont les faits où nous allons trouver le symbole de l’alimentation des forces de l’âme.

a – Joubert, si je ne me trompe.

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