12 Car ton esprit incorruptible est en toutes choses !z
z C’est le souffle vital répandu par Dieu dans les créatures, Gn 2.7 ; 6.3 ; Ps 104.29-30 ; Jb 27.3 ; 34.14-15. Il semble que l’auteur fasse allusion également à l’esprit de la philosophie stoïcienne ou à l’âme du monde. — La Vulg. et de nombreux mss latins traduisent (à tort) « comme il est bon et doux, Seigneur, ton esprit en tous les êtres ».
2 Aussi est-ce peu à peu que tu reprends ceux qui tombent ;
tu les avertis, leur rappelant en quoi ils pèchent,
pour que, s’étant débarrassés du mal, ils croient en toi, Seigneur.
3 Les anciens habitantsa de ta terre sainte,
a Une liste est donnée par Dt 7.1, mais l’auteur vise principalement les Cananéens.
4 tu les avais pris en haine pour leurs détestables pratiques,
actes de sorcellerie, rites impies.
5 Ces impitoyables tueurs d’enfants,
ces mangeurs d’entrailles en des banquets de chairs humaines et de sang,
ces initiés membres de confrérie,b
b « mangeurs d’entrailles » lat. ; « (banquet) où l’on mange les entrailles » 3 mss ; « (banquet) de mangeurs d’entrailles » texte reçu. — « membres de confrérie », litt. « du milieu du thiase » plusieurs mss ; dans le texte reçu, l’expression est corrompue et n’a pas de sens. Ce cannibalisme n’est pas attesté en Canaan, mais se rencontre chez d’autres peuples de l’Antiquité. L’auteur emprunte des traits aux « mystères » hellénistiques et fait allusion aux rites mal famés de certains d’entre eux.
6 ces parents meurtriers d’êtres sans défense,
tu avais voulu les faire périr par les mains de nos pères,
7 pour que cette terre, qui de toutes t’est la plus chère,
reçût une digne colonie d’enfants de Dieu.
8 Eh bien ! même ceux-là, parce que c’étaient des hommes, tu les as ménagés,c
et tu as envoyé des frelons comme avant-coureurs de ton armée,
pour les exterminer petit à petit.d
c Ce trait insiste moins sur la fragilité de l’homme, Gn 8.31 ; Ps 78.39 ; Ps 103.14-15, etc., que sur sa dignité essentielle, Gn 1.26-27 ; Ps 8.5-7 autorisant des relations privilégiées avec la Sagesse divine, Pr 8.31. Cette dignité était reconnue aussi par le stoïcisme, mais avec une insistance particulière sur la notion commune d’humanité.
d L’auteur transforme le sens donné à l’épisode des « frelons », Ex 23.28 ; Dt 7.20, par les textes anciens, préoccupés d’expliquer le retard apporté à l’extermination des Cananéens. Au lieu de se soucier seulement d’Israël, Dieu exerçait ainsi sa miséricorde envers les Cananéens pécheurs.
9 Non qu’il te fût impossible de livrer des impies aux mains de justes en une bataille rangée,
ou de les anéantir d’un seul coup au moyen de bêtes cruelles ou d’une parole inexorable ;
10 mais en exerçant tes jugements peu à peu, tu laissais place au repentir.
Tu n’ignorais pourtant pas que leur nature était perverse,
leur malice innée,
et que leur mentalité ne changerait jamais ;e
e Non pas en vertu d’une prédestination positive au mal, mais en raison de leur refus de se repentir. Dieu savait que, comme le Pharaon, ils « s’endurciraient », ce qu’illustre le rappel de la malédiction de Canaan, Gn 9.25, transposée sur un plan moral, cf. 3.12, 19 ; 4.3-6.
11 car c’était une race maudite dès l’origine.
Et ce n’est pas non plus par crainte de personne que tu accordais l’impunité à leurs fautes.
12 Car qui dira : Qu’as-tu fait ?
Ou qui s’opposera à ta sentence ?
Et qui te citera en justice pour avoir fait périr des nations que tu as créées ?
Ou qui se portera contre toi le vengeur d’hommes injustes ?
13 Car il n’y a pas, en dehors de toi, de Dieu qui ait soin de tous,
pour que tu doives lui montrer que tes jugements n’ont pas été injustes.
14 Il n’y a pas non plus de roi ou de souverain qui puisse te regarder en face au sujet de ceux que tu as châtiés.
15 Mais, étant juste, tu régis l’univers avec justice,
et tu estimes que condamner celui qui ne doit pas être châtié,f serait incompatible avec ta puissance.
f Par suite d’une altération ancienne du verbe « condamner » et d’une coupure malheureuse, presque tous les mss latins portent « celui-là aussi qui ne doit pas être puni, tu le condamnes ».
16 Car ta force est le principe de ta justice,g
et de dominer sur tout te fait ménager tout.
g Parce qu’il possède la plénitude de la force et n’a aucune raison d’en abuser (cf. au contraire 2.11), Dieu exerce sa justice avec une entière impartialité et liberté ; de même sa souveraine maîtrise sur tous les êtres l’autorise et l’invite à user de clémence envers tous.
17 Tu montres ta force, si l’on ne croit pas à la plénitude de ta puissance,
et tu confonds l’audace de ceux qui la connaissent ;
18 mais toi, dominant ta force, tu juges avec modération, et tu noush gouvernes avec de grands ménagements,
car tu n’as qu’à vouloir, et ta puissance est là.
h Ou bien l’auteur s’identifie avec tous les hommes, ou bien il amorce déjà (cf. vv. 21-22) l’idée d’un traitement de faveur réservé aux Israélites.
19 En agissant ainsi, tu as enseigné à ton peuple
que le juste doit être ami des hommes,i
et tu as donné le bel espoir à tes fils
qu’après les péchés tu donnes le repentir.
i À l’exemple de la Sagesse, 1.6 ; 7.23. Cette attitude correspond à l’universalisme foncier des écrits de sagesse et trouvera une expression nouvelle dans le NT, cf. Mt 5.43-48.
20 Car, si ceux qui étaient les ennemis de tes enfants et promis à la mort,
tu les as punis avec tant d’attention et d’indulgence,j
leur donnant temps et lieu pour se défaire de leur malice,k
j « d’indulgence » une partie des mss ; « de prière » texte reçu, syr. « tu as sauvé » quelques mss, lat., arm. ; d’autres témoins omettent le mot.
k Cf. 12.2. L’idée que Dieu tente d’arracher son peuple au péché par des épreuves et des châtiments est fréquente dans l’AT, cf. Am 4.6. L’auteur l’étend délibérément à tous les hommes pécheurs, cf. déjà Jb 33.14-22 ; 34.29-32 ; Jon 3-4.
21 avec quelle précaution n’as-tu pas jugé tes fils,
toi qui, par serments et alliances, as fait à leurs pères de si belles promesses ?
22 Ainsi, quand tu châties nos ennemis avec mesure,l tu nous apprends
à songer à ta bonté quand nous jugeons,
et, quand nous sommes jugés, à compter sur ta miséricorde.
l « avec mesure » en métriotèti conj. ; « avec une myriade (de coups) » en muriotèti texte reçu.
23 Voilà pourquoi aussi ceux qui avaient mené dans l’injustice une vie insensée,
tu les as torturés par leurs propres abominations ;m
m Désignation biblique des faux dieux et des idoles, cf. Dt 7.26 ; 27.15, etc. Le culte des animaux est ici visé et l’auteur renoue avec 11.15-16.
24 car ils avaient erré au-delà sur les chemins de l’erreur,
en prenant pour des dieux les plus vils et les plus méprisés des animaux,n
trompés comme de tout petits enfants sans intelligence.
n « les plus vils et les plus méprisés des animaux », litt. « ceux qui même chez les animaux sont méprisés parmi les vils »; « parmi les vils » mss ; « chez les animaux des ennemis » ou « parmi les hostiles » texte reçu.
25 Aussi, comme à des enfants sans raison,
leur as-tu envoyé un jugement de dérision.
26 Mais eux qui ne s’étaient pas laissé avertir par une réprimande dérisoire
ils allaient subir un jugement digne de Dieu.
27 Sur ces êtres qui les faisaient souffrir et contre lesquels ils s’indignaient,
ces êtres qu’ils tenaient pour dieux et par lesquels ils étaient châtiés,
ils virent clair, et celui que jadis ils refusaient de connaître, ils le reconnurent pour vrai Dieu.
Et c’est pourquoi l’ultime condamnation s’abattit sur eux.o
o Pharaon reconnut enfin l’action de Dieu, Ex 12.31-32, après s’y être longtemps refusé, Ex 7-11, mais n’en continua pas moins à le braver. Cela ira jusqu’à la noyade dans la mer Rouge, Ex 14.25-28 ; 19.1, 4s.