Méditations sur la religion chrétienne

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le positivisme

Je ne cherche pas querelle aux mots, même quand ils le mériteraient. Le positivisme est un mot grammaticalement barbare et philosophiquement présomptueux. Il qualifie une doctrine, non par son objet, comme la géologie, l’idéologie, la théologie ou la physique, mais par le mérite qu’il lui attribue. Toute science a la prétention d’être positive, c’est-à-dire fondée en fait et en vérité. Le positivisme s’arroge seul cette qualité. Je crois cette arrogance radicalement illégitime.

J’ai connu personnellement son fondateur, M. Auguste Comte. J’avais eu avec lui, de 1824 à 1830, quelques entretiens dans lesquels j’avais été frappé de l’élévation de ses sentiments et de la fermeté de son esprit. En octobre 1832, au moment où j’entrais au ministère de l’instruction publique, il vint me voir et me demanda de faire créer pour lui, au Collège de France, une chaire d’histoire générale des sciences physiques et mathématiques. Je ne veux rien changer à ce que j’ai dit, dans mes Mémoires, de l’impression que me firent alors sa conversation et sa personne : « Il m’exposa lourdement et confusément ses vues sur l’homme, la société, la civilisation, la religion, la philosophie, l’histoire. C’était un homme simple, honnête, profondément convaincu, dévoué à ses idées, modeste en apparence quoique, au fond, prodigieusement orgueilleux, et qui, sincèrement, se croyait appelé à ouvrir, pour l’esprit humain et les sociétés humaines, une ère nouvelle. J’avais quelque peine, en l’écoutant, à ne pas m’étonner tout haut qu’un esprit si vigoureux fût borné au point de ne pas même entrevoir la nature et la portée des faits qu’il maniait ou des questions qu’il tranchait, et qu’un caractère si désintéressé ne fût pas averti par ses propres sentiments, moraux malgré lui, de l’immorale fausseté de ses idées. Je ne tentai même pas de discuter avec M. Comte ; sa sincérité, son dévouement et son aveuglement m’inspiraient cette estime triste qui se réfugie dans le silence. Quand j’aurais jugé à propos de faire créer la chaire qu’il me demandait, je n’aurais certes pas songé un moment à la lui donnera. »

aMémoires pour servir à l’histoire de mon temps ; t. III, pag. 125-127. J’ai rectifié dans le tome VI de ces Mémoires, une erreur que j’avais commise, par oubli, dans le tome III, sur l’époque de mes premières relations avec M. Auguste Comte.

J’aurais été aussi silencieux et encore plus triste si j’avais su, à cette époque, par quelles épreuves M. Auguste Comte avait déjà passé. Il avait été, en 1826, en proie à un violent accès d’aliénation mentale, et, en 1827, dans un accès de sombre mélancolie, il s’était jeté, du haut du pont des Arts, dans la Seine, d’où un garde royal l’avait retiré. Plus d’une fois, dans le cours de sa vie, ce trouble mental fut près de se renouveler.

Bien des gens seront tentés de demander comment un homme d’un esprit si mal réglé et si peu maître de lui-même a pu produire une doctrine considérable et exercer, dans le monde philosophique, une réelle influence. Le fait est pourtant incontestable. Que la cause en soit dans le mérite de M. Auguste Comte et de sa doctrine ou dans les dispositions de son temps, il est certain que, non seulement en France, mais en Europe et notamment en Angleterre, de nombreux et honorables disciples se sont ralliés à ses idées, et que le positivisme est devenu une école qui ne manque ni de sincérité ni de crédit. Quand des hommes tels que M. Littré à Paris et M. John Stuart Mill à Londres se déclarent ses adhérents, elle a droit à un sérieux examen.

M. Auguste Comte a constamment vécu, quant à lui-même, sous l’empire d’une idée fixe qui lui a attiré de douloureux mécomptes, et quant à son système philosophique, sous l’empire d’une idée fausse qui a mêlé, à des vues justes et quelquefois grandes, une dominante et permanente erreur.

Son idée fixe et personnelle a été de se croire appelé à régénérer, par la seule vertu de sa doctrine, la science humaine et la société humaine. Outre leur part dans cet amour-propre présomptueux qui est le caractère commun des hommes, les esprits inventifs et systématiques sont particulièrement enclins à étendre, au delà de leur portée légitime et hors de toute mesure, les prétentions et les espérances de leurs idées. M. Auguste Comte a été l’un des plus frappants exemples et l’une des plus honnêtes victimes de cet enivrement intellectuel qui est la forme la plus noble, mais non pas la moins chimérique, de l’orgueil humain. La religion chrétienne a eu ses apôtres et elle a ses missionnaires qui parlent au nom d’un maître autre qu’eux-mêmes et prêchent une foi qu’ils n’ont pas inventée. M. Auguste Comte était son propre apôtre, l’inventeur et le missionnaire de sa propre foi. Profondément convaincu et mondainement désintéressé, il aspirait à l’entière domination intellectuelle, croyant le sort de l’ordre social comme l’honneur de l’esprit humain attachés au triomphe de sa doctrine, et ardent non seulement à la propager, mais à l’organiser en institution permanente et puissante pour assurer et perpétuer son triomphe. Le gouvernement réel et pratique des peuples n’était et ne devait être, selon lui, qu’une sorte d’intendant chargé de réaliser les idées des penseurs : « La séparation systématique des deux puissances élémentaires, la spirituelle et la temporelle, écrivait-il à M. J. Stuart Mill, constitue certainement la principale condition du dénouement de la situation actuelle. J’admets que les convenances spéciales de cette situation, où ces deux pouvoirs sont intimement confondus, peuvent autoriser et quelquefois obliger les philosophes, dans l’intérêt de la régénération finale, à participer exceptionnellement à la vie politique directe, quoique une telle disposition leur offre beaucoup d’écueils et qu’elle exige des principes bien arrêtés pour ne pas dégénérer en déviation réelle. Pour formuler ma pensée à ce sujet par un exemple sensible, relatif à une grande opération, je blâme le philosophe Condorcet pour s’être laissé introduire dans notre glorieuse Convention, où dominaient et devaient dominer les hommes d’action, au point de vue desquels il ne pouvait être convenablement placé ; d’où est résultée la fausse position qu’il a si cruellement expiée. Mais, au contraire, j’aurais trouvé fort naturel qu’il développât une grande activité dans la société des Jacobins qui, placée en dehors du gouvernement proprement dit, constituait alors une sorte de pouvoir spirituel dans cette combinaison si remarquable et si peu comprise qui caractérisait le régime révolutionnaire… J’ai appris avec beaucoup de satisfaction, ajoutait-il à M. Mill, que votre sage énergie avait heureusement résisté aux aveugles obsessions de vos amis vers la vie parlementaire. Je proposerai directement, dans mon dernier volume, l’institution spontanée d’un Comité européen chargé, en permanence, de diriger partout le mouvement commun de régénération philosophique, quand une fois le positivisme aura enfin planté son drapeau, ou plutôt son fanal, au milieu du désordre et de la confusion de notre siècle ; ce qui sera, j’espère, le résultat naturel de l’entière publication de mon ouvrageb. »

b – Lettres des 20 novembre 1841 et 4 mars 1842, publiées dans l’ouvrage de M. Littré intitulé : Auguste Comte et la philosophie positive.

On a quelque peine à ne pas sourire en assistant à ces rêves systématiques et où manque tout sentiment de la réalité des choses, exposés avec une confiance fanatique, au nom d’une science dite positive. C’est là l’idée fixe qui a dominé et compromis toute la vie, toutes les relations personnelles de M. Auguste Comte. Quiconque n’acceptait pas sa doctrine et son plan était ou un esprit encroûté et rétrograde, ou un ignorant à qui manquait l’éducation scientifique, ou un ennemi intéressé et jaloux. Quiconque s’y associait par quelque côté ou pendant quelque temps devenait, aux yeux de M. Comte, une conquête, une propriété, une sorte de serf philosophique tenu, envers son maître, à des devoirs et à des services dont il ne pouvait s’affranchir sans être aussitôt qualifié d’infidèle ou de rebelle, et sans voir rompre les liens les plus intimes et les plus éprouvés. Il avait, de sa supériorité intellectuelle et des droits qu’elle lui conférait, une conviction si entière, qu’il la manifestait quelquefois avec une naïveté idolâtre ; il crut un jour avoir conquis à ses idées M. Armand Marrast, alors rédacteur du National ; il écrivait à sa femme : « Le sentiment indispensable de ma supériorité philosophique ne coûte plus rien maintenant à Marrast, déterminé surtout, je crois, par la subordination volontaire que professe à cet égard Mill dont il fait, et avec raison, un très grand cas. En général, je crois, à vous dire vrai, qu’au point où me voilà parvenu il ne s’agit plus, pour moi que de vivre ; le genre de prépondérance que je désire ne saurait désormais me manquerc. »

c – Lettre du 3 décembre 1842 : Auguste Comte et la philosophie positive, p. 324.

Peu de temps après, M. Comte était séparé de sa femme et brouillé avec M. Mill lui-même qui n’avait pas, selon lui, rempli envers lui tous les devoirs d’un disciple reconnu et fidèle.

Je passe de l’idée fixe de l’homme à l’idée fausse du système : elle paraît et reparaît à chaque pas, dans le Cours de philosophie positive de M. Auguste Comte et dans la grande biographie que lui a consacrée son plus savant disciple, M. Littré. Je prends çà et là quelques-uns des passages où la doctrine fondamentale est le plus clairement exprimée.

« La philosophie positive est l’ensemble du savoir humain. Le savoir humain est l’étude des forces qui appartiennent à la matière, et des conditions ou lois qui régissent ces forces.

Le caractère fondamental de la philosophie positive est de regarder tous les phénomènes comme assujettis à des lois naturelles invariables, en considérant comme absolument inaccessible et vide de sens pour nous la recherche de ce qu’on appelle les causes, soit premières, soit finales.

La voie scientifique dans laquelle j’ai toujours marché depuis que j’ai commencé à penser, les travaux que je poursuis obstinément pour élever les théories sociales au rang des sciences physiques, sont évidemment en opposition radicale et absolue avec toute espèce de tendance religieuse ou métaphysique.

Ma philosophie positive est incompatible avec toute philosophie théologique ou métaphysique, et par suite avec les systèmes politiques correspondants.

M. Comte, dit M. Littré, se faisait un devoir de parler en public sans réticence, de déduire les vérités positives et de les mettre dans leur conflit naturel avec les conceptions théologiques et métaphysiques… La religiosité lui paraît une faiblesse et un aveu d’impuissance.

L’état positif est celui où l’esprit humain conçoit que les phénomènes sont régis par des lois immanentes auxquelles il n’y a rien à demander par la prière ou l’adoration, mais auxquelles il y a à demander par l’intelligence et par la science ; de sorte qu’en, les connaissant de mieux en mieux et en s’y soumettant de plus en plus, l’homme acquiert, sur la nature et sur lui-même, un empire croissant qui est le tout de la civilisation. L’état théologique, au contraire, est celui où l’esprit humain conçoit que les phénomènes sont l’œuvre de volontés, ou, si le développement social en est arrivé au monothéisme, d’une seule volonté toute-puissante et toute-sage. Cette providence, collective s’il s’agit du polythéisme, unique s’il s’agit du monothéisme, gouverne le monde, en dispense les bienfaits et les rigueurs, met son doigt sur les événements humains et a un regard pour la destinée de l’homme individuel. Tel est le contraste entre les deux doctrines… Sous l’instruction de l’illustre de Maistre, nos prêtres français ont enfin compris que l’ultramontanisme était seul conséquent à leurs principes essentiels. Plus l’école positive caractérisera sa marche réelle, plus on doit voir se développer une telle concentration rétrograde dans laquelle seront un jour enveloppés jusqu’aux déistes eux-mêmes, avant le plein ascendant du positivisme, pour lequel d’ailleurs une telle coordination de ses adversaires est, au fond, bien plus favorable que contraire, puisqu’elle tend à donner enfin aux luttes philosophiques un caractère pleinement décisif, où les positivistes devront seuls surmonter la coalition, du moins spéculative, de toutes les anciennes forces philosophiques, aussi bien métaphysiques que théologiques. »

M. Comte avait pour la métaphysique encore plus d’éloignement que pour la théologie ; il était particulièrement plein d’humeur contre l’école spiritualiste contemporaine et la psychologie scientifique de MM. Royer-Collard, Maine de Biran, Cousin et Jouffroy : « Sous aucun rapport, disait-il, il n’y a place pour cette psychologie illusoire, dernière transformation de la théologie, qu’on tente si vainement de ranimer aujourd’hui, et qui, sans s’inquiéter ni de l’étude physiologique de nos organes intellectuels, ni de l’observation des procédés rationnels qui dirigent effectivement nos diverses recherches scientifiques, prétend arriver à la découverte des lois fondamentales de l’esprit humain en le contemplant lui-même, c’est-à-dire en faisant complètement abstraction et des causes et des effets. »

Tout en repoussant absolument la théologie, M. Comte la traitait avec plus d’estime que la métaphysique : « Nous sommes maintenant trop disposés, disait-il, à méconnaître les immenses bienfaits des influences religieuses. La philosophie positive, quelque paradoxale que semble d’abord chez elle une semblable propriété, peut seule, au fond, faire enfin dignement apprécier toute la haute participation de l’esprit religieux à l’ensemble de la grande évolution humaine. N’est-il pas directement évident que les efforts moraux devant, par une invincible nécessité organique, presque toujours combattre, à un degré quelconque, les plus énergiques impulsions de notre nature, l’esprit théologique avait besoin de fournir à la discipline sociale une base générale, indispensable à un temps où la prévoyance, soit collective, soit individuelle, était certainement beaucoup trop limitée pour offrir un point d’appui suffisant aux influences purement rationnelles ? … Quand la philosophie positive aura acquis le caractère d’universalité qui lui manque encore, elle deviendra capable de se substituer entièrement, avec toute sa supériorité naturelle, à la philosophie théologique et à la philosophie métaphysique dont cette universalité est aujourd’hui la seule propriété réelle, et qui, privées d’un tel motif de préférence, n’auront plus pour nos successeurs qu’une existence historique. »

Je ne m’arrête pas à relever tout ce qu’il y a de superficiel, de confus et d’incohérent dans ce langage ; je m’attache à l’idée fondamentale qui s’y manifeste ; la matière, ses forces et ses lois, c’est là l’unique objet du savoir humain, l’unique domaine de l’esprit humain. Averti et embarrassé par les objections que, depuis l’origine des siècles, soulève cette idée, M. Littré a essayé de les écarter par une concession, sincère sans doute, comme tout ce qu’il pense et ce qu’il dit, mais pleine, à son tour, de confusion et d’inconséquence : « La philosophie positive, dit-il, est à la fois un système qui comprend tout ce qu’on sait sur le monde, sur l’homme et sur les sociétés, et une méthode générale renfermant en soi toutes les voies par où l’on a appris toutes ces choses. Ce qui est au delà, soit, matériellement, le fond de l’espace sans bornes, soit, intellectuellement, l’enchaînement des causes sans terme, est absolument inaccessible à l’esprit humain. Mais inaccessible ne veut pas dire nul ou non existant. L’immensité tant matérielle qu’intellectuelle tient par un lien étroit à nos connaissances, et ne devient que par cette alliance une idée positive et du même ordre ; je veux dire que, en les touchant et en les bordant, cette immensité apparaît sous son double caractère, la réalité et l’inaccessibilité. C’est un océan qui vient battre notre rive, et pour lequel nous n’avons ni barque ni voile, mais dont la claire vision est aussi salutaire que formidable. »

La vision qu’admet ainsi M. Littré est, non pas claire ni salutaire, mais vague et stérile ; l’image ne détruit point le système qu’elle cherche à voiler. Toute croyance religieuse et toute doctrine spiritualiste, Dieu et l’âme humaine sont mis à l’écart par le positivisme et traités comme des hypothèses arbitraires et transitoires qui ont pu servir au développement de l’humanité, mais que la raison humaine doit maintenant rejeter, comme on repousse du pied l’échelle à l’aide de laquelle on a atteint le sommet. Pour appeler les choses par leur nom, le positivisme est le matérialisme et l’athéisme acceptés plus ou moins explicitement, avec confiance ou avec trouble, comme le dernier terme de la science humaine, et se réfugiant, quand ils sont serrés de trop près, dans les ténèbres du scepticisme.

Sur quels fondements s’élève le positivisme ? Quels faits, quelles preuves apporte M. Auguste Comte à l’appui de son principe que la matière, ses forces et ses lois sont l’unique objet du savoir humain, l’unique domaine de l’esprit humain ?

Il invoque deux arguments, l’un métaphysique, l’autre historique, l’un puisé dans l’esprit humain en lui-même, l’autre dans l’histoire de l’humanité. Je ne puis ici suivre M. Comte dans sa longue et compliquée exposition de ces deux ordres de preuves à l’appui de son système ; mais ce que j’en dirai suffira, je pense, pour démontrer que ni l’un ni l’autre ne résiste à un sérieux examen.

Comme métaphysicien, car il faut bien qu’il accepte ce nom quand il fait de la métaphysique, quelle que soit son antipathie pour ceux qui le portent, comme métaphysicien, dis-je, M. Auguste Comte appartient à l’école sensualiste ; il pense, avec Locke et Condillac, que l’homme puise toutes ses idées, toute sa science dans les impressions qu’il reçoit du monde extérieur et dans l’observation qu’il en fait. Il prend donc pour point de départ la maxime de l’école : « Il n’y a rien dans l’intelligence qui n’ait été d’abord dans la sensation. » Cependant, soit par un acte de propre et remarquable sagacité, soit qu’il ait été frappé de la réponse de Leibnitz : « si ce n’est l’intelligence elle-même, » il reconnaît que la sensation ne rend pas compte de tout ce qui se passe et se développe dans l’esprit humain à l’occasion de son observation du monde extérieur : « Si d’un côté, dit-il, toute théorie positive doit nécessairement être fondée sur des observations, il est également sensible, d’un autre côté, que, pour se livrer à l’observation, notre esprit a besoin d’une théorie quelconque. Si, en contemplant les phénomènes, nous ne les rattachons pas immédiatement à quelques principes, non seulement il nous serait impossible de combiner ces observations isolées, et par conséquent d’en tirer aucun fruit, mais nous serions même entièrement incapables de les retenir, et le plus souvent les faits resteraient inaperçus sous nos yeux. Le besoin, à toute époque, d’une théorie quelconque pour lier les faits, combiné avec l’impossibilité évidente pour l’esprit humain, à son origine, de se former des théories d’après les observations, est un fait impossible à méconnaître. »

Ce fait ainsi constaté par M. Comte lui-même, cette part nécessaire de l’esprit humain lui-même dans sa connaissance du monde extérieur, cette théorie antérieure à toute observation et dont l’homme a besoin pour se livrer à l’observation, qu’est-ce autre chose que ces principes universels et nécessaires que proclame l’école spiritualiste et que je rappelais naguère ? Principes inhérents à l’esprit humain, qu’il apporte de son propre fonds dans sa connaissance du monde extérieur, et en vertu desquels, comme on remonte le fleuve jusqu’à sa source, il remonte jusqu’à Dieu et aux rapports de l’homme avec Dieu.

Mais en admettant le fait, M. Comte en a une tout autre explication. Cette théorie, ces principes antérieurs à l’observation extérieure et dont l’esprit humain a absolument besoin pour observer, ne sont, selon lui, qu’une pure invention de l’esprit humain lui-même, un instrument provisoire qu’il crée et emploie dans son travail en attendant qu’il en possède un meilleur : « Pressé, dit-il, entre la nécessité d’observer pour se former des théories réelles et la nécessité non moins impérieuse de se créer des théories quelconques pour se livrer à des observations suivies, l’esprit humain, à sa naissance, se trouverait enfermé dans un cercle vicieux dont il n’aurait jamais eu aucun moyen de sortir s’il ne se fût heureusement ouvert une issue naturelle par le développement spontané des conceptions théologiques qui ont présenté un point de ralliement à ses efforts et fourni un aliment à son activité. Il est bien remarquable en effet que les questions les plus radicalement inaccessibles à nos moyens, la nature intime des êtres, l’origine et la fin de tous les phénomènes, soient précisément celles que notre intelligence se propose par-dessus tout dans cet état primitif, tous les problèmes vraiment solubles étant presque envisagés comme indignes de méditations sérieuses. On en conçoit aisément la raison ; car c’est l’expérience seule qui a pu nous fournir la mesure de nos forces ; et si l’homme n’avait pas d’abord commencé par en avoir une opinion exagérée, elles n’eussent jamais pu acquérir tout le développement dont elles sont susceptibles. Ainsi l’exige notre organisation. »

Étrange méprise d’un esprit dont la prétention suprême est de fonder toute la connaissance humaine sur l’observation des faits ! Dès ses premiers pas, à la première difficulté qu’il rencontre, M. Comte observe inexactement, incomplètement, ne voit pas dans les faits tout ce qu’ils contiennent, et ne les explique qu’en attribuant à l’esprit humain, dans son travail primitif et spontané, une hypothèse, celle des conceptions théologiques. Dieu et les rapports de l’homme avec Dieu sont une invention humaine destinée à soutenir l’homme au début de sa carrière intellectuelle, et à occuper, en attendant, la place de la science !

La source de cette méprise, l’erreur capitale du positivisme, dans son argumentation métaphysique, c’est de méconnaître la nature et les limites de la science.

Le célèbre enthymème de Descartes, « je pense, donc je suis, » est un pléonasme. Dès que l’être humain se dit à lui-même je, moi ; il affirme sa propre existence, et se distingue du monde extérieur d’où lui viennent des impressions dont il n’est pas lui-même l’auteur. Dans ce premier fait se révèlent les deux premiers objets de la connaissance humaine : d’une part, l’être humain lui-même, la personne individuelle qui sent et perçoit, se sent et se perçoit ; d’autre part, le monde extérieur senti et perçu ; ou, comme disent les métaphysiciens, le sujet et l’objet, le moi et le non-moi. C’est là le double champ qui s’ouvre, dès que la vie intellectuelle commence, à la connaissance humaine.

Dans l’un et l’autre champ, soit que l’être humain porte son regard sur lui-même ou sur le monde extérieur, il procède par la même méthode ; il observe les faits particuliers, les classe en faits généraux qui les résument, et reconnaît des lois qui les règlent et qui sont elles-mêmes des faits. Appliquée au monde extérieur, y compris le corps humain, la méthode d’observation et de généralisation enfante les sciences physiques et physiologiques. Appliquée à l’être humain en tant que distinct du corps où il vit et par lequel il agit, elle enfante les sciences psychologiques, logiques et morales. Je n’ai garde de proposer ici une classification des sciences ; je ne veux que déterminer le domaine de la science proprement dite, c’est-à-dire le champ dans lequel l’esprit humain atteint directement, par l’observation, les faits et leurs lois.

Les philosophes, dans leur étude de l’homme et du monde, ne consultent pas assez le langage, le langage général et commun, cette expression instinctive de l’activité de l’esprit humain. J’interroge notre propre langue sur la question dont je m’occupe en ce moment, et j’en reçois de grandes lumières. Elle a, pour exprimer les résultats du travail intellectuel de l’homme en tant que spectateur de l’univers et de lui-même, bien des mots divers : connaître, savoir, croire, connaissance, science, croyance, foi. Ce ne sont pas là de simples noms divers de la même idée et du même fait ; ce sont les signes de faits et d’états divers dans l’âme humaine. Qu’on interroge les langues des nations civilisées, anciennes ou modernes, on retrouvera dans toutes, avec plus ou moins d’abondance, de précision et de finesse, la même variété de termes correspondants à la même diversité dans les faits.

M. de Talleyrand a dit un jour à la Chambre des pairs : « Il y a quelqu’un qui a plus d’esprit que Napoléon, plus d’esprit que Voltaire ; c’est tout le monde. » Je dis aussi : « Il y a un plus profond observateur que Bacon, un plus grand philosophe que Kant ; c’est le genre humain. » Le genre humain a raison quand il distingue, dans son langage, la connaissance de la science et de la croyance, la science de la croyance et de la foi. Bossuet a écrit un livre De la connaissance de Dieu et de soi-même ; l’idée ne lui serait jamais venue de l’intituler De la science de Dieu et de soi-même ; son bon sens en eût été aussi choqué que sa piété. L’enfant croit au sourire et à la parole de sa mère ; il n’y a certainement, dans sa croyance, nulle science des rapports qui l’unissent à sa mère et des raisons qui le font croire en elle. La connaissance, la science, la croyance et la foi sont des faits essentiellement distincts, quoique tous également naturels dans l’âme humaine ; et l’on ne saurait les confondre, les prendre l’un pour l’autre, ou annuler l’un aux dépens de l’autre, ou tenter de les réduire à un seul, sans méconnaître la réalité des choses et tomber dans d’énormes erreurs.

Telle a été l’erreur constante de M. Auguste Comte, et tel est le vice radical du positivisme. Il méconnaît la diversité naturelle et permanente des états intellectuels de l’homme dans son élan vers la vérité. Il n’en veut reconnaître qu’un seul comme légitime et définitif, l’état scientifique. Il regarde la connaissance intuitive et la croyance instinctive comme des états préparatoires et transitoires dépourvus de toute autorité rationnelle, comme de simples échelons vers l’état scientifique qui seul met l’homme en possession de la vérité. Le positivisme est conduit par là à étendre les prétentions de la science au delà de son domaine propre et naturel qui est le monde fini, ses faits et ses lois. Et comme la science se trouve impuissante à observer et à définir l’infini, le positivisme est réduit, soit à le nier, soit à le déclarer absolument inaccessible à l’esprit humain et à n’en tenir nul compte.

Dans cette négation se révèle une autre immense erreur de cette école et de son chef : convaincu, à bon droit, que l’observation des faits est le procédé naturel et permanent de l’esprit humain dans son travail pour connaître, M. Auguste Comte a mal et incomplètement reconnu les résultats de ce travail ; il ne s’est pas aperçu que c’était l’observation elle-même, poursuivie et accomplie par le procédé non moins naturel et non moins légitime de l’induction, qui révélait à l’esprit humain ses propres faits et ses propres lois intérieures aussi bien que les faits et les lois du monde extérieur au milieu duquel il vit. M. Comte en est venu à ignorer ou à nier les éléments à priori de la connaissance humaine, c’est-à-dire les principes universels et nécessaires par lesquels l’homme s’élève à Dieu et a ses rapports avec Dieu. Il mutile ainsi l’esprit humain, faute de savoir l’observer et le reconnaître tout entier.

M. Comte est poussé par son système à une autre et encore plus grave mutilation de la nature humaine. Quand on a déclaré que la matière, ses forces et ses lois sont l’unique objet du savoir humain, et que ces lois sont immanentes à la matière, éternelles et invariables, que faire de la liberté humaine ? Quelle place lui assigner dans ce monde où elle est impuissante à rien créer, à rien changer, et dans lequel n’existe aucune puissance de qui elle puisse rien demander et rien obtenir ? Évidemment, dans un tel système, la liberté humaine est une chimère, un vain luxe de la nature humaine ; l’homme, avec toutes ses facultés, n’a rien à faire que d’étudier soigneusement la matière, ses forces et ses lois, de s’y adapter et de s’en servir de son mieux pour son bien-être et la satisfaction de ses désirs. La fatalité est la loi de l’homme comme du monde au sein duquel il vit.

Les instincts moraux et l’esprit naturellement élevé de M. Auguste Comte répugnaient à celte impérieuse conséquence de son système ; son respect pour la méthode d’observation et pour les faits qu’elle atteint ne lui permettait pas de méconnaître absolument et de nier expressément le fait psychologique de la liberté humaine. Il essaye quelquefois de lui faire une place dans cet ensemble de faits extérieurs et de lois immobiles qui est, pour lui, l’unique champ de l’activité comme de la science humaine. Mais l’incohérence est telle que M. Comte en est visiblement embarrassé ; aussi, dans ses ouvrages, surtout dans son Cours de philosophie positive, le plus ferme et le plus conséquent de tous dans son principe fondamental, laisse-t-il à peu près complètement à l’écart le fait essentiel de la liberté humaine, le libre arbitre dans l’homme individuel ; et dans ceux de ses livres où il traite de l’organisation sociale, quand il se voit en face des besoins et des droits de la liberté politique, cette conséquence naturelle du libre arbitre individuel et de la responsabilité qui s’y attache, il élude péniblement les questions de ce genre, sentant l’impossibilité de concilier le principe de l’ordre moral avec le despotisme et le fatalisme du monde matériel ; et quand il expose ses vues sur le gouvernement des sociétés humaines, il est aisé de voir que tout en écrivant : « Je suis républicain d’esprit et de cœur, il est plus près, dans ses rêves, de substituer la domination scientifique à la domination théocratique que d’instituer le régime libéral.

Après la métaphysique vient l’histoire. M. Comte demande à celle de toutes les nations et de tous les siècles la confirmation de son système sur le monde et l’humanité. Cette histoire se divise, selon lui, en trois époques et se résume dans trois états successifs, l’état théologique, l’état métaphysique et l’état scientifique. Dans l’époque et l’état théologique, l’esprit humain et le régime social sont sous l’empire de prétendues puissances surnaturelles, de plusieurs ou d’une seule, inventées par l’homme pour résoudre les problèmes naturels qui l’assiègent et pour déterminer les lois dont l’ordre social ne peut se passer. Dans l’époque et l’état métaphysique, des abstractions vaines essayent de remplacer les puissances surnaturelles de l’état théologique, et n’aboutissent qu’à l’anarchie dans les esprits comme dans les sociétés. La troisième époque sera le règne de la science positive, fondée uniquement sur l’observation et le respect des faits, des forces et des lois du monde extérieur, théâtre de la vie humaine. Les deux premiers états sont essentiellement irrationnels et transitoires, les premiers degrés de ce que M. Comte, appelle la grande évolution de l’humanité et dont le régime scientifique est le terme et le sommet.

Il est difficile de méconnaître et de défigurer plus complètement l’histoire générale de l’homme et du monde. Ce que M. Comte regarde comme trois états successifs dans la vie du genre humain, n’est que l’état complexe et permanent de l’humanité agitée par des mouvements et dans des sens divers selon les succès ou les revers, les espérances ou les craintes qu’éprouvent les nations et les générations diverses. Pas plus que les études du monde physique, les conceptions théologiques et les méditations métaphysiques ne sont des faits transitoires et « qui n’auront plus désormais, selon l’expression de M. Comte, qu’une existence historique. » Ces désirs et ces travaux divers sont le fond même, le fond indestructible et indivisible de la nature humaine ; en aucun temps, dans aucun pays, les hommes n’ont cessé et ne cesseront de prier Dieu et de chercher à le comprendre, pas plus que d’étudier le monde physique et de le faire servir à leur usage. Les peuples et les siècles divers se sont engagés et s’engageront plus ou moins avant dans l’une ou dans l’autre de ces carrières de l’activité intellectuelle ; la foi religieuse, la méditation métaphysique et la curiosité scientifique ont leurs alternatives d’ardeur et de langueur, de gloire et de stérilité ; elles se déploient et prospèrent tantôt isolément, tantôt ensemble. Si l’Inde s’est plongée dans les symboles de la mythologie et le néant du panthéisme, la Grèce a cultivé avec le même succès la métaphysique et les sciences naturelles ; Aristote est le contemporain de Platon. Si divers peuples ont flotté entre les conceptions théologiques, les abstractions métaphysiques et les études scientifiques, le peuple hébreu est resté dans l’état théologique et monothéiste. Au xvie siècle, quand l’esprit d’examen et d’indépendance s’est réveillé et répandu, la foi chrétienne s’est en même temps ranimée et raffermie, et le xvie siècle a vu fonder à la fois la liberté politique de la protestante Angleterre et la gloire philosophique et littéraire de la France catholique. L’esprit humain a, selon les lieux et les temps, ses travaux et ses progrès favoris ; mais il subsiste toujours tout entier ; il ne renonce jamais à aucune de ses grandes espérances ni de ses grandes œuvres ; et ceux-là le mutilent et l’abaissent étrangement qui le représentent comme s’étant égaré, pendant des siècles, dans de vains efforts vers la connaissance de Dieu et de lui-même, et qui le condamnent à se cantonner désormais dans les sciences de la matière, de ses forces et de ses lois.

Qu’ai-je besoin de demander à l’histoire la preuve de la coexistence simultanée et indestructible de ces états divers de l’humanité parmi lesquels M. Auguste Comte n’en veut admettre qu’un seul comme rationnel et définitif ? M. Comte s’est chargé lui-même, et à lui seul, de me fournir cette preuve. Cet intraitable adversaire de toute croyance et de toute tendance religieuse n’a pu y rester lui-même étranger pendant les quelques années de sa vie ; il a, dans ce court espace, parcouru lui-même, en sens contraire de sa propre théorie, les divers états intellectuels qu’il avait assignés comme les stations successives du genre humain. Il avait placé l’état théologique à l’entrée et l’état scientifique au terme de la carrière de l’humanité ; après avoir débuté lui-même par l’état scientifique, il lui a été impossible, à lui comme au genre humain, de s’en contenter, et il a fini, lui-même, par où, selon lui, le genre humain a commencé, par l’état théologique. Il avait déclaré sa philosophie positive « en opposition radicale et absolue avec toute espèce de tendance religieuse ou métaphysique. » Il s’était séparé avec éclat des Saint-Simoniens, « car ils ne vont pas tarder, disait-il, à s’éteindre dans le ridicule et la déconsidération. Imaginez-vous que leurs têtes se sont peu à peu exaltées à ce point qu’il ne s’agit de rien moins que d’une véritable religion nouvelle, d’une sorte d’incarnation de la divinité en Saint-Simon. » Et quelques années après un tel langage, encore dans la force de l’âge et de la pensée, M. Comte s’est lancé à son tour dans la voie théologique ; il a entrepris de transformer le positivisme en une religion. Par la plus forte des abstractions personnifiées, il a fait de l’Humanité le Grand Être, l’Être réel, souverain et adorable, et il l’a mise à la place de Dieu, en s’en déclarant lui-même le grand prêtre. Il avait plus d’une fois proclamé que toute religion avait le surnaturel pour fondement essentiel ; et une religion toute naturelle, la religion de l’humanité, le culte de l’humanité, l’Église de l’humanité, ont été par lui appelés pour succéder à la religion et à l’Église chrétiennes. Le 19 octobre 1851, en terminant au Palais-Royal son troisième cours philosophique sur l’histoire générale de l’humanité, M. Comte l’a résumé en ces termes : « Au nom du passé et de l’avenir, les serviteurs théoriques et les serviteurs pratiques de l’humanité viennent prendre dignement la direction générale des affaires terrestres, pour construire enfin la vraie providence morale, intellectuelle et matérielle, en excluant irrévocablement de la suprématie politique tous les divers esclaves de Dieu, catholiques, protestants ou déistes, comme étant à la fois arriérés et perturbateurs. » La religion positiviste ainsi proclamée, un catéchisme positiviste et un calendrier positiviste, tous deux composés par M. Comte, ont réduit les principes en pratique. Dans une série de conversations entre le prêtre et la femme, le catéchisme établit et explique d’abord le dogme, puis le culte de la religion nouvelle, l’ordre intérieur comme l’ordre extérieur, le culte privé comme le culte public. Et le calendrier, par une chronologie rétrospective, détermine, pour une année quelconque de treize mois et pour les sept jours de chaque semaine, les noms des grands serviteurs en tout genre de l’humanité qui doivent remplacer les Saints chrétiens ; 364 noms, hommes et femmes, plus 165 noms additionnels, sont inscrits sur cette liste qui commence par Moïse et finit par Bichat, en passant à travers Homère, Aristote, Archimède, César, saint Paul, Charlemagne, Dante, Gutenberg, Shakespeare, Descartes et Frédéric II.

C’est un triste spectacle que celui du chaos, et le chaos des âmes est encore plus triste à contempler que celui des mondes. Même quand elles amènent et préparent, pour le genre humain, de grands progrès, les époques de crise morale et sociale jettent dans le chaos de grands et puissants esprits. Séduits par une ambition noble et trompés par des succès partiels, ils s’attachent avec passion à quelque question spéciale, à quelque idée incomplète et fiers de concevoir quelque système étroit et confus sous de brillantes apparences, ils prétendent expliquer et régler l’homme et le monde dont ils ne sont que de superficiels et présomptueux observateurs. Parmi ces grands égarés de l’humanité, pour parler leur langage, M. Auguste Comte a été l’un des plus sérieux, des plus désintéressés et des plus sincères. Sa sincérité et son courage dans ses convictions l’ont promené d’inconséquence en inconséquence ; dans ses égarements, il a entrevu successivement de grandes idées dont il n’a saisi ni la mesure ni le lien ; d’abord l’idée scientifique à l’exclusion de toute idée religieuse, puis une certaine idée religieuse réconciliée et intimement unie avec l’idée scientifique ; et il s’est tour à tour adonné à l’une et à l’autre avec un aveugle et hardi dévouement. S’il fût venu en Grèce, au grand temps de la philosophie, ou en France au xviiie siècle, au milieu de la grande controverse chrétienne, il aurait été taxé de folie, par Aristote comme par Platon, par Spinoza comme par Bossuet. De nos jours, il a été plus heureux ; il s’est passionnément attaché à la méthode d’observation des faits, qui est le caractère de l’esprit scientifique ; et quoique ses observations aient été superficielles, inexactes et incomplètes, quoiqu’il soit tombé dans les plus étranges inconséquences, le principe fondamental de son système et la coïncidence de ses premières idées avec la méthode et la tendance des sciences physiques, qui sont le travail favori de notre temps, lui ont valu plus d’importance et d’influence qu’il n’y avait réellement droit.

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