Théologie de l’Ancien Testament

§ 244. Suite.

Ce n’est pas seulement dans la vie individuelle que l’on peut constater les heureux effets de la sagesse ; la bénédiction de Dieu se déploie encore plus largement dans la famille et dans la société civile.

Une heureuse vie de famille est la plus précieuse des bénédictions terrestres qui puissent accompagner la crainte de Dieu. Rien, dans aucune des autres religions de l’antiquité, n’approche, même de loin, du sérieux moral avec lequel le Judaïsme parle du mariage et des devoirs réciproques des parents et des enfants.

Le mariage est une alliance de Dieu, c’est-à-dire une alliance conclue devant Dieu et sous ses auspices. Hitzig rappelle ici avec beaucoup d’à-propos la belle parole 1 Samuel 20.23 : « Ce que toi et moi nous avons dit ensemble, l’Éternel en est témoin à jamais. » Voyez, aussi Malachie 2.14 : « L’Éternel est intervenu comme témoin entre toi et la femme de ta jeunesse, contre laquelle tu agis perfidement, quoiqu’elle soit ta compagne et la femme avec laquelle tu as contracté alliance. » Proverbes 19.14 : « La maison et les richesses sont l’héritage des pères, mais une femme prudente est un don de l’Éternel. — Proverbes 12.4 : Une femme vertueuse est la couronne de son mari. — Proverbes 18.22 : Quand on a trouvé une femme vertueuse, on peut se dire aimé de Dieu. — La grâce trompe, — ainsi se termine la description de la, femme forte (Proverbes 31.10-31) — la grâce trompe et la beauté s’évanouit ; mais la femme qui craint l’Éternel est celle qui mérite d’être louée. » Il n’y a pas de péché contre lequel les Proverbes s’élèvent aussi souvent ni plus fortement que l’adultère (Proverbes 2.12 et sq., ch. 5 et 7 tout entiers, Proverbes 6.23 et sq.). Le Cantique des Cantiques, que je ne voudrais cependant pas appeler une satire de la polygamie, se fait aussi du mariage la plus haute idée. « Une seule est ma colombe ! (Cantique des cantiques 6.9) —L’amour est fort comme la mort ; la jalousie est inflexible comme les enfers ; ses ardeurs sont des ardeurs de feu, une flamme de l’Éternel ! » (Cantique des cantiques 8.6.) De semblables sentiments réclament énergiquement la monogamie et font du mariage quelque chose d’unique en son genre.

Les enfants sont aussi appréciés à leur juste valeur. Une florissante famille est un trésor. « La couronne des vieillards, ce sont les enfants de leurs enfants (Proverbes 17.6) ». Mais pour être une bénédiction, il faut que les enfants marchent dans les voies de la crainte de Dieu, « L’enfant insensé est l’ennui de sa mère et ce n’est que l’enfant sage qui réjouit sa mère (Proverbes 10.1) ». Cette pensée revient souvent dans les Proverbes (Proverbes 17.21 ; 23.24 ; 27.11 ; 28.7 ; 29.3). Il en est de cette richesse comme de toute autre : sans crainte de Dieu, tout perd sa valeur. Il est donc d’une suprême importance de bien élever ses enfants, et c’est là un objet dont les Proverbes s’occupent fort souvent. Châtiments et instruction, voilà les deux parties constitutives de toute bonne éducation. Mais pour pouvoir bien instruire et bien châtier, il faut que les parents, les premiers, soumette et leur cœur à la discipline (de Dieu), et qu’ils prêtent leurs propres oreilles aux paroles de la science. Proverbes 23.12 sert d’introduction aux conseils pédagogiques qui suivent, v. 13 à 16. On n’éduquera que comme on se sera éduqué soi-même. — Après avoir ainsi travaillé sur soi, la première chose à faire à l’égard de l’enfant qui vous est confié, c’est de lutter contre ses mauvais penchants naturels, contre « cette folie qui est attachée à son cœur » (Proverbes 22.15). Pour cela, il faut la verge : « La verge du châtiment fera éloigner la folie du cœur du jeune enfant. (id.) — La verge et la répréhension donnent la sagesse, mais le garçon à qui on laisse libre carrière, fait honte à sa mère » (Proverbes 29.15).

Le livre des Proverbes recommande hardiment l’emploi des châtiments corporels, en général pour tous les insensés (Proverbes 10.13 ; 20.30), et en particulier, pour les enfants (Proverbes 13.24 ; 23.13 ; 29.17). C’est haïr un enfant que de lui épargner la verge. Cependant, il y a des cas où une parole de répréhension sera plus en place que des coups (Proverbes 17.10 ; 19.25) — L’instruction, à laquelle les châtiments doivent préparer la voie, est orale. Il n’est pas encore question d’une Parole de Dieu écrite. C’est par la bouche des parents que la Sagesse parle aux enfants. Les mêmes bénédictions qui accompagnent l’observation de la loi divine, accompagnent également pour les enfants l’obéissance à la volonté paternelle et maternelle (Proverbes 1.8). « Je fus un fils pour mon père (un vrai fils), tendre et unique enfant sous les yeux de ma mère. Et il m’instruisit et me dit. Observe mes paroles et tu auras la vie ! » (Proverbes 4.3). Dans Proverbes 6.20, la mère prend une part aussi active que le père à l’éducation de ses enfants. Et le verset suivant recommande à l’enfant de tenir ce double enseignement continuellement lié à son cœur et attaché à son cou, etc. Ceci rappelle tout à fait Deutéronome 6.7 ; les enfants doivent donc avoir le même respect pour la parole de leurs parents, que les parents pour la parole de leur Dieu. Le malheureux qui désobéit à son père ou à sa mère est un criminel (Proverbes 30.17 ; 20.20). — Les parents doivent commencer de bonne heure l’éducation de leurs enfants. « Forme le jeune homme (non pas précisément dès l’entrée de sa voie, mais) selon la voie qu’il doit suivre. Même s’il vieillit, il n’en déviera point ! » — Il faut observer avec soin les enfants, cherchera comprendre leur caractère (Proverbes 20.11). — C’est ainsi que Dieu veut, que les parents imitent à l’égard de leur famille la manière en laquelle Il a lui-même procédé à l’égard de son peuple : « Il est bon à l’homme de porter le joug dès sa jeunesse » (Lamentations 3.27). Il faut donner aux enfants des habitudes de travail ; rien d’avilissant comme la paresse (Proverbes 6.6-11 ; 10.26 ; 15.19 ; 19.15,24 ; 20.4,13 ; 26.13-16) ; — des habitudes de modération (Proverbes 13.25 ; 23.19-21) ; — de pureté et de chasteté (Proverbes 7.5 ; 23.26-28) ; — de décence, pour les filles en particulier (טעם, tact moral, délicatesse, retenue, convenance dans les paroles, la mise ; Proverbes 11.22). L’activité, l’habileté dans toutes sortes de travaux domestiques, la bienfaisance, la libéralité, la simplicité dans la mise, voilà tout autant de vertus féminines fortement recommandées, tant dans des passages isolés (Proverbes 11.16, 22 ; 12.4), que dans le tableau de la femme forte (Proverbes 31.10-31).

« C’est par moi, dit la Sagesse, que règnent les rois et que dominent les seigneurs » (Proverbes 8.16). Toute autorité vient donc de Dieu, aussi bien dans l’Etat que dans la famille. C’est l’Éternel qui a établi les juges pour faire régner l’ordre, et en particulier pour punir les méchantsb (Proverbes 16.12-15 ; 20.8,26 ; 25.5 ; 29.4). Là où il n’y a point de direction (תחבלות), le peuple tombe (Proverbes 11.14). Heureuse la nation qui possède la parole de Dieu, la loi et la prophétie. « Lorsqu’il n’y a point de vision, le peuple se dissipe ; mais heureux est celui qui garde la loi ! » (Proverbes 29.18) La meilleure politique, c’est de se bien conduire : « La justice élève les nations, mais le péché est l’opprobre des peuples » (Proverbes 14.34). Un peuple veut-il prospérer ? Qu’il cherche à avoir des gens de bien pour magistrats. « Mais quand les impies s’élèvent, chacun se cache » (Proverbes 28.12, 15). Aussi ne manque-t-il pas de bons conseils à l’adresse des rois (Proverbes 29.12, 14 ; 31.1-9 et sq.).

b – Stier a écrit un opuscule sur Prov. ch. 25, sous le titre de : La sagesse sur le trône, — et un autre sur Prov. ch. 30, intitulé : La politique de la sagesse.

L’Israélite qui voit sa famille et la société dont il fait partie marcher dans les sentiers que Dieu lui-même leur a tracés, éprouve une satisfaction intime ; et cette impression de repos et de joie a été assez générale vers la fin du règne de David et sous celui de Salomon. Sans doute le mal est toujours là, qui fait tache au moment même où la nature et l’histoire présentent le plus beau spectacle (Psaumes 104.35) ; mais le mal, au jour du jugement, qui n’est plus éloigné, servira à manifester la sainteté et la justice de Dieu, et de cette façon, il a aussi sa place marquée dans l’ensemble des événements. « Toute chose a un but ; le méchant est pour le jour de la calamité » (Proverbes 16.4). Dans le détail, il y a des choses qui paraissent indignes d’un Dieu rémunérateur ; dans l’ensemble ces inégalités disparaissent ; la justice aura le dernier mot. Et la souffrance ? La souffrance, dont le juste certes n’est pas exempté, est un moyen de salut des plus efficaces : « Mon fils, ne rebute point l’instruction de l’Éternel, et ne perds pas courage de ce qu’il te reprend ; l’Éternel reprend celui qu’il aime, comme un père l’enfant qu’il chérit » (Proverbes 3.11-12). Aussi n’avons-nous encore ici nulle trace de ces combats intérieurs, de ces doutes qui viennent déchirer l’âme d’un Job. Les problèmes que présentait la vie sous l’économie de la loi n’existaient-ils plus ? Etaient-ils donc résolus dans l’esprit de l’auteur des Proverbes ? — Nullement. Les Proverbes se contentent de constater la valeur qu’ont les choses finies, les biens terrestres, du moment qu’ils rentrent dans l’ordre voulu de Dieu. Mais ils ne nous font pas assister à la victoire de l’infini sur le fini. Les biens d’ici-bas, le bonheur terrestre, apparaissent au sage sous un tout autre jour qu’à l’insensé et qu’à l’impie ; mais les récompenses les plus magnifiques de la crainte de Dieu n’amènent pas encore le juste à une réalisation éternelle des destinées auxquelles il est appelé. Si l’immortalité bienheureuse est dans les Proverbes, elle n’y est pas clairement proclamée. Ils ne font que de jeter un voile sur la mort et le Schéol. — Nous allons voir les autres monuments de la sagesse israélite entrer en lutte avec ces redoutables problèmes, et la lutte sera plus terrible qu’aucune de celles qu’a soutenues jamais n’importe laquelle des philosophies antiques.

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