Des hommes nouveaux

1. LA PAIX AVEC DIEU

Romains 5 se divise nettement en deux parties bien distinctes. Les onze premiers versets décrivent les effets de notre justification, tandis que les versets 12 à 19 nous montrent le Médiateur de notre justification, le seul par qui elle nous est donnée — à savoir Jésus-Christ, le second Adam.

I. LES EFFETS DE NOTRE JUSTIFICATION (5.1 -11)

« Ainsi donc, justifiés par la foi, nous sommes en paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus-Christ ; par lui nous avons accès, par la foi, à cette grâce en laquelle nous sommes établis et nous mettons notre orgueil dans l'espérance de la gloire de Dieu. Bien plus, nous mettons notre orgueil dans nos détresses mêmes, sachant que la détresse produit la persévérance, la persévérance, la fidélité éprouvée, la fidélité éprouvée l'espérance ; et l'espérance ne trompe pas, car l'amour de Dieu a été répandu dans nos coeurs par l'Esprit Saint qui nous a été donné. Oui, quand nous étions encore sans force, Christ, au temps fixé, est mort pour des impies. C'est à peine si quelqu'un voudrait mourir pour un juste ; peut-être pour un homme de bien accepterait-on de mourir. Mais en ceci Dieu prouve son amour envers nous : Christ est mort pour nous alors que nous étions encore pécheurs. Et puisque maintenant nous sommes justifiés par son sang, à plus forte raison serons-nous sauvés par lui de la colère. Si, en effet, quand nous étions ennemis de Dieu, nous avons été réconciliés avec lui par la mort de son Fils, à plus forte raison, réconciliés, serons-nous sauvés par sa vie. Bien plus, nous mettons notre orgueil en Dieu par notre Seigneur Jésus-Christ par qui, maintenant, nous avons reçu la réconciliation. »

1. Description des effets (v. 1 et 2)

Nous avons ici un résumé en trois phrases des conséquences de notre justification. Premièrement « nous sommes en paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus-Christ » (v. 1). Deuxièmement, « nous avons accès, par la foi (par le même Christ), à cette grâce en laquelle nous sommes établis » (v. 2a). Troisièmement, « nous mettons notre orgueil dans l’espérance de la gloire de Dieu » (v. 2b). Voilà les fruits de notre justification : la paix, la grâce et la gloire. La paix avec Dieu — que nous possédons — la grâce — dans laquelle nous sommes établis — et la gloire — que nous espérons.

En regardant de plus près, ces trois points correspondent aux trois temps ou phases de notre salut.

Premièrement « la paix avec Dieu » nous parle de l’effet immédiat de la justification. Nous étions « ennemis » de Dieu (v. 10), mais l’ancienne inimitiée a maintenant été effacée par le pardon de Dieu et nous sommes en paix avec lui. L’effet immédiat de la justification est donc que l’inimitié a fait place à la paix.

Deuxièmement, « cette grâce en laquelle nous sommes établis » nous parle de l’effet permanent de la justification. C’est un état de grâce auquel nous avons accédé et dans lequel nous restons établis. LPNT l’exprime ainsi : « C’est le Christ qui nous a fait pénétrer dans le lieu où règne la bienveillance divine ». Et, bien sûr, étant entrés, nous y restons. Nous y demeurons aujourd’hui.

Troisièmement, « la gloire de Dieu » que nous espérons nous parle de l’effet ultime de la justification. « La gloire de Dieu » signifie ici le ciel, car c’est là que Dieu lui-même sera pleinement révélé (dans le langage biblique « la gloire » est la manifestation de Dieu).

Nous verrons la gloire de Dieu au ciel, et même nous y aurons part, puisque nous serons alors comme Christ (1 Jean 3.2). « L'espérance » est notre attente, dans une confiance sûre et certaine. C'est une telle certitude que nous pouvons nous en réjouir dès à présent. « Nous mettons notre orgueil dans notre espérance (c'est-à-dire notre ferme assurance) de la gloire de Dieu. »

Ces trois expressions donnent une image équilibrée de la vie chrétienne en relation avec Dieu. Aucune mention n'est faite ici de la relation avec notre prochain, mais pour ce qui est de notre relation avec Dieu elles constituent un magnifique résumé de la vie chrétienne : paix, grâce et gloire.

Avec le mot paix nous tournons nos regards en arrière vers l'inimitié maintenant abolie.

Avec le mot grâce nous levons nos regards vers notre Père dans la bienveillance duquel nous demeurons maintenant.

Et avec le mot gloire nous portons nos regards vers notre destin final, lorsque nous verrons et refléterons la gloire de Dieu, objet de notre espérance, de notre attente.

2. Souffrir, le chemin de la gloire (v. 3 et 4)

Pourtant cela ne signifie pas qu'après la justification l'étroit sentier soit couvert de pétales de roses. Or, il n'y a pas de roses sans épines, et quelles épines ! « Bien plus, » dit Paul au verset 3, « nous nous réjouissons même dans nos souffrances » (BNA). Paix, grâce et gloire — oui, mais aussi souffrance.

Ces souffrances ne sont pas, à proprement parler, la maladie ou la douleur, la tristesse ou le deuil, mais la tribulation (thlipsis), la pression d'un monde hostile et sans Dieu. Or, cette souffrance-là est toujours le chemin vers la gloire. Le Seigneur ressuscité l'a dit lui-même, déclarant que, selon l'Ancien Testament, il fallait que Christ souffrît et qu'il entrât ainsi dans sa gloire (Luc 24.26). Et ce qui est vrai de Christ l'est aussi du chrétien, puisque le serviteur n'est pas plus grand que son maître. Paul lui-même dira un peu plus loin au chapitre 8, verset 17 : « Ayant part aux souffrances du Christ, nous aurons part aussi à sa gloire. »

Remarquez bien la relation entre notre souffrance présente et notre gloire future. L'une n'est pas seulement le chemin vers l'autre. Bien moins encore endurons-nous la première avec le sourire en attendant l'autre. Non. Le texte nous apprend que c'est l'élément commun de la joie qui est le lien entre les deux, nous nous réjouissons dans l'une aussi bien que dans l'autre. Si nous nous réjouissons dans notre espérance de la gloire (v. 2), nous nous réjouissons également dans nos souffrances (v. 3). Et le sens de ce verbe est très fort (kauchometha). Il indique que nous « exultons » en elles (voir LPNT). Les souffrances présentes et la gloire future sont toutes deux des sujets de joie pour le chrétien. Comment cela ? Comment pouvons-nous vraiment nous réjouir dans nos souffrances ? Comment est-il possible de trouver la joie dans ce qui est la cause de notre douleur ? Les versets 3 à 5 expliquent ce paradoxe.

Ce n'est pas que nous trouvions notre joie dans les souffrances elles-mêmes, mais bien plutôt dans leurs conséquences bénéfiques. Nous ne sommes pas des masochistes qui aimons souffrir, nous ne sommes pas même des stoïques qui serrons les dents pour endurer la douleur. Nous sommes des chrétiens qui voyons dans nos souffrances se réaliser un dessein divin de grâce. Nous nous réjouissons de ce que « produit » la souffrance. C'est le mot employé dans plusieurs versions : « La détresse produit la persévérance, la persévérance produit la fidélité éprouvée. » C'est à cause de ce qu'elle produit (katergazetai) que nous nous réjouissons dans la souffrance. Alors, quelles sont donc les réalisations de la tribulation ? Le processus nous est décrit en trois étapes.

Première étape: la souffrance produit la persévérance. Cela veut dire que la persévérance même qui nous est nécessaire dans la souffrance est produite par celle-ci, de la même manière que les anticorps sont produits dans le corps humain par suite de l'infection. Nous ne pourrions pas apprendre la persévérance sans souffrir, parce que sans souffrance il n'y aurait rien à supporter. Ainsi donc la souffrance produit la persévérance.

Deuxième étape : la persévérance produit la fidélité éprouvée, (« expérience » — version Darby). Le mot grec dokime décrit la qualité de quelqu'un ou de quelque chose qui a été testé et qui a résisté à l'épreuve. C'est la qualité qui manquait à l'armure prêtée à David, et qu'il ne pouvait porter au combat car il ne l'avait pas éprouvée auparavant (1 Samuel 17.39). Ne reconnaît-on pas habituellement la maturité d'un chrétien au fait qu'il a passé par la souffrance et qu'il en est sorti triomphant ? « La souffrance produit la patience, et la patience produit la résistance à l'épreuve » (BNA).

Troisième étape : la fidélité éprouvée produit l'espérance, c'est-à-dire l'attente confiante en la gloire à venir. La maturité de caractère, née de la patience apprise dans les souffrances passées, apporte avec elle l'espérance de la gloire future. Certainement l'apôtre veut dire ceci : notre développement, la maturation de notre caractère de chrétien, prouve que Dieu est à l'oeuvre en nous. Le fait que Dieu soit ainsi à l'oeuvre dans nos vies nous donne la confiance qu'il ne va pas laisser le travail inachevé. S'il travaille en nous maintenant pour transformer notre caractère, certainement il nous conduira à la fin en toute sécurité vers la gloire. Si nous nous réjouissons dans l'espérance de la gloire de Dieu, nous nous réjouissons de même dans nos souffrances, et voilà pourquoi nos souffrances produisent l'espérance de cette gloire. Si l'espérance de la gloire est produite par les souffrances, alors nous nous réjouissons des souffrances aussi bien que de la gloire. Nous nous réjouissons non seulement de la fin (la gloire), mais encore des moyens (la souffrance). Nous nous réjouissons des deux.

3. L'assurance fondée sur l'amour de Dieu (v. 5)

Quelqu'un pourrait bien demander — et Paul devance la question : « Comment pouvez-vous savoir que cette espérance de la gloire a quelque fondement ? Comment pouvez-vous savoir que ce n'est pas un simple souhait ? C'est bien beau de dire que vous allez au ciel — vers la gloire — mais qu'en savez-vous ? »

Tout d'abord Paul dit : « L'espérance ne trompe pas », c'est-à-dire que l'espérance ne peut pas nous tromper. Nous ne serons pas dupés. C'est une solide espérance. « Bon », reprendra l'interlocuteur, « c'est ce que tu dis, Paul, mais comment le sais-tu ? D'où te vient cette certitude que ton expérience chrétienne ne te décevra jamais ? » La réponse de Paul est dans la suite du verset, où il dit que nous savons que l'espérance ne nous trompera jamais, « car l'amour de Dieu a été répandu dans nos coeurs par l'Esprit Saint qui nous a été donné. » Le solide fondement sur lequel repose notre espérance de la gloire est l'amour de Dieu.

C'est parce que Dieu a déversé son amour sur nous que nous savons, au-delà de toute question, qu'il va nous amener à la gloire. Nous croyons que nous persévérerons jusqu'à la fin, et nous avons de bonnes raisons de le croire. C'est en partie grâce au caractère que Dieu forme en nous par la souffrance que nous pouvons être confiants : « souffrance » — « persévérance » — « résistance à l'épreuve » — « espérance ». S'il nous sanctifie maintenant, il est certain qu'il nous glorifiera ensuite. Mais c'est principalement à cause de l'amour qui ne nous abandonnera jamais.

Voilà donc le raisonnement : notre espérance à nous, chrétiens, est de voir et de partager la gloire de Dieu. Nous croyons que cette espérance est une espérance bien fondée et qu'elle n'est pas une duperie : elle ne nous décevra jamais. Nous savons cela parce que Dieu nous aime — il ne nous délaissera pas, il ne nous abandonnera pas.

« Ah, mais comment savez-vous que Dieu vous aime ainsi ? » dira quelqu'un. Là encore Paul répond. Nous savons que Dieu nous aime ainsi parce que nous en avons une expérience intérieure, parce que « l'amour de Dieu a été répandu dans nos coeurs par l'Esprit Saint qui nous a été donné ». Le Saint-Esprit a été donné à tous les croyants, et un de ses effets est de répandre l'amour de Dieu — non pas notre amour pour Dieu, mais l'amour de Dieu pour nous — comme un fleuve immense dans nos coeurs pour nous rendre conscients intérieurement et de façon vivante que Dieu nous aime. Plus loin, au chapitre 8, verset 16, Paul exprime la même vérité en d'autres termes : l'Esprit de Dieu « lui-même atteste à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu », et qu'il est notre Père céleste qui nous aime. Le Saint-Esprit prend plaisir à répandre l'amour de Dieu dans nos coeurs.

Il est intéressant de noter le changement de temps des verbes au verset 5 : d'une part le Saint-Esprit nous fut donné (dothentos, participe aoriste se rapportant à un événement du passé), d'autre part l'amour de Dieu a été répandu dans nos coeurs (ekkechutai, temps parfait, se rapportant à un événement passé dont les conséquences continuent). Ainsi nous apprenons que le Saint-Esprit nous a été donné quand nous avons cru, lorsque nous nous sommes convertis. Au même moment il inonda nos coeurs de l'amour de Dieu, et depuis lors il ne cesse de les remplir. L'Esprit donné une fois fait jaillir un fleuve intarissable d'amour divin dans nos coeurs.

Pour résumer ces cinq premiers versets, nous dirons que le fruit de la justification est triple : d'abord la paix avec Dieu, car l'inimitié est abolie ; ensuite la grâce, c'est-à-dire l'état dans lequel nous sommes ; enfin l'espérance, à savoir l'attente joyeuse et confiante de la gloire de Dieu à venir. Cette espérance est produite par le caractère que Dieu forge en nous par’la persévérance dans la souffrance, et elle est confirmée par l'assurance de son amour suscité en nous par le Saint-Esprit. En d'autres termes, la justification qui en elle-même est un acte précis dans le temps, une décision judiciaire de notre Dieu juste qui nous a acquittés en Christ, conduit néanmoins à une relation permanente avec lui, résumée en ces deux mots : « grâce » pour maintenant et « gloire » à venir.

Nous en arrivons à présent aux versets 6 à 11, qui révèlent encore d'autres aspects des fruits de la justification. Dans les versets 1 à 5 Paul a montré que nos souffrances sont le lien entre la paix et l'espérance, entre la justification et la glorification. Dans les versets 6 à 11 le lien est constitué par les souffrances et la mort de Christ.

4. Christ est mort pour les impies (v. 6-8)

Que dit Paul de la mort de Jésus ? Il nous rappelle que Christ est mort pour ceux qui le méritaient le moins. C'est ce qu'il souligne particulièrement dans ces versets. Il suffit de voir en quels termes peu flatteurs nous sommes décrits. Nous sommes tout d'abord dépeints comme étant « sans force » (v. 6), incapables de nous sauver nous-mêmes. Nous sommes ensuite appelés « impies » (v. 6), à cause de notre révolte contre l'autorité de Dieu. Nous sommes encore appelés « pécheurs » (v. 8), parce que tout en ayant bien visé le but de la justice, nous l'avons manqué. Et enfin, nous sommes appelés « ennemis » (v. 10), à cause de l'hostilité qui règne entre nous et Dieu. Quelle description redoutable et accablante de l'homme dans le péché ! Nous sommes des ratés, des rebelles, des ennemis, des incapables à nous sauver nous-mêmes.

Et pourtant, le point fort de ces versets, c'est que Jésus est mort pour de tels hommes. Nous-mêmes, nous aurions tant de peine à accepter de « mourir pour un juste » (v. 7), quelqu'un d'une droiture rigide et froide. « Peut-être accepterait-on de mourir pour un homme de bien », quelqu'un dont la chaleur et la bonté nous attirent. « Mais en ceci Dieu prouve son amour envers nous (« son » est emphatique en grec : c'est-à-dire, il a démontré son propre, son unique amour) : Christ est mort pour nous alors que nous étions encore pécheurs » (v. 8). Non pas pour le juste, pas même pour l'homme de bien, mais pour des pécheurs, des êtres sans attrait, sans valeur, sans mérites.

Cela fournit la base de l'argumentation qui suit dans les versets 9 à 1 1. C'est un argument a fortiori ou « à plus forte raison », qui s'appuie sur une première vérité pour en établir une deuxième, plus importante. Voici comment Paul procède : il met en contraste les deux principales étapes de notre salut — la justification et la glorification — et il nous montre combien la première est la garantie de la seconde.

5. Contraste entre justification et glorification (v. 9-11)

Il est important d'analyser la comparaison faite par Paul.

Premièrement, il met en contraste leur contenu. « Puisque maintenant nous sommes justifiés par son sang, à plus forte raison serons-nous sauvés par lui de la colère » (v.9). Le contraste est très fort dans ce verset. Il se situe entre notre justification présente et notre futur salut hors de la colère irrésistible de Dieu au jour du jugement. Si nous avons déjà été sauvés de la condamnation de Dieu parce que nous sommes justifiés, combien plus serons-nous alors sauvés de sa colère ce jour-là !

Deuxièmement, il met en contraste leur accomplissement. Le verset 10 dit : « Si en effet, quand nous étions ennemis de Dieu, nous avons été réconciliés avec lui par la mort de son Fils, à plus forte raison, réconciliés, serons-nous sauvés par sa vie. » Ici l'opposition qui est soulignée concerne les moyens adoptés pour accomplir les deux étapes du salut, c'est-à-dire la mort et la vie de résurrection de Christ. Cette vie va achever au ciel ce que la mort de Christ a commencé sur terre. Je pense que le meilleur commentaire de cette vérité se trouve au chapitre 8, verset 34, où nous apprenons que Christ est non seulement mort, mais ressuscité, et qu'il est assis à la droite de Dieu, intercédant pour nous, et amenant à la perfection par sa vie ce qu'il a accompli par sa mort.

Troisièmement, il met en contraste les bénéficiaires. Revenons au verset 10: « Quand nous étions ennemis de Dieu, nous avons été réconciliés... à plus forte raison, réconciliés, serons-nous sauvés... » Si Dieu s'est réconcilié avec ses ennemis, il sauvera sûrement ses amis.

Par conséquent, il y a dans les versets 9 et 10 un puissant argument prouvant que nous hériterons un salut final et parfait. Il y a de sérieuses raisons de croire qu'il ne permettra jamais que nous tombions en cours de route, mais que nous serons gardés jusqu'à la fin et glorifiés. Cette affirmation n'est pas le fruit d'un optimisme sentimental, mais elle est fondée sur une logique irrésistible : Si, quand nous étions ennemis, Dieu nous a réconciliés en donnant son Fils pour qu'il mourût pour nous, maintenant que nous sommes les amis de Dieu, ne nous sauvera-t-il pas, à la fin, de sa colère par la vie de son Fils ? Si Dieu a accompli pour ses ennemis ce qui lui en coûtait le plus, la mort de son Fils, il accomplira sans nul doute ce qui lui en coûte le moins, maintenant que ses ennemis d'autrefois sont devenus ses amis. Méditez cette vérité jusqu'à ce que vous voyiez la logique irréfutable de l'argument de Paul.

Mais il y a bien plus dans la vie chrétienne. Le christianisme ne consiste pas seulement en un regard en arrière, vers la justification, et en un regard en avant, vers la glorification. Le croyant n'est pas constamment préoccupé par le passé et le futur. Il doit aussi vivre une vie chrétienne dans le présent, c'est pourquoi nous lisons au verset 11 : « Nous mettons notre orgueil en Dieu par notre Seigneur Jésus-Christ. » Nous nous réjouissons en espérance. Nos nous réjouissons aussi dans les souffrances. Mais, par-dessus tout, nous nous réjouissons en Dieu lui-même, et nous le faisons par Jésus-Christ.

Comme nous l'avons déjà vu, c'est par Jésus-Christ que nous avons la paix avec Dieu (v. 1), c'est par Jésus-Christ que nous avons accès à la grâce dans laquelle nous sommes établis (v. 2), c'est par la mort de Christ que nous avons été réconciliés (v. 9), c'est par la vie de Christ que nous serons finalement sauvés (v.10), et c'est par le même Seigneur Jésus-Christ que nous avons reçu (elabomen, verbe aoriste) la réconciliation (v.11). Ainsi, nous nous réjouissons en Dieu par notre Seigneur Jésus-Christ, par le Seul qui nous ait acquis ces bénédictions inestimables.

Revenant sur la première moitié du chapitre 5, nous voyons que dans les deux paragraphes (v.1-5 et 6-11) la pensée de l'apôtre va de la justification à la glorification, de ce que Dieu a déjà fait pour nous à ce qu'il fera encore pour nous, quand les temps seront consommés. Cela est particulièrement clair dans les versets 1 et 2 : « Ainsi donc, justifiés par la foi, ... nous mettons notre orgueil dans l'espérance de la gloire de Dieu. » Et plus loin au verset 9 : « Puisque maintenant nous sommes justifiés par son sang, à plus forte raison serons-nous sauvés par lui de la colère. »

De plus, dans chaque partie, versets 1-5 et 6-11, Paul parle de l'amour de Dieu qui devient le fondement de notre assurance du salut final. Il n'y a pas d'autre assurance. Au verset 5 il déclare que l'amour de Dieu a inondé nos coeurs, et au verset 8 que « Dieu prouve son amour envers nous : Christ est mort pour nous alors que nous étions encore pécheurs. » Si, nous chrétiens, nous osons dire que nous allons au ciel quand nous mourons, ce n'est pas parce que nous sommes justes en nous-mêmes ou sans reproche, mais parce que nous croyons en l'amour inébranlable de Dieu, l'amour qui ne nous abandonnera jamais.

En outre, ces deux parties nous fournissent un motif de croire que Dieu nous aime. Ce motif est double, à la fois objectif et subjectif. La raison objective de croire que Dieu nous aime est historique. Il s'agit de la mort de son Fils sur la croix : « Christ est mort pour nous alors que nous vivions encore en conflit avec lui. N'est-ce pas la meilleure preuve que Dieu nous aime ? » (v. 8 LPNT). La raison subjective de croire que Dieu nous aime n'est pas du domaine de l'histoire, mais relève de l'expérience vécue. Il ne s'agit pas de la mort de Christ, mais du don du Saint-Esprit en nous. Ainsi nous voyons au verset 8 que Dieu prouve son amour à la croix et au verset 5 qu'il répand son amour dans nos coeurs. Voilà comment Dieu nous aime. Nous en avons une connaissance intellectuelle en considérant la croix, où Dieu a donné ce qu'il avait de meilleur pour les plus mauvais. Et nous en avons une connaissance intuitive lorsque l'Esprit inonde nos coeurs du sentiment de son amour.

Dans chaque cas l'apôtre relie cette connaissance à notre certitude du salut final. « L'espérance ne trompe pas » (v. 5). Autrement dit, nous savons que notre attente du salut final sera satisfaite, elle est solidement fondée. Nous ne serons pas leurrés, nous ne serons pas déçus. Comment le savons-nous? Parce que l'amour de Dieu a inondé nos coeurs par le Saint-Esprit. Versets 8 à 10 : nous savons que nous serons sauvés de la colère de Dieu. Comment ? Parce que Dieu prouve son amour envers nous en ce qu'il a donné son Fils afin qu'il mourût pour nous, alors que nous étions ennemis et pécheurs.

Parmi ceux qui lisent ces pages, quelqu'un serait-il dans le doute quant à son salut éternel ? Etes-vous peut-être sûr d'avoir été justifé, mais sans avoir de certitude que tout ira bien finalement ? S'il en est ainsi, qu'il me soit permis d'insister à nouveau sur le fait que notre glorification finale est le fruit de la justification. « Ceux qu'il a justifiés, il les a aussi glorifiés, » comme nous le verrons en étudiant Romains 8.30. Si c'est là votre problème, je vous en supplie confiez-vous en Dieu qui vous aime. Regardez à la croix et acceptez-la comme la preuve donnée par Dieu qu'il vous aime. Demandez-lui de continuer à inonder votre coeur de son amour par l'Esprit qui est en vous. Alors, adieu doutes obscurs et sombres craintes ! Qu'ils soient engloutis par l'amour insondable de Dieu.

II. LE MEDIATEUR DE NOTRE JUSTIFICATION (5.12-19)

« Voilà pourquoi, de même que par un seul homme le péché est entré dans le monde et par le péché la mort, et qu'ainsi la mort a atteint tous les hommes parce que tous ont péché ... car, jusqu'à la loi, le péché était dans le monde et, bien que le péché ne puisse être sanctionné quand il n'y a pas de loi, pourtant, d'Adam à Moïse la mort a régné, même sur ceux qui n'avaient pas péché par une transgression identique à celle d'Adam, figure de celui qui devait venir.

Mais il n'en va pas du don de grâce comme de la faute ; car, si par la faute d'un seul la multitude a subi la mort, à plus forte raison la grâce de Dieu, grâce accordée en un seul homme, Jésus-Christ, s'est-elle répandue en abondance sur la multitude. Et il n'en va pas non plus du don comme des suites du péché d'un seul : en effet, à partir du péché d'un seul, le jugement aboutit à la condamnation, tandis qu'à partir de nombreuses fautes, le don de grâce aboutit à la justification. Car si par un seul homme, par la faute d'un seul, la mort a régné, à plus forte raison, par le seul Jésus-Christ, régneront-ils dans la vie ceux qui reçoivent l'abondance de la grâce et du don de la justice. Bref, comme par la faute d'un seul ce fut pour tous les hommes la condamnation, ainsi par l'oeuvre de justice d'un seul, c'est pour tous les hommes la justification qui donne la vie. De même en effet que, par la désobéissance d'un seul homme, la multitude a été rendue pécheresse, de même aussi, par l'obéissance d'un seul, la multitude sera-t-elle rendue juste. »

Dans la première partie Paul a lié notre réconciliation et notre salut final à la mort du Fils de Dieu. Son exposé appelle immédiatement la question suivante : « Mais comment le sacrifice d'une seule personne peut-il avoir apporté de telles bénédictions à tant d'autres personnes ? » « Ce n'est pas qu'un si grand nombre d'hommes soient redevables d'autant à un si petit nombre », comme l'a dit Sir Winston Churchill à propos de la Bataille d'Angleterre. C'est que beaucoup doivent tant à une seule personne, Jésus-Christ crucifié. Comment cela se peut-il ?

L'apôtre prévient cette question en établissant une analogie entre Adam et Christ, le « deuxième Adam »*. Tous deux démontrent le principe suivant : que beaucoup peuvent être atteints, en bien ou en mal, par l'action d'une seule personne.

1. L'histoire de l'homme avant le Christ (v.12-14)

Les trois premiers versets sont centrés sur Adam. « De même que par un seul homme le péché est entré dans le monde et par le péché la mort, et qu'ainsi la mort a atteint tous les hommes parce que tous ont péché... » (v. 12). Ce verset est très important, parce qu'il résume en trois étapes l'histoire de l'homme avant

* Aujourd'hui il est de bon ton de considérer l'histoire d'Adam et Eve comme un « mythe » et non comme un fait historique. Mais l'Ecriturc elle-même ne le permet pas. Il peut bien y avoir quelques éléments symboliques dans les trois premiers chapitres de la Genèse. Nous ne voudrions pas dogmatiser, par exemple, sur la nature précise des sept jours, du serpent, de l'arbre de vie ou de l'arbre de la connaissance du bien et du mal. Mais ceci ne veut pas dire que nous doutions qu'Adam et Eve fussent des personnes réelles qui furent créées bonnes et tombèrent par la désobéissance dans le péché. Le meilleur argument en faveur de l'historicité d'Adam et Eve n'est pas scientifique (p. ex. le monogénisme de la race humaine), mais théologique. Le chrétien selon la Bible accepte l'historicité d'Adam et Eve non pas essentiellement à cause du récit de l'Ancien Testament, mais à cause de la théologie du Nouveau Testament. En Romains 5.12-19 et en 1 Corinthiens 15.21, 22, 45-49 l'apôtre dresse une comparaison entre Adam et Christ, dont la validité repose sur l'historicité des deux. Chacun est présenté comme la tête d'une race — l'humanité déchue qui doit sa ruine à Adam, et l'humanité rachetée qui doit son salut à Christ. La mort et la condamnation sont liées à la désobéissance d'Adam, la vie et la justification à l'obéissance de Christ. Toute l'argumentation est construite sur deux actes historiques : la désobéissance obstinée d'Adam et l'obéissance faite de renoncement de Christ.

la venue de Christ. Il nous dit premièrement que le péché est entré dans le monde par un homme; deuxièmement, que la mort est entrée dans le monde par le péché, parce que la mort est la sentence prononcée sur le péché ; et troisièmement, que la mort a atteint tous les hommes parce que tous ont péché (ceci sera expliqué plus loin). Voici les trois étapes : péché, mort, mort universelle. Cela veut dire que la situation actuelle de mort universelle est due à la transgression originelle d'un seul homme.

Aux versets 13 et 14 cette progression (un seul homme qui pèche — tous les hommes qui meurent) est expliquée plus en détail. Aujourd'hui la mort vient sur tous les hommes, non seulement parce que tous ont péché comme Adam, mais parce que tous ont péché en Adam. Et ceci est clair, soutient Paul, à cause des faits qui ont eu lieu durant la période s'étandant d'Adam à Moïse, entre la chute et le don de la loi. Pendant cette période les hommes ont certainement péché, mais leurs péchés ne leur ont pas été « portés en compte », car « le péché n'est pas imputé quand il n'y a point de loi », (v. 13, Segond). Pourtant, bien que la loi ne fût pas encore promulguée, ces hommes sont morts. En effet « d'Adam à Moïse la mort a régné, même sur ceux qui n'avaient pas péché par une transgression identique à celle d'Adam » (v. 14). Ainsi, Paul démontre que s'ils sont morts ce n'est pas parce qu'ils ont péché délibérément comme Adam, mais parce que, à l'exception de Christ, ils étaient compris avec toute l'humanité en Adam, la tête de la race humaine. Nous aussi, nous en faisons partie. Pour utiliser une terminologie biblique (cf. Hébreux 7.10) nous étions « dans les reins » d'Adam, et par conséquent impliqués en quelque sorte dans son péché. Nous ne pouvons pas lui jeter la pierre, nous prévalant d'une fausse innocence, car en fait nous partageons sa culpabilité. Et c'est parce que nous avons péché en Adam que nous mourons aujourd'hui.

2. L'analogie entre Adam et Christ (v.15 -19)

Jusqu'ici Paul s'est arrêté à Adam. Cependant, à la fin du verset 14, il appelle Adam « la figure de celui qui devait venir ». On peut dire qu'Adam était le prototype de Jésus-Christ. Et au verset 15 il commence à développer l'analogie entre Adam et Christ. Cette comparaison passionnante et fascinante porte sur des ressemblances et des différences. En fait, il n'y a qu'une seule ressemblance. Elle réside dans le schéma des événements : beaucoup d'hommes ont été touchés par l'acte d'un seul. Par contre, il y a trois différences entre l'acte d'Adam et celui de Christ : dans leur motif, dans leur effet et dans leur nature. Le motif de l'acte d'Adam, la raison pour laquelle il a péché, est différent du motif sous-jacent à la mort de Christ. L'effet de l'acte d'Adam, le résultat de son péché, est différent de l'effet de la mort de Christ. La nature de l'acte d'Adam, ce qu'il a fait, est différente de la nature de ce que Christ a fait. Examinons chacune des trois différences.

a) Le motif. Au début du verset 15 nous lisons qu'« il n'en va pas du don de grâce comme de la faute ». La faute ou l'offense était un acte de péché (le mot grec paraptoma signifie chute ou déviation du chemin).

Adam connaissait suffisamment le chemin. Dieu lui avait indiqué la route à suivre, mais il en a dévié et il s'est égaré. Le don gratuit, par contre, (en grec charisma) souligne qu'il s'agit d'un acte de grâce. Nous pouvons donc dire que l'acte d'Adam était une affirmation de sa volonté propre — voilà pourquoi il l'a fait ; il voulait suivre sa propre voie. Mais celui de Christ était un acte de renoncement, de grâce imméritée et gratuite. Voici donc en quoi les motifs des deux actes s'opposent : affirmation de soi dans l'un et renoncement à soi dans l'autre.

b) L'effet. Nous le voyons dans les versets 15 b -17. La première référence au contraste entre les résultats de l'oeuvre d'Adam et de celle de Christ apparaît dès la fin du verset 15, où il est dit que le péché d'un homme a attiré sur beaucoup la sentence inexorable de la mort. Au contraire la grâce de Dieu et de l'Homme Jésus-Christ abonde envers un grand nombre d'hommes en leur accordant un don gratuit, la vie éternelle (6.23). Ainsi la mort est mise en contraste avec la vie, et les deux versets suivants (16 et 17) exposent les effets opposés des actes d'Adam et de Christ. « A partir du péché d'un seul, le jugement aboutit à la condamnation, tandis qu'à partir de nombreuses fautes, le don de grâce aboutit à la justification. Car, si par un seul homme, par la faute d'un seul, la mort a régné, à plus forte raison, par le seul Jésus-Christ, régneront-ils dans la vie, ceux qui reçoivent l'abondance de la grâce et du don de la justice. » Maintenant, sans nous perdre dans les détails, dégageons le contraste entre les effets de l'acte d'Adam et celui de Christ. Le péché d'Adam a amené la condamnation (katakrima), l'oeuvre de Christ apporte la justification (dikaioma). Le règne de la mort est dû au péché d'Adam ; le règne de la vie est rendu possible par l'oeuvre de Christ. Le contraste ne pouvait être plus complet. En fait il est absolu : entre condamnation et justification, entre mort et vie.

Cependant, il vaut la peine de noter en passant la façon exacte dont l'apôtre oppose vie et mort. Le règne de la vie ne prend pas simplement la place de celui de la mort, car ce n'est pas la vie qui règne, mais c'est nous qui sommes appelés à régner dans la vie (v. 17). Auparavant la mort dominait sur nous et nous étions ses sujets, des esclaves sous sa tyrannie totalitaire. Maintenant nous n'échangeons pas la domination de la mort contre une autre, pour rester encore, mais d'une autre manière, sujets et esclaves. Non ! Une fois délivrés de l'empire de la mort nous commençons nous-mêmes à régner sur la mort et sur tous les ennemis de Dieu. Nous cessons d'être sujets pour devenir rois, partageant la royauté de Christ.

c) La nature. Nous avons vu que les actes d'Adam et de Christ étaient différents dans leur motif (ce qui les a inspirés) et dans leur effet (ce qui en est résulté). Maintenant l'apôtre oppose les deux actes en eux-mêmes. Ici (v. 18-19) le parallèle est semblable à celui qui vient d'être établi, mais à présent l'accent est mis précisément sur ce qu'Adam a fait et sur ce que Christ a fait. Selon le verset 18, ce qui a conduit à la condamnation de tous, c'est l'offense d'un seul homme, tandis que ce qui a conduit à la justification et à la vie de tous ceux qui sont en Christ, c'est la justice d'un seul homme. La « faute » d'Adam était une transgression de la loi. « L'oeuvre juste » de Christ est un accomplissement de la loi. Le verset 19 développe cette pensée.

« De même en effet que, par la désobéissance (parakoe) d'un seul homme, la multitude a été rendue pécheresse, de même aussi, par l'obéissance (hupakoe) d'un seul, la multitude sera-t-elle rendue juste. » On voit ici, très clairement, la différence de nature des deux actes : Adam a désobéi à la volonté de Dieu et ainsi est déchu de la justice, Christ a obéi à la volonté de Dieu et ainsi a accompli toute la justice. (Cf. Matthieu 3.15 et Philippiens 2.8).

Nous pourrions résumer brièvement le parallèle tracé entre Adam et Christ :

Pour ce qui est du motif de leurs actes, Adam s'est affirmé lui-même, Christ s'est sacrifié lui-même.

Pour ce qui est de l'effet de leurs actes, l'acte de péché d'Adam a entraîné la condamnation et la mort, l'acte de justice de Christ a amené la justification et la vie.

Pour ce qui est de la nature de leurs actes, Adam a désobéi à la loi, Christ y a obéi.

Ainsi donc, pour savoir si nous sommes condamnés ou justifiés, spirituellement morts ou vivants, il faut savoir à quelle humanité nous appartenons — l'ancienne, inaugurée par Adam, ou la nouvelle, inaugurée par Christ. Et cela dépend de notre relation avec Adam ou avec Christ. Il est indispensable de bien comprendre ceci : tous les hommes sont en Adam, puisque nous sommes en Adam de naissance, mais tous les hommes ne sont pas en Christ, puisque nous ne pouvons être en Christ que par la foi. Par naissance en Adam nous sommes condamnés et nous mourons. Mais si nous sommes en Christ, par la foi nous sommes justifiés et nous vivons.

En conclusion, cela nous ramène aux privilèges des justifiés, dont il est question au début du chapitre, parce que ces privilèges ne sont nôtres qu'en Jésus-Christ et par lui seul. Le verset, 1 déclare : « Nous sommes en paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus-Christ », et le verset 2 : « par lui nous avons accès, par la foi, à cette grâce en laquelle nous sommes établis. » Paix, grâce, gloire, les trois privilèges du justifié, ne sont pas données à ceux qui sont en Adam, mais seulement à ceux qui sont en Christ.

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