chapitre précédent retour chapitre suivant

Bible de Jérusalem – Juges 11

Jephté pose ses conditions.

11 Jephté, le Galaadite, était un vaillant guerrier. Il était fils d’une prostituée. Et c’est Galaadg qui avait engendré Jephté.

g Galaad est clairement un nom géographique à 10.18 et 11.8 ; c’est le territoire occupé par les Gadites, cf. Nb 32.1. Ce nom est employé ici comme nom de personne d’après l’usage des généalogies, cf. Nb 26.29.

2 Mais la femme de Galaad lui enfanta aussi des fils, et les fils de cette femme, ayant grandi, chassèrent Jephté en lui disant : « Tu n’auras pas de part à l’héritage de notre père, car tu es le fils d’une femme étrangère. » 3 Jephté s’enfuit loin de ses frères et s’établit dans le pays de Tob. Il se forma autour de lui une bande de gens de rien qui faisaient campagne avec lui.h

h Cf. Abimélek, 9.4, et David, 1 S 22.1-2 ; 25.13, etc.

4 Or, à quelque temps de là, les Ammonites s’en vinrent combattre Israël. 5 Et lorsque les Ammonites eurent attaqué Israël, les anciens de Galaad allèrent chercher Jephté au pays de Tob. 6 « Viens, lui dirent-ils, sois notre commandant, afin que nous combattions les Ammonites. » 7 Mais Jephté répondit aux anciens de Galaad : « N’est-ce pas vous qui m’avez pris en haine et chassé de la maison de mon père ? Pourquoi venez-vous à moi, maintenant que vous êtes dans la détresse ? » 8 Les anciens de Galaad répliquèrent à Jephté : « C’est pour cela que maintenant nous sommes revenus à toi. Viens avec nous, tu combattras les Ammonites et tu seras notre chef, celui de tous les habitants de Galaad. » 9 Jephté répondit aux anciens de Galaad : « Si vous me faites revenir pour combattre les Ammonites et que Yahvé les livre à ma merci, alors je serai votre chef »i

i Il est possible que cet exemple concret nous donne l’une des manières dont était choisi un « juge » d’Israël il avait sauvé le peuple ; à cela s’ajoute un aspect charismatique, 11.29. Les deux traits se retrouvent dans une des traditions sur l’élection de Saül comme roi, 1 S 11. Le titre de « roi » n’apparaît pas ici. Jephté reçoit d’abord les pouvoirs d’un chef militaire et, à la suite de sa victoire, les pouvoirs d’une charge permanente. Rien ne suggère qu’il s’agisse d’une charge héréditaire. L’histoire de Jephté montre qu’on ne peut établir une opposition entre « grand » et « petit » juge et que l’institution des juges prépare celle de la royauté.

10 « Que Yahvé soit témoin entre nous, répondirent à Jephté les anciens de Galaad, si nous ne faisons pas comme tu l’as dit ! » 11 Jephté partit donc avec les anciens de Galaad. Le peuple le mit à sa tête comme chef et commandant ; et Jephté répéta toutes ses paroles à Miçpa, en présence de Yahvé.j

j Il y a donc à Miçpa un sanctuaire, où Yahvé est pris comme témoin.

Pourparlers de Jephté avec les Ammonites.k

12 Jephté envoya des messagers au roi des Ammonites pour lui dire : « Qu’y a-t-il donc entre toi et moi pour que tu sois venu faire la guerre à mon pays ? »

k Ce résumé d’histoire est une composition secondaire qui utilise Nb 20-21 et Dt 2, et qui confond Ammonites et Moabites le territoire pris par Israël, vv. 13 et 26, avait appartenu à Moab ; Kemosh, v. 24, est le dieu principal des Moabites, celui des Ammonites était Milkom.

13 Le roi des Ammonites répondit aux messagers de Jephté : « C’est parce qu’Israël, au temps où il montait d’Égypte, s’est emparé de mon pays, depuis l’Arnon jusqu’au Yabboq et au Jourdain. Rends-le maintenant pacifiquement ! »

14 Jephté envoya de nouveau des messagers au roi des Ammonites, 15 et il lui dit : « Ainsi parle Jephté. Israël ne s’est emparé ni du pays de Moab, ni de celui des Ammonites. 16 Quand il est monté d’Égypte, Israël a marché dans le désert jusqu’à la mer des Roseaux et il est parvenu à Cadès. 17 Alors Israël a envoyé des messagers au roi d’Édom pour lui dire : « Laisse-moi, je te prie, traverser ton pays ! » mais le roi d’Édom ne voulut rien entendre. Il en envoya aussi au roi de Moab, qui refusa, et Israël demeura à Cadès, 18 puis, s’avançant dans le désert, il contourna le pays d’Édom et celui de Moab et parvint à l’orient du pays de Moab. Israël campa au-delà de l’Arnon, et il n’entra pas dans le territoire de Moab, car l’Arnon est la frontière de Moab. 19 Israël envoya ensuite des messagers à Sihôn, roi des Amorites, qui régnait à Heshbôn, et Israël lui fit dire : « Laisse-moi, je te prie, traverser ton pays jusqu’à ma destination. » 20 Mais Sihôn n’eut pas confiance en Israël pour que celui-ci traverse son territoire, il rassembla toute son armée, qui campa à Yahaç, et il engagea le combat contre Israël. 21 Yahvé, Dieu d’Israël, livra Sihôn et toute son armée aux mains d’Israël qui les défit, et Israël prit possession de tout le pays des Amorites qui habitaient cette contrée. 22 Il fut ainsi en possession de tout le pays des Amorites, depuis l’Arnon jusqu’au Yabboq et depuis le désert jusqu’au Jourdain. 23 Et maintenant que Yahvé, Dieu d’Israël, a dépossédé les Amorites devant son peuple Israël, toi, tu nous déposséderais ? 24 Est-ce que tu ne possèdes pas tout ce que Kemosh, ton dieu, a mis en ta possession ? De même tout ce que Yahvé, notre Dieu, a enlevé à ses possesseurs, nous le possédons ! 25 Vaudrais-tu donc mieux que Balaq, fils de Çippor, roi de Moab ? Est-il entré en contestation avec Israël ? Lui a-t-il fait la guerre ? 26 Quand Israël s’est établi à Heshbôn et dans ses dépendances, à Aroër et dans ses dépendances, ainsi que dans toutes les villes qui sont sur les rives de l’Arnon — trois cents ans —, pourquoi ne les avez-vous pas reprises à ce moment-là ? 27 Pour moi, je n’ai pas péché contre toi, mais toi, tu agis mal envers moi en me faisant la guerre. Que Yahvé, le Juge, juge aujourd’hui entre les Israélites et les Ammonites. » 28 Mais le roi des Ammonites n’écouta pas les paroles que Jephté lui avait fait transmettre.

Le vœu de Jephté et sa victoire.l

29 L’esprit de Yahvé fut sur Jephté, qui parcourut Galaad et Manassé, passa par Miçpé de Galaad et, de Miçpé de Galaad, passa chez les Ammonites.

l L’histoire du vœu de Jephté, vv. 30-31, 34-40, a pour fin d’expliquer une fête annuelle que l’on célébrait en Galaad, v. 40, et dont la vraie signification est inconnue. Il ne faut pas en atténuer le sens Jephté immole sa fille, v. 39, pour ne pas manquer au vœu qu’il a fait, v. 31. Les sacrifices humains seront toujours réprouvés en Israël, cf. déjà Gn 22, mais le narrateur rapporte l’histoire sans exprimer aucun blâme, et l’accent paraît même être mis sur la fidélité au vœu prononcé.

30 Et Jephté fit un vœu à Yahvé : « Si tu livres entre mes mains les Ammonites, 31 quiconque sortira le premier des portes de ma maison pour venir à ma rencontre quand je reviendrai sain et sauf de chez les Ammonites, celui-là appartiendra à Yahvé, et je l’offrirai en holocauste. » 32 Jephté passa chez les Ammonites pour les attaquer et Yahvé les livra entre ses mains. 33 Il les battit depuis Aroër jusque vers Minnit — vingt villes —, et jusqu’à Abel-Keramim. Ce fut une très grande défaite ; et les Ammonites furent abaissés devant les Israélites.

34 Lorsque Jephté revint à Miçpé, à sa maison, voici que sa fille sortit à sa rencontre en dansant au son des tambourins. C’était son unique enfant. En dehors d’elle il n’avait ni fils, ni fille. 35 Dès qu’il l’eut aperçue, il déchira ses vêtements et s’écria « Ah ! ma fille, vraiment tu m’accables ! Tu es de ceux qui font mon malheur ! Je me suis engagé, moi, devant Yahvé, et ne puis revenir en arrière. » 36 Elle lui répondit : « Mon père, tu t’es engagé envers Yahvé, traite-moi selon l’engagement que tu as pris, puisque Yahvé t’a accordé de te venger de tes ennemis, les Ammonites. » 37 Puis elle dit à son père : « Que ceci me soit accordé ! Laisse-moi seule pendant deux mois. Je m’en irai errer sur les montagnes et, avec mes compagnes, je pleurerai sur ma virginité »m

m Rester sans postérité était regardé comme un malheur et un déshonneur pour une femme.

38 « Va », lui dit-il, et il la laissa partir pour deux mois. Elle s’en alla donc, elle et ses compagnes, et elle pleura sa virginité sur les montagnes. 39 Les deux mois écoulés, elle revint vers son père et il accomplit sur elle le vœu qu’il avait prononcé. Elle n’avait pas connu d’homme. Et de là vient cette coutume en Israël : 40 d’année en année les filles d’Israël s’en vont célébrern la fille de Jephté le Galaadite quatre jours par an.

n Littéralement « chanter » (cf. Ex 32.18) ; le verbe hébreu laisse supposer qu’il s’agit de chants funèbres.

chapitre précédent retour chapitre suivant