Bible de Jérusalem – 2 Maccabées 3
III. Histoire d’Héliodorew
La venue d’Héliodore à Jérusalem.
3 Tandis que la ville sainte était habitée dans une paix complète et qu’on y observait les lois le plus exactement possible, à cause de la piété du grand prêtre Oniasx et de sa haine pour le mal,
w L’auteur a retenu du livre de Jason cet épisode coloré, car il illustre sa thèse, exprimée au v. 39. Le fait se passe au temps de Séleucus IV Philopator (187-175). Il n’est pas étonnant que ce monarque ait voulu s’emparer des richesses du Temple il était en effet très à court d’argent, à cause de la lourde dette envers Rome qu’avait contractée son père Antiochus III à la suite de la défaite de Magnésie (189), cf. 1 M 8.7.
x Onias III, fils de Simon II dont Si 50.1 s fait un bel éloge. Il est loué lui-même, 4.5-6 ; 15.12. Les Oniades continuent la lignée des grands prêtres de l’époque perse, issue de Josué, cf. Ne 12.10s, un descendant de Sadoq, cf. 2 S 8.17 ; 1 Ch 5.27s.
2 il arrivait que les rois eux-mêmes honoraient le saint lieu et rehaussaient la gloire du Temple par les dons les plus magnifiques,
3 si bien que Séleucus, roi d’Asie, couvrait de ses revenus personnels toutes les dépenses nécessaires au service des sacrifices.y
y Ptolémée II et Ptolémée III d’Égypte ainsi qu’Antiochus III de Syrie avaient de même, au siècle précédent, honoré le Temple de leurs présents. Cf. 1 M 10.39s (pour Démétrius Ier).
4 Mais un certain Simon, de la tribu de Bilga, institué prévôt du Temple,z se trouva en désaccord avec le grand prêtre sur la police des marchés de la ville.
z « Bilga » Vet. Lat. et arm. ; « Benjamin » grec. C’est une lignée sacerdotale, cf. Ne 12.5, 18. — Le prévôt avait l’administration financière du Temple.
5 Comme il ne pouvait l’emporter sur Onias, il alla trouver Apollonius, fils de Thraséos, qui était à cette époque le stratège de Cœlé-Syrie et de Phénicie.
6 Il rapporta que le trésor de Jérusalem regorgeait de richesses indicibles au point que la quantité des sommes en était incalculable et nullement en rapport avec le compte exigé par les sacrifices : il était possible de les faire tomber en la possession du roi.
7 Au cours d’une entrevue avec le roi, Apollonius mit celui-ci au courant des richesses qu’on lui avait dénoncées. Arrêtant son choix sur Héliodore, qui était à la tête des affaires, le roi l’envoya avec ordre de procéder à l’enlèvement des susdites richesses.
8 Aussitôt Héliodore se mettait en route, en apparence pour inspecter les villes de Cœlé-Syrie et de Phénicie, en fait pour accomplir les intentions du roi.
9 Arrivé à Jérusalem, et reçu avec bienveillance par le grand prêtre et par la ville, il fit part de ce qu’on avait dévoilé et manifesta le but de sa présence, demandant ensuite si véritablement il en était ainsi.
10 Le grand prêtre lui représenta que le trésor contenait les dépôts des veuves et des orphelins
11 et une somme appartenant à Hyrcan, fils de Tobie, personnage occupant une très haute situation,a et qu’à l’encontre de ce que colportait faussement l’impie Simon, il y avait en tout quatre cents talents d’argent et deux cents talents d’or ;b
a Gouverneur de l’Ammanitide, cf. 1 M 5.13.
b Le dépôt serait de 10 500 kg d’argent et de 5 250 kg d’or, chiffre peu vraisemblable.
12 qu’au reste il était absolument impossible de faire tort à ceux qui s’étaient confiés à la sainteté de ce lieu, à la majesté et à l’inviolabilité d’un Temple vénéré dans le monde entier.
La ville est bouleversée.
13 Mais Héliodore, en vertu des ordres qu’il avait reçus du roi, soutenait absolument que ces richesses devaient être confisquées au profit du trésor royal.
14 Au jour fixé par lui, il entrait pour dresser un inventaire de ces richesses. Une grande anxiété régna dans toute la ville.
15 Revêtus de leurs habits sacerdotaux, les prêtres, prosternés devant l’autel, invoquaient le ciel, auteur de la loi sur les dépôts, le priant de conserver ces biens intacts à ceux qui les avaient déposés.
16 À voir l’aspect du grand prêtre, on ne pouvait manquer de sentir une blessure jusqu’au fond du cœur, tant son air et l’altération de son teint trahissaient l’angoisse de son âme.
17 En proie à la frayeur et au tremblement dans tout son corps, cet homme manifestait à ceux qui le regardaient la souffrance installée dans son cœur.
18 Des gens se précipitaient par groupes hors des maisons pour prier tous ensemble parce que le saint lieu était menacé d’opprobre.
19 Les femmes, ceintes de sacs au-dessous des seins, remplissaient les rues ; les jeunes filles qui étaient tenues à la maison couraient, les unes aux portes, les autres sur les murs, certaines se penchaient aux fenêtres :
20 toutes, les mains tendues vers le ciel, proféraient leur supplication.
21 C’était pitié de voir la prostration confuse de la multitude et l’appréhension du grand prêtre en proie à une grande inquiétude.
22 Pendant que d’un côté on demandait au Seigneur tout-puissant de garder intacts, en toute sûreté, les dépôts à ceux qui les avaient confiés,
23 Héliodore, d’autre part, exécutait ce qui avait été décidé.
Châtiment d’Héliodore.
24 Il était déjà là avec ses gardes, près du Trésor, lorsque le Souverain des Esprits et de toute Puissance se manifesta, avec un tel éclat que tous ceux qui avaient osé entrer là, frappés par la force de Dieu, se trouvèrent sans vigueur ni courage.
25 À leurs yeux apparut un cheval monté par un redoutable cavalier et richement caparaçonné ; bondissant avec impétuosité, il agitait contre Héliodore ses sabots de devant. L’homme qui le montait paraissait avoir une armure d’or.
26 Deux autres jeunes hommes lui apparurent en même temps, d’une force remarquable, éclatants de beauté, couverts d’habits magnifiques ; s’étant placés l’un d’un côté, l’autre de l’autre, ils le flagellaient sans relâche, lui portant une grêle de coups.
27 Héliodore, soudain tombé à terre, fut environné d’épaisses ténèbres. On le ramassa pour le mettre dans une litière,
28 et cet homme, qui venait d’entrer dans la chambre dudit trésor avec un nombreux entourage et tous ses gardes du corps, fut emporté, incapable de s’aider lui-même, par des gens qui reconnaissaient ouvertement la souveraineté de Dieu.
29 Pendant que cet homme, sous le coup de la puissance divine, gisait sans voix, privé de tout espoir et de tout secours,
30 les autres bénissaient le Seigneur qui avait miraculeusement glorifié son saint lieu. Et le sanctuaire, qui un instant auparavant était plein de frayeur et de trouble, fut, par la manifestationc du Seigneur tout-puissant, débordant de joie et d’allégresse.
c En grec epiphainesthai , cf. 2.21. La littérature juive et païenne de l’époque gréco-romaine est pleine de ces « épiphanies » et « théophanies », qui illustraient en quelque sorte la toute-puissance divine. Ici, le récit vient de Jason, cf. 2.23. L’intervention de Dieu est réelle mais nous en ignorons le mode.
31 Certains des compagnons d’Héliodore s’empressèrent de demander à Onias de prier le Très-Haut et d’accorder la vie à celui qui gisait n’ayant plus qu’un souffle.
32 Dans la crainte que le roi ne soupçonnât par hasard les Juifs d’avoir joué un mauvais tour à Héliodore, le grand prêtre offrit un sacrifice pour le retour de cet homme à la vie.
33 Alors que le grand prêtre offrait le sacrifice d’expiation, les mêmes jeunes hommes apparurent à Héliodore revêtus des mêmes habits, et, se tenant debout, lui dirent : « Rends mille actions de grâces au grand prêtre Onias, car c’est en considération de lui que le Seigneur t’accorde la vie sauve.
34 Quant à toi, ainsi fustigé du Ciel, annonce à tous la grandeur de la force de Dieu. » Ayant dit ces paroles, ils disparurent.
Conversion d’Héliodore.
35 Héliodore, ayant offert un sacrifice au Seigneur et fait les plus grands vœux à celui qui lui avait conservé la vie, prit amicalement congé d’Onias et revint avec son armée auprès du roi.
36 Il rendait témoignage à tous des œuvres du Dieu très grand qu’il avait contemplées de ses yeux.
37 Au roi lui demandant quel homme lui paraissait propre à être envoyé une fois encore à Jérusalem, Héliodore répondit :
38 « Si tu as quelque ennemi ou quelque conspirateur contre l’État, envoie-le là-bas et il te reviendra déchiré par les fouets, si toutefois il en réchappe, car il y a vraiment pour le lieu saint une puissance toute particulière de Dieu.
39 Celui qui a sa demeure dans le ciel veille sur ce lieu et le protège ; ceux qui y viennent avec de mauvais desseins, il les frappe et les fait périr. »
40 C’est ainsi que se passèrent les choses relatives à Héliodore et à la sauvegarde du trésor sacré.