Sonnets Chrétiens


Livre Second — Sonnet XXXIII

Sur la Prison de Manassé

Princes qui, comme dieux, régnez dans l’univers,
Pensez-vous être exempts des misères humaines ?
Voyez ce puissant roi, quatre ans chargé de chaînes,
Gémir dans un cachot, sous le poids de ses fers.

Grand prince, si tes yeux aux larmes sont ouverts,
Adouci par l’espoir la rigueur de tes peines ;
Et des bontés du Ciel vois des marques certaines,
Et dans tes maux présents, et dans tes maux soufferts.

Pour tes crimes sanglants, Dieu t’ôta la couronne ;
Mais sa main pitoyable à tes vœux la redonne,
Et rétablit l’honneur de ta prospérité.

Une double couronne, ô qui l’aurait pu croire !
T’est acquise aujourd’hui par ta captivité ;
L’une dans la Judée, et l’autre dans la gloire.


12 : Veux-tu connaître l’efficace de la repentance ? disent les Juifs, considère Manassé. Il fut converti dans sa prison, et puis rétabli sur le trône. Ainsi sa captivité ayant servi à sa conversion, elle lui fit regagner la couronne temporelle de Juda, en attendant celle d’éternité. L’historien des Juifs dit des merveilles de la suite de cette conversion ; et il assure que depuis, Manassé fut tout le reste de sa vie et grand zélateur, et très heureux prince.

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