Théologie de l’Ancien Testament

§ 242. Suite.

Les Proverbes se meuvent cependant le plus souvent dans le cercle de la vie extérieure. Ce sont pour la plupart des conseils qui ont pour but d’amener la vie quotidienne et ordinaire à une conformité parfaite avec la volonté de Dieu. « Dans toutes tes voies, considère Dieu », dit un Proverbe déjà cité (Proverbes 3.6) ; c’est-à-dire : A tout moment et en toutes circonstances, demande-toi ce que Dieu attend de toi, et cherche à comprendre ce que tu as de mieux à faire.

Aussi les principales vertus du sage sont-elles l’intelligence, בינה, qui consiste à distinguer le bien du mal, ce qui est salutaire de ce qui est nuisible ; la prudence, מזמה, au moyen de laquelle on trouve conseil à tout ; l’habileté, ערמה, dans le sens le plus relevé de ce mot, qui fait choisir le meilleur chemin pour parvenir à tel but connu ; et enfin (Proverbes 1.5), l’art du pilote, תחבלותmSann, l’art de bien savoir se conduire, de bien tenir le gouvernail de son embarcation.

L’âme de la sagesse étant la crainte d’offenser Dieu, la morale des Proverbes aura tout naturellement un caractère négatif prononcé ; tout naturellement aussi, cette tension continuelle de l’esprit vers le but proposé, cette préoccupation constante de la volonté de Dieu lui donnera quelque chose de froid et de compassé. L’amour n’est pas là pour tout animer. On chercherait en vain dans les Proverbes une seule parole comme celle-ci : « Je t’aime d’une affection cordiale, Éternel qui es ma force ! » (Psaumes 18.2 ; 73.25) Point d’enthousiasme ! Le sage se garde soigneusement de tout ce qui ressemble à la précipitation, de tout ce qui pourrait troubler son équilibre moral. « Le simple croit tout ce qu’on lui dit, l’homme bien avisé (rusé, ערום) considère ses pas. » (Proverbes 14.15) « Celui qui est lent à la colère est d’un grand sens, mais celui qui est prompt à se courroucer manifeste beaucoup de folie » (v. 29). Il importe particulièrement de tenir sa langue en bride, et de ne pas trahir par des gestes ce dont on peut avoir le cœur rempli, « Celui qui laisse voir qu’il méprise son prochain, est dépourvu de sens ; l’homme qui sait s’y prendre, se tait. » (Proverbes 11.12) « Celui qui va médisant, révèle le secret ; mais celui qui a un cœur loyal cache la chose » (v. 13). « Celui qui fait signe de ses yeux (pour se moquer) donne de la peine, et celui qui a les lèvres insensées, tombera » (Proverbes 10.10). « La mort et la vie sont au pouvoir de la langue » (Proverbes 18.21).

C’est au caractère négatif de cette morale qu’il faut aussi attribuer le fait que les proverbes qui traitent des devoirs des hommes les uns vis-à-vis des autres, passent assez rarement du terrain du droit sur celui de l’amour fraternel. On leur a même reproché une prudence intéressée ; avec quel soin ne mettent-ils pas en garde contre l’habitude de cautionner ! (Proverbes 6.1-4 ; 11.15 ; 17.18 ; 22.20) — Mais il ne faut pas oublier qu’en cautionnant, on s’exposait à perdre sa liberté et à devenir esclave. L’Ecclésiastique mériterait ce reproche ; à côté des plus sages avis, il en donne qui décidément sont inspirés par l’égoïsme. Mais il n’y a rien de semblable dans les Proverbes. — Il ne faut pas perdre de vue non plus tant de paroles dignes de la nouvelle alliance, telles que Proverbes 10.12 : « La haine provoque les querelles, mais l’amour met un voile sur toutes les querelles », Proverbes 25.21 : « Si ton ennemi a faim, donne-lui à manger ; s’il a soif, donne-lui à boire », Proverbes 17.14 : « Commencer une querelle, c’est rompre une digue ; cède avant que le débat s’échauffe », Proverbes 20.3 : « C’est une gloire pour l’homme de commencer une querelle, mais tout insensé s’exaspère » Proverbes 15.1,18 : « Une réponse douce calme la colère », Proverbes 22.22 : « Ne dépouille pas le faible parce qu’il est faible », car, Proverbes 14.31 : « Qui outrage le pauvre, outrage le Créateur. » Voyez aussi Proverbes 17.5 ; Job 31.16-19 et sq.

L’homme qui s’adonne à la sagesse finit par arriver à un état de solidité morale, תושיה, qui est exactement le contraire de l’inconstance et de la vanité dont est la victime et le jouet l’insensé qui ne veut consulter que son propre cœur (Proverbes 19.21). תושיה vient de Jesch, יש, ὑπάρχειν, « exister », « avoir de la réalité. » Cette expression, qui ne se retrouve pas en dehors du domaine de la sagesse, est employée tantôt dans un sens subjectif, tantôt dans un sens objectif. Dans le sens subjectif la תושיה est l’équivalent de la חכמה, et se trouve unie à la force, גבורה, à l’intelligence, בינה, à la prudence, מזמה, au bon conseil, עצה. Voyez Proverbes 3.21 ; 8.14. Dans le sens subjectif, elle se trouve jointe à עזרה, secours (Job 6.13), et elle est quelque chose de tellement réel qu’elle peut supporter le parallélisme de מגן, bouclier, dans Proverbes 2.7. Les dispositions du sage ayant un fondement solide dans la crainte de Dieu, ses destinées elles-mêmes participent à ce caractère de solidité. Ceci nous amène à parler des avantages qui sont la récompense de la sagesse.

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