Le Réveil au Pays de Galles

VIII
Mrs Jones

Sous ce titre : Une Mystique du Réveil, M. Elvet Lewis a publié dans le British Weekly un article qui commence par ces mots : « Il y a certains épisodes du Réveil dans le Pays de Galles que l’on hésite à publier, parce qu’ils risquent d’attirer une attention disproportionnée et de choquer par trop les préjugés courants. Mais sans eux l’histoire resterait incomplète ; et c’est la raison qui me pousse à parler d’un épisode dont on a beaucoup abusé de toutes façons. »

Ces lignes, qui m’étaient tombées sous les yeux avant mon départ pour le Pays de Galles, étaient faites pour allécher la curiosité d’un psychologue. La suite de l’article encore plus. M. Stead avait affirmé dans sa brochure que le Réveil gallois est accompagné du phénomène mystérieux des lumières surnaturelles. Eh bien ! d’après M. Lewis, Mrs Jones constituait précisément le cas le plus intéressant en ce genre, bien qu’il semble avoir échappé à M. Stead. Je désirais fort avoir l’occasion de rencontrer la « mystique » en question, pour employer le terme de M. Elvet Lewis. J’avais bien peur de n’y pouvoir réussir. Car où la trouver ? Où la prendre ? Le Western Mail n’a pas d’offices dans le nord du Pays de Galles ; non seulement il ne renseigne que très imparfaitement sur le Nord gallois dans ses colonnes, mais on ne peut trouver aisément un représentant du journal qui téléphone et télégraphie pour vous, comme cela m’est arrivé, à Cardiff et qui, avec une obligeance à toute épreuve, vous mette sur la bonne voie.

Les indications données par le British Weekly lui-même étaient plutôt vagues. D’abord le nom Mrs Jones ne dit pas grand’chose. Il y a tant de Jones au Pays de Galles ! autant que de Smith en Angleterre. Et puis l’indication relative au lieu d’origine ou d’habitation de cette Mrs Jones était singulièrement indécise : « Dans les terrains marécageux situés entre Barmouth et Harlech, une ferme — occupée par un fermier d’une quarantaine d’années, sa femme, leur seul enfant vivant et deux domestiques — a été le centre prétendu d’une série de signes et de prodiges. « Il est bien vrai qu’en continuant de fouiller le British Weekly, je m’aperçus que Mrs Jones avait pour prénom Marie et qu’elle était appelée la visionnaire galloise (the welsh seeress) ou encore « la visionnaire de Dyffrin ». Tout de même, c’était un peu insuffisant comme indications.

Heureusement que, dans une visite que je faisais à un de mes amis, pasteur méthodiste à Bradford, j’eus la bonne fortune de lire dans un journal du nord de l’Angleterre que Mrs Jones était en train de faire une série de réunions dans le district de Wrexham. Cela tombait d’autant mieux que j’avais justement déjà l’intention d’aller à Wrexham. Miss Davies et Miss Jones, à Aberdare, m’avaient beaucoup conseillé, lorsque j’aurais vu Evan Roberts, de me rendre à Wrexham pour y voir le Réveil, indépendamment de Mrs Mary Jones. Bon, pensai-je, je ferai d’une pierre deux coups. Je verrai en tout cas le Réveil de Wrexham, et par dessus le marché je verrai peut-être Mrs Jones. Mon attente ne fut pas trompée. Le soir même de mon arrivée à Wrexham, le hasard fit qu’en revenant de Rhos, je me trouvai assis dans le tramway à côté du pasteur, le Rév. Peris Williams, chez qui Mrs Jones avait logé pendant son séjour récent à Wrexham et sur la maison duquel on avait vu l’une des fameuses « lumières » pendant la visite de Mrs Jones. Nous fîmes promptement connaissance avec le Rév. Williams. Il voulut bien me donner sur un papier, avec sa signature en guise d’introduction, l’adresse actuelle de Mrs Jones.

Le matin du vendredi saint, muni de mon adresse, je me hâte d’aller à la gare pour prendre un train pour la station de Trevor. Comme c’est le vendredi saint, une foule assez nombreuse et endimanchée remplit les rues dont les magasins sont fermés. A l’endroit où de la rue principale se détache un petit tronçon conduisant rapidement à la gare, un homme est debout, tenant dans sa main une corde tendue qu’il abaisse de temps en temps. Avant de la baisser pour me laisser défiler, il me demande avec sévérité si c’est pour affaires que je fais mine d’aller à la gare. Sur mon énergique affirmation qu’il en est bien ainsi, il me laisse passer. Mais à la gare, l’anarchie est grande. Tous les services ordinaires sont bousculés. Il n’y a plus d’heure fixe. Je commence à trouver que les Anglais n’ont pas tout à fait tort de railler les chemins de fer gallois. Après m’être informé quatre ou cinq fois et avoir attendu longtemps, je monte dans un train, craignant de me tromper. Mes compagnons de compartiment me rassurent. Mais le train se repose une demi-heure avant de partir. Puis, quand il est parti, à la deuxième ou troisième station, il faut changer de train, il faut attendre encore. Enfin, je n’ai rien de plus pressé à faire ; il n’y a pas de réunions ce matin. Il n’y a qu’à patienter. Tout finit par finir en ce monde. Nous arriverons bien une fois. D’ailleurs, le pays est beau à regarder. C’est par excellence le décor que les descriptions anglaises qualifient de « romantique » : montagnes noyées dans le gris noirâtre des brumes, pentes rocheuses où la pierre grise affleure à larges pans sous le tapis d’herbe fauve ; talus éboulés, écaillés, effrités, des ardoisières ; ou bien gracieuses autant que sauvages les vallées profondes avec leurs torrents et leurs cascades… Mais nous voici enfin à la station de Trevor. Je descends du train et au sortir de la gare je demande la route de Ponteysyllte et parviens sans trop de peine à trouver la boutique de Miss Jeffreys et Miss Jeffreys elle-même, du moins l’aînée des trois Misses Jeffreys. J’exhibe, en guise d’introduction et de recommandation, l’adresse que m’a donnée le Rév. Péris Williams. Un sourire accueille cette présentation. On connaît très bien le Rév. Williams et très avantageusement. Cela rejaillit un peu sur moi. Je demande si Mrs Jones est là et si elle conduit des meetings aujourd’hui. Miss Jeffreys me répond que dans l’après-midi il y a une réunion pour les femmes seules et que le soir il y a une réunion pour tous. Cela ne fait pas mon affaire. Que vais-je devenir tout l’après-midi, si je suis exclu du meeting féminin ? Et le soir je comptais revenir à Wrexham pour assister à une réunion dont on m’avait beaucoup parlé. Voyant mon air un peu déconfit et ignorant mes projets, Miss Jeffreys me dit : « . Vous pouvez toujours assister au meeting du soir, et l’après-midi… eh bien ! vous savez, il y a une procession de Templiers. Cela vous intéressera de la voir. Les Templiers sont une sorte de société de tempérance. Mais c’est pour voir et entendre Mrs Jones que je suis venu à Trevor et non pas pour contempler la procession des Templiers. Et Mrs Jones quitte Ponteysyllte demain pour aller je ne sais où… Heureusement Miss Jeffreys me demande d’elle-même si je ne voudrais pas voir Mrs Jones et causer avec elle. Comment donc ? Mais c’est justement ce que je désirais. On me fait asseoir auprès du feu en attendant que Mrs Jones descende de sa chambre. Les deux autres Misses Jeffreys viennent à intervalles causer avec moi dans cette espèce de cuisine-salle à manger. Après quelques minutes d’entretien, on m’ôte mon chapeau et mon parapluie. Bon signe ! Au bout d’un moment, on m’ôte mon pardessus. Excellent ! J’inspire une confiance croissante. Au bout d’un autre moment, on m’invite à dîner. Me voilà rasséréné. Je n’aurai pas perdu mon voyage, puisque j’aurai causé et même dîné avec Mrs Jones  ! Enfin, Mrs Jones arrive. Sur la table de la cuisine-salle à manger, elle finit quelques lettres pressantes, débat avec Miss Jeffreys l’emploi de sa journée du lendemain et le voyage qu’elle doit faire, discute télégrammes, chemins de fer, levées de boîtes postales, etc.. Puis, les affaires terminées, elle se tourne aimablement vers moi, en me disant qu’elle est à ma disposition. On nous conduit et on nous installe tous les deux dans un salon à côté de la cuisine-salle à manger, pour avoir un entretien particulier. Mrs Jones, âgée de 35 ans environ, avec des cheveux qui commencent à grisonner, des yeux bruns ardents et profonds, nez mince, le visage calme, ferme, agréable, habillée de noir, a ceci de commun avec plusieurs des revivalistes que j’ai rencontrés, quelle n’est pas très loquace. Il faut la questionner et elle laisse aisément tomber la conversation. Je commence, comme entrée de jeu et pour lui donner confiance, par lui raconter diverses choses de France qui ont l’air de l’intéresser. Puis, peu à peu, je lui pose à mon tour des questions. Je ne lui demande pas directement de me raconter l’histoire de sa conversion ; car cette histoire j’en avais lu le récit dans le British Weekly, sous la plume du Rév. Elvet Lewis, qui racontait son interview avec Mrs Jones. Je demande à Mrs Jones si elle a lu l’article du Rév. Elvet Lewis et s’il est exact. Mrs Jones en proclame l’entière exactitude. Pour faire bien connaître Mrs Jones, je reproduis donc librement le récit.

Mrs Jones a été religieuse dès son enfance. Elle avait un naturel très gai. Comme jeune femme, elle était pieuse, mais très timide et réservée, et peu disposée à sortir du cercle étroit de sa ferme d’Egrync. Il y a sept ans, environ, elle perdit son petit garçon, et, quatre ans après, sa sœur unique. Les deux sœurs étaient orphelines et l’aînée, celle qui venait de mourir, avait été pour sa sœur plus jeune, Mrs. Jones, tout ensemble une sœur et une mère. Mrs. Jones trouva le coup si cruel qu’elle perdit absolument toute foi en Dieu. Tel fut sur elle le contre-coup de l’épreuve. Elle s’endurcit de plus en plus contre Dieu : « Je ne crois pas, a-t-elle déclaré, que personne ait jamais eu au sujet de Dieu des pensées plus dures que celles que j’avais alors. » Elle n’avait plus de goût pour les services de la chapelle, plus de goût pour la lecture de la Bible, plus de goût pour la prière. Curieuse antithèse ! Tandis que son mari, qui n’était pas un membre de l’Eglise, assistait fidèlement au culte, elle, qui était membre de l’Eglise, se tenait au contraire de plus en plus à l’écart. Un dimanche soir, un an environ avant le Réveil, son mari lui demanda de l’accompagner à la petite chapelle où il se rendait pour le culte. Elle lui fit sa réponse habituelle : « Non, je ne viens pas ; à quoi bon ? Il n’y a rien pour moi dans la chapelle. » Elle resta seule à la maison. Quand tout le monde fut parti, quelque chose la poussa fortement à se demander : « N’y a-t-il aucun livre dans cette maison qui puisse m’aider ? » Il y avait la Bible, mais la Bible était devenue, pour elle un livre vide, un livre tout blanc. Elle chercha parmi les quelques volumes dépareillés qui se trouvaient dans la maison et tomba sur le fameux livre de Sheldon : Que ferait Jésus à ma place ? (In his Steps). Elle commença à le lire, négligemment, nonchalamment tout d’abord, puis avec un intérêt croissant, puis avec une sorte de crainte respectueuse. Quand son mari rentra à la maison, il fut frappé du changement de sa physionomie. Ce visage, qui depuis des mois et des mois était resté dur, insensible, sans être jamais ni éclairé d’un seul sourire ni mouillé d’une seule larme, ce visage était à la fois inondé de larmes et radieux. La lumière lui était venue : « Que ferait Jésus à ma place ? devint à partir de ce soir-là son unique question. Elle avait lu le livre en anglais ; elle se procura des exemplaires de la traduction faite dans sa langue familière, le gallois, pour relire l’ouvrage et le distribuer à ses voisins. « Mais, chose étrange, ajoute-t-elle, — et très étrange, en effet, puisque le gallois est sa langue quotidienne et qu’en public elle ne parle et ne prie qu’en gallois — chose étrange ! je n’ai pu trouver dans la version galloise ce que j’avais trouvé le dimanche soir dans l’original. »

c – Egryn est situé à deux milles de la station de Dyffrin, laquelle est à mi-chemin entre Barmouth et Harlech.

Elle retourna au culte, alors, et devint une aide fidèle, mais modeste et silencieuse, se bornant, pour toute participation publique aux services, à indiquer parfois un hymne. Lorsqu’elle entendit parler du Réveil qui commençait à se produire dans le Sud, elle fut puissamment remuée et finit par demander à son frère, qui était surintendant d’une mission dans la localité, d’annoncer des réunions de prière. Elle était pleine d’attente, pleine d’espoir. Mais la toute première réunion, un lundi soir, lui glaça le cœur. Néanmoins, une autre réunion fut annoncée pour le lendemain mardi. Il y avait un peu plus de monde, et les assistants participèrent plus volontiers ; ce fut à cette réunion qu’elle fit elle-même son premier essai de parole en public. Dès lors, il n’y avait plus de doute, il fallait continuer, soir après soir. Elle devint, sans savoir comment, le chef, le centre, la directrice de ces réunions, parlant peu, se bornant volontiers à la prière et au chant, mais possédant, d’après tout ce qui ressort de quantité de données concordantes, une influence étrange, mystérieuse, et réussissant, par cette seule influence qui se dégageait d’elle, à persuader aux autres de prendre part à la réunion et de venir à Christ. Pendant le jour, elle parcourait les maisons pour inviter les gens à venir à la réunion et leur parler du Christ ; le soir, elle avait sa récompense, elle moissonnait ce qu’elle avait semé. Quand la quinzaine fut achevée, juste le jour où elle fut terminée, il y avait exactement cinquante-un nouveaux convertis dans cette région rurale, relativement peu peuplée et le Réveil battait son plein. Parmi ces nouveaux convertis, se trouvait le mari de Mrs. Jones. Pratiquement, toute la population adulte du district était convertie et le caractère de la localité était transformée comme par magie. Tel est le récit de la conversion et de la vocation de Mrs Jones, déclaré par elle-même exact et conforme. [D’après le British Weekly (2 mars), à une réunion tenue en février, dans le Cardigan, Mrs. Jones aurait dit que sa conversion avait été une œuvre de lente croissance (slow growth) qu’elle attribuait à la disposition mentale réfléchie (the reflective mental mood) produite en elle par ses amères épreuves et ses tribulations. Ses deuils l’avaient amenée à chercher du secours dans la prière, ce qu’elle avait continué de faire pendant douze ans avant de se sentir contrainte de prendre une part prépondérante dans le culte public. — Cela ne cadre pas tout à fait avec le récit de Mr. Lewis dont Mrs. Jones m’a garanti à moi-même l’exactitude. Pourtant, le désaccord est peut-être moins profond et moins irrémédiable qu’il ne le semble au premier abord. Que la conversion de Mrs. Jones ait été lente, progressive, préparée par ses épreuves, ses réflexions…, cela peut aller. L’assertion que Mrs. Jones a prié douze ans avant de devenir revivaliste est en contradiction avec notre récit si on entend que Mrs Jones, déjà convertie, aurait prié douze ans, avec ferveur, comme Evan Roberts, pour recevoir le baptême du Saint-Esprit. Mais la contradiction s’atténue, si on entend, par ces douze ans de prières, douze ans pendant lesquels, étant inconvertie et se sentant malheureuse et troublée, elle a, à certains intervalles, cherché du secours dans la prière, sans d’ailleurs l’y trouver ou l’y trouver pleinement jusqu’au jour où elle a lu Sheldon. Elle a pu refuser systématiquement d’aller à la chapelle et cependant, éventuellement, s’efforcer de prier — de même, après tout, que le jour où elle avait refusé de suivre son mari au culte, elle a cherché, puis lu Notre Modèle.]

Toutefois, en me garantissant l’exactitude de ce récit, Mrs Jones m’exprime un regret, c’est que le Rév. Elvet Lewis n’ait pas pu rester avec elle plus d’une heure, « de telle sorte », me dit-elle avec une flamme profonde et étrange dans le regard, « de telle sorte qu’il n’a pu voir les lumières ». Voilà enfin le grand sujet introduit. Je l’interroge sur les lumières. Elle en parle avec la douceur, la modestie, l’humilité dont elle ne se départ jamais, mais avec une entière et calme assurance. Elle en parle aussi simplement que si elle parlait du feu qui est dans la cheminée, elle raconte qu’elle a vu, presque depuis le début du Réveil, chaque soir, un feu ou une lumière entre elle et les collines qui s’élèvent sur le bord des marécages — une lumière vibrant rapidement « comme si elle était remplie d’yeux ». Toutes les fois qu’elle voit les lumières, elle se sent heureuse. C’est pour elle comme un signe de la présence du Saint-Esprit, une manifestation divine. Je lui demande si, la toute première fois qu’elle les a vues, elle n’a pas été quelque peu surprise : « Pas du tout ! Pas le moins du monde ! me réplique-t-elle. Je me suis sentie profondément heureuse, soulevée au-dessus de moi-même, remplie d’une force nouvelle.

— Mais n’avez-vous jamais été troublée par cette apparition de la lumière soir après soir ?

— Non, me réplique-t-elle comme au Rév. Lewis, si ce n’est de cette façon : Aussi longtemps que la lumière flottait et se jouait entre les collines et moi, je n’avais pas peur ; mais il m’est arrivé au commencement d’avoir peur, je ne sais pourquoi, que la lumière ne jaillît, n’éclatât sur la route sous mes pieds.

— Et est-ce qu’elle l’a fait ?

— Oh non ! Quand je rentre tard toute seule, elle vient quelquefois comme une buée blanche, brillant doucement sur la route, mais elle ne jaillit jamais alors. »

Elle me déclare voir les lumières à peu près chaque jour, sous une forme ou sous une autre, ordinairement le soir. Il lui est pourtant arrivé deux fois de les voir en plein jour. En somme, les lumières lui sont apparues partout où elle a fait des réunions, avec deux exceptions seulement, et elle déclare : « Je sais maintenant que je n’ai pas été guidée par Dieu, quand je suis allée à ces endroits où les lumières ne m’ont pas suivie ; ces deux meetings ont été durs (hard) avec une atmosphère aussi froide que la glace. »

Sur une question que je lui adresse, relativement aux prophéties que les lumières lui ont permis de faire et qui se sont trouvées réalisées, elle me dit qu’à Egryn la lumière lui est toujours apparue sur des maisons où vivaient des personnes qui n’avaient pas l’habitude de suivre le culte public, et que par ce moyen, par cette aide, elle avait pu gagner cinquante-six convertis. Souvent les lumières lui sont apparues multiples et séparées, comme des langues de feu — cela fait songer, n’est-ce pas ? aux langues de feu de la Pentecôte — et c’est cette multiplicité de lumières distinctes, discontinues, qui lui a permis de prédire en plusieurs cas le nombre des conversions qui allaient s’opérer. Et cela sans faute, sans erreur. Un soir, elle avait vu quatre lumières : cela prédisait quatre conversions. Effectivement, un, puis deux, puis trois assistants se convertissent lorsque la petite chapelle bondée de gens est soumise à « l’épreuve » à la fin de la réunion. « C’est très bien, dit Mrs Jones, mais il doit y en avoir quatre. On ne trouve pas, on n’obtient pas le quatrième, car, à l’exception des trois qui se sont convertis ce soir là, tous les autres sont déjà membres d’Eglise. « Mais il doit y en avoir quatre ce soir », répète Mrs Jones. Devant son assurance et sa fermeté, quelqu’un a l’idée d’aller ouvrir la porte. Derrière, il aperçoit une personne hésitante, troublée, se demandant si elle va, oui ou non, entrer. L’ouverture soudaine de la porte, un mot affectueux d’invitation l’attirent à l’intérieur, et elle se convertit à son tour. C’était la quatrième conversion attendue !

Voici une autre prophétie des lumières, dont j’emprunte le récit à l’interview du Rév. Lewis. Mrs Jones avait vu la lumière planer, voltiger sur quelques maisons situées au haut d’une colline. Elle était intriguée, car elle croyait bien qu’il n’y avait dans ces maisons aucune personne en dehors de l’Eglise, aucune personne inconvertie. Mais un jour le ministre wesleyen de Barmouth et un autre ami lui dirent, au cours d’une visite amicale, qu’il y avait dans une de ces maisons une vieille femme, qui n’était plus maintenant « du côté de Christ. — « Ah ! ce doit être cela ! » dit-elle. Les deux amis escaladèrent la colline, trouvèrent la vieille femme tourmentée au sujet de son âme. Mrs. Jones elle-même la visita, et la vieille femme ne tarda pas à devenir l’une des cinquante-un convertis de cette merveilleuse quinzaine de Réveil.

Laissant de côté les lumières et revenant au récit de sa conversion, Mrs. Jones me raconte qu’elle a quitté sa maison, son mari, et sa petite fille qui va avoir douze ans jeudi prochain 27 avril. Elle n’a plus de goût pour les choses de la ferme. Cela ne l’intéresse plus du tout de soigner le bétail. Toutes ses pensées sont aux choses religieuses. Elle a pu mettre à sa place pour remplir ses fonctions une jeune fille qui s’acquitte très bien de son travail, de sorte que la ferme n’en souffre pas. « Sans cela, me dit-elle, je ne me serais pas sentie libre de partir. » Et elle va de lieu en lieu en tenant des réunions de Réveil. Elle revient de temps à autre le samedi chez elle pour passer le dimanche avec les siens à Egryn, dans le Merionethshire. Elle reçoit beaucoup d’appels. Elle va aller prochainement dans le Sud du Pays de Galles. Elle n’a jamais rencontré Evan Roberts et elle aimerait bien le voir. Elle m’interroge sur la façon dont Evan Roberts conduit ses meetings. Elle n’a pas l’air de l’approuver entièrement, bien qu’elle s’abstienne de toute critique explicite. Mais elle m’avoue très simplement qu’elle n’aime pas les réunions trop prolongées. Elle trouve qu’avec deux heures il y en a bien suffisamment. Postérieurement à cette conversation, j’ai vu dans le numéro du 2 mars du British Weekly que Mrs. Jones était allée en février dans le Cardigan sbire et y avait pris part à une réunion qui avait duré plus de cinq heures. Je suppose d’ailleurs que, lorsque après Pâques elle est allée dans le Sud et a fait campagne avec Evan Roberts, elle a bien dû être forcée de modifier sinon ses vues du moins sa pratique.

Elle n’aime pas non plus qu’il y ait trop d’excitation. « Je préfère, me dit-elle en me fixant de son regard concentré et profond, je préfère voir les larmes couler silencieusement le long des joues ; de l’émotion, oui, de l’émotion sans doute, mais de l’émotion calme et profonde » (quiet and deep).

Elle a l’air de ne connaître aucun des autres revivalistes : Dan Roberts, Sidney Evans, etc. Elle ne connaît même pas de nom un évangéliste dont on vend pourtant le portrait en carte postale et que quelques journaux avaient baptisé l’Evan Roberts du Nord du Pays de Galles. Il s’agit de Lloyd Jones sur lequel d’ailleurs personne n’a jamais pu me fournir de renseignement précis. Après quelques jours de grande popularité et de puissante influence, il doit sans doute avoir disparu de la scène. — Il est assez curieux de voir l’ignorance où paraissent être les uns des autres ces divers revivalistes qui ont surgi ici et là à la même époque et ont commencé à peu près au même moment leurs campagnes revivalistes, spontanément, indépendamment les uns des autres, sans rien de concerté. Mrs Jones me donne une petite brochure anglaise sur le Réveil en Australie et les cercles de prières à Melbourne que je conserve précieusement comme un souvenir de cet entretien. Elle est intéressée par les cartes d’engagement revivaliste que je lui montre. Elle n’en avait pas vu en anglais. Mais elle me dit qu’elle en avait vu en gallois.

Sur un appel d’une des demoiselles Jeffreys, Mrs Jones me quitte un moment. Sans écouter aux portes, bien entendu, j’entends pourtant certaines phrases plus hautes qui arrivent spontanément à mes oreilles. Je comprends même qu’il est question de mon individu. Miss Jeffreys déclare, en parlant de moi : « Il a l’air brave, bon (good)… Il faut le faire asseoir sur le devant, avec vous, à la réunion. » Et je me réjouis en pensant que je vais avoir le grand privilège, moi, seul de mon sexe, d’assister à la réunion de femmes présidée par Mrs Jones. Cependant la conversation cesse. Le silence se fait. La plus jeune des Misses Jeffreys vient me tenir compagnie. Elle me demande si je ne voudrais pas rester pour le meeting du soir ; peut-être que je verrais les lumières. « J’aimerais tant que vous voyiez les lumières ! » — Moi aussi je l’aimerais bien. Allons ! ne faisons pas comme Elvet Lewis. Prolongeons notre séjour chez ces demoiselles si hospitalières, si cordiales, acceptons l’invitation pour le thé entre les deux réunions, et la promesse qui m’est faite de s’informer pour moi de l’heure du dernier train nocturne.

Le dîner a lieu à 1 h 30. Je suis le seul étranger avec Mrs Jones et les trois demoiselles Jeffreys. Mais, en vérité, je ne me sens pas un étranger chez ces Galloises si empressées, si généreuses, si prévenantes, qui se plaisent si visiblement à voir leur hôte satisfait chez elles et s’y emploient avec tant de cœur. J’ai l’occasion pendant le repas de raconter que j’ai assisté, à Londres, aux réunions de Torrey. L’aînée des Misses Jeffreys a tout de suite acquiescé, quand je me suis risqué à dire que je trouvais ces réunions un peu trop strictement arrangées dans tous leurs détails, un peu trop uniformes et stéréotypées. Evidemment, les Gallois ont bien conscience que ce n’est pas tout à fait la même méthode à la mission et au Réveil.

Après le lunch, Mrs Jones reçoit des visites dans le salon à côté. Elle a l’air de comprendre mieux que Dan Roberts et les demoiselles qui l’accompagnent, mieux même qu’Evan Roberts, l’utilité des entretiens intimes, seul à seul, des conversations religieuses secrètes et non point coram populo. Elle a l’air aussi d’éprouver davantage le besoin de la prière solitaire individuelle. Quand elle n’a pas de visites, elle se retire dans sa chambre pour se préparer par la prière à la réunion.

Pendant ce temps, quelques personnes des environs arrivent, en particulier deux pasteurs qui commencent par me poser force questions, et je me laisse faire, à charge de revanche. Peu à peu, l’invitation qui m’avait été faite d’assister à la réunion de ces dames est étendue aux ministres, à un maître d’école présent, et de proche en proche, on finit même par décider que la réunion sera ouverte librement à tous les représentants du sexe masculin. Je regrette presque de n’être plus le seul à pénétrer dans l’enceinte sacrée… On me dit que les deux réunions de l’après-midi et du soir auront lieu toutes les deux dans une vieille et petite chapelle, aujourd’hui abandonnée, parce qu’on en a bâti une plus grande et plus belle et mieux située. Mais Mrs Jones a tenu à ce que les réunions aient lieu dans la vieille petite chapelle, peu confortable, et plus semblable à une grande salle de cours suisse ou allemande qu’à une église proprement dite. Elle y a tenu parce que, lors de sa première visite à Ponteysyllte, l’église neuve n’étant pas achevée, c’est dans la vieille petite chapelle que les réunions ont eu lieu, et on a vu plusieurs fois les lumières au-dessus de la chapelle. En souvenir de quoi Mrs Jones persiste à faire des réunions dans ce local peu commode. Voici donc le sujet des lumières réintroduit dans la conversation. Les deux ministres qui sont là ont vu les lumières, chacun à un moment différent. L’un d’eux me dit qu’il était très sceptique, mais il a vu. Il a vu comme deux boules de feu qui s’élevaient au-dessus de la rivière, et parvenues à une certaine hauteur, s’ouvraient, s’étalaient et disparaissaient. Il était avec Mrs Jones quand il a contemplé ce phénomène étrange, et il y avait avec eux un représentant de la presse locale (the Wrexham Advertiser). Le ministre m’affirme que c’est une lumière qui diffère absolument quant à l’aspect de toutes les autres lumières. Il connaît un monsieur, de Wrexham, dont le frère a vu, pendant une réunion à Wrexham, une lumière partir de la porte de la chapelle et se diriger vers Mrs Jones : il y a eu à ce sujet une polémique dans le Wrexham Advertiser et il a été prouvé, clair comme le jour, que, étant données la disposition des lieux et l’heure avancée, il ne pouvait absolument pas être question d’expliquer cette apparition lumineuse par un éclair issu des fils du tramway électrique, comme des sceptiques l’avaient prétendu. Un autre monsieur, que connaît mon pasteur, a vu des lumières au-dessus de la maison habitée par Mrs Jones à Wrexham, la maison du Rev. Peris Williams. A Wrexham, d’ailleurs, Mrs Jones et Miss S. A. Jeffreys ont vu la lumière deux fois dans la chapelle ; quelques-unes des femmes présentes à une réunion ont déclaré qu’elles avaient vu une lumière planer sur la tête de Mrs Jones pendant qu’elle parlait et priait. A une autre réunion, pendant qu’elle prononçait une très puissante allocution, puis une très ardente prière, les « lumières » ont été aperçues par un grand nombre de gens dans la chapelle. La première lumière a été comme un éclair, pendant qu’elle, prononçait la première partie de son allocution. Un second éclair a jailli quand elle a commencé, dans son discours, à décrire les lumières telles qu’elles étaient apparues dans le district d’Egryn, et un troisième éclair s’est montré pendant qu’elle priait.

« Après tout, me dit le ministre qui m’entretient, pourquoi ne pas croire à la réalité des lumières ? Dieu n’accomplit pas ses promesses à moitié. Pourquoi, puisqu’il fait tant que d’envoyer son Esprit, n’accorderait-il pas aussi, suivant la prédiction de Joël rappelée au livre des Actes, des signes du Ciel ? J’étais très sceptique avant d’avoir vu, mais maintenant que j’ai vu, je crois. »

L’aspect des lumières est, paraît-il, très variable. Ce sont des feux étranges qui s’élèvent et s’abaissent, se divisent et se réunissent, tantôt d’une couleur rouge éclatante, tantôt d’une autre couleur indéfinissable. Un des témoins décrit la lumière comme une flèche de feu (a shaft of fire) lancée trois fois du haut d’un ciel noir. Un autre déclare que c’a été comme une immense lanterne, voyageant avec la rapidité presque d’un éclair d’une extrémité du ciel à l’autre. Des groupes de 14 à 30 personnes l’ont vue en même temps, et elle leur a paru comme un arc lumineux. D’autres l’ont vue sous la forme d’une houlette de berger…

Nous nous rendons à la réunion de l’après-midi. Mrs Jones a ceci de commun avec Evan Roberts et tous les autres revivalistes gallois, que cela semble être pour elle comme pour eux un principe de n’être jamais là au début de la réunion, de n’arriver dans le meeting que lorsqu’il bat son plein. Mais il y a chez elle une raison spéciale : c’est qu’elle rôde, si je puis ainsi dire, un moment autour de la chapelle, dans la pensée, dans l’espoir secret de voir les lumières avant la réunion.

Dans une intéressante brochure, Mr Vine Hall raconte une visite qu’il a faite à Egryn. Il est allé à un service dans la chapelle, et en entrant a été frappé par le spectacle le plus bizarre : dans la chaire se trouvaient trois petites filles qui attendaient le commencement du service, et l’une d’elles, habillée pittoresquement d’une jaquette rouge, était la fille de Mrs Jones. « Voir et entendre cet enfant chanter, dit Vine Hall, c’était une jouissance que je n’oublierai jamais de ma vie. La tête haute, les yeux tantôt fermés, tantôt ouverts, elle était là en chaire exhalant un torrent de mélodie. »

Je n’ai pu pour ma part contempler ce spectacle, puisque Mrs Jones était toute seule à Trevor. Je n’ai eu pour compagnons dans le Set Fawr, en attendant l’entrée de Mrs Jones, qu’un pasteur et un laïque. La chaire était vide. Quand Mrs Jones se décide à entrer, elle ne monte pas en chaire. Elle entre simplement dans le Set Fawr, qui se trouve ici, dans cette vieille petite chapelle, constituer une véritable estrade. Modeste et simple, elle ne se donne pas les airs d’une présidente de réunion. C’est, pratiquement, un ministre qui préside et dirige. Mrs Jones se tient debout pendant les cantiques, les mains croisées derrière le dos, la tête haute, le corps oscillant régulièrement suivant la mesure du cantique. Les yeux tantôt fermés, tantôt ouverts, elle a l’air perdue dans un rêve ou une contemplation. Dès qu’une prière commence, elle se met à genoux par terre, laissant échapper parfois des exclamations : ya, diolch, amen, en conformité avec les passages des prières qui la touchent plus particulièrement. Je puis constater qu’en effet elle comprend un peu autrement qu’Evan Roberts la manière de conduire une réunion ; Elle ne favorise pas les prières simultanées. Au moment où un homme dans le Set Fawr se lève et se prépare en feuilletant sa Bible à lire quelques versets, elle se penche à son oreille et lui dit de se taire, parce qu’une jeune fille s’est levée dans une aile et commence de prier. L’homme se rassied docilement. A un autre moment, une jeune fille commence de prier et quelques personnes à un autre point de la salle commencent de chanter en même temps. Mrs Jones fait signe de la main aux chanteurs de se taire ; mais comme ceux-ci sont trop musiciens pour supporter de laisser une phrase musicale en suspens, ils finissent la première strophe en baissant simplement la voix, et puis ils se taisent.

Vers la fin de la réunion, le ministre qui préside me demande de dire quelques mots et de faire ensuite une prière. Ce que je fais volontiers, ayant eu déjà l’occasion de constater combien les gens ont peu l’esprit critique et combien aussi ils sont édifiés et émus, par le seul fait de voir et d’entendre un étranger qui a fait un si long voyage pour venir se réchauffer au feu spirituel qui brûle chez eux. Dès que j’ai terminé, l’assemblée entonne le beau cantique de Newman : Lead Kindly light. C’est seulement à la fin, tout à fait à la fin de la réunion et très peu avant la clôture que Mrs Jones se décide à ouvrir la bouche. Elle s’agenouille et prie. C’est sa seule contribution à la réunion de cet après-midi. Malheureusement, elle prie en gallois. Mes compagnons m’assurent qu’elle prie admirablement : c’est le sentiment unanime de ceux qui la connaissent. « On sent, quand elle prie, me disait un pasteur tout frissonnant d’émotion à ce seul souvenir, on sent qu’elle est en communion directe et immédiate avec Dieu. Ah ! quand on entend de telles prières, on ne songe pas à s’étonner des lumières ! Vous pourriez vous attendre à n’importe quoi en fait de miracles et de signes, et rien ne serait capable de vous étonner comme manifestation de Dieu, quand vous entendez de semblables prières. Quel dommage que l’obstacle invincible de la langue m’empêche de profiter et de jouir de ces belles prières ! » M. Vine Hall, racontant un meeting présidé par Mrs Jones, décrit ainsi la prière qu’il a entendue de celle-ci :

« Pendant longtemps, elle ne prit aucune part à la réunion… Mais à la fin elle éclata dans une tempête, un ouragan de prière ; assurément, si jamais le ciel a été assiégé, ce doit avoir été là et alors. Elle se tenait debout, les yeux fermés et serrés, sa main gauche tantôt fermée, tantôt ouverte, battant l’air ou marquant ses paroles comme un grand orateur, à la fin frappant le sol de ses pieds avec une émotion qu’elle ne pouvait dominer. »

Lors de la prière que j’ai moi-même entendue, Mrs Jones, agenouillée, était beaucoup plus calme ; mais j’ai été frappé de l’air de profonde ferveur, de concentration religieuse, d’absorption en Dieu que révélaient son attitude, ses gestes, ses intonations.

Entre la réunion de l’après-midi et celle du soir, je retourne prendre le thé chez les Misses Jeffreys avec Mrs Jones. Cette fois, nombreux sont les invités. Il y a là des pasteurs. Il y a des petits marchands venus de Wrexham pour voir et entendre Mrs Jones. La boutique des Misses Jeffreys est connue de toutes les âmes pieuses qui s’intéressent au Réveil. C’est le rendez-vous général. Et on y est traité avec une bonté, une familiarité, une fraternité véritablement touchantes. Si on me permet ce détail comme trait de mœurs, la plus jeune des demoiselles Jeffreys m’offre de me laver. Dans ces pays miniers, d’ailleurs dans toute l’Angleterre, on a beau être très propre le matin ; ça ne dure pas longtemps. Aussi accepte-t-on avec reconnaissance toutes les propositions du genre de celle qui m’est faite. Miss Jeffreys ne me fait pas laver dans la cuisine ; elle n’en fait ni une ni deux ; elle me fait monter tout simplement et m’installe, pour procéder à ma toilette, dans la chambre même de Mrs Jones, qui est en bas à la cuisine.

Après le thé, Mrs Jones s’étant retirée pour prier, on chante des cantiques, dans le petit salon. Un maître d’école se met au piano, sans livre ni recueil de chants, et on exécute les chants que j’indique — que j’indique tant bien que mal, car tantôt je ne sais pas bien les paroles, tantôt je me rappelle mal les mélodies. Mais il ne leur en faut pas beaucoup pour réussir à identifier un hymne. « J’ai tant chanté depuis le début du Réveil, dit la plus jeune Miss Jeffreys, que j’ai presque perdu ma voix. Mais ça ne fait rien, je vais chanter tout de même. Et je me rappelle la description que fait Augustin Thierry de l’amabilité, de la gaieté et de la sociabilité des Gallois au moyen âge :

« Les visiteurs étrangers étaient accueillis et fêtés partout avec empressement ; on les admettait, dès le premier abord, dans l’intimité des familles ; on leur faisait partager le plus grand plaisir du pays, qui était la musique et le chant. Ceux qui arrivent aux heures du matin, dit un auteur du douzième siècle, sont amusés jusqu’au soir par la conversation des jeunes femmes et par le son de la harpe. »

Après avoir chanté, on cause. Un laïque a passé son après-midi à Rhos, et il raconte la réunion très belle qui a été tenue. C’était une sorte de commémoration ou de fête du Réveil. Et à la fin de la réunion, quelqu’un a demandé aux nouveaux convertis, à ceux qui avaient été convertis pendant le Réveil, de se lever. « Il y en a eu une masse qui se sont levés nous dit le laïque. On leur a demandé de rendre témoignage à ce que Jésus avait fait pour eux. Aussitôt ils ont sauté sur leurs pieds par douzaines criant avec enthousiasme : Regardez-moi ! (Look at me). J’étais un ivrogne. Maintenant vous n’avez qu’à me regarder et qu’à venir voir ma maison et mon intérieur pour savoir ce que je suis devenu. Jésus m’a sauvé pour cette vie et pour l’éternité, Diolch iddo ! — Et aussitôt un autre s’écriait : « Il y en a un autre ici (here is another one !) — Et ici encore il y en a un autre ! » — La figure du narrateur s’illuminait à mesure qu’il avançait dans son récit. Et il a conclu par ce trait : « Une jeune fille s’est levée, et a dit que jusqu’à ce Réveil, elle avait cru, sans aucun doute, mais dans ses préoccupations, dans sa vie, les autres choses passaient d’abord les premières : la religion ne venait qu’ensuite, tout à fait à la fin. Maintenant c’était juste l’inverse ! » Démonstration frappante de cette définition de la conversion donnée par Ribot : « C’est une interversion des valeurs, c’est un déplacement des valeursd. »

dLogique des sentiments, p. 85, 86.

Après ce récit, une conversation assez piquante s’engage entre un des pasteurs présents et un autre laïque. Le ministre dit au laïque : « Savez-vous, il y a cinq ou six mois, avant le Réveil, ce n’était pas précisément commode ni agréable de vous prêcher. Ce que vous étiez froids ! ce que vous étiez secs ! » Tant valait parler aux murailles ou aux bancs que de vous parler ! — Et le laïque de répondre avec un sourire où la malice et la bonté se mêlaient indiscernablement : « Mais c’est que, vous savez, si nous avons changé, vous avez changé vous aussi. Il y a cinq ou six mois, vous ne prêchiez pas comme vous prêchez maintenant ! »

Nous partons pour la réunion du soir, qui présente les mêmes caractères que celle de l’après-midi. Elle est seulement plus nombreuse. L’Eglise est toute pleine. Mrs Jones est un peu plus apparemment présidente que l’après-midi, bien qu’elle ne monte pas en chaire. Mais elle n’a pas grand’chose à faire, car les prières et les chants se succèdent sans beaucoup d’interruption.

J’ai beaucoup joui des chants à cette réunion du soir. Les chants entonnés spontanément étaient rares. D’habitude voici ce qui se passait : une dame ou une demoiselle se levait et récitait par cœur la première strophe d’un cantique. Puis elle se rasseyait, et l’assemblée alors, sans autre indication, entonnait immédiatement le cantique. J’avais un voisin très complaisant qui sur un papier, avec un crayon, me résumait en anglais les chants et même parfois les prières. Tous ces chants et toutes ces prières, comme il était naturel pour un vendredi saint, étaient orientés vers la croix de Jésus-Christ. Et la plupart de ces chants avaient une puissance de sentiment et d’émotion infiniment pénétrante. C’était une belle réunion, pleine de pathétique — de cette émotion calme et profonde qu’aime Mrs Jones — tout entière concentrée autour du souvenir des souffrances et de la mort du Christ… Mais les heures s’écoulent, il se fait tard, un marchand de Wrexham qui s’est chargé de me piloter me tape sur l’épaule pendant un chant : « Il faut partir », me dit-il. Je me lève et le suis à contre-cœur, regrettant de ne pouvoir rester jusqu’à la fin de la réunion et de partir avant que Mrs Jones ait fourni aucune contribution personnelle au meeting. Mais il n’y a pas à hésiter, car il n’y a point de lit disponible à Ponteysyllte, il faut rentrer à Wrexham. Nous rejoignons un autre habitant de Wrexham qui rentre aussi chez lui et qui, chemin faisant, s’écrie enthousiasmé : « C’est le plus beau chant (singing) que j’aie entendu depuis que le Réveil a commencé ». Le marchand, lui, Mr Hughes, me rappelle les lumières. Il me demande d’un air mystérieux et presque solennel : « Est-ce que vous avez vu les lumières ? Lui n’a rien vu, mais je pourrais avoir été plus favorisé. J’avoue que j’avais oublié les lumières, sous le charme de l’impression musicale et religieuse que je ressentais ! Non, je n’ai rien vu. — A la station, nous avons à attendre longtemps le train qui est en retard. Pendant ce temps, j’inspecte les collines pour voir si, par cas, les fameuses lumières ne se montrent pas. Tout à coup, derrière la gare, j’aperçois de curieuses lueurs qui se déplacent très vite, horizontalement, dans le sens de la chapelle où est encore Mrs Jones. Je tombe en arrêt, me demandant : « Est-ce que c’est ça ? Est-ce que ça y est ? » Mon compagnon s’aperçoit de ma distraction, et s’arrête, lui aussi, me contemplant dans ma contemplation. Au moment où je suis sur le point de me tourner vers lui pour lui dire : « Est-ce que ce ne sont pas les lumières ? l’esprit critique reprend le dessus, et me souffle cette réflexion décourageante : après tout, ce pourraient bien être simplement… des bicyclettes avec lanternes à l’acétylène filant très vite sur la route qui passe derrière la gare. Et je me tais. Peut-être que si j’étais un Gallois je serais convaincu… Mais non, en mon âme et conscience, je ne puis pas certifier que j’ai vu les lumières. Mon compagnon devine à mon changement brusque d’attitude que j’ai été déçu, et il respecte ma déception. Il me dit que des hommes de science ont suivi Mrs Jones et ont essayé de photographier ces lumières, mais ils n’ont pu y réussir. C’est une lumière qui n’impressionne pas les plaques les plus sensibles, et qui échappe à toutes les recherches scientifiques.

Au cours de l’article qu’il a consacré à Mrs Jones dans le British Weekly, M. Elvet Lewis déclare : « Pour elle, ces lumières sont tout à fait secondaires ; elle nous aurait probablement laissé partir sans les mentionner, si ce n’avait été la question que nous lui avons posée. Je ne crois pas cette interprétation tout à fait exacte. Dans la conversation privée, je l’ai déjà dit, les revivalistes ne sont pas très expansifs, très communicatifs. Si je n’avais posé aucune question à Mrs Jones sur sa conversion, elle ne m’en aurait probablement pas parlé. D’un tel silence on ne peut rien conclure sur la place secondaire ou non de ladite conversion ou des lumières dans la pensée de Mrs Jones. Le fait est que le même numéro du British Weekly qui renferme l’article du Rév. Lewis, contient aussi le bref compte rendu d’une réunion tenue à Towyn, par Mrs Jones. C’était la première fois que Mrs Jones se trouvait dans la localité. Et sa présence, nous est-il dit, avait attiré de grandes foules. D’après ce résumé, Mrs Jones a commencé la réunion en faisant un récit des visions et des extraordinaires lumières qu’elle avait vues, et ensuite elle a invité les gens qui s’y sentaient poussés à prier.

Après mon départ du Pays de Galles, Mrs Jones est allé tenir des réunions de Réveil dans le Sud, à Porth, Ferndale (vallée de Rhondda)… Comme les lumières avaient paru d’abord confinées à la côte du comté de Merioneth, beaucoup de gens pensaient qu’il fallait les attribuer à des causes naturelles purement locales, et qu’il n’y avait aucun lien entre l’apparition des lumières et la mission de Mrs Jones. Mais lorsque Mrs Jones a continué et étendu au loin ses courses missionnaires, les lumières l’ont accompagnée : elles l’ont accompagnée non seulement dans le Nord du Pays de Galles, mais dans le Sud (vallée de Rhondda). Le journal gallois, le Goleuad, organe officiel des méthodistes calvinistes, consacre des colonnes à publier des articles portant la signature de pasteurs bien connus qui déclarent avoir vu les lumières.

Mais revenons à mon propre séjour au Pays de Galles. Naturellement, je profite de toutes les occasions possibles pour causer des lumières de Mrs Jones avec ceux que je rencontre et recueillir leurs opinions. Au point de vue psychologique, la diversité de ces opinions est presque aussi intéressante que les lumières elles-mêmes.

Déjà, le jeudi soir, la veille de ma visite à Mrs. Jones, dans le tramway, au moment où j’obtenais d’un ministre, à côté duquel j’étais assis, l’adresse de Mrs Jones à Trevor et où il me conseillait d’y aller le lendemain même, quelqu’un, entendant que nous parlions de Mrs Jones, avait demandé à mon ministre : « Avez-vous vu les lumières ? — Non, répliqua-t-il, moi, je ne les ai point vues, mais ma femme — et il montre sa femme qui était là, en face de lui et qui fait un signe d’acquiescement, — ma femme les a vues, elle a vu une lumière au-dessus de la tête de Mrs Jones. » — Sur quoi je me hasarde à émettre une petite réflexion peu compromettante, je prononce : « C’est très mystérieux. » — Un noble Irlandais venu à Wrexham pour voir le Réveil et qui loge au même hôtel que moi, me réplique avec un sourire : « C’est que, vous savez, le Christianisme tout entier est une chose très mystérieuse. »

A Rhos, je cause avec un visiteur anglais venu de Bath pour voir le Réveil, un Mr Wilkinson, qui me fait cadeau d’une brochure de son cru. Je le rencontre le samedi après-midi, le lendemain du jour où j’ai vu moi-même Mrs Jones. Et comme il interroge sans succès le vicaire de Rhos sur les mouvements de la visionnaire, je m’approche, je lui raconte que je l’ai vue la veille, je lui donne l’adresse des Misses Jeffreys à Trevor, mais ne lui cache pas que, très probablement, sûrement même, Mrs Jones, à l’heure qu’il est, est partie. N’importe, comme Trevor n’est pas très loin de Rhos, M. Wilkinson se hâte de partir à pied pour Trevor. Le lendemain, dimanche, je le revois, il me raconte qu’il a bien trouvé les Misses Jeffreys à Ponteysyllte, mais non pas Mrs Jones, partie le matin pour une localité assez éloignée où il ne pouvait la poursuivre. Il est très désappointé. Il aurait bien voulu la voir, surtout et même uniquement à cause des lumières. Il me demande ce que je pense des lumières et comment je les explique. Je me tiens sur une sage réserve. Je reproduis la réflexion prudente que j’ai déjà risquée le jeudi soir, la réponse que m’ont faite tant de Gallois lorsque je les interrogeais sur les dons prophétiques d’Evan Roberts. La réponse gagne, du temps et permet de voir venir. Je réplique donc : « C’est très mystérieux ! » A vrai dire, j’étais un peu honteux de ma réponse, car je pressentais ce qui allait suivre et que, dans son esprit, je prenais place à côté des pauvres juifs ignorants, spectateurs étonnés des merveilles de la Pentecôte, incapables d’expliquer le don des langues autrement que par des suppositions injurieuses et insoutenables, tandis que lui, évidemment, prenait place à côté de Pierre et interprétait ces signes merveilleux par l’effusion du Saint-Esprit, par l’action immédiate du Christ glorifié s’exerçant avec puissance. Et, en effet, avec un accent de reproche provoqué par la faiblesse coupable de mon discernement spirituel, M. Wilkinson me dit : « Moi, avant d’avoir rien entendu dire de Mrs Jones, j’avais déjà dans l’idée que quelque chose de semblable allait arriver, devait arriver. Avant d’avoir rien lu dans les journaux sur Mrs Jones, je me disais : Voilà les promesses de Joël, reprises au chapitre 2 des Actes ; ces promesses doivent s’accomplir. Je m’attendais aux signes des cieux. Grandes ont été ma joie et mon émotion quand j’ai lu ce que les journaux ont rapporté des lumières de Mrs Jones. Ah ! j’aurais bien voulu les voir ! »

Très différente est l’attitude d’un autre ministre, un Ecossais, qui loge à Wrexham dans le même hôtel que moi, et avec lequel je rentre à Wrexham en tramway, ce même dimanche soir. Il explique les lumières par l’imagination, l’hallucination. Il y en a eu, assure-t-il, dans tous les Réveils, dans le Réveil de 1859 en Irlande. Dans tous les cas, ces lumières n’ont pas grand’chose à voir avec l’effet proprement spirituel. — « Naturellement, lui ai-je dit, c’est quelque chose de physique. — Oui, de physique, reprend-il ; peut-être bien aussi de métaphysique, mais rien de spirituel en tout cas. Vous savez, ajoute-t-il, il y a une ligne de démarcation à tirer entre le métaphysique et le spirituel. »

Les Ecossais sont décidément sceptiques au sujet des lumières. Car à Pontyprydd, en attendant l’instant où l’ascenseur va nous descendre au fond d’une mine, à 6 h. 15 du matin, pour y assister à une réunion de prière, je cause avec un étudiant écossais ; nous comparons nos impressions. Et lorsque j’arrive à lui parler des lumières de Mrs Jones, il me déclare qu’il n’en voit pas l’utilité. A quoi cela sert-il, spirituellement ?

Je dois dire, d’ailleurs, que le vicaire anglican de Rhos et sa famille ont aussi l’air très sceptiques. Ils inclinent à croire que c’est de l’imagination pure. Le vicaire, toutefois, me donne une indication intéressante en m’apprenant qu’un grand journal anglais, le Daily Mail, a envoyé pendant l’hiver un représentant pour s’informer de ces lumières. Je prends la résolution, quand je serai à Londres, de tâcher de me procurer les numéros du Daily Mail consacrés à la question.

A ces appréciations orales, je joins deux appréciations publiées par deux personnalités : marquantes :

Dans une interview, le Rév. Agar Beet, professeur au Richmond Collège (London), dit, au sujet des lumières d’Egryn :

« Le seul guide sûr en ces matières, c’est le sens commun. Il est tout à fait possible que le tempérament celte, vif et imaginatif, puisse en bien des cas le conduire à penser qu’il voit quelque chose là où l’investigation plus pratique ne verrait rien. Pour lui, ces lumières peuvent avoir une réelle existence, mais pour moi elles n’en ont pas, — il faudrait que je les voie pour y croire. Durant ma carrière de ministre, j’ai eu tant d’exemples d’illusions à rencontrer. Je me rappelle un cas — c’était à Wrexham, je crois, — où une femme m’assura gravement que l’Esprit lui avait donné du pouvoir et qu’elle avait ressuscité un homme d’entre les morts ; dans un autre cas, encore dans le Pays de Galles, un membre de la Chapelle me dit, comme à son ministre, en toute sincérité, qu’elle avait échappé au diable qui envahissait sa chambre, parce que le Seigneur avait fait fondre les murailles pour qu’elle pût passer à travers. Naturellement, je savais que ces gens-là étaient sous l’empire d’illusions — le sens commun me le dit, et le sens commun est le critère par lequel il convient d’éprouver les récits de cette sorte. Il y a des gens qui ne sont fous que sur un point, comme l’homme qui s’imaginait être le roi d’Angleterre, et devait être enfermé pour ne pas gêner le monde ; le malheur veut que ces gens-là insistent pour être pris au sérieux. »

De même, dans une conférence à Carnarvon, le professeur Jones, de Glasgow, a exhorté les Gallois à ne pas laisser la superstition se mêler à la vraie religion.

« Des phénomènes qui ont été vus par des gens pieux à toutes les époques ont tous une origine naturelle. Nous avons entendu parler de lumières étranges dans les cieux. Est-ce que ces lumières ont transformé le caractère de n’importe qui, illuminé l’esprit ou pardonné les péchés ? Même si les lumières ont existé, elles ne sont pas spirituelles. Je regarderais plutôt pour leur origine à Celui qui a suspendu les étoiles dans les cieuxe. »

e – Le Daily News du 16 février a publié quelques lettres de correspondants moins connus que MM. Beet et Jones, mais qui opinent dans le même sens.

C’est encore aux lumières de Mrs Jones que j’ai consacré mes dernières pérégrinations à Londres, avant de prendre le train pour Paris. Je suis allé aux bureaux du Daily Mail m’enquérir des numéros relatifs aux phénomènes lumineux. Je tombais mal. C’était un samedi matin. On a commencé par m’exhorter à revenir lundi. Apprenant que je partais le jour même pour Paris, et voyant mon vif désir d’aboutir, on a fait le grand effort, dont j’ai été reconnaissant comme de juste, de rechercher dans la collection et de me donner les numéros désirés. Quand je dis donner, j’exagère. On me les a vendus très cher, six sous pièce, alors que le numéro ne coûte qu’un sou le jour de son apparition. Mais ce que j’y ai appris, et la peine qu’on s’était donnée, valaient bien le prix que ça m’a coûté. J’y ai appris qu’au mois de février, ces mystérieuses lumières ayant beaucoup intrigué les Anglais depuis des semaines déjà, le Daily Mail avait envoyé un reporter à Wrexham exprès pour s’enquérir des lumières. Le numéro du 13 février du Daily Mail publiait, sous ce titre :

étrange mystère gallois.
lumières surnaturelles dans le ciel.
boule de feu sur une chapelle.
un signe du ciel.

un article dans lequel, après avoir d’abord relaté les rumeurs relatives aux lumières de Mrs Jones, l’auteur continue en disant que ces rumeurs ont acquis toujours plus de consistance et de précision, que des visiteurs impartiaux ont assuré avoir vu les lumières, et que dans ces circonstances, le Daily Mail a envoyé un correspondant spécial pour faire une enquête. Voici le récit du correspondant :

La première journée a été nulle. Il est arrivé le soir à Egryn, est allé à la chapelle, s’est rendu à la maison de Mrs Mary Jones qui était absente, tenant une réunion dans un village éloigné. Il s’est promené dans les environs, ne perdant pas de vue les collines et guettant l’apparition de lumières. Il a rencontré des paysans qui lui ont dit : « Oui, nous avons souvent vu les lumières. C’étaient des messages du Ciel. » Mais lui, le journaliste, il n’a rien vu.

Le lendemain, il a une interview avec Mrs Jones. Et le soir il inspecte les collines sans rien voir.

« A 8 heures, dit-il, j’étais arrivé à la conclusion qu’il n’y avait là qu’une superstition locale. Une demi-heure plus tard mon opinion était changée. A 8 h. 15, j’étais sur la route, cheminant de Dyffrin à Egryn. De loin, à une distance d’un mille environ, je pouvais voir les trois fenêtres éclairées de la petite chapelle d’Egryn où une réunion était en train. C’était la seule trace de lumière dans toute la région. Soudain, à 8 heures vingt minutes, je vis ce qui me parut être une boule de feu au-dessus du toit de la chapelle. Elle ne venait de nulle part et elle apparut d’une manière instantanée. Elle avait un éclat fixe, intense, jaune, et ne bougeait pas. N’étant pas certain que je ne me trompais pas moi-même, j’appelai un homme qui était à une centaine de yards derrière moi sur la route et je lui demandai s’il pouvait voir quelque chose. Il vint en courant vers moi très excité, et me dit : « Oui, oui, au-dessus de la chapelle, la grande lumière. » C’était un paysan ; il tremblait d’émotion. Nous observâmes la lumière ensemble. Elle me partit planer en l’air à une hauteur à peu près double de celle de la chapelle, et elle était là brillant d’un éclat électrique et se détachant sur les montagnes environnantes qui étaient derrière elle, lui servant de fond. Soudain, elle disparut : elle avait duré environ une minute et demie. Je m’appuyai contre le mur de pierre qui était le long de la route, et j’attendis pour voir si elle ne reparaîtrait pas ; le campagnard me quitta et continua seul sa route. De nouveau, les fenêtres de la chapelle furent les seules lumières dans toute la région. Les minutes se succédaient. Jusqu’à 9 heures moins vingt-cinq, je ne vis rien d’autre. Alors deux lumières étincelèrent, une de chaque côté de la chapelle, assez distantes l’une de l’autre, et considérablement plus élevées en l’air que la première que j’avais vue. De nuit, il était difficile de juger les distances, mais j’estimais qu’elles étaient élevées à peu près cinq fois la hauteur de la chapelle ; Elles resplendirent brillamment et fixement pendant l’espace de trente secondes. Alors elles commencèrent toutes les deux à vaciller comme une lampe électrique à arc qui ne marche pas bien. Elles tremblotèrent ainsi pendant l’espace de temps nécessaire pour compter jusqu’à dix. Puis elles redevinrent fixes. De loin elles apparaissaient comme de grandes et brillantes lumières d’automobiles. Elles disparurent en quelques secondes. Après cela on me suggéra que les lumières n’apparaîtraient plus de nouveau, jusqu’à ce que Mrs Jones, qui était allée faire une réunion à Bontddu, fût sur la route en train de revenir. Je partis pour faire à pied les quatre milles solitaires jusqu’à Barmouth, m’arrêtant çà et là pendant dix minutes pour guetter de nouvelles lumières. Les prairies et la mer libre étaient blanches des rayons de la lune ; les collines rocheuses seules étaient noires. Il n’y avait pas de maison en vue, et le seul son discernable était celui du murmure bas et continu des vagues sur la côte. Immédiatement après 10 h. 30, je sursautai en apercevant un éclat de lumière sur la colline sombre immédiatement à ma gauche ; et en examinant je m’aperçus que j’étais relativement près de l’une de ces étranges lumières. Elle brillait d’une façon éblouissante, non pas d’un éclat blanc, mais d’un éclat jaune profond. Elle ressemblait à un bulbe solide de lumière, et était un peu fatigante à regarder. Je courus au mur de pierre sur le bord de la route, l’enjambai, et courus après la lumière. Elle était partie avant que j’eusse fait douze yards, et je ne pus rien trouver que la colline toute nue. Quand j’eus regagné la route, je regardai en arrière le chemin par lequel j’étais venu, et je vis près de la chapelle d’Egryn une autre des lumières éclatantes. Voilà, conclut le journaliste, voilà tout crûment ce que j’ai vu. Il est probable que les lumières sont susceptibles de quelque explication naturelle, mais je donne les rencontres pour ce qu’elles valent. Il y a une petite bande de terrain marécageux tout près de la maison de Mrs Jones, et songeant à la possibilité de faire intervenir une explication par les feux follets, je demandai si on avait jamais vu là des lumières. On me répondit que non. Les lumières n’étaient jamais vues que sur les collines dans le voisinage de la chapelle. »

Le journal du lendemain 14 février contenait une lettre d’un gentleman du Sussex qui expliquait les lumières comme un phénomène semblable à ce que l’on voit en mer, spécialement aux tropiques, et qui est appelé feu Saint-Elme. « La description que vous donnez du feu vu à Egryn, cadre presque exactement avec celle donnée par les marins qui ont été témoins du feu Saint-Elme. »

[Cette explication par le feu Saint-Elme m’a rappelé ce passage d’un roman espagnol (Sœur Saint-Sulpice, par Palacio Valdès, trad. par Mme Th. Huc) : « Moi ! Décidément, vous avez le feu Saint-Elme à la tête, aujourd’hui, cela se voit du reste… Il faut que le commandant (ajouta-t-elle en s’adressant à moi), ait pris bon nombre de petits verres. N’est-ce pas vrai ? Et au mot Saint-Elme un chiffre renvoie à la note suivante : « Sube San-Telmo a la garia. Littéralement : Saint-Elme monte au bout du mât. Allusion au phénomène météorologique connu de tout le monde, et qui symbolise dans l’argot sévillan le fait de s’être enivré, d’avoir perdu le sens. »]

Mais le même numéro du Daily Mail contenait aussi un article intitulé :

le mystère gallois.
de pieux villageois observent le ciel.
investigation sur les étranges lumières.

Le journaliste raconte que le samedi 11 février, il est allé à Arthog, assister à une réunion tenue par Mrs Jones. Hors de la chapelle, sur la route, il y avait un petit groupe de gens qui épiaient les montagnes, attendant les mystérieuses lumières, dont ils ne mettaient pas en doute l’origine divine, au-dessus de la chapelle où Mrs Jones était en prières.

« Je regardai aussi, dit le journaliste, mais je ne les vis pas. La nuit était obscure, les sommets des montagnes couverts de brouillards étaient cachés, mais les pentes inférieures n’étaient assombries que par les ténèbres de la nuit, et une lumière aurait pu aisément être vue. Je n’en vis point ». Là-dessus, le journaliste se livre encore à quelques pérégrinations inutiles qu’il raconte par le menu. « A Barmouth, vers 11 heures, je trouvai des centaines de personnes sur la plage chantant des hymnes gallois et attendant l’arrivée de Mrs Jones avec ses lumières. Ils étaient condamnés au désappointement, car Mrs Jones m’avait dit qu’elle restait à Arthog pour la nuit. »

Le dimanche 12 février, le journaliste a encore parcouru les prairies et les routes, de 7 h. 30 du soir jusque vers 11 heures, à la recherche de quelque signe des lumières brillantes de la nuit d’auparavant.

« Je ne vis rien. Une vieille dame que je rencontrai sur la route voulut m’expliquer leur absence et me rendit attentif au fait qu’il n’y avait pas de service ce soir à la petite chapelle d’Egryn dans le voisinage de laquelle elles apparaissent souvent. Elle me fit remarquer en outre que Mrs Mary Jones n’était pas sortie en mission ce soir, mais qu’elle s’était contentée d’être une auditrice de la congrégation de la chapelle de Dyffryn.

Plus tard, je vis Mrs Jones elle-même, et je lui demandai si les lumières apparaissaient toujours les nuits claires, éclairées par la lune, ou si elles apparaissaient aussi bien dans les nuits obscures et couvertes comme la nuit de ce soir. — Elles viennent par toutes les sortes de nuits, dit-elle, par les nuits obscures comme par les nuits claires. J’en ai vu une ce soir sur ma route en allant à Dyffryn. Peut-être vous n’avez pas été de ce côté.

Je reconnus que je n’avais pas été de ce côté, étant resté dans le voisinage d’Egryn.

J’ai été accompagnée chez moi par les lumières samedi soir, et j’en avais une juste dans la voiture. »

Le numéro du 15 février du Daily Mail raconte que ce journal a envoyé un expert scientifique, Mr Bernard Redwood, pour étudier les lumières sur place. M. Redwood est parti avec un aide et les appareils nécessaires : le reporter des jours précédents, s’étant joint à eux, cela faisait une petite troupe de trois personnes mobilisée par le Daily Mail pour l’étude des fameuses lumières. Avec des lunettes puissantes, M. Redwood inspecte les collines ; il n’aperçoit nulle part de la lumière, excepté aux deux fenêtres de la petite chapelle d’Egryn où les Gallois sont en train de prier et de chanter avec une ferveur extatique. « Ah ! dit un vieux Gallois, vous ne verrez pas les lumières ce soir ; car Mrs Mary Jones est partie. » Et effectivement les trois envoyés du Daily Mail ne virent pas les lumières, et effectivement aussi Mrs Jones était partie, elle était allée à un village éloigné de 15 milles. Cependant beaucoup de gens étaient persuadés que le voisinage de sa résidence allait continuer à être la scène des lumières, malgré son absence temporaire. Le long du chemin solitaire entre les montagnes et la mer, des douzaines d’observateurs zélés attendaient les lumières, mais à travers les ténèbres, il n’y avait aucun signe des bandes de feu maintenant bien connues. Hors de la petite chapelle d’Egryn quelques-uns des observateurs se joignaient aux hymnes qui étaient chantés à l’intérieur.

Cependant M. Redwood et ses acolytes choisissent l’endroit qu’on leur indique comme celui où apparaissent le plus souvent les lumières et s’y installent. « Nous avions apporté, dit M. Redwood, les instruments les plus délicats, capables d’être influencés par n’importe quelle condition électrique extraordinaire de l’atmosphère, si petite fût-elle. Nous avions, par conséquent, la confiance que si ces lumières avaient une origine électrique, nous serions capables de la découvrir. Mais voilà qu’il se met à pleuvoir, ce qui rend la position peu confortable. Les heures passent lentement ; rien ne se manifeste. Pas d’autres lumières que celles de la petite chapelle à Egryn. De temps à autre, M. Redwood mettait à l’épreuve ses instruments pour voir s’ils fonctionnaient ; il faisait jouer une puissante lampe électrique à main pour voir si ses instruments accusaient une déviation. Il venait de répéter cette épreuve, lorsqu’il fut assailli par deux hommes arrivant à toutes jambes et qui, ayant pris la lumière de la lampe pour les lumières de Mrs Jones, accouraient avec un appareil photographique pour les photographier ! Après cet incident, un grand moment s’écoula encore, sans rien d’anormal, lorsque soudain, du côté du Nord, un éclat brillant apparut dans le Ciel, et ensuite un second : Le premier avait été suivi d’une détonation perceptible. La lumière brilla un moment ; elle ne semblait pas participer aux traits caractéristiques d’un éclair, mais elle ressemblait beaucoup à l’illumination produite par une lampe au magnésium. « Nos instruments délicats ne bougèrent absolument pas, dit M. Redwood, et il m’est impossible de conjecturer ce que ces lumières étaient réellement. Il est évident, toutefois, qu’elles ne ressemblaient pas du tout aux lumières qui ont été vues samedi soir et qui ont été décrites par le Daily Mail. »

Sur quoi le Revival number a publié le petit entrefilet suivant :

la visionnaire amusée.

« Mrs Jones, la visionnaire aux lumières d’Egryn, est un peu amusée des futiles tentatives des journalistes et d’autres pour attribuer les lumières à des phénomènes naturels. Récemment elle a prononcé une fervente prière en faveur des journalistes : Souviens-toi des journalistes, a-t-elle dit, je te remercie, Seigneur, de ce que tu n’as pas révélé tes lumières aux journalistes ; de ce que tu ne leur as pas permis d’attraper tes lumières hier soir. »

En somme j’ai pu remarquer qu’en général, dans le public anglais et gallois, on se divise en deux camps : les uns sont parfaitement sceptiques et crient à l’illusion, à l’erreur, quand ce n’est pas à la supercherie, les autres sont convaincus non seulement de la réalité des lumières, mais de leur valeur transcendante et y voient l’accomplissement suprême des prophéties.

Il est assez difficile d’arriver à une conclusion ferme sur la matière. Certes, il est impossible, quand on a passé une journée avec Mrs Jones, comme je l’ai fait, d’avoir le moindre doute soit sur la sincérité absolue, soit sur la vie spirituelle intense de cette revivaliste. Mais cela ne suffit pas à prouver l’exactitude de l’interprétation transcendante qu’elle accepte pour son propre compte.

D’autre part il paraît malaisé d’admettre les interprétations, qui ont été proposées, par les feux follets, les feux Saint-Elme, les étincelles des fils électriques des tramways, les lanternes de bicyclettes ou d’automobiles… Chacune de ces explications pourrait convenir pour un ou deux cas particuliers, mais ne conviendrait pas aux autres. Aucune de ces explications ne s’adapte à tous les cas.

Pour se faire une idée complète du problème, il faut d’ailleurs ajouter que, d’après M. Elvet Lewis, « ce n’est pas la première fois que la côte de cette baie est ainsi visitée. De semblables lumières ont été signalées auparavant — spécialement un hiver en 1649. Trop de témoins accrédités les ont vues à cette époque pour qu’on puisse attribuer la chose à des imaginations excitées. » Et moi-même, en lisant, dans le Tour du Monde, le voyage dans le Pays de Galles de M. Alfred Erny, je suis tombé sur le passage suivant où M. Erny raconte sa visite à Barmouth et à Harlech, c’est-à-dire justement au pays de Mrs Jones (qui habite à Egryn entre Barmouth et Harlech) :

« Avant qu’on eût construit des chaussées et que le marais dont nous avons parlé eût été desséché, les esprits du feu avaient l’habitude de jouer d’étranges tours aux habitants des environs ; ils empoisonnaient le gazon, mettaient le feu au foin et au blé et faisaient grand mal aux bestiaux. Une fois, pendant huit mois consécutifs, ces terribles feux follets ne cessèrent d’apparaître dans toutes les parties de la Morfa Bychan ou petit Marais, sous la forme de flammes bleuâtres et errantes, faisant entendre le son du cor ou d’autres bruits étranges, à la grande frayeur de tout le pays. Ils n’avaient aucun pouvoir sur les hommes, mais détruisaient les animaux domestiques et les végétaux. Une nuit, un fermier, voyageant à cheval, vit devant lui comme une boule vivante qui roulait autour des pieds de son cheval. On ne sait ce qu’il serait devenu s’il ne se fût rappelé le pouvoir d’un Pater noster sur les mauvais esprits. Il dit la prière à haute voix ; la boule jeta un éclair ; un rire sardonique déchira l’air, et le fermier en regardant derrière lui, vit le feu follet bondir vers le centre de Cwm Bychan (le petit creux), puis, de là, rouler et disparaître dans un cercle de pierres druidiques au fond de la valléef. »

fTour du Monde, 1867, t. I. Voyage dans le Pays de Galles, par Alfred Erny, p. 276-277.

A cette époque là, les « lumières » étaient expliquées aussi d’une manière transcendante ; mais la théorie était précisément l’inverse de celle de Mrs Jones : là où Mrs Jones voit l’intervention de Dieu et du Saint-Esprit, on voyait l’intervention du diable et des esprits mauvais !…

Pour continuer de se faire une idée de la question, il faut ajouter que, dans le cas de Mrs Jones, il n’y a pas seulement les lumières, il y a aussi des visions qui lui demeurent personnelles.

D’après M. Vine Hall, elle a eu des visions tantôt bonnes, tantôt mauvaises ; les dernières, elle les considère comme des tentations. Souvent elle a senti sa chambre pleine d’anges ; elle les a littéralement sentis, car ils paraissaient être autour d’elle et la toucher lorsqu’elle était couchée ; d’autres fois, elle a senti sa chambre toute pleine d’êtres à l’apparence de reptiles ; et pendant cinq semaines elle a passé bien des nuits à contempler des visions.

Et non seulement il y a les lumières, soit vues seulement par Mrs Jones, soit vues collectivement, non seulement il y a les visions qui lui demeurent propres, mais il y a des sons mystérieux entendus par elle ou autour d’elle : D’après le Revival number, Miss S. A. Jeffreys rapporte que le jeudi 13 avril elle s’éveilla dans la nuit vers quatre heures et entendit ce qu’elle décrit comme « un chœur d’anges chantant admirablement. » Mrs Jones déclare qu’elle a entendu les mêmes sons en deux occasions différentes.

M. Edgar Vine Hall dit dans sa brochure :

« Non seulement on a vu dans le voisinage d’Egryn des lumières mystiques, mais on a aussi entendu une douce et belle musique dans l’air. Il y a une famille que je connais, dont presque chaque membre certifie avoir entendu cette mélodie. Il y en avait deux qui revenaient une nuit, à minuit et demi, d’une réunion de Réveil, lorsque tout à coup à quelques yards de leur maison, dans l’air calme, résonna une tranquille et merveilleuse musique, qui les fit tressaillir et frissonner de crainte. Une autre nuit, vers 9 h. 30, leur mère aussi l’entendit, inexplicable, mais douce. Une dame qui passait en voiture près de la chapelle d’Egryn l’entendit aussi, et le cheval, dit-on, parut sentir son influence. Ceux qui se rappellent le Réveil de 1859 disent qu’à cette époque aussi on pouvait entendre une semblable musique. »

Et M. Vine Hall cite encore ce trait du Réveil actuel :

« A Beddgelert, le 6 février 1905, une étrange visitation avait excité le peuple. C’était à une réunion où il y avait moins de gens que d’habitude. Tout à coup il y eut comme un son subit (rushing sound) ; quelque chose sembla passer à travers la pièce, les visages changèrent d’expression, hommes et femmes tombèrent devant le Tout-Puissant. Une émotion inexplicable avait fait tressaillir tous leurs cœurs ensemble, et plusieurs attestent que, à partir de cet instant, ils ont été changés pour toujours. Un incident du même genre s’est produit à Festiniog deux semaines plus tard. »

Le même auteur, parlant de son propre voyage dans le Merionethshire, écrit :

« A mon arrivée à Barmouth, les amies chez lesquelles je m’arrêtais n’avaient pas vu les lumières se produisant autour de Mme Jones, mais elles avaient entendu une musique en l’air, si étrange que je n’ai pu en obtenir qu’une vague description. Deux sœurs, en revenant, vers minuit et demi, d’un Revival-meeting, l’avaient entendue et en avaient frissonné de peur. Leur mère l’entendit à son tour, un autre soir, vers 9 h. 30, alors qu’elle s’était arrêtée sur le quai pour voir quel temps il faisait, et elle appela une voisine, qui l’entendit aussi. On m’a cité d’autres cas, mais je me borne à parler de ceux que j’ai ouï raconter par les personnes mêmes qui en avaient été les témoins. »

Pour continuer de réunir les éléments de la question, il faut noter encore que les phénomènes lumineux et sonores ne sont pas restreints à Mrs Jones et à son entourage. Indépendamment de Mrs Jones, plusieurs, au Pays de Galles, ont vu et entendu des choses étranges :

Le Revival number raconte que « deux jeunes revivalistes visitaient la chapelle de Glanynant, lorsqu’ils remarquèrent une étoile brillante au-dessus d’eux. Ils n’y firent pas attention tout d’abord, mais bientôt elle descendit et s’arrêta au-dessus de l’édifice, et ils furent étonnés. Elle augmenta d’éclat, et à sa lumière ils virent apparaître la figure d’un homme avec les bras étendus. Au bout d’un moment l’étoile avait disparu. »

A Newquay (Cornwall), une mission revivaliste a été tenue dans une chapelle méthodiste par une jeune galloise, dont l’influence s’est fait grandement sentir. En face de la chapelle, habitait le capitaine Chegwidden, homme bien connu et très estimé dans la ville, et membre de l’équipe de sauvetage. Une nuit il fut réveillé par une lumière brillante resplendissant à travers la fenêtre de sa chambre à coucher. Croyant qu’il y avait le feu quelque part, il réveilla sa femme, lui dit ses craintes, s’habilla et sortit. Il constata qu’une lumière étincelante traversait les fenêtres de la chapelle, et, regardant dans la chapelle, il vit ce qu’il décrit comme une colonne de feu, étrangement brillante, haute de six pieds environ, avec des flammes s’élançant tout autour. Cette colonne se mit à se mouvoir autour de la chapelle et ensuite elle disparut. Les investigations ont échoué à fournir une explication quelconque, et le récit du capitaine Chegwidden a excité un intense intérêt. — Un écrivain, modérément sympathique à Evan Roberts, d’ailleurs, écrit au sujet de l’histoire du capitaine Chegwidden : « Il semble que personne d’autre que lui n’a vu les lumières, que rien n’est arrivé dans la chapelle, et nous avons le choix entre croire à cette apparition sans signification et improbable ou la discréditer. »

Le Revival number raconte encore que les amis et les parents d’une jeune femme, membre de l’Armée du salut, à Camborne (Conrwall), ont déclaré que pendant trois ou quatre nuits une mystérieuse et douce musique s’était fait entendre dans la chambre où la jeune femme était couchée, mourante. La musique se produisait à de fréquents intervalles, durant en moyenne environ un quart d’heure chaque fois. Un officier de l’Armée du Salut a déclaré que c’était la plus douce musique qu’il ait jamais entendue. Il a assuré qu’il pouvait distinguer clairement les notes du cornet, l’harmonie de la harpe et que le tout faisait ensemble un chœur indescriptible. Il a affirmé être resté auprès de la Salutiste mourante pendant deux ou trois nuits de suite et avoir chaque fois entendu la musique étrange. Il a ajouté qu’il était d’abord un peu sceptique et qu’il a examiné les alentours s’attendant presque à découvrir que les fils télégraphiques avaient agi comme un médium, mais la rue était située à une grande distance des fils les plus rapprochés, et il ne trouva aucune explication naturelle possible des sons remarquables. Dans presque chaque cas la musique a commencé à la nuit noire. Il n’a pu reconstituer aucune mélodie d’hymne. A certains moments la musique paraissait venir de loin ; puis elle augmentait graduellement en intensité, jusqu’à ce qu’elle devînt assez forte pour être susceptible d’être enregistrée par un phonographe. Pendant tout le temps que ces sons étranges se faisaient entendre, la femme gisait inconsciente, Une demi-douzaine d’autres personnes qui étaient dans la maison parlent avec respect de ce qu’elles décrivent comme une « musique céleste. »

Enfin, pour terminer ces récits de faits étranges, un fait très curieux, c’est que le phénomène des lumières est contagieux. D’après le Daily Despatch du 28 juillet, Mrs Jones a passé — au moins momentanément — le pouvoir des lumières à Evan Roberts ! On nous raconte, en effet, que lorsqu’Evan Roberts, ayant fait sa mission d’Anglesey, est revenu dans le Sud, il s’est joint à Mrs Jones pour faire avec elle une mission, et comme conséquence de cette alliance, Evan Roberts a reçu, lui aussi, le pouvoir des lumières. Le Rév. David Hughes, de Pontycymmer, et sa femme l’attestent :

« A la chapelle, Evan Roberts conduisit le meeting qui fut prolongé jusqu’à minuit… Un peu après 1 heure du matin, ma femme et moi nous vîmes une étrange lumière semblable d’aspect au segment supérieur du soleil couchant et émettant des étincelles lumineuses à partir de sa circonférence : cette lumière se mouvait en travers, d’un côté à l’autre d’une vieille carrière, où les jeunes gens de l’endroit avaient tenu chaque soir des réunions de prière depuis une semaine et où, comme je l’ai appris ensuite, une réunion de prière était à l’instant même en train. La lumière s’évanouit bientôt et fut suivie par une boule de feu de la dimension environ d’une balle de criquet, qui s’éleva verticalement au lieu de voyager horizontalement, comme l’avait fait la première lumière vue. Puis nous vîmes une barre de lumière qui paraissait d’environ neuf pouces ( ? de largeur) grimpant le mur de la maison où Evan Roberts résidait. Nos sensations peuvent être mieux imaginées que décrites. Mais ce que nos yeux ont vu, nous le certifions. »

Que conclure ?

Y a-t-il un substratum quelconque objectif à ces phénomènes ? Nous ne savons… Est-ce simplement de l’imagination ? L’imagination peut à coup sûr être la cause de beaucoup d’illusions visuelles, mais elle ne paraît pas suffire ici. Nous pensons qu’il faut aller jusqu’à l’hallucination.

[D’ailleurs, l’imagination prépare l’hallucination. Ce qui a pu, chez d’autres que chez Mrs Jones ou chez Mrs Jones au début, n’être qu’une imagination, a pu s’extérioriser ensuite, devenir vision, vision pseudo-hallucinatoire, vision hallucinatoire. — Je trouve comme une transition entre l’imagination pure et consciente d’elle-même, et le cas de Mrs Jones, dans le cas de ce pasteur de Bridgend, le Rév. D. S Jones, qui a raconté avoir vu une vision : « une boule de feu descendant sur l’église », ce qu’il a interprété comme le feu du ciel envoyé pour consumer les scories (Christian Herald, 16 fév. 1905). — Je relèverai aussi le fait que les lumières de Mrs Jones ont parfois pris des formes déterminées qui les rapprochaient des visions d’Evan Roberts dont il sera question au prochain chapitre. Un jour, par exemple, Mrs Jones indique à sa sœur une étoile, disant y apercevoir une croix brillante. M. Edgar Vine Hall assure tenir ce détail de la sœur de Mrs Jones, qui pourtant s’efforça en vain de voir cette croix.]

Le plus vraisemblable — bien qu’il y ait à cette explication des difficultés que je suis loin de méconnaître — le plus vraisemblable, c’est encore que les phénomènes lumineux ont pour origine des visions hallucinatoires spontanées chez Mrs Jones, suggérées contagieusement chez les autres — même chez les reporters et les experts, car on sait bien que dans les expériences de ce genre il faut avoir grand soin de ne pas prévenir la personne avec laquelle on expérimente de ce qu’elle doit voir, et qu’on vicierait l’expérience en y introduisant un élément suggestif ou imaginatif. Cet élément suggestif ou imaginatif a influé sur les journalistes et les experts comme sur les autres. L’attention expectante a joué son rôle.

J’en trouve la preuve dans un curieux récit publié par le Daily News du 9 février : M. Beriah G. Evans, un collaborateur de l’Occult Review, raconte une visite à Mrs Jones. Pour aller à la réunion le soir, il fallait se rendre de la maison où logeait Mrs Jones jusqu’à la chapelle. La distance était de deux milles. Au moment de partir, Mrs Jones ouvre la porte, regarde dehors et dit : « Nous ne pouvons pas partir encore, la lumière n’est pas encore venue. » Cinq minutes après, elle sort de nouveau et rentre promptement en disant : « Maintenant nous pouvons aller. La lumière est venue. » — exactement comme elle aurait dit : le fiacre nous attend ! On sort. Il ne semble pas, d’après le récit, que personne, sauf Mrs Jones, ait alors vu la lumière. On marche quelque temps en silence. Puis : « Nous venions de traverser le passage à niveau du chemin de fer, lorsque Mrs Jones dirigea notre attention (directed our attention), vers le ciel du côté du Nord. Pendant qu’elle parlait encore, entre nous et les collines, et, semblait-il, à une distance de deux milles, éclata soudain une énorme étoile lumineuse (there suddenly flashed forth an enormous luminous star), émettant une lumière blanche extrêmement brillante, et lançant de toute sa circonférence des étincelles éblouissantes comme les rayons étincelants d’un diamant. Donc, Mrs Jones a vu la première et pendant assez longtemps a vu seule la lumière ; elle a dit qu’elle la voyait ; elle a montré l’endroit où elle la voyait, et c’est pendant qu’elle affirmait, montrait, etc.. que les autres ont vu à leur tour. La suggestion est très nettement saisissable. On la voit encore à l’œuvre dans la suite du récit. M. Evans demande à Mrs Jones si ce ne pourrait pas être la lumière d’un train. « Non, réplique calmement Mrs Jones, elle est trop haute pour cela. Et pendant qu’elle dit cela et comme en corroboration (even as she spoke and as though in corroboration), l’étoile fait un grand saut, soudain, vers les montagnes, pour revenir ensuite à sa position première. — N’est-il pas curieux de voir la lumière obéir si docilement aux paroles de Mrs Jones ? Ne serait-ce pas tout simplement que ces paroles ont suggestionné M. Evans ? — La lumière se met ensuite à courir très rapidement à la rencontre de la petite troupe, et M. Evans, au même moment, entend le bruit d’un train qui approche du côté de Barmouth. « C’était tout de même le train ! dit-il. — « Non, réplique sans broncher Mrs Jones ; ce n’est pas la lumière du train ; nous ne voyons pas encore la lumière du train. Et, en effet, dès que Mrs Jones a parlé, M. Evans voit la lumière du train, très différente de la lumière de Mrs Jones. Pendant que le train se rapproche, les deux lumières continuent, distinctes et différentes, de s’avancer : l’étoile au dessus, la lumière du train au dessous. Puis, tandis que le train passe, l’étoile disparaît. Quand le train est parti, l’étoile réapparaît, etc. Il est difficile, quand on lit ce récit, de se défendre de l’idée que l’origine de toute cette scène doit être cherchée dans une puissante hallucination de Mrs Jones (qui s’est peut-être greffée autour de la lumière d’un train de nuit) ; et que cette hallucination, affirmée avec force par Mrs Jones, s’est communiquée à Mr Evans, lequel était en proie à une attention expectante très forte et était très nerveusement impressionné ; lui-même déclare que lorsqu’au moment de partir, Mrs Jones a dit : « Nous pouvons partir, la lumière est là, il a reçu cette nouvelle avec un tremblement perceptible (a perceptible tremor) ; quand il croit que c’est simplement le train, il est soulagé (a sigh of relief), il est reconnaissant (sigh of thankfulness). Il attend et il redoute la « lumière ». Sur une nature impressionnable, cette crainte d’un événement auquel il lui sera impossible de se soustraire, a dû agir comme une constante suggestion et tendre à provoquer les impressions redoutées. Excellente disposition pour attraper la contagion hallucinatoire ! Et une fois la contagion attrapée, cela peut aller loin…

En effet, la suite du récit nous apporte une expérience « encore plus étrange » d’après M. Evans. La petite troupe qui se rendait à la chapelle pour la réunion, était composée de cinq personnes : Mrs Jones, M. Evans et trois autres. L’ « étoile » avait été vue par les cinq compagnons. Mais ensuite Mr Evans voit trois rayons brillants de lumière blanche éclatante qui traversent la route, de la montagne à la mer, éclairant et mettant en plein relief toutes les pierres et tous les interstices de la muraille, toutes les fougères et tous les brins de mousse, aussi clairement qu’en plein midi… Au bout d’un demi-mille, il voit une lumière couleur rouge de sang, au centre de la rue du village devant lui. Il ne dit rien. La lumière rouge disparaît. « Mrs Jones, dit alors M. Evans, et ce fut là la première communication faite aux trois autres membres de la compagnie, de ce que j’avais vu — à moins que je ne me trompe, votre lumière nous accompagne toujours. — Oui, réplique-t-elle calmement. Je me suis tue les deux fois pour voir si quelqu’un d’entre vous l’avait perçue par lui-même. La première fois elle était blanche, mais je l’ai vue quelquefois rouge de sang, comme vous l’avez vue maintenant. — Je n’avais pas dit à Mrs Jones, continue Mr Evans, quelle était la nature des lumières que j’avais vues ; mais dès que j’avais déclaré avoir vu la lumière, elle me décrivit les deux apparitions précisément comme je les ai décrites plus haut, établissant hors de question le fait que nous avions vu la même et identique manifestation. Ici, d’une part, il n’y a pas de suggestion exprimée en parole. Mais il peut bien y avoir eu quand même suggestion, le courant qui rattache Mr Evans à Mrs Jones étant solidement établi après la première expérience. La suggestion amorcée de vive voix a continué sans paroles explicites. Et il n’est pas étonnant que Mr Evans ait vu ou cru voir exactement ce que Mrs Jones voyait ou croyait voir de son côté. D’autre part, il est significatif de constater que les phénomènes lumineux visibles à Mrs Jones et à Mr Evans n’étaient pas visibles à leurs trois compagnons cheminant avec eux sur la même route ; il en ressort que ces phénomènes lumineux n’avaient rien de réel, d’objectif, qu’ils étaient bel et bien hallucinatoires. C’est ce qu’a dit très justement un correspondant du Daily News qui signe French : « Le phénomène décrit n’a pas été vu par toutes les personnes. C’est donc un phénomène subjectif et qui tombe dans la classe des manifestations télépathiques qui, si mystérieuses « qu’elles puissent être, sont incontestablement un produit du cerveau humain. »

Dans le récit de ce qui s’est passé à Wrexham lors de la visite de Mrs Jones, je trouve la confirmation de cette exégèse. Voici ce que je lis dans la coupure de journal local qui m’a été donnée et qui rapporte la réunion tenue à la chapelle de Zion : « Chacun naturellement (of course) connaissait ce qui avait été dit au sujet des mystérieuses lumières qui sont supposées apparaître partout où va la visionnaire, et assez probablement on s’attendait à ce que sa présence amènerait quelque chose de semblable (something of the kind was looked for). Attention expectante. » A peine Mrs Jones a-t-elle commencé son allocution que les lumières mystérieuses sont vues par plusieurs membres de la congrégation, à ce qu’ils disent… Juste comme Mrs Jones était en train de dire : « Et maintenant peut-être vous aimeriez d’entendre parler des lumières, » un éclair fut aperçu par un gentleman et une dame… La parole de Mrs Jones a toujours une puissance intense d’évocation et de suggestion. « Un grand nombre de personnes déclarent qu’elles ont vu les lumières, quelques-unes pas moins de trois fois (as often as three times). Notre autorité (our informant) n’a vu l’éclair qu’une fois. D’autres qui étaient au service n’ont rien vu. Voilà encore les lumières vues des uns et pas des autres, dans un même lieu où tous pouvaient voir et où tous auraient vu un phénomène visible, réel, objectif.

De même, en février, dans le Cardiganshire, à Talybont, Mrs Jones déclare : « Quelques personnes jettent des doutes sur les lumières, mais la lumière que j’ai vue était aussi réelle que le fait que je suis ici maintenant, et la même lumière est ici dans cette chapelle ce soir. » Ces paroles même prouvent que Mrs Jones était, au moment où elle parlait, la seule personne dans toute la chapelle à voir la lumière. Autrement elle n’aurait eu qu’à dire : « Cette lumière est réelle, j’en appelle à vous-mêmes ; ne la voyez-vous pas en ce moment même aussi bien que moi ? » Mais Mrs Jones est accoutumée à voir les lumières alors que d’autres ne les voient pasg ; il est curieux que la connaissance très nette qu’elle a de ce fait n’ait jamais provoqué dans son esprit le moindre doute, même passager, sur la réalité objective des lumières ; c’est évidemment qu’elle appartient, comme tous les revivalistes gallois, à cette catégorie de natures primitives chez lesquelles l’instinct l’emporte sur le raisonnement et la réflexion, et les facultés subliminales, les facultés d’inspiration et de sentiment sur l’esprit proprement critique.

g – Cela ressort aussi des mots qu’elle adresse à Mr Evans dans le récit qu’on a lu : « Je me suis tue les deux fois pour voir si quelqu’un d’entre vous avait perçu par lui-même la lumière. Cela l’intéresse de constater si d’autres qu’elle perçoivent ou non la lumière quand elle ne leur en parle pas Cela l’intéresse, mais elle n’en tire aucune conclusion.

Enfin on a pu remarquer plus haut que mon compagnon et guide, en sortant de la chapelle de Ponteysyllte pour rentrer avec moi à Wrexham, m’avait demandé si j’avais vu les lumières ; il admettait très bien, comme une chose conforme aux précédents, que j’eusse pu voir alors que lui n’avait pas vu.

Il me paraît résulter de toutes ces données que ce qu’il y a de plus vraisemblable, de plus psychologique, c’est d’entrer dans la voie qui a été ouverte par W. James quand il a écrit au sujet de certains cas de conversion : « Il y a une forme d’automatisme sensoriel qui mérite une attention spéciale à cause de sa fréquence ; je veux parler des phénomènes lumineux hallucinatoires ou pseudo-hallucinatoires, des photismes, pour employer une expression des psychologues. La vision céleste aveuglante de Saint-Paul semble avoir été un phénomène, de cet ordre. De même la croix de Constantin dans le ciel. Le colonel Gardner vit une lumière flamboyante, Finney de même. »

Ce qu’il y aurait ici d’intéressant, c’est que, ayant affaire à un Réveil, nous trouverions amplifiés jusqu’aux proportions sociales, collectives, les phénomènes hallucinatoires que W. James s’est borné à étudier sous leur forme individuelleh.

h – Chez les Mormons aussi on a noté des phénomènes semblables : « Très avant dans la nuit, on pouvait voir les jeunes gens courir à travers les champs et les collines à la poursuite, disaient-ils, des boules de feu et des lumières (balls of fire and lights) qu’ils voyaient se mouvoir à travers l’atmosphère. » (Ezra Booth’s letters to the Rev. Ira Eddy from Nelson, Ohio, sept. 1831, cité par Davenport, Primitive traits in religious revivals, p. 189.)

La même explication vaudrait d’ailleurs pour les phénomènes sonores : ce seraient des hallucinations de l’ouïe.

Et il va de soi que la même explication devrait être adoptée pour tous les phénomènes lumineux et sonores qui se sont produits dans le Réveil, non seulement autour de Mrs Jones, mais ailleurs.

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