Histoire de la Réformation au temps de Calvin

Chapitre 16
Berquin, le plus savant des nobles, martyr de l’Évangile

(1529)

2.16

Regrets de Marguerite – Plaintes d’Érasme – Complot de la Sorbonne contre Berquin – On instruit son procès – La reine intercède pour Berquin – Berquin à la Conciergerie – Découverte de la lettre – Il est enfermé dans une forte tour – Sentence – Recours à Dieu – Efforts de Budé pour le sauver – Instances de Budé auprès de Berquin – Chute et relèvement de Berquin – Marguerite écrit au roi – Précipitation des juges – Cortège qui mène Berquin à la mort – Berquin joyeux devant la mort – Ses derniers moments – Effet produit sur les assistants – Murmures, ruse, indignation – Effet de cette mort en France – Chant des martyrs – Le réformateur renaît de set cendres

Quand Calvin traversa la capitale en se rendant de Bourges à Noyon, à l’occasion de la mort de son père, il put remarquer une certaine agitation parmi ses connaissances. En effet, la Sorbonne redoublait d’efforts pour perdre Berquin, et il ne restait alors à ce gentilhomme chrétien, abandonné presque de tous, que Dieu et la reine de Navarre.

Marguerite, qui était à Saint-Germain-en-Laye, y goûtait peu de repos. La brillante cour de François Ier remplissait le superbe château de ses ébats. Dès le matin chacun était debout ; les cors retentissaient, le roi partait, accompagné du roi de Navarre, d’une foule de seigneurs, de la duchesse d’Étampes et de plusieurs dames, et commençait l’une de ces grandes parties de chasse qu’il aimait tant. Marguerite, restée seule, repassait ses tristesses et cherchait son seul bien nécessaire. Son mari se livrait quelquefois au jeu, et la reine conjurait Montmorency de lui donner de bons conseils. Alors, Henri, qui trouvait sa femme trop pieuse, l’exprimait avec toute la vivacité de son caractère. Ce n’était pas le seul chagrin de Marguerite. Sa mère avait paru d’abord se tourner du côté de la Réformation. Un jour, c’était en décembre 1522, Louise de Savoie avait dit à sa fille, qui en avait été ravie : « Mon fils et moi, par la grâce du Saint-Esprit, nous commençons à connaître les hypocrites blancs, noirs, gris, enfumés, de toutes couleurs… Que Dieu, par sa clémence et bonté infinie, nous en veuille défendre ; car si Jésus-Christ n’est menteur, il n’est point de si dangereuse génération en toute nature humainea. » Mais maintenant, cette princesse, d’une moralité plus que douteuse, s’était réconciliée, même liguée avec ces hypocrites gris, blancs et noirs, et le roi commençait à leur tendre la main. Ainsi Marguerite voyait les trois êtres, objets de sa plus tendre affection, s’éloigner de Dieu ; et demeurée au château pendant que François Ier, ses seigneurs, ses dames et ses chiens courants, chassaient à la grande bête, elle se promenait tristement dans le parc, et disait :

a – « Journal de Louise de Savoie.

Je n’ai plus ni père, ni mère,
   Ni sœur, ni frère,
Sinon Dieu seul auquel j’espère,
Qui sur le ciel et terre impèreb.

Je mets tout… tout en oubliance,
Le monde, parents et amis ;
Biens et honneurs en abondance
Je les tiens pour mes ennemis.
   Fi de tes biens !
   Dont les liens
Par Jésus-Christ sont mis à riens…

Mais Dieu, oui Dieu seul est ma vie,
Car je sais qu’il est tout en tous.
Il est mon ami, mon amie,
Père, mère, frère et époux.
   C’est mon espoir,
   Mon sûr savoir,
Mon être, ma force, pouvoir,
Qui m’a sauvé par son vouloir…

Je n’ai plus ni père, ni mère,
   Ni sœur, ni frère,
Sinon Dieu en qui j’espère,
Qui sur le ciel et terre impèrec.

b – Commande.

c – « Marguerites de la Marguerite, I, p. 802.

Tandis que Marguerite se consolait en Dieu, il lui survint un secours auquel elle ne s’attendait pas. Erasme commençait à s’inquiéter ; il recevait des lettres alarmantes ; il voyait François Ier, sur lequel il avait tant compté, chanceler, prêt à tomber à gauche, à donner la victoire à la Sorbonne ; et pressentant dans les ultramontains de hardis révolutionnaires prêts à sacrifier non seulement les lettres et l’Évangile, mais la royauté elle-même, il sortit de sa prudence ordinaire et résolut de déchirer aux yeux du roi le voile qui lui cachait les desseins pervers du parti romain, et de lui montrer des conspirateurs dans ceux qui s’appelaient les soutiens du trône. « Ces hommes, écrivit-il, sous prétexte des intérêts de la foi, se glissent dans des passages obscurs. Ils ne pensent qu’à placer sous leur joug clérical la tête auguste des monarques, et à suspendre leur pouvoir. Attendez seulement. Qu’un prince leur résiste, ils diront alors qu’il est le fauteur de l’hérésie, et que le devoir de l’Église (c’est à dire de quelques moines apocryphes et de quelques faux docteurs), est de le détrôner. Quoi ! il leur sera permis de répandre partout leurs poisons, et il ne nous le sera pas d’apporter l’antidoted. »

d – « Illis licere venena sua spargere, nobis non licere admovere antidota. » (Erasmi Ep., p. 1109.)

Cette épître du prince des lettres, qui mettait avec tant de discernement le doigt sur la plaie, fut bientôt connue, et quand elle arriva à la Sorbonne, les docteurs, effrayés de voir un homme si modéré et si honoré, révéler hardiment leurs secrets, ne virent d’autre moyen pour sauver leur cause que de frapper leurs ennemis de terreur. Ils n’osaient s’en prendre au savant de Rotterdam, qui était d’ailleurs à l’abri de leurs atteintes, mais ils jurèrent que l’ami d’Érasme, Berquin, payerait pour son maître. Les théologiens de la Sorbonne demandèrent que ce gentilhomme fût mis en jugement ; Duprat, Louise de Savoie et Montmorency appuyèrent cette requête. Il n’y avait pas moyen de l’éluder ; douze juges furent ordonnés par le pape et par le roie. Ces juges étaient fort embarrassés. La vie irréprochable de Berquin, son caractère aimable, son inépuisable charité, son assiduité au culte public, lui avaient gagné l’estime universelle. Toutefois, le premier président de Selva, le quatrième président Pailot, et d’autres de ces juges étaient des hommes ou faibles ou fanatiques ; la Sorbonne ne perdait donc pas l’espoir. Un seul des douze lui donnait quelque crainte : c’était Guillaume Budé, appelé par Érasme le « prodige de la France ; » homme éclairé, qui, tout en professant un grand respect pour l’Église catholique, avait plus d’une fois laissé entrevoir à sa femme et à ses enfants certaines tendances évangéliques. Les douze juges instruisirent le procès sans demander que l’accusé fût incarcéré. Berquin allait et venait en liberté ; il parlait aux juges, au parlement, et leur exposait son innocence. Mais la terreur commençait à paralyser les âmes faibles ; elles avaient peur de ce juste, ne voulaient pas être de ces gens-là, et chacun lui tournait le dos.

e – « Journal d'un Bourgeois de Paris sous François Ier, p. 380.

Alors Berquin résolut de s’adresser au roi et de se faire recommander à lui par sa sœur. « On disait partout (c’est l’un des ennemis de la Réforme qui nous l’apprend) que la reine de Navarre avait un soin merveilleux pour sauver ceux qui étaient en péril ; qu’elle seule était la cause de ce que la Réforme n’était pas étouffée dans le berceauf. » Berquin se rendit au palais, et exposa à la reine ses dangers. Il trouva auprès de Marguerite la compassion qui lui manquait ailleurs. Elle savait qu’il ne faut pas « se retirer de ceux qui souffrent persécution pour le nom de Christ, et ne voulait pas avoir honte de ceux en qui il n’y avait rien de honteuxg. » Marguerite prit aussitôt la plume, (elle le faisait facilement), et, s’asseyant à cette table où elle avait si souvent plaidé en prose et en vers la cause de Christ et des chrétiens, elle écrivit au roi la lettre suivante :

f – Flor. Rémond, Hist. de l'Hérésie, p. 348. Calvin.

g – Calvin.

« Monseigneur, le pauvre Berquin, qui tient que Dieu, par votre bonté, lui a sauvé deux fois la vie, s’en va devant vous, pour vous donner à connaître son innocence, n’ayant plus personne à qui il puisse avoir adresse. Connaissant, Monseigneur, l’estime en laquelle vous le tenez, et le désir qu’il a, et a toujours eu de vous faire service, je ne crains point de vous supplier qu’il vous plaise avoir pitié de lui. Il vous convaincra que les forgeurs d’hérétiques sont plus maldisants et désobéissants envers vous que zélateurs de la foi. Il sait, Monseigneur, que vous voulez maintenir le droit à qui il appartient, sans que le juste ait besoin d’avocat devant les yeux de votre douceur. C’est pourquoi je me tairai, suppliant Celui qui vous a tant donné de grâces et de vertus, de vous donner bonne et longue vie, pour longuement en ce monde et éternellement en l’autre, être en vous loué…

Votre très obéissante et très humble sujette et sœur,

Margueriteh. »

hLettres de la reine de Navarre, II, p. 96.

Ayant fini, la reine se leva et remit à Berquin son épître. Celui-ci se rendit auprès du roi. Nous ignorons comment il fut reçu et quel effet eut sur François Ier l’intervention de sa sœur. Il semblerait pourtant que ce prince lui adressa quelques bonnes paroles. Nous savons du moins que Beda et la Sorbonne furent inquiets, et que, craignant de voir la victime leur échapper encore une fois, ils redoublèrent d’efforts, et intentèrent à Berquin accusation sur accusation. Enfin l’autorité céda ; la police reçut l’ordre d’éviter toute démonstration propre à alarmer le gentilhomme, dans la crainte qu’il ne s’enfuît à Bâle, vers Érasme ; toutes les mesures furent prises ; et au moment où il s’y attendait le moins, trois semaines environ avant Pâques (mars 1529), Berquin fut saisi et conduit à la Conciergerie.

Voilà donc « le plus savant des nobles, » comme on l’appelait, en prison, malgré la reine. Il se promenait tristement dans la cour et une pensée le poursuivait. Ayant été fait prisonnier au moment où il y pensait le moins, il avait laissé dans sa chambre, à Paris, certains livres qui étaient condamnés à Rome, et qui, par conséquent, pouvaient le perdre. Ah ! disait-il, il m’en prendra gros mali ! » Un de ses anciens serviteurs qui avait libre entrée auprès de lui, allait et venait constamment pour ses affaires. Berquin résolut de s’adresser à un ami évangélique dont il était sûr, pour prévenir le malheur qu’il prévoyait, et le lendemain de son incarcération, son domestique étant venu prendre ses ordres, le prisonnier lui remit, d’un air inquiet et mystérieux, une lettre qu’il lui dit être de la plus haute importance. Le serviteur, aussitôt, la cacha soigneusement sous ses habits. « Il y va de ma vie, » lui répétait Berquin. Dans cette lettre, adressée à un sien ami familier, » le gentilhomme priait celui-ci d’enlever immédiatement des livres qu’il lui désignait, et de les brûler.

iJournal d'un Bourgeois de Paris sous François Ier, p. 381.

Le serviteur, qui n’avait pas un courage héroïque, partit en tremblant. Son émotion croissait à mesure qu’il avançait, ses forces l’abandonnaient, et comme il passait le pont au Change, et se trouvait devant l’image de Notre-Dame, qu’on appelait la belle ymage, le pauvre homme, un peu superstitieux, quoique au service de Berquin, perdit la tête et le sens et tomba. « Une défaillance de cœur le saisit et il tomba à terre comme pasmé, » dit le Bourgeois catholique de Paris. Les passants, les voisins accoururent, on prit le malheureux, on le releva, on le secourut, et l’un de ces officieux bourgeois ayant déboutonné ses habits, pour lui rendre le souffle et la vie, trouva la lettre, si soigneusement cachée par le domestique de Berquin. Cet homme l’ouvre, il la lit, il s’épouvante ; il raconte à la foule qui l’entoure ce qu’il vient de lire. Alors le peuple crie au miracle : « C’est un hérétique, disait-on ; s’il est tombé comme mort, c’est la peine de son crime, et c’est Notre-Dame qui l’a fait. — Donnez-moi cette lettre, dit l’un des assistants : le fameux docteur jacobin, qui prêche le carême en l’église de Saint-Barthélemy, dîne ce jour-ci chez moi, je veux la lui montrer. » En effet, l’heure du dîner étant arrivée, la compagnie qu’attendait ce bourgeois se forma, et le célèbre prédicateur de la rue Saint-Jacques en particulier, arriva avec son habit blanc, son scapulaire blanc, et son capuchon pointu. Ce n’était pas pour rien que ce moine jacobin était inquisiteur. Il comprit toute l’importance de la lettre, et en quittant ses convives, il se hâta de la porter à Beda, qui lui-même, tout joyeux de cette découverte, s’empressa de la livrer à la cour. Le gentilhomme chrétien était perdu. Les juges trouvèrent l’épître fort compromettante. « Que ledit Berquin, dirent-ils, soit resserré et mis en une forte tour. » Ainsi fut fait. Beda, de son côté, déploya une nouvelle activité, car le temps pressait, et il fallait porter le coup de grâce. Tantôt, le fougueux syndic parlait doux, tantôt il parlait fort ; il employait les menaces et les promesses et ne se lassait jamais.

Dès lors la cause parut désespérée. La plupart des amis de Berquin l’abandonnèrent ; ils étaient effrayés de ce que l’intervention de Marguerite, toujours si puissante, était inutile. Le captif seul ne s’abandonnait pas au désespoir. Quoique enfermé en une forte tour, il avait de la liberté et de la joie, et élevant son âme à Dieu, il espérait contre toute espérance.

Le vendredi 16 avril 1529, l’enquête était finie ; Berquin fut amené avant midi devant la cour. Le regard de Budé était triste et bienveillant ; mais les autres juges portaient sur leurs traits l’empreinte de la sévérité. Le gentihomme avait le cœur vide de toute rancune, les mains pures de toute vengeance, et la paix de l’innocence était sur son visage. « Louis Berquin, dirent les juges, vous êtes convaincu d’avoir tenu la secte de Luther et d’avoir fait de mauvais livres contre la majesté de Dieu et de sa glorieuse mère. En conséquence, nous vous condamnons à faire amende honorable, la tête nue, une torche de cire ardente à la main, en la grande cour du palais, criant merci à Dieu, au roi et à la justice, de l’offense par vous commise. Puis après serez mené, la tête nue, à pied, en la place de Grève, où vous verrez brûler vos livres. Ensuite vous serez conduit devant l’église de Notre-Dame, où vous ferez amende honorable à Dieu et à la glorieuse Vierge, sa mère. Après quoi on vous percera la langue, cet instrument d’injustice par lequel vous avez péchéj. Enfin vous serez mis dans la prison de Monsieur de Paris (l’évêque) et y serez enfermé entre deux murs de pierres, pour y être toute votre vie. Et défendons qu’on vous donne jamais livre pour lire, ni encre, ni plume pour écrire. » Berquin épouvanté à l’ouïe de cette sentence, qu’Érasme appelle atroce et à laquelle le pieux gentilhomme ne s’était nullement attenduk, resta d’abord muet ; mais reprenant bientôt son courage ordinaire et portant sur ses juges un regard fermel : « J’en appelle au roi, dit-il. — Prenez garde, répondirent les juges ; si vous n’acquiescez pas à notre sentence, nous ferons en sorte que vous n’en appellerez plus jamais ailleurs. » Ceci était clair. Berquin fut renvoyé dans sa prison.

j – « Lingua illi ferro perfoderetur. » (Erasmi Ep., p. 1277. — Journal d'un Bourgeois de Paris sous François Ier, p. 382.)

k – « Audita præter expectationem atroci sententia. » (Ibid.)

l – « Constanti vultu. » (Ibid.)

Marguerite commençait à craindre que son frère ne retirât son appui aux hommes évangéliques. Si la Réformation avait été une religion de cour, François l’eût protégée ; mais les allures indépendantes qu’elle semblait prendre et surtout son inflexible sainteté, la lui rendaient odieuse. La reine de Navarre comprit donc que le malheureux prisonnier n’avait plus que le Seigneur pour lui. Elle pria.

O Dieu, seul, tu peux dire :
Laissez mon fils ! laissez-le qu’il respire.
Fortune, holà !…, Toi seul peux tout à coup
Mettre ta main pour empêcher le coupm !

m – « Marguerites de la Marguerite, I, p. 444.

Tout annonçait que le coup allait être porté. L’après-midi du jour même où la sentence avait été prononcée, le lieutenant criminel Maillard, et des archers, arbalétriers et arquebusiers de la ville, entouraient la Conciergerie. On crut que la dernière heure de Berquin était arrivée, et une foule immense accourut. « Pour voir ladite exécution, étaient plus de vingt mille personnes, » dit un manuscritn. On va mener en Grève un officier du roi, » disait-on parmi le peuple. Maillard, laissant sa troupe sous les armes, entra dans la prison, se fit ouvrir le cachot du gentilhomme et lui apprit qu’il venait exécuter la sentence. « J’en ai appelé, répondit le prisonnier. » Le lieutenant criminel sortit. Chacun s’attendait à le voir suivi de Berquin, et tous les yeux étaient fixés sur la porte ; mais personne ne parut. Le chef de la troupe commanda le départ, les archers se retirèrent et « le grand nombre de peuple qui était au palais et dans la ville se départit. » Aussitôt le premier président ordonna d’assembler la cour pour y pourvoir. « Il faut nous hâter, disait-on, car déjà deux fois le roi l’a arraché de nos mains. » N’y avait-il donc plus d’espérance ? Il y avait alors en France deux hommes du plus noble caractère, tous deux amis des lettres, et dont toute la vie avait été consacrée à faire ce qui est bon ; c’étaient Budé sur son tribunal et Berquin sur la sellette. Le premier était uni au second par l’amitié la plus vraie, et ne pensait qu’à le sauver. Mais seul, que pourra-t-il contre tout le parlement et toute la Sorbonne ? Budé frémit en apprenant l’appel de son ami ; il savait à quels dangers cette démarche l’exposait ; il courut à la prison : « Gardez-vous d’en appeler, lui dit-il. Une seconde sentence est tout prête et elle prononce la mort. Si vous acceptez la première, nous pourrons vous sauver plus tard. Ne vous perdez pas, de grâce ! » Berquin, homme plus décidé que Budé, voulait mourir plutôt que de céder quelque chose à l’erreur. Son ami toutefois ne se ralentit pas ; il voulait à tout prix sauver l’un des hommes les plus distingués de la France. Un jour, deux jours, trois jours furent consacrés par lui aux plus énergiques effortso. A peine l’avait-il quitté qu’il revenait, s’asseyait près de lui, ou se promenait avec lui, plein de tristesse, dans la prison. Il le conjurait au nom de son propre salut, du bien de l’Église, des intérêts de la France. Berquin ne répondait rien ; seulement après une longue allocution de Budé, il faisait de la tête un signe négatif. Berquin, dit l’Histoire de l’Université de Paris, soutint le choc avec une indomptable opiniâtretép. »

n – « Chronique du roi François Ier, p. 76, note.

o – « Budeum triduo privatim egisse cum Berquino. » (Erasmi Ep.)

p – Crévier, V, p. 206.

Persisterait-il ? Plusieurs évangéliques suivaient ce combat avec angoisse. Se rappelant la chute de l’apôtre Pierre, à la voix d’une servante, ils se disaient qu’un faible combat suffit pour faire broncher le plus fort. « Ah ! disait Calvin, si l’on cesse un instant de s’appuyer sur la main de Dieu, il suffit d’un petit vent, ou du bruit d’une feuille qui tombe… et incontinent te voilà abattu !… » Ce n’était pas un petit vent qui assaillait alors Berquin, c’était plutôt une tempête. Tandis que les voix menaçantes des adversaires mugissaient autour de lui, la douce voix de Budé, pleine de l’affection la plus touchante pénétrait dans le cœur du prisonnier et l’ébranlait jusque dans ses plus intimes résolutions. « O mon ami ! disait Budé, il y a dans l’avenir des choses meilleures, pour lesquelles vous devez vous garder. » Puis il s’arrêtait et d’un ton plus grave il s’écriait : « Vous êtes coupable envers Dieu et envers les hommes, si de votre propre mouvement vous vous livrez à la mortq. »

q – « Crespin, Martyrologue, p. 103, verso.

Les obtestations de ce grand personnage émurent enfin Berquin ; il commença à chanceler ; son regard se troubla. Le détournant de Dieu, il le laissa tomber sur la terre. La force du Saint-Esprit fut éteinte un moment en lui, comme parle un réformateur, et il crut être plus utile au règne de Dieu, en se conservant pour l’avenir qu’en se livrant à la mort. Tout ce qu’on vous demande c’est de crier pardon ! N’avons-nous pas tous besoin de pardon ? » Berquin consentit à crier merci à Dieu et au roi dans la grande cour du palais.

Budé, ému, ravi, courut annoncer à ses collègues la concession du prisonnier. Mais au moment même où il croyait sauver son ami, il se sentit tout à coup saisi de tristesse. Il sentait à quel prix Berquin devait acheter sa vie. D’ailleurs, n’avait-il pas vu que c’était après une lutte de près de soixante heures que le gentilhomme avait cédé. Budé était inquiet : « Ah ! disait-il, je connais l’esprit de cet a homme ; son ingénuité et la confiance qu’il a dans la bonté de sa cause le perdrontr. »

rIbid.

Pendant ce temps, une lutte terrible se livrait dans l’âme de Berquin. Toute sa paix l’avait abandonné ; sa conscience parlait avec un grand tumulte. « Non, se disait-il, point de sophismes ! Avant tout… la vérité ! Il ne faut craindre ni les hommes, ni le supplice, mais rendre à Dieu toute obéissance. Je persisterai jusqu’à la fin ; je ne demanderai pas mon congé au chef de cette bonne guerre. Christ ne veut pas que ses hommes d’armes se reposent, avant qu’ils aient surmonté la mort. »

Peu après, Budé étant retourné à la prison : « Je ne rétracterai rien, lui dit son ami, j’aime mieux mourir que d’approuver, même par mon silence, la condamnation de la vérités. » Il était perdu. Budé se retira pâle, consterné. Il communiqua à ses collègues l’affreux message. Beda et ses amis furent pleins de joie, convaincus qu’ôter Berquin du nombre des vivants c’était ôter la Réformation de la France. Les juges réformèrent leur sentence par un abus de pouvoir inouï, et condamnèrent le gentilhomme à être brûlé vif après avoir été étranglé sur la place de Grève.

s – « At ego mortem subire, quam veritatis damnationem, vel tacitus approbare velim. » (Bezæ Icones.)

Marguerite, qui était à Saint-Germain, fut désolée en apprenant cet acte inattendu. Hélas ! le roi était à Blois avec Madame… aurait-elle le temps de l’atteindre ? N’importe ; elle essaya, elle lui écrivit de nouveau ; elle s’excusa des très humbles recommandations que sans cesse elle lui présentait, puis elle ajouta : « Qu’il vous plaise, Sire, avoir pitié du pauvre Berquin, qui ne souffre, je le sais, que pour aimer la Parole de Dieu et obéir à la vôtre. C’est pour cela que ceux qui ont fait le contraire pendant votre captivité, l’ont pris en haine ; et leur malicieuse hypocrisie a su trouver des avocats près de vous pour vous faire oublier sa droite foi en Dieu et son amour pour voust … » Après avoir fait entendre ce cri douloureux, la reine de Navarre attendit.

tLettres de la reine de Navarre, II, p. 99.

François Ier ne donna aucun signe de vie. Pour l’excuser, on a dit que s’il avait été alors victorieux au dehors et honoré au dedans, il eût une troisième fois sauvé le gentilhomme ; mais que les troubles d’Italie, les intrigues qui se rattachaient au traité de Cambrai, signé trois mois plus tard, occupaient toutes ses pensées. Ce sont là d’étranges raisons ; le fait est que quand le roi (ce qui est probable) l’eût voulu, il n’eut pas eu le temps de sauver Berquin ; les ennemis de ce chrétien fidèle y avaient pourvu. A peine avaient-ils eu la sentence en main, qu’ils en avaient demandé l’exécution immédiate. Il leur semblait déjà entendre le galop d’un cheval arrivant de Blois, et voir le messager chargé d’apporter la grâce. Beda soufflait le feu. Pas une semaine de délai, pas un jour, pas une heure ! « Mais, disait-on, c’est priver le roi de l’exercice du droit de grâce, porter atteinte à son autorité souveraine !… — N’importe ! à la mort. » « Les juges résolurent de faire exécuter la sentence le jour même où ils l’avaient rendue, afin qu'il ne fût secouru du roiu. »

u – « Journal d'un Bourgeois de Paris sous François Ier, p. 383.

Le 22 avril 1529v dans la matinée, les officiers du parlement entrèrent dans la chambre obscure où se trouvait Berquin. Le pieux disciple, sur le point de donner volontairement sa vie pour le nom de Jésus-Christ, s’était recueilli ; il avait longtemps prié Dieu, il l’avait trouvé ; le Seigneur était près de lui et la paix remplissait son âme. Ayant Dieu pour père, il savait que rien ne lui manquerait dans le moment suprême, où il allait manquer de tout, et voyait un triomphe dans l’opprobre, une délivrance dans la mort. Berquin, à la vue des officiers de la cour, dont quelques-uns semblaient embarrassés, comprit ce qu’ils voulaient. Il était prêt ; il se leva, calme, ferme, et les suivit. Ceux-ci le remirent aux mains du lieutenant criminel et de ses sergents, qui devaient faire exécuter la sentence.

v – Crespin et Théod. de Bèze parlent du mois de novembre ; le Bourgeois de Paris, du 17 avril ; mais la plupart des autorités indiquent le 22.

Pendant ce temps, des compagnies d’archers et d’arbalétriers se réunissaient devant la Conciergerie. Ces hommes d’armes n’étaient pas seuls autour de la prison. Le bruit s’était partout répandu qu’un gentilhomme de la cour, un ami d’Érasme et de la reine de Navarre, allait être mis à mort ; aussi l’agitation était-elle grande dans la capitale. Une multitude de gens du peuple et de bourgeois, des prêtres, des moines, quelques gentilshommes et quelques amis du condamné attendaient, les uns avec curiosité, les autres avec colère, plusieurs avec angoisse, le moment où on le verrait paraître. Budé ne se trouvait pas là ; il n’eut pas le courage d’assister au supplice. Marguerite, qui était à Saint-Germain, eût presque pu, des terrasses du château, apercevoir la flamme du bûcher.

Midi ayant sonné, l’escorte se mit en marche. En tête se trouvait le grand pénitencier, Merlin, puis des archers et arbalétriers, puis les ministres de la justice ; enfin d’autres gens d’armes. Au milieu de cette escorte était le prisonnier. Une misérable charrette le traînait lentement au supplice. Il avait une robe de velours, des vêtements de satin et damas, et des chausses d’or, dit le Bourgeois de Paris, qui le vit peut-être passerw. Le Roi du ciel l’invitant aux noces, Berquin joyeux, avait mis ses plus beaux habits. « Hélas ! disaient plusieurs en le voyant, il est de noble lignée, moult grand clerc, expert en science et subtil… et néanmoins il a failli en son sens ! » Il n’y avait rien ni dans les regards, ni dans les gestes du réformateur, qui indiquât le moindre trouble ou le moindre orgueil ; il ne bravait, ni ne craignait la mort ; il s’en approchait avec calme, avec douceur et avec espérance, comme de la porte du ciel. Aussi voyait-on sur son visage une paix inaltérable. Un ami d’Erasme, Montius, qui avait voulu accompagner jusqu’au bûcher cet homme pieux, disait saisi d’admiration : « Il n’y a vraiment en lui rien de cette audace, ni de cet air farouche, que prennent les hommes menés à la mort ; le calme d’une bonne conscience se voit seul sur ses traits. — Il semble certes, disaient d’autres spectateurs, qu’il médite dans un temple sur les choses du cielx. » Enfin la charrette arriva au lieu du supplice et toute la cohorte s’arrêta ; le chef de l’exécution s’approcha et dit à Berquin de descendre. Il descendit aussitôt. On se portait en foule autour de la place sinistre. Le principal officier de la cour ayant imposé silence de la main, déploya un parchemin et lut la sentence, « d’une voix épouvantable, » dit un chroniqueur. Mais Berquin mourait pour le Fils de Dieu qui était mort pour lui ; son cœur ne faiblit point ; il ne se troubla point, et voulant faire connaître au pauvre peuple qui l’entourait, le Sauveur qui le consolait alors, il prononça quelques paroles chrétiennes. Mais les docteurs de la Sorbonne surveillaient tous ses mouvements, et avaient même aposté un certain nombre de leurs créatures pour faire du bruit, s’ils le jugeaient nécessaire. Effrayés en entendant la voix douce de l’évangéliste, craignant que le peuple ne fût touché de son discours, ces « sycophantes » donnèrent en toute hâte le signal. Aussitôt leurs gens se mirent à pousser des cris, les soldats à heurter leurs armes, « et tant fut grand le tumulte que la voix du saint martyr ne fut ouïe à l’extrémité de sa mort. » Berquin, voyant que ces clameurs couvraient sa voix, se tut. Un religieux franciscain, qui s’était attaché à lui comme certaines mouches importunes s’attachent au cheval qu’elles piquent, et qui voulait à tout prix lui arracher un mot de rétractation, redoubla ses assauts dans ce moment suprême ; mais le gentilhomme demeura ferme. Le moine se tut enfin, et le bourreau s’approcha. Berquin lui tendit doucement la tête ; l’exécuteur lui passa la corde au cou et l’étrangla.

w – « Journal d'un Bourgeois de Paris sous François Ier, p. 384.

x – « Dixisses illum in templo de rebus cœlestibus cogitare. » (Erasmi Ep., p. 1277.)

Il y eut un moment de silence solennel qui ne fut pas long. Les docteurs de la Sorbonne et les moines le rompirent, s’approchèrent très précipitamment et contemplèrent le corps inanimé de leur victime. Personne ne cria : « Jésus ! Jésus ! » On faisait entendre ce cri de miséricorde, même quand il s’agissait d’un parricide ; mais l’homme le plus vertueux de France était traité pis qu’un assassin. Un personnage pourtant, debout près du bûcher, montrait quelque émotion, et, chose étonnante, c’était le grand pénitencier Merlin. Vraiment, disait-il, il y a plus de cent ans qu’il n’est mort si bon chrétien ! » « Le cadavre fut jeté dans les flammes. Elles s’élevaient, elles dévoraient ces membres jadis si vigoureux, maintenant flasques et décolorés. Quelques hommes, égarés par la passion, considéraient avec joie les progrès du feu, qui eut bientôt consumé les restes précieux de celui qui devait devenir le réformateur de la France. Il leur semblait voir brûler l’herésie, et quand tout le corps fut anéanti, ils crurent que la Réformation l’était avec lui, qu’il n’en restait plus rien. Mais tous les spectateurs n’étaient pas si cruels. On portait aussi sur le bûcher des regards de tristesse et d’amour. Les chrétiens qui avaient considéré Berquin comme le réformateur futur de la France, étaient accablés de douleur, en voyant le héros dans lequel ils espéraient, n’être plus qu’un peu de poussière. Les dispositions du peuple même semblaient changer, et l’on voyait çà et là couler quelques larmes. On commençait à répandre certains bruits pour calmer cette émotion. Un homme se détacha de la foule, et s’approchant du confesseur franciscain, lui dit : « Berquin a-t-il dit qu’il s’était trompé ? — Vraiment oui, répliqua le moine, et je ne doute pas a que son âme s’en soit allée en paix. » Cet homme était Montius ; il écrivit cette anecdote à Erasme. « Je n’en crois rien, répondit celui-ci : c’est la fable obligée que ces gens inventent, après la mort de leur victimes, pour apaiser la colère du peuple. » De tels stratagèmes étaient nécessaires, car l’agitation générale augmentait. L’innocence de Berquin, empreinte sur ses traits et dans toutes ses paroles, avait frappé ceux qui l’avaient vu mourir, et ils commençaient à murmurer. Les moines s’en aperçurent ; ils s’étaient préparés à l’avance pour le cas où l’indignation publique éclaterait. Ils se jetèrent au milieu de la foule ; ils se mirent à faire des présents à des enfants, à des gens du peuple ; ils les émurent, ils les excitèrent, ils les lancèrent dans toutes les directions. Cette population, facile à impressionner, se mit à parcourir la place de Grève et les rues voisines, en criant que Berquin était un hérétique. Toutefois, on voyait se former çà et là des groupes qui discouraient sur l’homme excellent immolé aux exigences de la faculté de théologie. « Ah ! disaient quelques-uns en versant des larmes, il n’y a jamais eu homme plus vertueuxy. » Plusieurs s’étonnaient qu’un noble qui était au premier rang dans l’affection de son prince, fût étranglé comme un criminel… « Hélas ! répondaient d’autres avec indignation, ce qui l’a perdu c’est cette liberté qui l’animait, et qui est toujours la compagne fidèle d’une bonne consciencez. » « Condamner, s’écriaient les plus vifs, écarteler, crucifier, brûler, décapiter… c’est ce que peuvent faire des pirates et des tyrans ; mais Dieu est le seul juste juge, et bienheureux est celui qu’il absout ! » Les plus pieux cherchaient une consolation dans l’avenir. « Ce n’est que par la croix, disaient-ils, que Christ triomphera dans ce royaumea. » La foule se dispersa.

y – « Prædicant eo nihil fuisse integrius. » (Erasmi Ep., p. 1313.)

z – « Libertas, bons conscientiæ comes perdidit virum. » (Ibid., p. 113.)

a – « Christo, non nisi sub cruce, in Galliis triumphaturo. » (Bezæ Icones.)

La nouvelle de cette mort s’étant répandue dans toute la France, y causa partout une profonde tristesse. Berquin n’était pas le seul frappé ; d’autres chrétiens souffraient aussi le dernier supplice. Philippe Huaut était brûlé vif, après avoir eu la langue coupée, et François Desus avait la main et la tête tranchées. Ces morts, surtout celle de Berquin, étaient racontées dans les ateliers des ouvriers, dans les chaumières des paysans. Plusieurs s’en effrayaient ; mais on vit plus d’un chrétien évangélique, en les apprenant au foyer domestique, lever la tête et porter vers le ciel un regard qui exprimait la joie d’avoir un Rédempteur, une maison du Père dans le ciel. Nous voulons, se disaient l’un à l’autre, ces hommes et ces femmes de la Réforme, nous voulons aller au-devant de la mort d’un bon cœur, dressant notre vue à la vie qui vient après elle. » L’une des âmes chrétiennes qui avait le mieux connu Berquin, et qui versa sur lui le plus de larmes, la reine de Navarre, désolée, effrayée par cette mort et par celles d’autres chrétiens immolés en d’autres lieux pour l’Évangile, demandait à Dieu, avec une grande ferveur, de venir au secours des siens. Elle se souvenait de ces paroles de l’Évangile : Dieu ne vengera-t-il pas ses élus qui crient à lui nuit et jourb ? Dépouillée de toute haine, vide de tout mauvais désir de vengeance, elle rappelait au Seigneur que le salut de ses enfants lui est cher, et implorait pour eux sa sauvegarde :

bLuc 18.7.

Réveille-loi, Seigneur Dieu,
  Fais ton effort !
Et viens venger en tout lieu
  Des tiens la mort.

La mort, qui à l’infidèle
Est horrible à regarder,
A ton enfant est si belle,
Qu’il ne craint s’y hasarder.
Il passe, de cette mort
  Le fâcheux bord,
Pour à toi, son Dieu, son Fort,
  Aller par mort.

Oh ! que la mort est heureuse,
Qui les mène en si beau lieu !
Qu’elle est grande et glorieuse !
Elle les fait fils de Dieu…
Avance donc, Seigneur,
  Ton doux support.
Donne-leur pour tout honneur
  Joyeuse mort !

Réveille-toi, Seigneur Dieu,
  Fais ton effort !
Et viens venger en tout lieu,
  Des tiens la mortc.

cLes Marguerites de la Marguerite, I, p. 508.

Ce petit poème de la reine de Navarre, qui avait plusieurs autres strophes, est au seizième siècle le cantique des martyrs. Rien ne montre mieux qu’elle était de tout son cœur avec les évangéliques.

Après le supplice de Berquin la terreur régna quelque temps parmi les chrétiens réformés. Ils enduraient l’opprobre, sans beaucoup se produire ; ils ne voulaient pas irriter leurs ennemis, et quelques-uns d’entre eux se retirèrent au désert, c’est-à-dire dans quelque retraite ignorée. Ce fut à cette époque de tristesse et d’effroi, lorsque les adversaires imaginaient qu’en se défaisant de Berquin ils s’étaient défait de la Réformation même, et quand les restes du noble martyr étaient à peine dispersés çà et là par le vent, que Calvin de nouveau s’établit à Paris, non loin de la place où l’on avait brûlé son ami. Rome croyait avoir mis à mort le réformateur, mais il allait renaître de ses cendres, plus intime, plus lumineux, plus puissant, pour travailler à la rénovation de la société chrétienne et au salut de l’humanité.

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