Des hommes nouveaux

2. L'UNION AVEC CHRIST

L'étude de Romains 5 nous a amenés à découvrir le premier privilège du croyant, la paix avec Dieu : c'est la relation sans cesse renouvelée de grâce dans le présent et de gloire dans le monde à venir. Le deuxième privilège du chrétien, développé en Romains 6, est son union avec Christ, état qui conduit à la sainteté.

Le grand thème de Romains 6, et en particulier des versets 1 à 11, est que la mort et la résurrection de Jésus-Christ ne sont pas seulement des faits historiques et des doctrines importantes, mais des expériences personnelles du croyant. Ces événements, nous avons nous-mêmes été amenés à les partager : tous les chrétiens ont été Unis avec Christ dans sa mort et dans sa résurrection. De plus, s'il est vrai que nous sommes morts avec Christ et ressuscités avec lui, il est inconcevable que nous puissions encore vivre dans le péché.

Romains 6 se divise en deux parties parallèles : v. 1-14 et 15-23. Chacune d'elles développe le même thème général : le péché est inadmissible chez un chrétien. Mais l'argumentation utilisée est légèrement différente dans chacune des parties. Les v. 1-14 traitent de notre union avec Christ, les v. 15-23 de notre esclavage envers Dieu. Telle est notre position de chrétien.

Nous sommes un avec Christ et nous sommes esclaves de Dieu. L'argumentation en faveur de la sainteté est fondée sur ce double fait.

I. UN AVEC CHRIST (6.1-14)

« Qu'est-ce à dire ? Nous faut-il demeurer dans le péché afin que la grâce abonde ? Certes non ! Puisque nous sommes morts au péché, comment vivre encore dans le péché? Ou bien ignorez-vous que nous tous, baptisés en Jésus-Christ, c'est dans sa mort que nous avons été baptisés ? Par le baptême, en sa mort, nous avons donc été ensevelis avec lui, afin que, comme Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, nous menions nous aussi une vie nouvelle. Car si nous avons été totalement unis, assimilés à sa mort, nous le serons aussi à sa résurrection. Comprenons bien ceci : notre vieil homme a été crucifié avec lui pour que soit détruit ce corps de péché et qu'ainsi nous ne soyons plus esclaves du péché. Car celui qui est mort est libéré du péché. Mais si nous sommes morts avec Christ, nous croyons que nous vivrons aussi avec lui. Nous le savons en effet : ressuscité des morts, Christ ne meurt plus ; la mort sur lui n'a plus d'empire. Car en.mourant, c'est au péché qu'il est mort une fois pour toutes ; vivant, c'est pour Dieu qu'il vit. De même vous aussi : considérez que vous êtes morts au péché et vivants pour Dieu en Jésus-Christ.

« Que le péché ne règne donc plus dans votre corps mortel pour vous faire obéir à ses convoitises. Ne mettez plus vos membres au service du péché comme armes de l'injustice, mais, comme des vivants revenus d'entre les morts, avec vos membres comme armes de la justice, mettez-vous au service de Dieu. Car le péché n'aura plus d'empire sur vous, puisque vous n'êtes plus sous la loi mais sous la grâce. »

1. Les objections des critiques

Le chapitre s'ouvre sur deux questions : « Qu'est-ce à dire ? Nous faut-il demeurer dans le péché afin que la grâce abonde ? »

Pour bien comprendre ce que cachent ces questions, il nous faut revenir brièvement sur la fin du chapitre précédent, en particulier sur les versets 20 et 21. Paul vient d'opposer l'oeuvre d'Adam à celle de Christ. Le parallèle qu'il trace entre eux est si clair et si net qu'il ne reste apparemment pas de place dans son schéma pour l'un des événements les plus importants intervenus entre l'époque d'Adam et celle de Christ, c'est-à-dire le don de la loi par l'intermédiaire de Moïse. Ainsi, ayant décrit l'entrée du péché au verset 12, il décrit l'entrée de la loi au verset 20 en se servant de verbes semblables.

Pourquoi la loi a-t-elle été donnée ? « La loi est intervenue pour que prolifère la faute » (v.20). Cela signifie que le but de la loi était de mettre en évidence le péché et même de le provoquer (voir l'étude de 7.7-12). Dans son commentaire, H.P. Liddon dit : « Il fallait que les choses aillent encore plus mal dans l'humanité avant qu'elles ne puissent aller mieux. »

« Mais, » poursuit l'apôtre, « là où la faute a proliféré, la grâce a surabondé. » Le but que Dieu recherchait était l'établissement de son règne de grâce. Pour expliquer le verset 21 on peut le paraphraser ainsi : De même que le péché exerçait son pouvoir aux jours de l'Ancienne Alliance, régnant par la loi de Moïse en entraînant la mort, de même la volonté de Dieu est que la grâce exerce son pouvoir aux jours de la Nouvelle Alliance, régant par la justice de Christ et conduisant à la vie éternelle.

C'est dans ce contexte-là que Paul pose maintenant ses questions : « Qu'est-ce à dire ? Nous faut-il demeurer dans le péché afin que la grâce abonde ? » Le fait que, dans le passé, l'accroissement du péché ait amené l'accroissement de la grâce (5.20, 21) entraîne la question de savoir s'il en est toujours ainsi. Ne pourrais-je donc pas raisonner comme ceci : j'ai été justifié gratuitement par la grâce de Dieu, si je pèche de nouveau, je serai de nouveau pardonné, par grâce. Et plus je pèche, plus la grâce aura d'occasions de se manifester et de se révéler en me pardonnant. Vais-je donc continuer à pratiquer le péché pour que la grâce abonde ?

Ce faisant, l'apôtre exprime une des objections soulevées par ses contemporains contre l'évangile d'une justification par la grâce seule, par le seul moyen de la foi. Ils soutenaient que la doctrine de la grâce inconditionnelle conduit à « l'antinomianisme » (opposition à la loi), c'est-à-dire qu'elle affaiblit notre sens de responsabilité morale et nous encourage en fait à pécher. Au temps de Paul, c'est sur ce terrain que les critiques s'opposaient à l'évangile, et, aujourd'hui encore, on entend souvent ce même argument simpliste.

Si notre réconciliation avec Dieu dépend de sa seule et libre grâce, sans tenir compte d'aucune de nos oeuvres, ne pouvons-nous pas alors vivre comme bon nous semble ? Si Dieu « justifie l'impie » (Romains 4.5) — ce qu'il fait en vérité et prend même plaisir à faire — peu importe d'être un saint, bien au contraire.

Cela reviendrait à dire que la doctrine de la justification par grâce autorise le péché. Il est évident que certains raisonnaient ainsi. Jude les appelle des « impies qui travestissent en débauche la grâce de notre Dieu et qui renient notre seul Maître et Seigneur Jésus-Christ." (Jude v. 4).

La réponse de Paul montre son indignation outrée : « Nous faut-il demeurer dans le péché afin que la grâce abonde ? Certes non ! » Remarquez que Paul ne renonce pas à la doctrine à laquelle ses critiques trouvent à redire, mais rejette la déduction injustifiée qu'ils en tirent. Il ne retire ni ne contredit, ni même ne modifie son évangile du salut gratuit. Le salut est un don gratuit et immérité ! En vérité, le fait que quelqu'un puisse s'y opposer et le fasse en ces termes et que Paul ne recule pas, prouve d'une manière concluante que c'est bien là l'évangile.

Comment donc Paul répond-il ?Après une réfutation vigoureuse, il contre-attaque par une autre question : « Puisque nous sommes morts au péché, comment vivre encore dans le péché ? » (v. 2). En d'autres termes, nos objections critiques à la justification par la foi révèlent une incompréhension fondamentale de ce qu'elle est et de ce que signifie être chrétien. La vie chrétienne commence par une mort au péché (le verbe n'est pas au présent mais à l'aoriste, le temps au fait accompli dans le passé). En regard de cela, il est ridicule de demander si nous avons la liberté de continuer à pécher. Comment donc pouvons-nous continuer à vivre dans ce à quoi nous sommes morts ?

Il est intéressant de remarquer que dans le texte grec le verbe « vivre » est au futur simple. Traduit littéralement cela donnerait : « Nous sommes morts au péché (passé), comment vivrons-nous dans le péché (futur) ? » Ce n'est pas l'impossibilité absolue de pécher que souligne l'apôtre, mais son incongruité morale. LPNT rend assez bien le sens de la phrase : « Nous sommes morts au péché, nous n'existons plus pour lui ; comment alors vouloir vivre encore sous son empire ? »

Cependant, il reste cette grande question : comment sommes-nous « morts au péché » ? Il est clair que nous ne continuerons pas à vivre dans ce à quoi nous sommes morts. Mais que signifie être mort au péché ? Quand et comment cela est-il arrivé ? Dans la suite du texte, l'apôtre Paul l'explique, et nous allons le suivre tandis qu'il développe pas à pas sa puissante argumentation.

2. Le contre-argument de Paul

Première étape : le baptême chrétien est un baptême en Christ. C'est ce qu'il dit au verset 3 : « Ignorez vous que nous tous, baptisés en Jésus-Christ, ... ? » Le simple fait que quelqu'un ait l'idée de demander si les chrétiens sont libres de pécher, trahit un manque total de compréhension de ce qu'est un chrétien et de ce qu'est le baptême chrétien. Un chrétien n'est pas simplement un croyant justifié. C'est quelqu'un qui est entré dans une relation vivante et personnelle avec Jésus-Christ. En réalité, la justification elle-même, comprise dans son véritable sens, n'est pas simplement une déclaration légale modifiant notre statut sans influencer notre manière de vivre. Nous sommes justifiés « en Christ » (Galates 2.16). Il ne peut y avoir de justification par Christ sans union avec lui, la première dépend de la seconde.

Or, le baptême est le signe de cette union avec Christ. Bien sûr, il a encore d'autres significations, notamment la purification du péché et le don du Saint-Esprit. Mais il signifie essentiellement l'union avec Christ. A plusieurs reprises la préposition grecque utilisée dans le Nouveau Testament avec le verbe « baptiser » n'est pas « en », c'est-à-dire dans ou en, avec le sens d'une position statique, mais « eis », c'est-à-dire vers, dans, avec l'idée de mouvement, d'introduction. Dans son ultime ordre de mission (Matthieu 28.19), le Seigneur ressuscité nous dit de baptiser « dans le nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit »(trad. litt.). Dans le livre des Actes, les croyants de Samarie comme ceux d'Ephèse furent baptisés « dans le nom du Seigneur Jésus » (8.16; 19.5; trad. litt.). En Galates 3.27 on lit « vous tous qui avez été baptisés en Christ ».

Dans le Nouveau Testament, l'institution ou le sacrement du baptême se présente sous une forme dramatique. Non seulement il montre que Dieu enlève notre péché et qu'il nous donne le Saint-Esprit, mais que par pure grâce il nous introduit en Jésus-Christ. C'est l'essence de la vie chrétienne que le baptême montre de façon visible. Bien entendu, le rite extérieur du baptême n'assure pas par lui-même notre union avec Christ. D'aucune façon ! Il est inconcevable qu'après avoir consacré trois chapitres à prouver que la justification s'obtient par la foi seule, l'apôtre puisse maintenant changer de batterie, se contredire lui-même et faire du baptême le moyen du salut. Nous devons accorder à Paul le crédit d'un peu de suite dans les idées, voyons ! Quand il écrit que nous sommes « baptisés en Jésus-Christ », il veut dire que cette union avec Christ, réalisée de façon invisible par la foi, est scellée et démontrée de façon visible par le baptême. Cependant, le premier point qu'il tient pour établi est qu'être un chrétien implique une identification personnelle et vivante avec Jésus-Christ, et que cette union avec lui est manifestée de manière spectaculaire par notre baptême.

Deuxième étape : Le baptême en Christ est un baptême en sa mort et sa résurrection. « Ignorez-vous, » dit Paul (v. 3 -5), « que nous tous, baptisés en Jésus Christ, c'est dans sa mort que nous avons été baptisés ? » Par le baptême, en sa mort, nous avons donc été ensevelis avec lui, afin que, comme Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, (ou, comme le rend LPNT, « par la puissance glorieuse du Père ») nous menions nous aussi une vie nouvelle. Car si nous avons été totalement unis, assimilés à sa mort, nous le serons aussi à sa résurrection. »

Condensé en quelques mots, cela veut dire que le baptême en Christ est un baptême en sa mort et en sa résurrection. Le futur du verbe « être » au verset 5 ne concerne pas notre résurrection corporelle dans l'avenir, mais notre identification spirituelle à la résurrection de Christ dès maintenant.

Ces versets font probablement allusion aux différentes illustrations renfermées dans le symbole du baptême. Quand le baptême avait lieu en plein air dans une rivière, le candidat devait descendre dans l'eau, et tandis qu'il y descendait, partiellement ou totalement immergé, c'était comme s'il était enterré pour ensuite ressusciter. Son baptême mettait en scène sa mort, son enterrement et sa résurrection à une vie nouvelle. « En d'autres termes, » écrit C.J. Vaughan dans son commentaire, « notre baptême est une sorte d'ensevelissement. » Un ensevelissement, certes, mais aussi une résurrection du tombeau.

Voilà donc la deuxième étape dans l'argumentation de l'apôtre. Un chrétien a été uni à Christ dans sa mort et sa résurrection, intérieurement par la foi et extérieurement par le baptême. Nous ne devons pas nous considérer comme unis à Christ dans un sens quelque peu vague et général. Il faut être plus précis que cela. Le seul Jésus-Christ à qui nous avons été identifiés et unis est le Christ mort et ressuscité. Nous avons donc, qu'on le veuille ou non, partagé véritablement, par notre union avec Christ, sa mort et sa résurrection.

Troisième étape : La mort de Christ était une mort au péché et sa résurrection était une résurrection pour Dieu. Cette partie, allant des versets 6 à 11 est plus difficile à comprendre. Paul écrit : « Comprenons bien ceci : notre vieil homme a été crucifié avec lui pour que soit détruit ce corps de péché et qu'ainsi nous ne soyons plus esclaves du péché. Car celui qui est mort est libéré (littéralement « a été justifié », dedikaiotai) du péché. Mais si nous sommes morts avec Christ, nous croyons que nous vivrons aussi avec lui. Nous le savons en effet : ressuscité des morts, Christ ne meurt plus ; la mort sur lui n'a plus d'empire. Car en mourant, c'est au péché qu'il est mort une fois pour toutes ; vivant, c'est pour Dieu qu'il vit. De même vous aussi : considérez que vous êtes morts au péché et vivants pour Dieu en Jésus-Christ. »

Ceci exige toute notre attention. Le verset 10 nous explique comment nous devons considérer la mort et la résurrection de Christ auxquelles nous avons été unis : « En mourant, c'est au péché qu'il est mort une fois pour toutes ; vivant, c'est pour Dieu qu'il vit. » Or, quelle est cette mort au péché, la mort dont Christ est mort (v. 10), et, partant, celle dont nous sommes morts en lui (v. 2 : « Nous sommes morts au péché », et v. 11 : « Considérez que vous êtes morts au péché ») ?

a) Un malentendu sur la mort au péché. Sur ce point il est nécessaire de commencer par être négatif, par démolir avant de pouvoir construire, et ceci à cause d'un malentendu assez fréquent. Il y a une interprétation répandue de la mort au péché écrite en Romains 6, qui ne résiste pas à une étude attentive, mais qui conduit à nous leurrer nous-mêmes, provoque la désillusion et même le désespoir. Cette interprétation, la voici : quand on meurt physiquement, les cinq sens cessent de fonctionner. On ne peut plus toucher, goûter, voir, sentir ni entendre. On perd toute sensibilité, on ne répond plus aux stimulations d'où qu'elles viennent. Ainsi, par analogie, suivant cette interprétation largement répandue, mourir au péché c'est donc y devenir insensible. C'est être inerte au péché autant qu'un cadavre l'est aux stimulations physiques.

Cette façon de voir se prête d'ailleurs à une illustration. Je l'ai entendu exprimer de la manière suivante : l'une des caractéristiques de la vie est la faculté de réagir à un stimulus. Vous marchez le long d'une rue et vous apercevez un chien ou un chat étendu dans le caniveau. Pouvez-vous dire s'il est mort ou vivant ? Touchez-le du pied et vous saurez. S'il est vivant, il aura une réaction immédiate. Il bondira sur ses pattes et s'enfuira. Au contraire, s'il est mort, il n'aura aucune réaction. La bête restera là sans bouger.

Ainsi, d'après cette conception courante, le fait d'être "morts au péché" signifie que nous sommes devenus insensibles à son égard. Nous sommes comme des cadavres, et quand vient le stimulus tentateur nous ne le sentons pas et nous ne réagissons pas. Nous sommes morts. Et l'explication à cela est tirée, nous dit-on, du v. 6, d'après lequel, d'une manière mystique, notre vieille nature a été véritablement crucifiée. Non seulement Christ a porté notre faute, mais notre « chair », notre nature déchue. Celle-ci a été clouée à la croix et tuée, et notre devoir est de la considérercomme morte (v. 11), quelque soit la preuve que nous ayons du contraire.

Permettez-moi de vous citer entre autres trois textes qui expriment cette façon de voir. « Un mort est quitte envers le péché, il est dégagé de sa responsabilité ; le mal a beau l'appeler : il ne répond plus » (v. 7 LPNT)*. C.J. Vaughan écrit : « Un homme mort ne peut pécher. Et vous êtes morts ... Par rapport à tout péché soyez aussi impassibles, aussi insensibles, aussi inébranlables que l'est Celui qui est déjà mort. » H.P. Liddon commente : Cette mort accomplie (apothanein) a vraisemblablement rendu le chrétien aussi insensible au péché qu'un homme mort l'est à l'égard du monde des sens. »

* Cette citation correspond en partie à la version de J.B. Philippe évoquée par J. Stott (N.D.T.).

En dépit de tous ces arguments, il y a des objections sérieuses et même décisives à cette façon de voir. Si nous examinons soigneusement la question, nous découvrons que ce n'est pas en ce sens que Christ est mort au péché, pas plus que ce n'est en ce sens que nous sommes morts au péché.

Il est très important de remarquer que la locution « morts au péché » revient trois fois dans ce paragraphe. Deux fois elle est attribuée aux chrétiens (v. 2 et 11), et une fois à Christ (v. 10). Or, c'est un principe fondamental de l'interprétation biblique qu'une même phrase revenant dans un même contexte a la même signification. Nous devons donc trouver une explication de cette mort au péché qui soit vraie à la fois pour Christ et pour les chrétiens. Il nous est dit qu'il est « mort au péché » et que « nous sommes morts au péchéé. Je dis bien, quelle que soit la signification de cette mort au péché, elle doit être vraie à la fois du Seigneur Jésus et de nous.

Considérons d'abord Christ et sa mort. Que veut dire l'expression du verset 10 :  « En mourant, c'est au péché qu'il est mort une fois pour toutes ? » Cela ne peut signifier qu'il est devenu insensible au péché, car cela impliquerait qu'il y ait été sensible auparavant. Notre Seigneur Jésus-Christ a-t-il été à un moment quelconque tellement vivant au péché qu'il ait donc eu besoin d'y mourir ? Et même, était-il si continuellement vivant au péché qu'il ait dû y mourir une bonne fois pour toutes. Non, bien sûr, cette pensée serait intolérable.

Maintenant, qu'en est-il de nous-mêmes et de notre mort au péché ? Sommes-nous morts au péché dans le sens que notre vieille nature y est devenue insensible ? Non, encore une fois. Un deuxième principe essentiel de l'interprétation biblique est qu'on doit expliquer le texte par son contexte, la partie en rela tion avec le tout, et le particulier à la lumière du général. Je pose donc la question : Quel est l'enseignement général du reste de l'Ecriture au sujet de la vieille nature ? Voici ce qu'elle affirme : la vieille nature reste vivante et agissante dans les croyants régénérés. Or, le contexte de notre passage enseigne bien la même vérité. Aux versets 12 et 13 l'apôtre dit : « Que le péché ne règne donc plus dans votre corps mortel pour vous faire obéir à ses convoitises. Ne mettez plus vos membres au service du péché... » — commandements tout à fait injustifiés si nous étions morts au péché de telle sorte que nous y serions insensibles. Et la suite de la lettre aux Romains le confirme. Au début du chapitre 8 Paul nous presse de ne pas nous préoccuper des aspirations de la chair et de ne pas marcher selon la chair. Au verset 14 du chapitre 13 il dit que nous ne devons pas nous laisser entraîner par la chair pour satisfaire ses désirs. Ce seraient des injonctions absurdes si la chair était morte et n'avait plus de désirs. C'est à ces versets que nous devons renvoyer ceux qui, tout en reconnaissant qu'ils ne sont pas "morts" ou étrangers aux séductions du inonde, maintiennent cependant qu'ils ont un « être intérieur sanctifié » débarrassé de l'inclination au péché. Mais si l'apôtre nous exhorte à résister, à ne pas nous livrer aux convoitises de la nature humaine, cela montre bien que nos tentations viennent encore du dedans et pas seulement du dehors, c'est-à-dire de la chair et pas seulement du monde et du diable. De plus, l'expérience chrétienne prouve que cette interprétation n'est pas correcte. Il faut noter que l'apôtre ne parle pas de certains chrétiens exceptionnellement saints, qui seraient passés par quelque expérience particulière. Il vise tous les chrétiens qui ont cru et ont été baptisés en Christ : « Puisque nous sommes morts au péché, comment vivre encore dans le péché ? Ou bien ignorez-vous que nous tous, baptisés en Jésus Christ, c'est dans sa mort que nous avons été baptisés ? » (v. 2-3).

Ainsi cette mort au péché, de quelque manière qu'on la comprenne, est commune à tous les chrétiens. Mais tous les croyants qui ont été baptisés sont-ils morts au péché au sens d'y être intérieurement indifférents ? Constatent-ils qu'ils sont devenus insensibles au péché, que celui-ci se tient tranquille au-dedans d'eux, et qu'ils peuvent compter là-dessus. Non ! Au contraire, les biographies de l'Ecriture et de l'histoire, ainsi que notre propre expérience, s'accordent pour contredire ces idées. Bien loin d'être morte, au sens d'être inerte, notre nature déchue et corrompue est bel et bien vivante. Elle l'est même tellement que nous sommes exhortés à ne pas obéir à ses convoitises. Il est aussi rappelé que le Saint-Esprit nous a été donné dans le but précis de la soumettre et de la contrôler. A quoi bon tout cela si elle était déjà morte ?

J'aimerais ajouter ceci : cette façon de voir, très répandue, comporte de réels dangers, comme j'ai pu le constater par ma propre expérience, parce qu'on me l'avait enseignée et que je l'ai tenue pour vraie. En effet, lorsque quelqu'un a essayé de se tenir pour mort dans ce sens (tout en sachant bien qu'il n'est pas mort), il est déchiré entre son interprétation de l'Ecriture et son expérience pratique. Ceci a pour conséquence que certains commencent à douter de la vérité de la Parole de Dieu, tandis que d'autres, pour maintenir leur interprétation, vont jusqu'à être malhonnêtes au sujet de leur expérience.

Puis-je résumer les objections à cette conception courante ? Christ n'est pas mort au péché, dans le sens d'y devenir insensible, parce qu'il n'y a jamais été vivant au point de devoir y mourir. Nous non plus, nous ne sommes pas morts au péché en ce sens, parce que nous y sommes toujours vivants. En vérité, il nous est dit de le « faire mourir », et comment pourrait-on faire mourir ce qui est déjà mort ? En disant cela je n'ai pas l'intention d'attaquer les points de vue chers à d'autres chrétiens ou de choquer qui que ce soit, mais de faire prendre conscience d'une nouvelle dimension de la vie chrétienne et d'aplanir le chemin vers une nouvelle liberté. C'est ce que nous allons voir à présent.

b) La véritable pensée de Paul sur la mort au péché. Quelle est donc la signification de cette « mort au péché » que Christ a subie et que nous avons subie en lui ? Comment pouvons-nous interpréter cette expression de telle sorte qu'elle soit vraie de Christ et des chrétiens — de tous les chrétiens ? La réponse n'est pas à chercher bien loin.

Ce malentendu illustre le grand danger qu'il y a de fonder son argumentation sur une analogie. Dans toute analogie (où quelqu'un est assimilé à quelque chose) il faut rechercher soigneusement sur quel point porte le parallèle ou la ressemblance. Nous n'avons pas à rechercher à tout prix une ressemblance sur tous les points. Par exemple : Jésus dit que nous devons devenir comme des petits enfants. Il ne veut pas dire par là que nous devons présenter tous les traits de caractère d'un enfant (y compris l'ignorance, le caprice, l'obstination et le péché), mais seulement l'un d'eux, soit l'humble dépendance. De la même façon, ce n'est pas parce qu'il est dit que nous sommes « morts » au péché que toutes les caractéristiques de l'homme mort sont forcément vraies du chrétien, y compris l'insensibilité aux stimulations. Mais nous devons nous demander où se trouve exactement l'analogie. Quelle est alors la signification de la « mort » dans ce contexte ?

Si nous cherchons la réponse dans les Ecritures plutôt que dans une analogie, dans l'enseignement biblique concernant la mort plutôt que dans les propriétés d'un homme mort, nous trouverons directement une solution. La mort et les affirmations des Ecritures à son sujet, ne sont pas tant conçues en termes physiques qu'en termes légaux et moraux. Il ne s'agit pas seulement d'un cadavre inerte, mais essentiellement de la sévère, mais juste punition du péché. Chaque fois que la Bible parle en même temps de la mort et du péché, la relation essentielle entre les deux est que la mort est la punition du péché. Et cela est vrai dans toute la Bible, depuis la Genèse où Dieu dit : « Le jour où tu en mangeras (et par conséquent pécheras), tu mourras » (2.17), jusqu'à l'Apocalypse où il est question de la terrible destinée des pécheurs, appelée la « seconde mort » (21.8). Dans les Ecritures, la mort est liée au péché comme une juste rétribution de l'offense. L'épître aux Romains ne dit pas autre chose. Au chapitre 1, verset 32, il nous est parlé du décret de Dieu selon lequel ceux qui pèchent sont « dignes de mort », et au dernier verset du chapitre que nous étudions nous lisons : « Le salaire du péché, c'est la mort » (v. 23). C'est ainsi que l'on doit comprendre la notion de mort et de péché. Et c'est bien cette signification de la mort qui est à la fois vraie de Christ et des chrétiens.

Voyons d'abord ce qui s'applique à Christ (v.10). « En mourant, c'est au péché qu'il est mort une fois pour toutes. » Qu'est-ce à dire sinon que Christ est mort au péché dans le sens qu'il a porté la punition du péché ? Il est mort pour nos péchés, les portant en sa personne innocente et sainte. Il a pris sur lui nos péchés et leur juste rétribution. La mort dont Jésus est mort était le salaire du péché — de notre péché. Il a fait face à ses exigences, il en a subi la punition, il en a accepté la rétribution, et il l'a fait « une fois » — une fois pour toutes. Par conséquent, le péché n'a plus d'exigences ou de droit sur lui. Ainsi il a été ressuscité des morts, prouvant par là qu'en se chargeant de nos péchés il a pleinement satisfait aux exigences de Dieu, et c'est pour Dieu qu'il vit maintenant à toujours.

Si c'est dans ce sens que Christ est mort au péché, c'est également dans ce sens que nous, du fait de notre union avec Christ, nous sommes morts au péché. Nous le sommes au sens que, en Christ, nous avons subi le châtiment du péché. Par conséquent, notre ancienne vie est finie, une nouvelle vie a commencé.

Certains objecteront que nous ne pouvons tout de même pas prétendre avoir porté nous-mêmes en Christ la punition pour nos péchés, puisque nous ne pouvons pas mourir pour nos péchés, lui seul a pu le faire. Il m'a même été suggéré que ceci est une forme dissimulée de justification par les oeuvres ! Mais il ne s'agit pas du tout de cela. Bien sûr, le sacrifice de Christ pour le péché est absolument unique et nous ne pouvons avoir part à cet acte. Mais nous pouvons avoir notre part à ses bienfaits et l'avons réellement, si nous sommes en Christ. Le Nouveau Testament exprime cette vérité en disant non seulement que Christ est mort pour nous, mais encore que nous sommes morts en Christ. Voyez, par exemple, 2 Corinthiens 5.14, 15, où Paul déclare « qu'un seul est mort pour tous et donc que tous. sont morts. »

Revenons maintenant au verset 6 qui parle de notre mort. Il comprend trois étapes bien nettes, l'une entraînant l'autre. Je rendrai librement ce verset comme suit : 1. « Nous savons que notre vieil homme a été crucifié avec lui », 2. « afin que soit détruit le corps du péché, » 3. « afin que nous ne soyons plus esclaves du péché. »

La dernière étape est claire : « afin que nous ne soyons plus esclaves du péché ». C'est là certainement le désir de nos coeurs : être libérés de l'esclavage et des liens du péché. C'est la dernière affirmation du verset 6. Comment cela advient-il ? Il nous faut revenir aux deux premières étapes qui conduisent à cette délivrance. La première est appelée la crucifixion du vieil homme, la seconde la destruction du corps du péché, la deuxième dépendant de la première. En fait il nous est dit que notre vieil homme a été crucifié pour que le corps du péché soit détruit, afin que nous ne soyons plus esclaves du péché. Il peut être utile de prendre ces phrases dans l'ordre inverse.

D'abord la destruction du corps du péché. Le « corps du péché » n'est pas le corps humain ; en effet, notre corps n'est pas pécheur en lui-même. Cette expression désigne la nature pécheresse qui appartient au corps (voir v. 12). BNA nous éclaire en traduisant : « l'être pécheur ». D'après ce verset, Dieu a donc pour but que l'être pécheur soit « détruit », de telle sorte, que nous ne servions plus le péché. En Hébreux 2.14 on retrouve le verbe grec détruire (katargethe) à propos du diable. Il ne signifie pas disparaître, mais être vaincu ; non pas être anéanti, mais être réduit à l'impuissance. Notre vieille nature n'a pas plus disparu que le diable, mais la volonté de Dieu est que la domination de l'une comme de l'autre soit renversée. En fait, la nature pécheresse a été détruite par un événement intervenu sur la croix, que décrit la première proposition du verset 6.

C'est la crucifixion de notre « vieil homme » ou « vieux moi ». Qu'est-ce que ce vieil homme ? Ce n'est pas notre vieille nature. Comment cela se pourrait-il puisque le « corps du péché » signifie la vieille nature ? Confondre les deux expressions serait ôter au verset tout son sens. Non ! « Le vieil homme » signifie non pas notre ancienne nature irrégénérée, mais notre ancienne vie irrégénérée — « l'homme que nous étions auparavant » (BNA). Non pas ce qui est mauvais en moi, mais ce que j'étais autrefois. Ainsi ce qui a été crucifié avec Christ n'était pas une partie de moi, appelée ma vieille nature, mais moi-même tout entier, comme j'étais avant de me convertir. Mon « vieil homme » désigne ma vie avant ma conversion, ma manière d'être irrégénérée. Ceci doit être bien clair parce que dans ce chapitre la phrase : « notre vieil homme a été crucifié avec lui » (v. 6), est équivalente à : « nous sommes morts au péché » (v. 2).

Une des sources de confusion à propos de ce verset est l'emploi que Paul fait du mot « crucifié ». Bien des gens l'associent dans leur esprit à Galates 5.24, où il est dit : « Ceux qui sont à Christ ont crucifié la chair avec ses passions et ses désirs. » Un rapprochement de ces deux versets suggérerait tout naturelle ment qu'en Romains 6.6 Paul fait allusion à la crucifixion de la « vieille nature » ou de la « chair ». Mais les deux versets sont assez différents. Il faut que cela soit clair parce que Romains 6.6 décrit quelque chose qui nous est arrivé (« notre vieil homme a été crucifié avec lui »), tandis que Galates 5 .24 se réfère à quelque chose que nous avons accompli nous-mêmes (nous avons « crucifié la chair »). En fait, quand le Nouveau Testament parle de la mort spirituelle du chrétien et la met en rapport avec la sainteté, il le fait de deux façons distinctes et séparées. La première est une mort au péché, la seconde une mort à soi-même. Notre mort au péché se fait par identification à Christ, notre mort à nous-mêmes par imitation de Christ. Premièrement, nous avons été crucifiés avec Christ, mais ensuite nous n'avons pas seulement crucifié, c'est-à-dire répudié, la chair avec ses passions et ses désirs de manière définitive, mais nous prenons chaque jour notre croix et suivons Christ pour être crucifiés (Luc 9 .23). La première est une mort sur le plan judiciaire, une mort comme punition du péché ; la seconde est une mort sur le plan moral, une mort au pouvoir du péché. La première appartient au passé, fait unique et impossible à renouveler : en Christ je suis mort au péché une fois pour toutes. La seconde appartient au présent, elle est continuelle et renouvelable : comme Christ, je meurs à moi-même quotidiennement. Romains 6 traite de la première des deux.

Nous pouvons maintenant prendre dans l'ordre les trois étapes du verset 6. Premièrement, notre vieil homme a été crucifié avec Christ ; c'est-à-dire que nous avons été crucifié avec Christ. Nous avons été identifiés avec lui par la foi et le baptême, donc nous partageons sa mort au péché.. Ainsi nous avons été crucifiés avec Christ pour que, deuxièmement, notre nature pécheresse puisse être dépouillée de sa puissance. Et ceci a eu lieu afin que, troisièmement, nous ne soyons plus esclaves du péché.

Il s'agit maintenant de savoir comment cette crucifixion avec Christ peut conduire à une victoire sur la vieille nature, et par là, à la délivrance de l'esclavage du péché. Le verset 7 y répond. C'est, littéralement, parce que « celui qui est mort a été justifié de son péché. » Plusieurs traductions se sont permis de rendre très librement le verbe grec dedikaiotai par « libérer » ou « affranchir ». Il est utilisé quinze fois dans Romains et vingt-cinq fois dans le Nouveau Testament, et signifie chaque fois « justifier ».

Le seul moyen d'être justifié du péché est de recevoir le salaire du péché. La seule issue est d'en subir la condamnation. Illustrons cela à l'aide d'un exemple de la pratique judiciaire chez nous : Comment un homme qui a été convaincu de crime et condamné à une peine d'emprisonnement peut-il être justifié ? Il n'y a qu'un seul moyen. Il doit aller en prison et payer pour son crime. Une fois sa peine purgée, il peut quitter la prison, justifié. Il n'a plus rien à craindre ni de la police, ni de la loi, ni des magistrats. La loi ne retient plus rien contre lui, parce qu'il a payé pour sa transgression. Il est absous de son crime, il est maintenant justifié de son péché.

Le même principe joue dans le cas où la sentence est la peine de mort. Il n'y a pour le condamné pas d'autre issue ou de justification que de subir le châtiment. On pourrait dire que dans ce cas le châtiment n'est pas une issue, et on aurait raison en parlant ainsi de la peine capitale sur terre. Une fois le meurtrier exécuté, dans les pays où cette peine existe encore, sa vie sur terre est finie. Il ne peut, étant justifié, vivre à nouveau parmi les hommes, à la différence de celui qui a purgé une peine de prison. Mais ce que notre justification chrétienne a de merveilleux, c'est que notre mort est suivie d'une résurrection grâce à laquelle nous pouvons vivre une vie de justifié, ayant payé pour notre péché par notre mort en Christ.

Pour nous cela se passe donc ainsi. Nous méritions la mort pour notre péché. Par notre union avec Jésus-Christ nous sommes morts, non en notre propre personne — ce qui signifierait une mort éternelle — mais dans la personne de Christ, notre substitut, avec qui nous avons été faits un par la foi et le baptême. Et, par notre union avec ce même Christ, nous sommes ressuscités pour vivre la vie d'un pécheur justifié, une vie toute nouvelle. L'ancienne vie est passée. Le châtiment a été subi. Nous émergeons justifiés de cette mort. La loi ne peut nous atteindre, parce que le prix du péché est payé.

Gardant cela à l'esprit, nous pouvons aborder les versets 7 à 11. « Car celui qui est mort est libéré (littéralement : justifié) du péché. Mais si nous sommes morts avec Christ, nous croyons que nous vivrons aussi avec lui. Nous le savons en effet : ressuscité des morts, Christ ne meurt plus; la mort n'a plus d'empire sur lui. Car en mourant, c'est au péché qu'il est mort une fois pour toutes ; vivant, c'est pour Dieu qu'il vit. De même, vous aussi : considérez que vous êtes morts au péché et vivants pour Dieu en Jésus-Christ. »

Permettez-moi d'exprimer cela d'une manière un peu plus familière. Imaginons un chrétien d'un certain âge — appelons le Martin — qui repasse en mémoire sa longue vie. Elle est divisée en deux parties par sa conversion, l'ancienne personnalité — le Martin d'avant sa conversion — et la nouvelle personnalité — le Martin d'après sa conversion. L'ancienne personnalité et la nouvelle (le « vieil homme » et le « nouvel homme ») ne sont pas deux natures distinctes de Martin, ce sont deux moitiés de sa vie, séparées par la nouvelle naissance. A la conversion, rendue visible dans le baptême, l'ancien Martin est mort par son union avec Christ, le prix de son péché ayant été payé. A ce moment-là, le nouveau Martin est ressuscité des morts, pour vivre une vie nouvelle pour Dieu.

Or, chaque croyant est un Martin. Nous sommes ce Martin si nous sommes en Christ. Notre vieil homme est mort par notre crucifixion avec Christ. Nous avons été unis à Christ dans sa mort par la foi et le baptême. La mort au péché dont Christ est mort est devenue notre mort, son bénéfice nous a été transféré. Ainsi, étant morts au péché avec Christ, nous avons été justifiés de nos péchés (v. 7) ; étant ressuscités avec Christ, nous sommes justifiés et vivants pour Dieu (v. 8 et 9). Notre ancienne vie s'est achevée avec la mort qu'elle méritait. Notre nouvelle vie a commencé par une résurrection. Christ est mort au péché une fois pour toutes et ne cesse de vivre pour Dieu (v. 10). Ainsi, nous qui sommes un avec Christ, nous devons « considérer », c'est-à-dire prendre conscience, que nous sommes aussi morts au péché et que nous vivons désormais pour Dieu (v. 11). Cela nous amène à la quatrième étape.

Quatrième étape : puisque nous sommes morts au péché et vivants pour Dieu, nous devons en tenir compte. Autrement dit, si la mort de Christ a été une mort au péché (et elle l'est), si sa résurrection a été une résurrection pour Dieu (et elle l'est), et si nous avons été unis à Christ dans sa mort et dans sa résurrection (et nous le sommes), alors nous-mêmes nous sommes morts au péché et ressuscités pour Dieu : et nous devons en tenir compte. « De même, vous aussi : considérez-vous (tenez-vous pour) morts au péché et vivants pour Dieu en (par l'union avec) Jésus-Christ » (v. 1 1).

Or, « considérer » ne signifie pas « faire comme si ». Ce n'est pas faire violence à notre foi pour lui faire accepter quelque chose que nous ne croyons pas. Nous ne devons pas faire comme si notre vieille nature était morte alors que nous savons fort bien qu'elle ne l'est pas. Nous devons plutôt prendre conscience du fait que notre vieil homme, celui d'avant la conversion, est mort, payant ainsi pour son péché et mettant ainsi fin à sa carrière. C'est pourquoi Paul dit « considérez-vous » ou « regardez-vous » (cf. Segond) comme étant ce que vous êtes en fait : morts au péché et vivants pour Dieu. Une fois que nous prenons conscience du fait que notre ancienne vie est finie — le compte réglé, la dette payée, la loi satisfaite — nous ne voudrons plus rien avoir à faire avec elle.

L'image suivante pourrait nous aider à comprendre. Notre biographie est écrite en deux volumes. Le tome un raconte l'histoire du vieil homme, de ce que j'étais avant ma conversion. Le tome deux raconte celle du nouvel homme, de ce que je suis devenu, ayant été recréé en Christ. Le tome un de ma biographie s'achève par la condamnation à mort du vieil homme. J'étais un pécheur, je méritais la mort, je suis mort. Ce que je méritais je l'ai reçu en mon substitut avec qui je suis devenu un. Le tome deux de ma biographie s'ouvre sur ma résurrection. Mon ancienne vie étant finie, une nouvelle vie a commencé pour Dieu.

Tout ce qui nous est demandé c'est de le reconnaître — non de le feindre, mais d'en prendre conscience. C'est une réalité, et nous devons nous l'approprier. Nous devons permettre à notre pensée de mettre à profit ces vérités. Nous devons les méditer jusqu'à ce que nous les comprenions sûrement. Nous devons garder présent à l'esprit : « Le tome un est fermé. Ta vie maintenant c'est le tome deux. Il est absurde que tu ouvres à nouveau le tome un. Ce n'est pas impossible, mais c'est absurde. »

Une femme mariée peut-elle vivre comme si elle était encore célibataire ? Effectivement, cela peut arriver. Ce n'est pas impossible. Mais l'alliance qu'elle porte à son doigt, symbole de sa nouvelle vie, symbole de l'union avec son mari, lui rappellera qui elle est, et comment elle doit vivre. De même, un chrétien né de nouveau peut-il vivre comme s'il était encore dans ses péchés ? Effectivement, cela peut arriver. Ce n'est pas impossible. Mais qu'il se souvienne de son baptême, symbole de son union avec Christ dans sa mort et dans sa résurrection, et qu'il vive en conséquence.

Nous avons besoin de nous rappeler constamment ce que nous sommes. Quand Satan murmure à notre oreille : « Vas-y ! Pèche ! Dieu te pardonnera », nous voilà tentés d'abuser de la grâce de Dieu. Répondons-lui alors : « Pas question, Satan ! Je suis mort au péché ; comment pourrais-je y vivre ? (cf. v. 2). Le tome un est fermé. J'en suis au tome deux. » En d'autres termes, l'apôtre n'affirme pas l'impossibilité de pécher chez le chrétien, mais l'incongruité flagrante d'une telle conduite. Etonné, indigné, il s'écrie : « Nous sommes morts au péché : comment vivre encore dans le péché ? » Etre mort au péché et vivre dans le péché sont deux situations logiquement incompatibles.

Ainsi le, secret d'une vie sainte est dans notre pensée. Il s'agit de comprendre (v. 6) que notre vieux moi a été crucifié avec Christ. Il s'agit de savoir (v. 3) que le baptême qui nous introduit en Christ est un baptême qui nous introduit en sa mort et en sa résurrection. Il s'agit de considérer, de saisir par l'intelligence (v. 11) qu'en Christ nous sommes morts au péché et que nous vivons pour Dieu. Nous devons connaître ces choses, les méditer et comprendre qu'elles sont vraies. Nos esprits doivent s'approprier le fait de notre mort et de notre résurrection avec Christ ainsi que leur signification, à tel point qu'un retour à notre ancienne vie soit impensable. Un chrétien né de nouveau ne devrait pas plus penser à revenir à son ancienne vie qu'un adulte à son enfance, qu'un homme marié à son célibat, ou qu'un prisonnier libéré à sa cellule dé prison.

Par notre union avec Jésus-Christ, notre position tout entière a changé. Notre foi et notre baptême nous ont séparés de l'ancienne vie, coupés d'elle irrévocablement et lancés dans une vie nouvelle. Notre baptême se trouve entre nous et notre ancienne vie, comme une porte entre deux pièces, fermant l'une et ouvrant sur l'autre. Nous sommes morts. Nous sommes ressuscités. Comment pourrions-nous vivre encore dans ce à quoi nous sommes morts ?

Cinquième étape: Comme des vivants d'entre les morts, nous ne devons pas laisser le péché régner en nous, mais nous soumettre à Dieu. Les versets 12 à 14 opposent des ordres négatifs à des ordres positifs. D'abord le côté négatif : « Que le péché ne règne donc plus dans votre corps mortel pour vous faire obéir à ses convoitises » (v. 12) ; ne laissez pas le péché être votre maître. « Ne mettez plus vos membres au service du péché comme armes de l'injustice » (v. 13 a) : c'est-à-dire, ne laissez pas le péché dominer sur vous ; ne laissez pas le péché se servir de vous pour accomplir ses desseins injustes. Ne laissez pas le péché être votre maître.

Maintenant, le côté positif : « Offrez-vous à Dieu, comme des hommes revenus de la mort à la vie » (v. 13, BNA), ce qui est votre cas. Vous êtes morts au péché, ayant subi sa punition. Vous êtes ressuscités, vous êtes vivants d'entre les morts. A présent « comme des vivants revenus d'entre les morts, avec vos membres comme armes de la justice, mettez-vous au service de Dieu. » En d'autres termes, ne vous laissez plus dominer par le péché, mais que Dieu soit votre maître. Ne permettez pas au péché de se servir de vous, mais mettez vous au service de Dieu.

Pourquoi ? Sur quoi s'appuie cette exhortation ? Pour quelle raison fondamentale nous soumettre à Dieu et non au péché ? C'est que nous sommes vivants d'entre les morts ! Nous sommes morts au péché et nous sommes ressuscités pour Dieu. Nous ne pouvons donc pas nous soumettre au péché, nous devons nous soumettre à Dieu. Quelle logique irrésistible, d'une étape à l'autre ! Parce que nous sommes vivants d'entre les morts, le péché ne sera plus notre maître. Il n'est plus question que le péché soit notre maître, puisque maintenant nous ne sommes plus soumis « à la loi mais à la grâce » (v. 14). Dieu dans sa grâce nous a justifiés en Christ. En Christ, la dette du péché est payée et les exigences de la loi satisfaites. Ni le péché, ni la loi n'ont de droit sur nous. Nous avons été arrachés à leur tyrannie. Nous avons changé de camp. Nous avons un nouveau statut. Nous ne sommes plus prisonniers de la loi, mais enfants de Dieu et placés sous sa grâce.

Ainsi, le fait de savoir que nous sommes sous la grâce et non sous la loi, loin de nous encourager à continuer dans le péché pour que la grâce abonde, en réalité nous détache du monde, de la chair et du diable. Maintenant que par grâce un nouveau volume de notre biographie est ouvert, nous ne pouvons vraiment plus rouvrir le premier. Maintenant que par grâce nous sommes vivants d'entre les morts, nous ne pouvons vraiment plus retourner à l'ancienne vie à laquelle nous sommes morts.

II. ESCLAVES DE DIEU (6.15-23)

« Quoi donc ? Allons-nous pécher parce que nous ne sommes plus sous la loi mais sous la grâce ? Certes non ! Ne savez vous pas qu'en vous mettant au service de quelqu'un comme esclaves pour lui obéir, vous êtes esclaves de celui à qui vous obéissez, soit du péché qui conduit à la mort, soit de l'obéissance qui conduit à la justice ? Rendons grâce à Dieu : vous étiez esclaves du péché, mais vous avez obéi de tout votre coeur à l'enseignement commun auquel vous avez été confiés ; libérés du péché, vous êtes devenus esclaves de la justice. J'emploie des mots tout humains, adaptés à votre faiblesse. De même que vous avez mis vos membres comme esclaves au service de l'impureté et du désordre qui conduisent à la révolte contre Dieu, mettez-les maintenant comme esclaves au service de la justice qui conduit à la sanctification. Lorsque vous étiez esclaves du péché, vous étiez libres à l'égard de la justice . Quels fruits portiez vous donc alors ? Aujourd'hui vous en avez honte, car leur aboutissement, c'est la mort. Mais maintenant, libérés du péché et devenus esclaves de Dieu , vous portez les fruits qui conduisent à la sanctification, et leur aboutissement, c'est la vie éternelle. Car le salaire du péché, c'est la mort ; mais le don gratuit de Dieu, c'est la vie éternelle en Jésus-Christ notre Seigneur. »

Cette deuxième partie du chapitre présente moins de difficultés que la première. Elle traite non pas de notre union avec Christ, mais de notre esclavage de Dieu.

Remarquez qu'elle commence exactement de la même façon que le début du chapitre. Tout d'abord une question : « Quoi donc ? Allons-nous pécher parce que nous ne sommes plus sous la loi mais sous la grâce ? » (v. 15). C'est la même question qu'au verset 1 : « Qu'est-ce à dire ? Nous faut-il demeurer dans le péché afin que la grâce abonde ? » Cette question est suivie, aux versets 2 et 15 de la même réponse, une négation emphatique : « Certes non ! » ou « Loin de là ! » (cf. Segond). Puis vient une autre déclaration, expliquant cette négation : « Ignorez-vous que nous tous, baptisés en Jésus-Christ, c'est dans sa mort que nous avons été baptisés ? » (v.3). De même, le verset 16 ; « Ne savez vous pas qu'en vous mettant au service de quelqu'un comme esclaves pour lui obéir, vous êtes esclaves de celui à qui vous obéissez ? »

Il vaut la peine de bien comprendre ce parallèle, afin de saisir ce que Paul veut que nous sachions. L'enseignement essentiel des versets 1 à 14, c'est que par la foi et le baptême nous sommes unis à Christ et, par conséquent, nous sommes morts au péché et vivants pour Dieu. L'enseignement essentiel des versets 15 à 23, c'est que par notre renoncement à nous-mêmes, par notre soumission volontaire, nous sommes esclaves de.Dieu et par conséquent engagés à lui obéir. C'est ce que dit le début du verset 16 : Une fois que vous avez choisi votre maître, vous n'avez plus qu'à obéir. Cela a valeur de principe, que vous vous soumettiez au péché, ce qui aboutit à la « mort », ou à l'obéissance, ce qui aboutit à la « justice » qui est l'acceptation par Dieu. Dans les versets qui suivent, ces deux esclavages sont mis en contraste : celui du péché et celui de Dieu. Ce contraste est considéré en trois temps : le point de départ, le développement, l'aboutissement.

Contraste entre les deux esclavages (v.17-22)

a) Leur point de départ (v. 17-18). « Vous étiez esclaves du péché. » Le verbe est à l'imparfait, et laisse entendre que c'est ce que nous sommes par nature, ce que nous avons toujours été. « Mais vous avez obéi de tout votre coeur à l'enseignement commun auquel vous avez été confiés » — c'est-à-dire, l'évangile. Quand l'évangile nous a été présenté, ou que nous avons été mis en sa présence, nous y avons obéi de tout coeur. L'exclamation : « Rendons grâce à Dieu » indique de la part de Paul que notre réponse à l'évangile était un effet de la grâce de Dieu. Notre esclavage du péché a commencé à la naissance, c'est notre condition naturelle ; mais notre esclavage de Dieu a commencé quand, par grâce, nous avons obéi à l'évangile.

b) Leur développement (v. 19). « J'emploie des mots tout humains, adaptés à votre faiblesse. De même que vous avez mis vos membres comme esclaves au service de l'impureté et du désordre qui conduisent à la révolte contre Dieu, mettez-les maintenant comme esclaves au service de la justice qui conduit à la sanctification. » Cela montre que la servitude du péché a pour effet un sinistre engrenage de dégradation morale, tandis que la servitude de Dieu entraîne une glorieuse progression de sanctification morale. L'une et l'autre évolue, aucune n'est statique. L'une nous rend toujours meilleurs, l'autre toujours plus mauvais.

c) Leur aboutissement (v. 20-22). « Quand vous étiez esclaves du péché, ... qu'avez-vous gagné à commettre alors des actes dont vous avez honte maintenant ? » (BNA). Il n'y a pas de réponse à cette question, car ces actes mènent à la mort. Et Paul continue : « Mais maintenant ... devenus esclaves de Dieu, vous portez les fruits qui conduisent à la sanctification, et leur aboutissement, c'est la vie éternelle. » Le verset 23 résume le tout : le péché verse le salaire que nous méritons, c'est-à-dire la mort, tandis que Dieu nous donne un cadeau que nous ne méritons pas, c'est-à-dire la vie éternelle.

Il y a donc là deux vies complètement différentes, deux vies totalement opposées l'une à l'autre — la vie du vieil homme et la vie du nouvel homme. Elles sont ce que Jésus a appelé d'un côté, la voie large qui mène à la destruction, de l'autre, l'étroit sentier qui mène à la vie. Paul les appelle deux esclavages. Nous sommes de naissance esclaves du péchés ; nous sommes par grâce, par le moyen de la foi, devenus esclaves de Dieu.

L'esclavage du péché ne rapporte rien, si ce n'est une dégradation morale irréversible qui aboutit à la mort. L'esclavage de Dieu produit le précieux bienfait de la sanctification qui aboutit à la vie éternelle. L'argumentation de ce passage est donc que notre conversion, cet acte de reddition et de soumission à Dieu, conduit à un statut d'esclave, ce qui implique l'obéissance.

Conclusion

« Continuerons-nous à pécher ? » C'est la question par laquelle chacune des deux parties de ce chapitre commence. Question posée par les opposants de Paul qui espéraient ainsi discréditer son évangile. Question souvent murmurée à nos oreilles par le plus grand ennemi de l'évangile, Satan lui-même, qui cherche à nous entraîner dans le péché. Tout comme il demanda à Eve dans le jardin : « Dieu a-t-il réellement dit ... ? » de même il murmure à notre oreille : « Pourquoi ne plus pécher ? Tu es sous la grâce, Dieu te pardonnera. »

Dans ce cas-là, comment lui répondrons-nous ? Nous devons commencer par lui opposer un refus indigné : « Certainement pas ! » mais nous devons aller plus loin et appuyer ce refus sur une raison. Cette raison existe, elle est solide, logique et irréfutable. Et elle nous pousse à rejeter les attaques subtiles du diable. Ce point est très important, parce qu'il permet de ramener toute cette haute théologie au niveau de notre expérience pratique quotidienne.

Quelle est la raison que nous devons donner pour repousser les séductions du diable ? Elle est fondée sur ce que nous sommes, c'est-à-dire un avec Christ (v. 1-14) et esclaves de Dieu (v. 15-23). Nous sommes devenus un avec Christ par le baptême (au moins extérieurement et visiblement). Nous sommes devenus esclaves de Dieu par la soumission volontaire de la foi. Mais que nous mettions l'accent sur le baptême, réalité extérieure, ou sur la foi, réalité intérieure, le but est le même. C'est que notre conversion chrétienne a produit ses fruits : elle nous a unis à Christ, et nous a rendus esclaves de Dieu. Voilà ce que nous sommes, chacun d'entre nous : un avec Christ et esclave de Dieu.

Bien plus, ce que nous sommes entraîne des engagements que nous ne pouvons fuir. Si nous sommes un avec Christ (et nous le sommes), alors avec lui nous sommes morts au péché et nous vivons pour Dieu. Si nous sommes esclaves de Dieu (et nous le sommes), alors ipso facto nous devons obéir. Il est inconcevable que nous persistions de plein gré dans le péché, comptant sur la grâce de Dieu. La pensée même en est intolérable.

Il faut que nous nous rappelions sans cesse ces vérités. Nous devons les méditer, et nous demander : « Ne sais-tu pas … ne sais-tu pas que tu es un avec Christ ? Que tu es mort au péché et ressuscité pour Dieu ? Ne sais-tu pas que tu es esclave de Dieu et par conséquent engagé à lui obéir ? Ne sais-tu pas cela ? » Et nous devons nous reposer ces questions jusqu'à ce que nous puissions répondre : « Oui, je le sais, et par la grâce de Dieu je vivrai en conséquence. »

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