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3.
Sur le ministère des anges

Des vents il fait ses anges, et de la flamme du feu ses ministres.

Hébreux 1.7

C’est un grand mobile que l’exemple : c’est une preuve vivante qui persuade, qui touche et qui entraîne. C’est pour cela que vos prédicateurs font de si grands efforts, pour vous éloigner de la société des enfants du siècle, et pour vous porter à vous rappeler dans la retraite cette nuée de témoins dont vous êtes environnés Hébreux 12.1, et que le Saint-Esprit vous donne pour modèles. C’est pour cela aussi que Dieu a institué les assemblées de dévotion. Dans ces assemblées, on est soutenu par l’exemple. On y voit tous les membres de la société, celui qui tient le gouvernail de l’état, celui qui commande les armées, celui qui se ronge l’esprit pour avoir un nom dans le monde, celui qui fait profession presqu’ouverte de libertinage ; on les voit tous assemblés, réunis, concourir à un même but, joindre leurs cœurs et leurs voix pour célébrer l’auteur de leur être.

Mais, quelque puissante que soit cette émulation, elle est pourtant défectueuse. Les plus grands saints ont leurs faiblesses ; et il se mêle tant de froideur dans nos dévotions, tant d’absence d’esprit dans notre attention, tant d’indécence dans notre extérieur, que ce même concours, si propre à animer notre ferveur, sert souvent à la ralentir et à l’éteindre.

Mes frères, dans le dessein que nous avons de vous former à des vertus sans tache et d’épurer vos dévotions, nous ne nous contenterons pas aujourd’hui de vous tracer la vie des plus grands saints qui vous ont précédé dans l’Église. Nous ne nous contenterons pas de vous montrer cette multitude attentive, recueillie, et prête à répandre son âme en la présence de son créateur. Nous vous proposons des exemples plus dignes de votre émulation ; et en détournant vos yeux de ce qu’il y a même de plus parfait sur la terre, nous allons vous transporter jusqu’aux cieux dans l’assemblée des anges, des chérubins, des séraphins ; et, en vous proposant leurs vertus, vous proposer leurs modèles. C’est sous ce point de vue uniquement que nous allons vous faire envisager les paroles de notre texte ; et nous ne donnons qu’un instant à les éclaircir.

Elles sont une citation prise du psaume 104. Le prophète y exprime en style oriental les perfections du Créateur, et les merveilles de sa providence. Mais il y a une extrême différence entre les métaphores destinées à représenter les créatures, et celles qui sont destinées à représenter le créateur. Les premières, je veux dire celles qui sont destinées à représenter les créatures, sont presque toujours hyperboliques, et l’image est toujours au-dessus de la vérité. Dans les secondes, au contraire, l’hyperbole n’a point de lieu, et la vérité est toujours au-dessus de l’image. L’auteur du cantique dont nous parlons, pour nous donner de grandes idées de la divinité, nous représente le corps de la lumière comme son vêtement ; le firmament comme les courtines de son palais ; les eaux supérieures comme ses lambris ; le vent comme ses ailes ; les nuées comme son char ; et ses anges comme ses ministres, qui exécutent ses ordres avec la rapidité du vent, avec l’activité et la véhémence de la flamme. Cette dernière idée est celle de mon texte : Des vents il fait ses anges, et de la flamme du feu ses ministres.

Je ne mets pas même en question si c’est sur ces intelligences que le prophète porte sa pensée dans ces dernières paroles, ou sur certains phénomènes de la nature. L’autorité de saint Paul ne nous permet pas d’hésiter sur cette question. Cet apôtre, pour prouver que Jésus-Christ est au-dessus des anges, allègue d’abord cet ordre qui fut donné, quand ce divin sauveur vint au monde : que tous les anges de Dieu l’adorent ; et ensuite ces paroles du psalmiste : Des vents Dieu fait ses anges, et de la flamme du feu ses ministres. J’ai été surpris de l’inadvertance de quelques interprètes, qui, expliquant mon texte dans le psaume dont il est tiré, ont entendu par les anges les vents et les flammes ; et qui, en expliquant ensuite la citation que saint Paul en a fait dans l’épître d’où j’ai pris ces paroles, entendent par cette expression les anges proprement dits. Cette contradiction est palpable. Je ne fais donc point de difficulté de transposer ainsi les paroles que j’explique : Dieu fait des anges ses vents, et sa flamme de feu ; c’est-à-dire, comme je l’ai déjà exprimé, que ces esprits bienheureux exécutent les ordres de Dieu avec la rapidité du vent et l’activité de la flamme.

Fixez à cette idée le sens des paroles de mon texte. Hâtez-vous de concourir au grand but de notre discours. Je propose à votre méditation l’exemple des anges. Quatre sortes d’attraits doivent nous porter à suivre l’exemple des intelligences célestes. La supériorité de leur génie : leur multitude innombrable : les caractères de leurs vertus : les nœuds que nous formons avec eux dans l’économie du temps, et ceux que nous espérons de former encore avec eux dans l’économie de l’éternité.

I

La supériorité de leur génie : cette supériorité ne peut leur être contestée avec justice. Des êtres qui ne sont pas esclaves comme nous d’un corps qui affaisse si souvent notre esprit, et qui fait une si grande diversion à notre méditation, méditent sans doute avec plus de suite, avec plus de profondeur que les hommes comme nous. Des êtres qui ne sont pas prévenus comme nous, par des préjugés et par des passions, qui nous déguisent en tant de manières le mensonge et la vérité, discernent sans doute incomparablement mieux que nous la vérité d’avec le mensonge. Des êtres qui ne se sont pas gâté comme nous l’esprit dans les sociétés, que les hommes semblent n’avoir formées que pour se perdre les uns les autres, savent sans doute incomparablement mieux que nous ce qui est digne de blâme, ce qui est digne de louange, ce qui est réellement pernicieux, et ce qui est réellement utile. Des êtres qui subsistent depuis plusieurs milliers d’années, et qui ont vu une plus grande partie de ce qui s’est passé depuis la création de l’univers, ont sans doute de tout autres connaissances que nous, qui n’avons été témoins que d’un très petit nombre d’événements, qui ne pouvons remonter qu’au-dessus de quelques siècles par le moyen de l’histoire, et qui ne sommes que depuis le jour d’hier Job 8.9, comme parlent nos écritures. Des êtres qui sont toujours à la source de la lumière, qui voient Dieu, qui le contemplent, sont sans doute incomparablement mieux éclairés que nous, à l’égard desquels Dieu habite une lumière inaccessible 1 Timothée 6.16, qui ne pouvons le voir, et vivre Exode 23.20, et qui n’apercevons que les bords de ses ouvrages Job 26.14.

Mais, à quoi la sagesse, les lumières, les connaissances, dont ces intelligences sont douées, les portent-elles ? A être auprès de Dieu, à l’étudier, à l’admirer et à le servir. Quel est le meilleur usage que ces sublimes intelligences croient pouvoir faire de leurs talents et de leurs facultés ? C’est de l’étudier, de l’aimer, de le servir. En quoi ces sublimes intelligences mettent-elles la véritable félicité ? Encore à être auprès de Dieu, à l’étudier, à l’aimer, à le servir. Mille milliers le servaient, mille milliers assistaient devant lui Daniel 7.10.

Sur quels exemples voulez-vous vous former, chrétiens ? Quels modèles voulez-vous suivre, mes chers auditeurs ? Quoi ! ce débauché qui n’a pas fréquenté d’autre école que celle des lieux ou la débauche est sur le trône ? Quoi ! cet insolent mortel qui croit que les domestiques qui le servent, que les équipages qui le suivent, que les chevaux qui le traînent sont des titres de science, et lui donnent le droit de prononcer en dernier ressort sur tout ce qu’il n’a jamais ni étudié ni connu ? Quoi ! ce prétendu esprit fort, qui, après s’être comme séquestré de la société des vivants, après s’être enseveli dans le cabinet et retranché dans les livres, après s’être distillé le cerveau en spéculations, rapporte, pour tout fruit de ses études, ces rares découvertes que le monde est éternel, ou qu’il a été fait par hasard ; que le soleil n’a pas été allumé pour éclairer ; que la terre n’a été destinée pour faire germer le grain, et à porter les hommes ; la mer à faciliter le commerce ; que nos yeux ne nous ont pas été donnés pour discerner les objets, nos mains pour toucher, nos pieds pour marcher ; que les distinctions que nous mettons entre le vice et la vertu, entre un homme qui chérit son bienfaiteur et celui qui veut lui percer le sein, n’ont rien de fondé sur la nature des choses, et ne viennent que de l’éducation et de la naissance ? Seraient-ce là les exemples que vous voudriez imiter, chrétiens ? Seraient-ce là les modèles que vous voudriez suivre.

Ah ! sublimes intelligences que le maître du monde s’est choisi pour amis et pour confidents ! Anges puissants en force qui faites son commandement ! Psaumes 103.20 Chérubins volant à ses ordres, Séraphins brûlant de son amour ! c’est vous, esprits saints, que je veux prendre pour modèles.

II

Ce n’est pas un petit nombre d’intelligences seulement, qui ont ces idées, et qui se choisissent ce genre de félicité ; c’en sont des multitudes innombrables : c’est ma seconde réflexion. Parcourez ici, mes frères, ces passages de l’Écriture, où le Saint-Esprit nous parle de leur multitude, vous la trouverez innombrable. Dans le chapitre 32 de la Genèse, ils nous sont représentés comme formant un camp ; Jacob se voit prévenu par une multitude d’anges ; ce qui lui fait dire : C’est ici le camp de Dieu Genèse 32.2. Dans le psaume 68 le prophète dit, que la cavalerie de Dieu se compte par milliers et par milliers redoublés ; que le Seigneur est au milieu d’eux Psaumes 68.18. Dans 2 Rois 6.15-17, le serviteur d’Élisée, effrayé de se voir au milieu d’une multitude innombrable de gens de pied et de gens de cheval sortis de Samarie pour se saisir de son maître, s’écrie : Hélas ! qu’allons-nous devenir ? Élisée lui répond : Ne crains point ; car, ceux qui sont avec nous sont en beaucoup plus grand nombre que ceux qui sont contre nous. Élisée prie, et il dit : Éternel, ouvre ses yeux, afin qu’il voie : l’Éternel ouvre les yeux de ce timide serviteur, et il voit la montagne toute couverte de chevaux et de chariots de feu autour d’Élisée. Dans 1 Rois 22.19, l’Éternel nous est représenté comme assis sur son trône, entouré d’une armée céleste à droite et à gauche. Dans Deutéronome 33.2, il est fait mention des milliers de saints, qui sortirent avec lui, lorsqu’il vint de Sinaï, et qu’il resplendit de Sehir. Et saint Paul, en faisant allusion à ce passage dans le chapitre 12 de de son épître aux Hébreux, dit, que nous sommes venus à la montagne de Sion, à la cité du Dieu vivant, à la Jérusalem céleste, et aux milliers d’anges Hébreux 12.22. Dans le prophète Daniel, il est parlé de mille milliers, et de dix mille milliers : Mille milliers le servent, et dix mille milliers assistent devant lui Daniel 7.10. Dans le chapitre 5 de l’Apocalypse, saint Jean entend la voix d’une multitude d’anges, qui sont autour du trône de Dieu, et leur nombre était de dix mille fois dix mille Apocalypse 5.11. Dans l’histoire de l’agonie du Sauveur, il dit lui-même, qu’il pouvait appeler à son secours des légions d’anges Matthieu 26.53.

Si je ne croyais me donner un trop grand essor, et faire trop de diversion au principal sujet de ce discours, il me serait aisé de faire servir ce que l’Écriture Sainte nous dit, comme d’une clé de certaines difficultés, prétendues insolubles, contre la bonté de Dieu. Il semble que, parce qu’on peut conclure de quelques passages de nos Écritures, que le nombre de réprouvés surpasse celui des élus, Dieu a moins de penchant à rendre les êtres intelligents heureux, qu’à les rendre misérables. Quelques scolastiques ont donné lieu à cette odieuse pensée ; et, en particulier, un certain Guillaume de Paris, qui a soutenu cette misérable opinion, que le nombre des anges est moindre que celui des hommes. Et d’où le savez-vous, que le nombre des anges est inférieur à celui des hommes ? Et d’où le savez-vous, que pour un seul être auquel Dieu fait éprouver les justes effets de sa vengeance, il n’y en a pas mille, et mille milliers, à qui il fait éprouver ses bontés et sa magnificence ? Il me serait encore aisé de me servir de ces décisions de nos Écritures, pour réfuter un sophisme puéril, que certains hommes, qui ne prétendent rien moins que raisonner puérilement, nous opposent quelquefois. Quand nous pressons les droits de Dieu et que nous proposons la morale de Jésus-Christ, telle qu’il nous la propose lui-même, on nous réplique alors : Eh ! qui donc sera sauvé ? Et pour qui donc sera le paradis ? Ne dirait-on pas, que la race de ces hommes, qui parlent de cette manière, soit le grand nombre des êtres ? Ne dirait-on pas, que si cette poignée d’hommes, qui sont sur la face de ce petit globe qu’on appelle terre, n’était pas un jour avec Dieu, le ciel ne serait qu’une vaste solitude ? Qui sera dans le paradis, dites-vous, si tant d’hommes en sont bannis ? Qui ? Ce camp de Dieu ; cette cavalerie, qui se compte par milliers et par milliers redoublés ; cette multitude de gens, de chariots de feu, dont celle, qui escortait Élisée n’était qu’un petit détachement ; ces armées célestes, qui sont autour de son trône ; ces milliers de saints, qui resplendirent de Sehir, et qui sortirent avec lui du Sinaï ; ces mille milliers qui le servent, ces dix mille milliers qui assistent devant lui, ces dix mille fois dix mille, et mille fois mille, que saint Jean vit dans l’Apocalypse.

Mais, je me renferme dans mon sujet, et je voudrais que l’idée de ces multitudes innombrables d’esprits bienheureux fit de vives impressions sur vos esprits, et servit comme de contre-poids à celle qu’ont faite sur vous ces multitudes de pécheurs dont vous êtes environnés. Mes frères, une des vertus les plus difficiles que nous soyons appelés à exercer, c’est celle de Josué, c’est celle d’être quelquefois obligés de dire à nos concitoyens, à nos amis : Choisissez qui vous voulez servir ; mais, pour moi et pour ma maison, nous servirons l’Éternel Josué 24.11. Une des tentations les plus violentes où un homme de bien puisse se trouver, c’est celle d’Elie, fuyant la cruelle Jézabel, relégué dans une caverne de la montagne d’Horeb, et s’écriant : J’ai été extrêmement ému à jalousie pour l’Éternel, le Dieu des armées ; parce que les enfants d’Israël ont abandonné son alliance. Ils ont démoli ses autels, ils ont tué ses prophètes avec l’épée : je suis demeuré moi seul ; encore cherchent-ils à m’ôter la vie 1 Rois 19.10. Et un des objets les plus séduisants sur lesquels des hommes faibles, portés à I’imitation comme nous, puissent jeter les yeux, c’est celui dont parle le prophète dans le psaume 15. L’Éternel a regardé des cieux vers les fils des hommes, pour voir, s’il y en a quelqu’un qui ait de l’intelligence et qui cherche Dieu : ils se sont tous égarés ; il n’y en a pas un seul qui cherche Dieu. Il n’y a personne qui fasse du bien, pas même un seul : paroles hyperboliques, sans doute, mais remplies de sens et de vérité. Et de quel côté tournerez-vous vos regards, que vous n’y trouviez des preuves de cette humiliante proposition du prophète ? Soit que vous les portiez dans l’Église, soit que vous les portiez dans le monde, soit que vous les portiez dans les tribunaux, soit que vous les portiez dans les lieux les moins élevés, soit que vous les portiez dans les religions étrangères, soit que vous les portiez dans la vôtre propre : partout vous trouverez des preuves de cette proposition du prophète. Ils se sont tous égarés : il n’y en a pas un seul qui cherche Dieu. Il n’y a personne qui fasse du bien, pas même un seul. Mon Dieu, que cette tentation est violente ! Qu’il est difficile de résister au torrent ! Et que malaisément on est ferme dans le parti de l’Éternel, quand il est abandonné de tout le monde, et qu’on est seul à le tenir !

Mais non, chrétien : tu n’es jamais seul du parti de l’Éternel. Mais non, chrétien : ce ne sera pas toi seulement, et ta maison, qui le serviras. Quand tu serviras l’Éternel, tu auras, pour compagnon de service, ce camp de Dieu, cette cavalerie qui se compte par milliers, et par milliers redoublés ; cette multitude de gens, de chariots de feu, dont celle qui escortait Élisée n’était qu’un petit détachement ; ces armées célestes, qui sont autour de son trône ; ces milliers de saints, qui resplendirent de Sehir, et qui sortirent avec lui de Sinaï : ces mille milliers, qui le servent ; ces dix mille milliers, qui assistent devant lui ; ces dix mille fois dix mille, et mille fois mille, que saint Jean vit dans l’Apocalypse. La multitude de ces anges, dont il est dit dans mon texte, qu’ils exécutent les ordres de Dieu avec la rapidité du vent et l’activité de la flamme : la multitude des esprits, qui servent Dieu, et qui assistent devant lui. C’est le second motif que nous avions à vous alléguer.

III

Le troisième est pris de la manière dont ils le servent. Leur obéissance a ces trois caractères : la correspondance, la promptitude, et l’amour.

1. La correspondance. Les esprits bienheureux, innombrables dans leur multitude, ces armées des cieux, ces milliers, ces dix mille milliers, n’ont pourtant qu’un cœur, qu’un désir, qu’une occupation, qu’un but, c’est de bénir, c’est de louer, c’est de servir l’auteur de leur être, et de leur bonheur. Ce portrait n’est pas tiré de notre imagination : nous le tenons de l’Écriture. Elle nous représente les anges comme formant des concerts comme mêlant leurs voix avec harmonie, comme se répondant les uns aux autres, comme s’exerçant les uns les autres à des cantiques sacrés. L’année de la mort du roi Hosias, dit Isaïe, je vis le Seigneur sur un trône haut et élevé, et les pans de sa robe remplissaient le temple. Les Séraphins se tenaient au-dessus de lui, et ils criaient l’un à l’autre, Saint, Saint, Saint, est l’Éternel des armées : tout ce qui est dans toute la terre est sa gloire Ésaïe 6.1-3. Il se fit au ciel de grandes voix, dit saint Jean dans l’Apocalypse, disant : les royaumes du monde sont réduits à notre Seigneur et à son Christ, et il régnera aux siècles des siècles Apocalypse 11.15. Et ailleurs : Ils n’ont point cessé de crier, ni jour, ni nuit, disant, Saint, Saint, Saint, le Seigneur Dieu tout-puissant ; et les animaux donnaient gloire à Dieu, honneur et action de grâces à celui qui était assis sur le trône, et à celui qui est vivant aux siècles des siècles. Ils disaient à haute voix : L’agneau, qui a été mis à mort, est digne de recevoir puissance, richesse, force, honneur, gloire, louange : et les quatre animaux disaient, amen ; et les vingt-quatre anciens se prosternaient et adoraient celui qui est vivant aux siècles des siècles Apocalypse 4.8-10. Belle correspondance, admirable concert, mes frères, où la voix répond à la voix, mais où le cœur répond au cœur ! Concert bien plus harmonieux, que celui que nous formons dans ces assemblées. Car, je vous vois bien souvent, réunis dans ces Églises, concourant en apparence à un même but : j’entends vos voix se mêlant, et disant comme le prophète : Bénissez l’Éternel, vous toutes ses armées, qui êtes ses ministres, faisant sa volonté ; bénissez l’Éternel, vous ses anges puissants en vertu, qui faites son commandement ; bénissez l’Éternel, vous toutes ses œuvres par tous les lieux de sa domination’. Mon âme, bénis l’Éternel Psaumes 103.14-22. Mais, ce n’est souvent, hélas ! que dans l’union des sons : et, au moment que vos cœurs semblent réunis, ils se répandent sur mille objets, courent après les divinités que vos passions adorent ; et ce qu’il y a de plus détestable, c’est qu’ils se portent les uns aux autres des haines mortelles, et maudissent quelquefois intérieurement ce Dieu, qu’ils bénissent de la voix et de la bouche. O ! que le concert des anges est différent ! C’est un concert des voix, mais aussi des cœurs et des volontés. Suivons de si beaux modèles. Que le souverain unisse sa puissance suprême à la médiocrité du sujet : que le sujet unisse sa médiocrité avec la puissance suprême du souverain. Que le savant unisse ses lumières avec l’industrie de l’artisan ; que l’artisan unisse son industrie avec les lumières du savant. Que le père de famille soit de concert avec ses enfants, et les enfants avec le père de famille. Que les hommes se lient avec les hommes, les hommes avec les anges. Que le ciel réponde à la terre, que la terre réponde au ciel. Et qu’il y ait partout une sainte émulation pour célébrer le créateur.

2. La promptitude est le second caractère de l’obéissance des anges : elle est comparée à celle des vents et des flammes. Il fait des vents ses anges, et de la flamme du feu ses ministres. Les séraphins dans Esaïe, et les animaux dans Ezéchiel, nous sont dépeints comme ayant des pieds, mais comme ayant aussi des ailes : et ces différentes images concourent à nous représenter l’obéissance de ces esprits bienheureux, comme prompte, comme rapide, comme exempte de difficultés et de délais.

Les rois de la terre aiment qu’en entendant leurs yeux, leurs mains, leurs gestes, l’on agisse dès qu’ils commandent. Notre souverain est-il digne d’un hommage moins profond ? Et, cependant, qui de nous ne diffère lorsque la voix de Dieu l’appelle ? Est-on dans les années de l’enfance ? Il faut attendre celle de la raison. Y sommes-nous parvenus ? Il faut attendre la vieillesse : c’est la saison de la vertu. Est-on devenu vieux ? Il faut différer jusqu’à la maladie. La maladie est-elle arrivée ? Il faut attendre la mort. Chaque état, chaque circonstance, chaque année, chaque jour, chaque heure et, s’il faut ainsi dire, chaque instant de notre, vie a ses délais particuliers. Dans l’enfance, il faut apprendre à devenir homme, avant que d’apprendre à être chrétien. Dans les années de la raison, il faut donner ses soins à un monde dont on commence à faire partie ; apprendre à vivre avec les hommes avec lesquels on est, avant que d’apprendre à vivre avec ces anges avec lesquels on n’est point encore. Est-on vieux ? L’infirmité de l’âge porte sa dispense avec elle. Est-on malade ? Il faut appeler le médecin avant que d’appeler le pasteur ; et remédier aux maux du corps avant de mettre la main à ceux de l’âme. La mort se présente-t-elle ? Il faut faire son testament avant que de faire son salut. Renvois funestes ! Malheureuse fécondité de retardements ! Source fatale de délais ! Les anges volent à la voix de Dieu, et leur obéissance est le modèle de la nôtre.

3. Mais le grand caractère de l’obéissance des anges, celui qui donne le prix à tous les autres, c’est l’amour. Ces esprits bienheureux voient Dieu sans cesse, la sagesse de ses conseils, l’équité de ses jugements, l’étendue de sa puissance, les dimensions de son amour. ils voient Dieu en un mot ; et, qui peut le voir sans l’aimer ? Ici, engagés dans les sens et dans la matière, nous ne voyons qu’en partie : aussi n’aimons-nous qu’en partie. Que si dans cet état nous voulons faire quelque effort, un jour de jeûne, un jour de communion, dans le silence du cabinet, ou dans ces saintes assemblées, pour porter les yeux vers cette majesté suprême, notre cœur se sent échauffé de son amour ; notre conscience nous dit que c’est le seul objet digne qu’on l’aime, et que tous les objets du monde ne méritent que du mépris. Quelle doit donc être l’ardeur de ces esprits bienheureux, qui, sans interruption, contemplent Dieu, le voient tel qu’il est, face à face ? Quelle doit être leur ardeur ? Non seulement ils aiment, non seulement ils brûlent ; ils sont le feu, l’ardeur même, et ils s’appellent séraphins, c’est-à-dire brûlants, et dans mon texte : Des vents Dieu fait ses anges, et de la flamme de feu ses ministres.

Mon âme, tu te plains de ta froideur envers Dieu : elle doit te confondre ; mais elle ne doit pas t’étonner, vu les objets qui t’environnent. Tout occupée de ce monde, entraînée par ses plaisirs, distraite par ses soucis, imbue de ses maximes, tu laisses remplir toute ta capacité : Tu ne porte pas tes regards vers la divinité : elle habite pour toi une lumière inaccessible 1 Timothée 6.16. c’est le Dieu fort qui se cache Ésaïe 45.15, et tu ne fais pas assez d’effort pour combler les abîmes qui t’en séparent, et pour dissiper les nuages qui le dérobent à tes yeux. Veux-tu fondre cette glace, et allumer au-dedans de toi les flammes de l’amour divin ? Porte, porte tes regards sur Dieu : tu ne le voyais pas ; il n’est pas étonnant que tu ne l’aimasses pas. Mais, élève le cœur en haut : regarde, contemple, admire tant de pompe, tant de majesté, tant de gloire, tant de bonté, tant de charité, tant d’amour. Allume le feu de ton amour aux rayons du soleil de justice. Alors, entraînée, échauffée, embrasée, contemplant la gloire du Seigneur à visage découvert, tu seras transformée de gloire en gloire par son Esprit 2 Corinthiens 3.18.

IV

Je voudrais recueillir dans ces derniers articles les restes de votre attention, pour vous porter à tirer, des liaisons que vous avez dès l’économie du temps avec les anges, et de celles que vous espérez former avec eux dans l’économie de l’éternité, des motifs de prendre leurs vertus pour modèles, Suivez-nous dans cette méditation, qui va faire la clôture de cet exercice.

Hors de la portée de nos sens, au-delà de ce petit cercle qui nous est connu, existent deux sociétés : l’une, c’est la société des anges ; l’autre, c’est la société des démons : l’une est sainte et heureuse ; l’autre est impure et misérable : l’une a à sa tête le Dieu saint et bienheureux ; l’autre a à la sienne l’être impur et malheureux. L’une prend pour modèle les vertus de son grand chef, et surtout sa charité : témoins ces plaisirs, que prennent ceux qui la composent, à camper autour de ceux qui craignent Dieu Psaumes 34.8 ; témoins ces délices, qu’ils trouvent à annoncer au genre humain la venue de son rédempteur ; Voici, je vous annonce une grande joie, c’est qu’aujourd’hui, dans la cité de David, vous est né te Christ, le Sauveur Luc 2.10-11 ; témoins ces transports, quand quelque pécheur revient de ses égarements ; Car, il y de la joie au Ciel pour un pécheur qui vient à se repentir Luc 15.10 ; témoin cet empressement, avec lequel ils portent l’âme des fidèles dans le sein Luc 16.22 de Dieu. Au contraire, la société des démons fait des perfections de son créateur un sujet d’horreur et de désespoir. Ceux qui la composent, mettent leur félicité à éloigner l’idée qui fait toute la joie d’un esprit raisonnable, l’idée d’un Dieu juste, sage, saint : ils trouvent des délices à outrager cet être adorable, à s’opposer à ses plans, à renverser les desseins de charité qu’il a pour les pauvres pécheurs, et à augmenter ainsi la multitude des compagnons de leurs tourments. Voilà, mes frères, les deux sociétés qui existent, comme j’ai dit, au-delà du petit cercle qui nous est connu. Fixez pour un moment votre attention sur cette vérité.

Les habitants de notre planète, cette poignée d’hommes que Dieu a comme entreposés sur la terre : disons quelque chose encore qui nous touche de plus près ; ces hommes, qui sont dans l’enceinte de ces murs, vous, mes frères, vous tous sans exception, vous, de quelque rang, de quelque ordre, de quelque âge, de quelque nation que vous puissiez être, vous devez être agrégés à l’une ou à l’autre de ces deux sociétés ; vous devez faire corps, ou avec les anges, ou avec les démons. En pouvez-vous douter ? du moins si vous ajoutez foi aux oracles les plus dignes qu’on y défère, je veux dire aux oracles de nos écritures : Voyez les objets que Jésus-Christ met devant vos yeux, dans un des chapitres de l’Évangile qui vous est le plus connu, que vous avez lu le plus souvent, et qui vous a été le plus souvent cité : c’est le 25 de saint Matthieu. En combien de classes Jésus-Christ divise-t-il les descendants d’Adam ? En combien de classes divise-t-il tous nos auditeurs ? En deux classes, dont l’une doit faire société avec les anges, l’autre avec les démons. Ramenons les propres expressions de ce chapitre tant de fois cité, mais peut-être jamais médité, du moins par la plupart de vous, avec cette application, que demandent des paroles où est contenu l’arrêt de notre destinée éternelle. Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, et tous les saints anges avec lui, alors il s’assiéra sur un trône, et toutes les nations seront assemblées devant lui Matthieu 25.31-32. Quel objet, mes frères ! Toutes les nations de la terre, citées, assemblées, devant le trône de Dieu venu dans sa gloire ! O ! que si nous avions souvent cet objet devant les yeux, nous trouverions peu importantes la plupart des choses dont nous nous formons de si grandes idées, et pour lesquelles nous nous donnons tant de mouvement ! Alors, ajoute notre évangéliste, le Fils de l’homme, séparera toutes ces personnes, il les séparera les unes des autres, comme le berger sépare les boucs d’avec les brebis : il mettra les boucs à sa gauche, et les brebis à sa droite ; et il dira à celles-ci : Venez, les bénis de mon père, possédez en héritage le royaume, qui vous a été préparé depuis la fondation du monde. Matthieu 25.32-34 Et à ceux qui seront à sa gauche, que dira-t-il ! Retirez-vous ; allez, maudits, allez au feu éternel, qui est préparé au démon et à ses anges. Matthieu 25.41 Ce n’est donc point une spéculation humaine, ce n’est point une imagination. Tous les habitants de cette planète, vous, mes frères, qui êtes à présent renfermés dans l’enceinte de ces murs, vous devez être agrégés un jour dans l’une ou l’autre des sociétés dont j’ai parlé : vous devez éternellement faire corps, ou avec les anges, ou avec les démons. Fixez encore pour un moment votre imagination sur cette vérité.

Mais, quelle sera votre destinée dans ce grand jour ? Dans quelle classe le fils de Dieu vous rangera-t-il alors ? Ferez-vous corps avec les démons ? Peut-être est-ce là une de ces questions à l’éclaircissement desquelles toute la pénétration de l’esprit humain ne saurait suffire. Peut-être même est-ce une de ces questions sur lesquelles nous n’avons aucune mesure à prendre dans la conduite de notre vie. Point du tout, mes frères. Le même Évangile, qui vous apprend que vous devez être rangés dans l’une ou dans l’autre de ces sociétés, vous propose une règle infaillible, à laquelle vous pourrez connaître dans laquelle des deux vous serez rangés. Cette règle, pour le dire en un mot, c’est que, si vous avez les inclinations des démons, vous serez agrégés à la société des démons ; et que, si vous avez les inclinations des anges, vous serez agrégés à la société des anges : règle fondée non seulement sur des raisons de justice, mais aussi sur la nature de la chose même.

Je suis très convaincu qu’il arrivera de grands changements dans nos âmes après la résurrection. Je suis convaincu que nos corps seront unis alors à nos esprits avec des lois différentes de celles que nous éprouvons aujourd’hui. Nous sommes ici comme dans un état d’enfants. Nos facultés ne seront parfaites dans leur genre, que lorsque nos corps seront sortis du tombeau. Cette idée est de saint Paul : Quand j’étais enfant, je parlais comme enfant, je jugeais comme enfant ; mais quand je suis devenu un homme, j’ai quitté ce qui tenait de l’enfance 1 Corinthiens 13.11.

Mais, comme en étudiant les inclinations d’un enfant, on peut juger de ce qu’il sera dans l’âge mûr ; de même, en examinant celles que les hommes ont dans ce monde, on peut découvrir ce qu’ils seront dans le monde qui est à venir. Voyez cet enfant ; voyez ce plaisir malin qu’il goûte dans la misère de ses compagnons ; voyez ces semences d’orgueil et de cruauté, qui se manifestent dans les amusements de son enfance : voilà des augures d’oppression et de tyrannie dans l’âge mûr. Voyez, au contraire, cet autre enfant ; voyez cet empressement à se rendre utile ; voyez cette sensibilité pour les malheureux : voilà un bon père, un bon magistrat qui se forme ; et ainsi du reste.

De même, voulez-vous savoir, si vous serez ange ou démon dans une autre vie ? Examinez ce que vous êtes dans celle-ci. Ouvrez-vous une bouche exécrable pour blasphémer votre créateur ? Vous êtes un démon anticipé ; vous assortirez la cour de ce prince de ténèbres, où l’on n’entend que blasphèmes contre le Créateur. Je ne saurais me convaincre, du moins jusqu’à ce que vous changiez de conduite, que vous deveniez un de ces anges, dont la bouche ne s’ouvre que pour le bénir. Haïssez-vous votre prochain ? Vous êtes un démon anticipé : vous assortirez la cour de celui qui est meurtrier dès le commencement. Je ne saurais me convaincre que vous deviez être un de ces anges, qui ne respirent qu’amour et que charité. Êtes-vous ennemi de la religion ? Résistez-vous à ceux qui prêchent la vérité ? Vous êtes un démon anticipé : vous assortirez la cour de cet esprit malheureux, dont Jésus-Christ disait à saint Pierre : Simon, Simon, Satan a demandé à vous cribler comme le blé Luc 22.31. Et je ne saurais me convaincre, que vous soyez destiné à être avec ces anges, qui aiment à partager avec Jésus-Christ la gloire d’avancer la religion dans le monde, et de faire respecter la vérité.

Faites une sérieuse attention à ce contraste, mes frères. Etre éternellement dans la société des anges, ou dans la société des démons. Je ne veux pas vous le représenter par le côté odieux. Mais, quel délice de se trouver dans la société des anges, après avoir été dans la société des hommes ? Quel délice, après avoir essuyé tout ce qu’il y a de rebutant dans la société des hommes, de goûter tout ce qu’il y a de douceur, d’attraits, de charmes, dans la société des anges ? Quel délice, après avoir été dans la société des hommes l’objet de la calomnie, de l’envie, de la jalousie, de la haine ; après avoir été séduit par leurs tentations, engagé dans leurs trames, mêlé dans leurs complots ; après n’avoir pu former, même avec ce, qu’il y a de plus raisonnable parmi les hommes, que des amitiés vagues, superficielles ; quel délice d’être l’objet de cette tendresse, de cette générosité, de cette grandeur d’âme, que ces esprits bienheureux se témoignent les uns aux autres ? Quel délice d’en faire ses amis, ses compagnons, ses confidents ! Quel délice d’être toujours comme eux devant la face de Dieu, pour obéir au premier signal de ses volontés, et de se prosterner comme eux devant son trône, et de jeter comme eux à ses pieds les couronnes qu’on a reçues de sa magnificence et de sa bonté ; de prendre comme eux des harpes mystiques, et de passer comme eux l’éternité à louer ce Dieu, seul digne d’être l’objet des louanges des êtres intelligents ! Amen, louange, gloire, sagesse, force, puissance, à notre Dieu, aux siècles des siècles Apocalypse 7.12.

Mes frères, nous n’avons pas de moindres desseins sur vous, que celui de vous élever à une si digne société. C’est pour cela que Jésus-Christ est venu au monde : Toute plénitude a habité dans l’ Homme-Dieu Colossiens 2.9, afin qu’il pût suffire au grand ouvrage de réconcilier, par le sang de sa croix, tant les choses qui sont aux cieux que celles qui sont sur la terre Colossiens 1.20. Secondons ces vues : mais, en aspirant au bonheur des anges, suivons leurs maximes ; vivons dès à présent comme les bienheureux dans le ciel, et faisons ainsi descendre le ciel sur la terre. L’Éternel a établi son trône dans les cieux, et son règne a une domination universelle. Bénissez l’Éternel, vous ses anges puissants en force, qui faites son commandement en obéissant à la voix de sa parole : bénissez l’Éternel, vous toutes ses armées qui êtes ses ministres et qui faites sa volonté. Mon âme, bénis l’Éternel. Amen Psaumes 103.19-22. A lui soit honneur et gloire, empire et magnificence, dès maintenant et à jamais. Amen. Amen.

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