Théologie Systématique – III. Dogmes Purs

II
De la Prédestination

1. Fondements du dogme

La prédestination ou préordination générale est donnée par la raison et par la Révélation : — Prescience divine ; — But de la création ; — Providence ; — Déclarations bibliques. — Trois théories : Prédestination absolue, conditionnelle, générale.

Après cette caractéristique générale des systèmes, nous avons à les apprécier et à les juger soit par leurs éléments constitutifs, soit par leur résultat final. Pour abréger, nous ne nous occuperons directement que de la prédestination, d’où il sera aisé de déduire ce qui concerne la liberté et la grâce, en raison du rapport interne des trois faits.

Souvenons-nous que nous ne devons aborder ce sujet qu’avec l’humble circonspection de la foi et une sorte de défiance et de crainte religieuse. Souvenons-nous, de plus, que la question du rapport logique des trois termes que nous rapprochons n’est ni traitée, ni réellement posée dans l’Écriture. Dès qu’on y touche, le mystère s’y fait sentir en tout sens. Si le mot de l’Apôtre : Nous ne connaissons qu’en partie, s’applique quelque part, c’est bien là.

Qu’il y ait une préordination générale des choses, et, par conséquent, une prédestination, c’est une donnée de la philosophie aussi bien que de la Bible ; la raison conduit à ce dogme dans le théisme, comme la foi dans le christianisme. Il résulte :

1°) De la prescience divine, attribut essentiel au Régulateur suprême des mondes, partie intégrante de la toute-science, attesté et démontré par la prophétie, partout proclamé ou supposé dans les Saintes Écritures, universellement reconnu par la philosophie religieuse. Or, dès que Dieu a tout prévu, il a par cela même tout voulu, au moins d’une volonté de permission, puisqu’il a fait tout entrer dans ses plans éternels ;

2°) Du but de la création, but que l’observation, la réflexion, le sentiment nous forcent à reconnaître, qui embrasse certainement le monde moral dont le monde physique ne semble que le moyen ou le support, et qui implique une prévision et une préordination générale. Le résultat final du vaste mécanisme de l’Univers dépend des diverses parties dont il se compose, chacune opérant dans sa sphère et remplissant sa fonction et sa destination. Ce qui sera se prépare dans ce qui est, comme ce qui est sort de ce qui était. La marche des choses n’est donc, en un sens, malgré la liberté des agents moraux, que le déploiement du plan divin ;

3°) De la doctrine de la Providence, qui nous montre Dieu en tout, exerçant un contrôle souverain sur le monde spirituel et matériel. Le déroulement de l’œuvre rédemptrice, contemplé dans la prophétie et dans l’histoire à travers les économies patriarcale, mosaïque et chrétienne, peut donner une idée de cette marche de la Providence divine ;

4°) Des déclarations bibliques (nous les exposerons et discuterons plus loin).

Mais cette prédestination ou préordination, qu’on ne peut s’empêcher de reconnaître en fait, qu’est-elle en soi ? Question qui ouvre des abîmes, et sur laquelle la métaphysique et l’exégèse ont depuis des siècles porté toutes leurs ressources, épuisé toutes leurs forces, sans pouvoir arriver à une solution positive. Les systèmes contraires que la science à produits ont régné un jour et sont tombés le lendemain, pour se relever sous des formes différentes : cercle fatal, où l’esprit humain se trouve toujours captif. Approchons donc de ces profondeurs divines avec le respect de la foi, à la lumière de la Révélation, notre principal, si ce n’est notre unique guide.

Nous nous trouvons naturellement sur cet article en présence des trois théories correspondant aux trois systèmes qui ont été exposés. Prédestination absolue (Calvinisme, Augustinisme) ; prédestination conditionnelle (Arminianisme, Luthéranisme, Semi-Pélagianisme) ; prédestination générale (Socinianisme).

Examinons si l’une ou l’autre de ces opinions se légitime et s’impose comme un résumé fidèle des données rationnelles et bibliques, ou si toutes se montrent, dans un sens ou dans l’autre, inadéquates aux faits, à la fois excessives et partielles, et par cela même insuffisantes.

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