Histoire de la Réformation du seizième siècle

19.8

La papauté intercepte l’Évangile – Henri consulte More – Consultation ecclésiastique – Les universités – Clarke – La sainte nonne du Kent – Wolsey se décide à faire la volonté du roi – Mission auprès du pape – Quatre documents – Embarras de Charles-Quint – François-Philippe à Madrid – Accablement et résolutions de Charles – Il se détourne de la Réformation – Entrevue d’Angelis et du pape – Knight arrive à Rome – Pratiques et fuite – Traité du pape avec l’Empereur – Le pape s’échappe – Trouble de Henri VIII – Ordres de Wolsey – Ses supplications

Le soleil de la Parole de Dieu qui se montrait toujours plus radieux dans le ciel du seizième siècle était suffisant pour dissiper toutes les ténèbres de l’Angleterre ; mais la papauté, comme une immense muraille, en interceptait les rayons. A peine la Grande-Bretagne avait-elle reçu les Écritures en grec et en latin, puis en anglais, que les prêtres les avaient poursuivies avec une ardeur infatigable. Il fallait que la muraille fût abattue pour que le soleil pût pénétrer librement dans l’île des Bretons. Or il se préparait en Angleterre des événements qui devaient faire une grande brèche à la papauté. Les négociations de Henri VIII avec Clément VII jouent un rôle dans la Réformation. En faisant connaître la cour de Rome, elles détruisirent le respect que le peuple avait pour elle ; elles lui enlevèrent cette autorité et cette puissance, comme parle l’Écriture, que la royauté lui avait prêtées ; et le trône du pape une fois tombé en Angleterre, Jésus-Christ y affermit le sien.

Henri, désirant avec ardeur un héritier et pensant avoir trouvé la femme qui devait assurer son bonheur et celui de l’Angleterre, avait formé le dessein de rompre les liens qui l’unissaient à la reine, et dans ce but il consultait sur son divorce ses plus intimes conseillers. Il y en avait un, surtout, dont il ambitionnait l’approbation ; c’était Thomas More. Un jour donc que l’ami d’Érasme se promenait avec son maître dans la belle galerie de Hampton-Court, lui rendant compte d’une mission qu’il venait de remplir sur le continent, le roi l’interrompit brusquement : « Mon mariage avec la reine, dit-il, est contraire aux lois de Dieu, de l’Église et de la nature. » Puis prenant une Bible, il indiqua du doigt les passages en sa faveurs. « Je ne suis pas théologien, dit More embarrassé ; que Votre Majesté consulte une assemblée de docteurs. »

s – Laid the Bible open before me, and showed me the words. (More to Cromwell, Strype, 1 2e part, p. 197.)

Warham, sur l’ordre de Henri, réunit donc à Hampton-Court les plus savants canonistes ; mais des semaines s’écoulèrent sans qu’ils pussent s’entendret. La plupart citaient en faveur du roi les passages du Lévitique (Lév.18.16 ; 20.21), qui défendent de prendre la femme de son frèreu. Mais Fisher, évêque de Rochester, et les autres adversaires du divorce répondaient que, selon le Deutéronome (Deut.25.5), quand une femme reste veuve sans enfants, son beau-frère doit la prendre pour femme, afin de perpétuer en Israël le nom de son frère. « Cette loi ne regardait que les Juifs, » répliquaient les partisans du divorce ; ils ajoutaient qu’elle avait pour but « de maintenir les héritages distincts et les généalogies intactes, jusqu’à la venue du Christ. La constitution judaïque a passé, mais la loi du Lévitique, qui est une loi morale, oblige tous les hommes, dans tous les siècles. »

t – Consulting from day to day, and time to time. (Cavendish, p. 269.)

u – Ex his doctoribus asseritur quod Papa non potest dispensare in primo gradu affinitatis. Burnet’s Reform., 2 Records, p. 8 (Lond. 1841.)

Les évêques, pour sortir d’embarras, demandèrent que l’on consultât les universités les plus respectées ; et des commissaires partirent pour Oxford, Cambridge, Paris, Orléans, Toulouse, Louvain, Padoue, Bologne, munis de sommes destinées à dédommager les docteurs étrangers, du temps et de la peine que ce travail devait leur coûter. On avait ainsi quelque relâche, et l’on allait mettre tout en œuvre pour faire revenir le roi de son dessein.

Wolsey, qui le premier avait suggéré à Henri l’idée du divorce, en était maintenant tout effrayé. Il lui semblait qu’un signe de la fille des Boleyn allait le précipiter de la place qu’il avait si laborieusement conquise, et il répandait autour de lui sa mauvaise humeur, tantôt menaçant Warham et tantôt persécutant Pace. Mais craignant de contrarier ouvertement Henri VIII, il fit venir de Paris Clarke, évêque de Bath, et Wells, alors ambassadeur en France. Celui-ci entra dans ses vues, et après avoir prudemment louvoyé, il se hasarda enfin à dire à Henri : « Sire, la marche du procès sera si lente, qu’il faudra plus de sept années pour en finir ! — En voilà dix-huit que je patiente, répondit froidement le roi, j’en attendrai bien encore quatre ou cinqv. »

v – Since his patience had already held out for eighteen years. (Collyer, p. 24.)

Le parti politique ayant échoué, le parti clérical fit jouer un ressort d’une autre nature. Une fille, que l’on appelait la sainte nonne de Kent, Elisabeth Barton, avait été de bonne heure sujette à des convulsions épileptiques. Le prêtre de sa paroisse, nommé Masters, lui avait persuadé qu’elle était inspirée de Dieu, et s’associant un moine de Cantorbéry, nommé Becking, il s’était mis à exploiter la prophétesse. Elisabeth parcourait les campagnes, entrait dans les manoirs et les couvents, puis tout à coup ses membres se tordant, sa figure s’altérant, un mouvement violent agitant tout son corps, elle proférait des paroles étranges, que la foule ébahie recevait comme des révélations des anges et de la Vierge. Fisher, évêque de Rochester, Abel, agent ecclésiastique de la reine, More lui-même, étaient au nombre des partisans d’Élisabeth Barton. Le bruit du divorce étant parvenu jusqu’à la sainte, un ange lui ordonna de se rendre auprès du cardinal. A peine se trouve-t-elle en sa présence, que ses joues pâlissent, son corps frissonne, elle tombe en extase, et s’écrie : « Cardinal d’York, Dieu a mis trois glaives dans ta main, le glaive spirituel, pour ranger l’Église sous l’autorité du pape ; le glaive civil, pour gouverner le royaume ; et le glaive de la justice pour empêcher le divorce du roi… Si tu ne manies pas fidèlement ces trois glaives, Dieu t’en demandera comptew. » Après ces mots, la pythonisse se retira.

w – God would lay it sore to his charge. » (Strype, 1, 1re, p. 279.)

Mais d’autres influences se disputaient alors l’âme de Wolsey. La haine, qui le portait à combattre le divorce, et l’ambition, qui dans son opposition lui faisait voir sa ruine. Enfin, l’ambition l’emporta, et il se résolut à faire oublier ses objections imprudentes par l’énergie de son zèle.

Henri se hâta de mettre ce changement à profit. « Prononcez vous-même le divorce, dit-il à Wolsey, le pape ne vous a-t-il pas nommé son vicaire généralx ? » Le cardinal ne se souciait pas de s’avancer autant. « Si c’était moi qui décidait l’affaire, la reine en appellerait au pape, dit-il ; il faut donc ou demander au saint-père des pouvoirs spéciaux, ou persuader à la reine de se retirer dans un cloître. Et si nous échouons dans l’un ou l’autre de ces expédients, alors nous obéirons aux arrêts de la conscience, même en dépit du papey. » On résolut de commencer par la tentative la plus régulière, et Grégoire da Casale, le secrétaire Knight et le protonotaire Garabara, furent chargés d’une mission extraordinaire auprès du pontife romain. Da Casale était l’homme de Wolsey et Knight celui de Henri VIII. « Vous demanderez au pape, dit Wolsey aux envoyés : 1° une commission qui m’autorise à examiner ici cette affaire ; 2° sa promesse de prononcer la nullité du mariage de Catherine avec Henri, si nous reconnaissons que celui de cette princesse avec Arthur a été réellement accompli ; 3° une dispense qui permette au roi de conclure une nouvelle union. » Wolsey voulait ainsi assurer le divorce, sans porter atteinte à l’autorité papale. On insinuait qu’un faux renseignement donné par l’Angleterre à Jules II, sur l’accomplissement du premier mariage, avait porté ce pontife à permettre le second. Le pape ne s’étant trompé que quant au fait, son infaillibilité était sauve. Wolsey voulut plus encore ; sachant qu’on ne pouvait se fier à la bonne foi du pontife, il demanda un quatrième instrument, par lequel le pape s’engagerait à ne jamais rétracter les trois autres ; il oublia seulement de prendre ses précautions pour le cas où ce serait le quatrième que Clément rétracterait. « Avec ces quatre trappes, habilement combinées, disait le cardinal, j’attraperai le lièvre (il voulait dire le pape) ; s’il échappe à l’une, il tombera dans l’autre. » On se flattait à la cour d’un prompt dénouement. L’Empereur n’était-il pas l’ennemi déclaré du pontife ? Henri VIII, au contraire, ne s’était-il pas constitué protecteur de la ligue clémentine ? Clément VII, appelé à choisir entre son geôlier et son bienfaiteur, pouvait-il hésiter ?

x – Quand, par des motifs assez semblables, Napoléon voulut se séparer de Joséphine, craignant comme Henri VIII la mauvaise volonté du pape, il forma comme lui le dessein de se passer du pontife et de faire annuler son mariage par les évêques de son empire ; plus puissant, il y réussit.

y – Quid possit clam fieri quoad forum conscientiæ. (Collyer, 2 p. 24.)

En effet, Charles-Quint se trouvait dans la position la plus embarrassante. Ses gardes se promenaient, il est vrai, en long et en large devant la porte du château Saint-Ange, où Clément était prisonnier, et l’on disait à Rome en souriant : Maintenant il est vrai de dire : Papa non potest errarez. » Mais garder le pape prisonnier dans Rome n’était pas possible : et que faire de lui ? Le vice-roi de Naples proposa à Alarcon, commandant du château Saint-Ange, de transporter Clément à Gaëte ; mais le colonel espagnol, effrayé, s’écria : « A Dieu ne plaise que je traîne après moi le corps même de Dieu ! » Charles lui-même pensa à faire conduire le pontife en Espagne ; mais une flotte ennemie ne pouvait-elle pas l’enlever en route ? Le pape captif embarrassait Charles encore plus que le pape libre.

z – « Le pape ne peut errer. » (Jeu de mots, résultant des deux sens de l’expression, en latin comme en français.)

Ce fut alors que François-Philippe, écuyer de Catherine, ayant échappé aux combinaisons de Henri VIII et de Wolsey, arriva à Madrid. Il y fut tout un jour en conférence avec Charles-Quint. Ce prince fut d’abord étonné, accablé même des desseins du roi d’Angleterre. La malédiction de Dieu semblait s’appesantir sur sa maison. Déjà sa mère était folle ; sa sœur de Danemark, chassée de ses États ; sa sœur de Hongrie, devenue veuve lors de la bataille de Mohacz ; les Turcs s’emparaient de ses domaines ; Lautrec était vainqueur en Italie, et les catholiques, irrités de la captivité du pape, détestaient son ambition. Ce n’est pas assez : Henri VIII prétend répudier sa tante, et le pape va naturellement donner la main à ce dessein coupable. Charles doit choisir entre le pontife et le roi. L’amitié du roi d’Angleterre pourrait l’aider à rompre la ligue qui prétend le chasser d’Italie, et en sacrifiant Catherine il serait sûr d’obtenir cet appui ; mais, placé entre la raison d’État et l’honneur de sa tante, l’Empereur n’hésita pas ; il renonça même à certains projets de réforme qu’il avait à cœur. Il se décida tout à coup pour le pape, et dès lors tout prit une direction nouvelle.

Charles, doué de beaucoup de discernement, avait compris son siècle ; il avait vu que des concessions étaient réclamées par le mouvement des esprits, et il aurait voulu opérer la transition du moyen âge aux temps modernes par une pente habilement ménagée. Il avait en conséquence demandé un concile pour réformer l’Eglise et affaiblir en Europe la domination romaine. Il en arriva tout autrement. Si Charles se détournait de Henri, il devait se tourner vers Clément ; et après avoir fait descendre dans la prison le chef de l’Eglise, il fallait le faire remonter sur le trône. Charles-Quint sacrifia les intérêts de la société chrétienne à ceux de sa famille. Ce divorce, que l’on regarde en Angleterre comme la ruine de la papauté, fut ce qui la sauva dans l’Europe continentale.

Mais comment l’Empereur gagnera-t-il le cœur du pontife, rempli d’amertume et de colère ? Il jeta les yeux pour cette mission difficile sur un moine habile, De Angelis, général de l’Observance espagnole, et lui ordonna de se rendre au château Saint-Ange, sous prétexte de négocier la mise en liberté du saint-père. On conduisit le cordelier dans la partie la plus forte du château, nommée le roc, où se trouvait Clément ; et ces deux prêtres firent assaut de ruse. Le moine, aidé de l’adroit Moncade, entremêlait habilement la délivrance du pape et le mariage de Catherine. Il assurait que l’Empereur voulait ouvrir au pontife les portes de la prison, et en avait même déjà donné l’ordrea ; puis il ajoutait aussitôt : « L’Empereur est décidé à soutenir les droits de sa tante et jamais il ne consentira au divorceb. — Si vous êtes pour moi un bon pasteur, écrivit Charles lui-même au pape le 22 novembre, je serai pour vous une bonne brebis. » En lisant ces mots. Clément sourit ; il comprit la situation ; l’Empereur avait besoin du prêtre, Charles était aux pieds de son captif : Clément était donc sauvé ! Le divorce était une corde tombée du ciel, qui ne pouvait manquer de le tirer de la fosse ; il n’avait qu’à se tenir tranquille pour remonter sur son trône. Aussi Clément parut-il dès lors moins pressé de sortir du château, que Charles de l’en délivrer. « Tant que le divorce est en suspens, pensait le rusé Médicis, j’ai deux grands amis ; mais dès que je me serai prononcé pour l’un, j’aurai dans l’autre un ennemi mortel. » Il promit au moine de ne rien décider dans cette affaire sans en avoir prévenu l’Empereur.

a – La Cæsarea Majesta si come grandamente desidera la liberatione de nostro signor, cosi efficacemente la manda. Capituli, etc. (Le Grand, 3 p. 48.)

b – That in anywise he should not consent to the same, (State Papers, vol. 7 p. 29.)

Pendant ce temps, Knight, envoyé par l’impatient Tudor, ayant ouï dire, en traversant les Alpes, que le pape était libéré, accourut à Parme où se trouvait Gambara : « Il ne l’est pas encore, ré pondit le protonotaire : mais le général des Franciscains espère, sous peu de jours, faire cesser sa captivitéc. Continuez donc votre route, » ajoutait-il. Ce n’était pas sans de grands dangers que Knight pouvait le faire. « Quiconque n’a pas un sauf conduit ne peut aller à Rome sans exposer sa vie, » lui dit-on à Foligno, à soixante milles de la métropole ; Knight s’arrêta. Sur ces entrefaites, un messager de Henri VIII lui apporta des dépêches plus instantes que jamais ; Knight partit avec un domestique et un guide. A Monte-Rotondo, il fut presque assassiné par les habitants ; mais le lendemain 25 novembre, protégé par une pluie et un vent impétueuxd, l’envoyé de Henri entra à dix heures dans Rome sans que personne le remarquât et s’y cacha.

c – Quod sperabat intra paucos dies auferre suæ Sanctitati squalorem et tenebras. (State Papers, vol. 7 p. 13.)

d – Veari trobelous with wynde and rayne, and therefore more mete for our voyage. (Ibid. p. 16.)

Impossible de parler à Clément ; les ordres de l’Empereur étaient positifs. Knight se mit alors à pratiquer les cardinaux ; il gagna le cardinal de Pise, et par son moyen fit parvenir ses dépêches au pontife. Clément les ayant lues, les posa avec un sourire de satisfactione. « Bon, dit-il, voici maintenant l'autre qui vient aussi à moi ! » Mais à peine la nuit était-elle arrivée que le secrétaire du cardinal de Pise accourut chez Knight, et lui dit : « Don Alarcon a connaissance de votre arrivée ; et le pape vous conjure de partir aussitôt. » — Cet officier venait de s’éloigner, quand le protonotaire Gambara arriva aussi, fort agité. « Sa Sainteté vous presse de vous éloigner, lui dit-il, dès qu’elle sera en liberté, elle fera droit à la requête de Sa Majesté. » Deux heures après, deux cents soldats espagnols arrivèrent, entourèrent la maison où Knight s’était caché, la parcoururent en tout sens, mais inutilement ; l’agent anglais s’était échappéf.

e – Reponed the same saufly, as Gambara showed unto me. (Ibid. p. 17.)

f – I was not passed out of Rome, by the space of two hours ere two hundred Spaniards invaded and searched the houses. (Burnet, Records, 2 p. 12.)

La sûreté de Knight n’était pas le vrai motif qui portait Clément à presser son départ. Le jour même où le pape recevait le message du roi d’Angleterre, il signait avec Charles-Quint un traité qui le réintégrait sous certaines conditions dans l’un et l’autre de ses pouvoirs. En même temps le pape, pour plus de sûreté, faisait dire au général français Lautrec, de hâter sa marche sur Rome, afin de le sauver des mains de l’Empereur. Clément, disciple de Machiavel, donnait ainsi la main droite à Charles, la main gauche à François Ier, et n’en ayant pas d’autre pour Henri VIII, lui faisait faire de bouche les promesses les plus positives. Chacun de ces trois princes pouvait au même titre compter sur l’amitié du pontife.

C’était le 10 décembre que devait finir la captivité de Clément ; mais il préférait devoir sa liberté à l’intrigue plutôt qu’à la générosité de l’Empereur. Il se procura donc un habit de marchand, et la veille du jour fixé pour sa délivrance, sa consigne étant déjà fort adoucie, il s’évada du château, n’ayant que Louis de Gonzague pour l’accompagner dans sa fuite, et il se rendit à Orviéto.

Tandis que Clément éprouvait toute la joie d’un homme qui s’est échappé de sa prison, Henri semblait être dans l’agitation la plus vive. Ayant cessé d’aimer Catherine, il se persuadait qu’il était la victime de l’ambition de son père, le martyr du devoir, le champion de la sainteté conjugale. Sa démarche décelait son ennui, et même au milieu des conversations de la cour, des soupirs s’échappaient de sa poitrine. Il avait de fréquentes entrevues avec Wolseyg. « Je regarde avant tout au salut de mon âmeh, lui disait-il ; mais aussi à la sûreté de mon royaume. Déjà depuis longtemps un remords in cessant déchire ma consciencei, et ma pensée s’arrête sur mon mariage avec une inexprimable douleurj. Dieu, dans son indignation, m’a enlevé mes fils, et si je persiste dans cette union illégitime, il me poursuivra par des châtiments plus terribles encorek. Mon seul espoir est dans le saint-père… » Wolsey s’inclinait profondément et répondait : « Sire, je m’occupe de cette affaire, comme si elle était pour moi le seul moyen de gagner le ciel. »

g – Variis crebrisque cum regia majestate habitis sermonibus. (Burnet, Records, I, p. 11.)

h – Deumque primo et ante omnia ac animæ suæ quietem et salutem respiciens. Burnet’s Reformation,2 Records, p. 7.

i – Longo jam tempore intimo suæ conscientiæ remorsu. (Ibid.)

j – Ingenti cum molestia cordisque perturbatione. (Ibid.)

k – Graviusque a Deo supplicium expavescit. (Ibid. p. 8.)

Et en effet il redoublait d’efforts. Il écrivait à Da Casale, le 5 décembre : « A tout prix, parvenez jusqu’au pape. Déguisez-vous, présentez-vous comme le domestique de quelque seigneurl, ou comme un messager du duc de Ferrare. Distribuez l’argent à pleines mains ; sacrifiez tout, pourvu qu’on vous procure un entretien secret avec Sa Sainteté ; dix mille ducats sont à votre disposition. Vous exposerez à Clément les scrupules du roi, et la nécessité de pourvoir à la perpétuité de sa race et à la paix de son royaume. Vous lui direz que le roi est prêt, pour lui rendre la liberté, à déclarer la guerre à l’Empereur, et à se faire connaître ainsi à tout l’univers comme le vrai fils de l’Eglise. »

l – Mutato habitu et tanquam alicujus minister. (Burnet’s Reformation, Records, p. 8.)

L’essentiel, Wolsey le comprenait, était de présenter le divorce à Clément VII, comme propre à assurer le salut de la papauté. Le cardinal écrivit donc à Da Casale, le 6 décembre : « Nuit et jour, je tourne et retourne en mon âme l’état actuel de l’Eglisem, et je cherche les moyens les plus propres à retirer le pape de l’abîme où il est tombé. Tandis que je roulais en moi-même ces pensées au milieu des veilles de la nuit… un moyen s’est offert tout à coup à mon esprit. — Il faut, me suis-je dit, porter le roi à prendre la défense du saint-père. Ce n’était pas chose facile, car le roi est fortement attaché à l’Empereurn ; toutefois, je me suis mis à l’œuvre. J’ai dit au roi que Sa Sainteté était prête à le satisfaire ; j’y ai engagé mon honneur ; j’ai réussi… Le roi sacrifiera, pour sauver le pape, ses trésors, ses sujets, son royaume, même sa vieo … Je conjure donc Sa Sainteté d’accueillir notre juste demande… »

m – Diuque ac noctu mente volvens quo facto. (State Papers, vol. 7 p. 18.)

n – Adeo tenaciter Cæsari adhærebat. (Ibid.)

o – Usque ad mortem. (Ibid. p. 19.)

Jamais de si vives instances n’avaient été faites à la papauté.

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