Histoire de la Réformation du seizième siècle

15.3

La Réforme acceptée par le peuple – Foi, pureté, charité – Première communion évangélique – Renouvellement de la magistrature – Tête et caverne de saint Béat – Mécontentement dans les montagnes – Révolte dans l’Oberland – Dangers et confusion – Complainte de Manuel – Underwald passe le Brünig – Énergie de Berne – Victoire – La Réformation et les souvenirs

Il s’agissait maintenant de porter dans tout le canton les réformes accomplies dans la ville. Le 17 février, le Conseil invita les paroisses du pays à s’assembler le dimanche suivant, pour entendre une communication et en délibérer. Toute l’Église, selon les coutumes antiques de la chrétienté, allait donc décider elle-même de ses intérêts les plus précieux.

Les assemblées furent nombreuses ; tous les états, tous les âges étaient réunis. A côté de la tête blanchie et tremblante du vieillard, on voyait briller l’œil vif et joyeux du jeune berger. Les messagers du Conseil firent d’abord lire l’édit de réformation. Puis, prenant la parole : « Que ceux qui l’acceptent demeurent, dirent-ils, et que ceux qui s’y refusent se retirent. »

Presque partout les paroissiens assemblés demeurèrent immobiles. L’immense majorité du peuple choisit la Bible. Dans quelques paroisses même, cette décision fut accompagnée de démonstrations énergiques. A Zofingen, à Arberg, à Arau, à Brugg, à Buren, on brûla les images. On à vil, disait-on même, on a vu sur le Stauffberg les idoles porter les idoles, et se jeter les unes les autres dans les flammesa. »

a – Da tregt ein Götz den andern in das fhüwr. (Bulling. Chron., II, p. 1.) — Un homme dont l’état était de tondre les troupeaux, et que l’on avait surnommé Götzscherer (Tondeur d’idoles), s’était distingué parmi ceux qui avaient apporté les images au feu. Ce fut l’origine de cette légende populaire ; et c’est la clef de beaucoup d’autres.

Les images et la messe avaient disparu de ce vaste canton. « Un grand cri en retentit au loin, » dit Bullingerb. En un jour, Rome était tombée dans le pays, sans recours à la ruse ni aux séductions, sans violence, par la seule force de la vérité. Dans quelques lieux cependant, à Hasli, à Frütigen, à Untersee, à Grindelwald, on entendait les mécontents s’écrier : « Si l’on nous ôte la messe, il faut aussi nous ôter la dîme ! » Le culte romain fut même conservé dans le haut Simmenthal, ce qui prouve qu’il n’y eut pas contrainte de la part de l’État.

b – Das wyt und breit ein gross geschrey und wunder gepar. (Bull. Chron. 2, p. 1.)

La volonté du pays s’étant ainsi manifestée, Berne acheva la Réformation. Des ordonnances défendirent les excès du jeu, de la boisson, des danses, et les vêtements déshonnêtes. On ferma les maisons de débauche, et les malheureuses qui les habitaient furent chassées de la villec. Un consistoire fut chargé de veiller sur les mœurs.

c – Hottinger, 3, p. 414.

Sept jours après l’édit, les pauvres furent introduits dans le cloître des Dominicains ; plus tard, le monastère de l’île fut changé en hôpital ; il en fut de même pour le monastère princier de Königsfeld. La charité s’avançait partout sur les pas de la foi. « Nous montrerons, avait dit le Conseil, que ce n’est pas à notre profit que nous employons les biens des couvents ; » et il tenait parole. On habilla les indigents avec les vêtements sacerdotaux ; on revêtit les orphelins avec les ornements des églises. On fut si scrupuleux dans ces distributions, que l’Etat dut emprunter pour payer la rente des religieuses et des moines ; et pendant huit jours il n’y eut pas une couronne dans le trésor publicd. C’est ainsi que l’État (comme on ne cesse de le répéter) s’enrichissait des dépouilles de l’Église. En même temps, on appela de Zurich Hofmeister, Mégandre et Rhellican, pour répandre dans le canton la connaissance des langues et des saintes Écritures.

d – Hoc unum tibi dico secretissime. (Haller à Zwingle, 21 janvier 1530.)

Ce fut à Pâques que l’on célébra pour la première fois la Cène, selon le rite évangélique. Les Conseils et tout le peuple, à peu d’exceptions près, y prirent part. Les étrangers furent frappés de la solennité de cette première Cène. On voyait les bourgeois de Berne et leurs femmes, couverts de vêtements modestes qui rappelaient l’ancienne simplicité suissee, s’approcher avec gravité et ferveur de la table de Jésus-Christ, les chefs de l’État montrer le même recueillement que le peuple, et recevoir pieusement le pain de la main de Berthold Haller. Chacun sentait que le Seigneur était là. Aussi Hofmeister, ravi de cette Cène solennelle, s’écriait-il : « Comment les adversaires de la Parole n’embrasseraient-ils pas enfin la vérité, en voyant Dieu lui rendre un si éclatant témoignagef ? »

e – Relucet enim in illorum vestitu et habitu nescio quid veteris illius Helvetiæ simplicitatis. Hofmeister to Zwingle. (Zw. Epp. 2, p. 167.)

f – Ea res magnam spem mihi injecit de illis lucrandis qui hactenu fuerunt male morigeri verbo. (Zw. Epp. 2, p. 167.)

Cependant, tout n’était pas changé. Les amis de l’Évangile voyaient avec douleur les fils des premières familles de la République parcourir les rues couverts de vêtements précieux, habiter à la ville de riches maisons, résider à la campagne dans de superbes châteaux, vraies demeures seigneuriales, chasser à cor et à cri avec leurs meutes essoufflées, s’asseoir à des tables somptueusement couvertes, y tenir de joyeux et libres propos, ou parler avec enthousiasme des guerres étrangères et du parti français. « Ah ! s’écriaient ces hommes pieux, puissions-nous voir la vieille Suisse ressusciter avec ses antiques vertus ! »

Il y eut bientôt une réaction puissante. Quand le renouvellement annuel de la magistrature dut se faire, le conseiller Butschelbach, violent adversaire de l’Évangile, fut destitué pour cause d’adultère ; quatre autres sénateurs et vingt membres du Grand-Conseil furent de même remplacés dans le sens de la Réforme et de la morale publique. Enhardis par cette victoire, les Bernois évangéliques proposèrent, en diète, que tout Suisse renonçât à servir l’étranger. A ces paroles, les guerriers de Lucerne tressaillirent sous leurs pesantes armures, et répondirent, avec un sourire hautain : « Quand vous serez revenus à l’ancienne foi, nous prêterons l’oreille à vos homélies. » Tous les membres du gouvernement, assemblés à Berne en conseil souverain, résolurent de donner l’exemple, et renoncèrent solennellement au service et aux pensions des princes. Ainsi la Réformation montrait sa foi par ses œuvres.

Une autre lutte eut lieu. Au-dessus du lac de Thun, s’élèvent des rochers escarpés, au milieu desquels se trouve une caverne profonde, où, si l’on en doit croire la tradition, le pieux Breton Béat vint se vouer, dans les temps anciens, à toutes les austérités de la vie ascétique, mais surtout à la conversion des contrées environnantes. On assurait que la tête du saint, mort dans les Gaules, était conservée dans cette caverne ; aussi les pèlerins y accouraient-ils de toutes parts. Les pieux habitants de Zug, de Schwytz, d’Uri, d’Argovie, gémissaient en pensant que la sainte tête de l’apôtre de la Suisse demeurerait désormais en une terre hérétique. L’abbé du célèbre couvent de Mouri en Argovie, et quelques-uns de ses amis, partirent pour enlever cette relique, comme autrefois les Argonautes, pour conquérir la toison d’or. Ils arrivèrent sous l’humble apparence de chétifs pèlerins, et pénétrèrent dans la caverne ; l’un d’eux déroba habilement la tête, un autre la plaça mystérieusement dans son capuchon, et ils disparurent. Une tête de mort, voilà tout ce que la Papauté parvint à sauver du naufrage. Mais cette conquête même est plus que douteuse. Les Bernois, qui eurent vent de cette expédition, envoyèrent le 18 mai trois députés, qui trouvèrent, assurent-ils, la fameuse tête, et la firent ensevelir honorablement sous leurs yeux, dans un cimetière du couvent d’Interlaken. Cette lutte autour d’un crâne caractérise l’Église qui venait de succomber à Berne, au souffle vivifiant de l’Évangile. Laissons les morts ensevelir leurs morts.

La Réformation avait triomphé à Berne ; mais un orage grossissait inaperçu dans les montagnes, et menaçait de la renverser. L’État, uni à l’Église ; se rappela son antique renommée : se voyant attaqué par les armes, il saisit les armes, et agit avec cette décision qui jadis avait sauvé Rome en des dangers pareils. Un secret mécontentement fermentait parmi le peuple des villes et des montagnes. Les uns étaient encore attachés à l’ancienne foi, et les autres n’avaient quitté la messe que pour qu’on leur quittât la dîme. D’antiques liens de voisinage, de commune origine et de communes mœurs, unissaient les habitants de l’Obwald (Underwald) à ceux du Hasli et de l’Oberland bernois, séparés seulement par le mont Brünig et le col élevé du Joch. On avait répandu le bruit que le gouvernement de Berne avait profané les lieux où l’on gardait les restes précieux de saint Béat, l’apôtre de ces montagnes ; et aussitôt l’indignation avait saisi ces peuples pasteurs, qui tiennent, plus que d’autres, aux superstitions et aux coutumes de leurs pères.

Tandis que l’amour de la Papauté en entraînait quelques-uns, d’autres étaient emportés par des désirs de liberté. Les sujets du monastère d’Interlaken, froissés par la domination monacale, se mirent à crier : « Nous voulons devenir nos propres maîtres, et ne plus payer ni rentes ni dîmes ! » Le prévôt du couvent, effrayé, fit cession à Berne de tous ses droits, pour la somme de cent mille florinsg ; et un bailli, accompagné de plusieurs conseillers, vint prendre possession du monastère.

g – Totum regnum suum tradiderunt in manus magistratus nostri. (Haller à Zwingle, 31 mars.)

Le bruit se répandit que l’on allait emporter à Rome tous les biens du couvent ; et, le 21 avril, on vit arriver, du lac et de toutes les vallées, une troupe de gens du Grindelwald, de Lauterbrunnen, de Ringelberg, de Brienz et d’autres lieux encore, qui, envahissant le cloître à main armée, jurèrent d’aller chercher dans Berne même les biens qu’on osait leur ravir.

On les apaisa pour le moment ; mais, au commencement de juin, le peuple, à l’instigation d’Underwald, se souleva de nouveau dans tout le Hasli. La Landsgemeinde ayant été convoquée, décida, à une majorité de quarante voix, le rétablissement de la messe. Aussitôt on chasse le pasteur Jächli ; quelques hommes passent le Brünig, et ramènent des prêtres d’Underwald au son des fifres et des trompettes. On les découvre de loin, descendant la montagne, et on leur répond du fond de la vallée par des cris prolongés. Ils arrivent ; tous s’embrassent, et ce peuple célèbre de nouveau la messe avec de grandes démonstrations de joie. En même temps les gens de Frütigen et de la riche vallée d’Adelboden assaillent le châtelain Reutter, lui enlèvent ses troupeaux, et établissent un prêtre romain à la place du pasteur. A Æschi, les femmes même prennent les armes, chassent le pasteur de l’église, et y ramènent en triomphe les images. La révolte grossissant de hameau en hameau, de vallée en vallée, envahit de nouveau Interlaken. Tous les mécontents s’y réunissent le 22 octobre, et jurent, en levant la main vers le ciel, de défendre courageusement leurs droits et leur liberté.

Jamais peut-être la République n’avait couru de si grands dangers. Tous les princes de l’Europe et presque tous les cantons de la Suisse étaient opposés à l’Évangile. Le bruit d’un armement de l’Autriche, destiné à intervenir en faveur du Pape, se répandait dans les cantons réformésh. Chaque jour voyait des attroupements séditieuxi, et l’on refusait au magistrat cens, redevances, dîmes et toute obéissance, à moins qu’il ne fermât les yeux sur les desseins des Catholiques-romains. Le Conseil perdit la tête. Étonné, interdit, exposé à la défiance des uns, aux insultes des autres, il se dispersa lâchement, sous prétexte des vendanges, et, croisant les bras en face du danger, attendit qu’un Messie descendant du ciel, dit un Réformateur, vînt sauver la Républiquej. Les ministres signalaient le péril, avertissaient, conjuraient… mais chacun faisait la sourde oreille. « Christ languissait dans Berne, dit Haller, et semblait près d’y perdre la viek. » Le peuple s’agitait, s’assemblait, pérorait, murmurait, et versait des larmes. Partout, dans ses réunions tumultueuses, se faisait entendre cette complainte de Manuell sur les Papistes et la Papauté :

h – Audisti nimirum quam se apparent Austriaci ad bellum, adversus quos ignoratur. Suspicantur quidam in Helvetios. (Œcol. To Zw. Epp. 2, p. 161.)

i – Seditiosorum concursus sunt quotidiani. (Zw. Epp. 2, p. 227.)

j – Nunc, nunc suum Messiam advenisse sperantes. (Ibid.)

k – Ita languet Christus apud nos. (Ibid.)

l – Dass wir hand d’Götzen geworfen hin. (Cantique et prière.)

Ils poussent des clameurs de haine et de colère,
Parce que nous voulons être avec toi, Seigneur ;
Que devant toi l’idole a dû tomber en terre,
Et que nous rejetons la guerre avec horreur.

Berne ressemblait à une mer en tourmente ; et Haller, qui suivait ce bruissement des flots, s’écriait, dans la plus vive angoisse : « La sagesse s’est départie des sages, le conseil s’est départi des conseillers, la force s’est départie des chefs et du peuple. Le nombre des séditieux augmente. Hélas ! que peut opposer l’ours pesamment endormi à tant et de si robustes chasseursm ? Si Christ se retire, nous périrons tous ! »

m – Quid hoc inter tot et tantos venatores robustos ? (Zw. Epp. 2, p. 223.)

Ces craintes allaient se réaliser. Les petits cantons prétendaient pouvoir s’immiscer dans les choses de la foi, sans porter atteinte au pacte fédéral. Tandis que six cents hommes d’Uri se tenaient prêts au départ, huit cents hommes d’Underwald, portant à leurs chapeaux des branches de sapin, symbole de la vieille foi, la tête haute, le regard sombre et irrité, passaient le Brünig sous l’antique bannière du pays, portée par Gaspard de Flue, bien peu digne d’être le petit-fils du fameux Nicolas. C’était depuis longtemps la première violation de la paix nationale. Ayant rejoint à Brienz les gens du Hasli, cette petite armée traversa le lac, passa sous les cascades du Giesbach, et arriva à Untersee, forte de treize cents hommes, et prête à marcher sur Berne pour rétablir dans cette ville rebelle le Pape, les images et la messe. En Suisse, comme en Allemagne, la Réformation rencontrait dès son origine une guerre de paysans. Au premier succès, de nouveaux combattants pouvaient accourir, et se répandre par le Brünig sur la république infidèle. L’armée n’était qu’à six lieues de Berne, et déjà les fils de l’Underwald brandissaient fièrement leurs épées sur les bords du lac de Thun.

Ainsi les alliances fédérales étaient foulées aux pieds par ceux mêmes qui aspiraient au nom de conservateurs. Berne était en droit de repousser par la force cette attaque criminelle. Rappelant tout à coup sa vertu antique, elle se réveilla, et jura de périr plutôt que de tolérer l’intervention d’Underwald, le retour de la messe et la furie des campagnardsn. Il y eut alors dans le cœur des Bernois l’un de ces éclairs qui viennent d’en haut, et qui sauvent les individus et les nations. « Que la force de la ville de Berne, s’écria l’avoyer d’Erlach, soit uniquement en Dieu et dans la fidélité de son peuple ! » Tout le Conseil et toute la bourgeoisie répondirent par de bruyantes acclamations. On sortit en toute hâte la grande bannière, les citoyens coururent aux armes, les compagnies se formèrent, et les troupes de la République partirent, ayant à leur tête le vaillant avoyer.

n – Quam missam reducem aut violentiam villanorum pati. (Haller à Zwingle, 26 octobre.)

A peine le gouvernement bernois avait-il fait acte d’énergie, qu’il vit croître la confiance de ses amis et tomber le courage de ses adversaires. Dieu n’abandonne pas un peuple qui ne s’abandonne pas lui-même. Plusieurs des habitants de l’Oberland quittèrent intimidés les drapeaux de la révolte. En même temps, des députés de Lucerne et de Bâle représentèrent à Underwald qu’il portait atteinte aux alliances fédérales. Les révoltés, démoralisés par la fermeté de la République, abandonnèrent Untersee, et se retirèrent au couvent d’Interlaken. Bientôt même, voyant la décision de leurs adversaires, incommodés d’ailleurs par les pluies froides qui ne cessaient de tomber, et craignant que les neiges, en couvrant les montagnes, ne leur fermassent le retour dans leurs foyers, les hommes d’Underwald évacuèrent Interlaken pendant la nuit. Les Bernois, au nombre de cinq mille, en prirent aussitôt possession, et sommèrent les habitants du Hasli et du bailliage d’Interlaken de se réunir le 4 novembre dans la plaine qui entoure le couvento. Ce jour étant arrivé, l’armée bernoise se rangea en ordre de bataille, puis forma un cercle, où d’Erlach fit entrer tous les paysans. A peine avait-il placé les rebelles à sa gauche et les citoyens fidèles à sa droite, que la mousqueterie et l’artillerie firent une décharge générale, dont le bruit retentit dans toutes les montagnes, et remplit d’effroi les rebelles, qui crurent y voir le signal de la mort. Mais on avait seulement voulu leur montrer qu’ils étaient au pouvoir de la République. D’Erlach, qui prit la parole après cet étrange exorde, n’avait pas fini son discours, que tous, se jetant à genoux et confessant leur faute, demandèrent grâce. La République était satisfaite, la rébellion était finie. Les bannières du pays furent transportées à Berne, et l’aigle d’Interlaken, uni au bouquetin du Hasli, y figurèrent quelque temps au-dessous de l’ours, comme trophée de cette victoire. Quatre des chefs furent mis à mort, et une amnistie fut accordée au reste des révoltés. Les Bernois, dit Zwingle, comme autrefois Alexandre de Macédoine, ont tranché le nœud gordien avec courage et avec gloirep. » Ainsi pensait le Réformateur zurichois ; mais l’expérience devait lui apprendre un jour que, pour trancher de tels nœuds, il faut une autre épée que celle des d’Erlach et des Alexandre. Quoi qu’il en soit, la paix était rétablie, et l’on n’entendait plus dans la vallée du Hasli d’autre bruit que ce sublime tumulte que portent au loin le Reichenbach et les cascades qui l’environnent, en versant du haut des monts leurs eaux colossales et écumantes.

o – Suivant la tradition, ce fut sur la place où se trouve maintenant l’hôtel d’Interlaken.

p – Bernenses pro sua dignitate nodum hunc, quemadmodum Alexander Macedo, Gordium dissectari. (Zw. Epp. 2, p. 243.)

Tout en répudiant pour l’Église le bras des bandes helvétiques, il serait insensé de méconnaître les avantages politiques de cette victoire. La noblesse avait cru que la réforme de l’Église porterait atteinte à l’existence même de l’État. On avait la preuve du contraire ; on voyait que quand l’Évangile est reçu par un peuple, il double sa force. La confiance généreuse avec laquelle, à l’heure du danger, on avait placé à la tête des affaires et de l’armée quelques-uns des adversaires de la Réformation, eut les conséquences les plus heureuses. Tous comprirent que la Réforme ne voulait pas effacer tous les souvenirs ; les préjugés se dissipèrent ; les haines s’apaisèrent ; l’Évangile rallia peu à peu tous les cœurs ; et l’on vit se réaliser cet antique et singulier proverbe, répété si souvent par les amis et les ennemis de la puissante république : « Dieu est devenu bourgeois de Berne. »

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