41 Îles, faites silence pour m’écouter,
que les peuples renouvellent leurs forces,
qu’ils s’avancent et qu’ils parlent,
ensemble comparaissons au jugement.
r En réponse aux doutes du peuple, cf. 40.27, ce grand poème annonce la venue d’un libérateur. Il s’agit de Cyrus, qui ne sera pas nommé avant 44.28, mais qui, pour les contemporains du Second Isaïe, était clairement désigné ici, cf. vv. 2-3 et 25. Le poème a été composé au moment où l’avance foudroyante de Cyrus laisse prévoir la chute de Babylone. C’est Yahvé qui le suscite, non pour frapper, comme Sennachérib ou Nabuchodonosor, mais pour délivrer. — S. Jérôme, qui a traduit au v. 2 « Qui a suscité de l’Orient le Juste », a appliqué ce texte au Messie, dont Cyrus, qui sera appelé « l’oint de Yahvé », 45.1, est de quelque manière une figure.
2 Qui a suscité de l’Orient
celui que la justice appelle à sa suite,s
auquel Il livre les nations,
et assujettit les rois ?
Son épée les réduit en poussière
et son arc en fait une paille qui s’envole.
s Le mot hébr. traduit par « justice » implique un rétablissement de l’ordre voulu par Yahvé et peut ainsi prendre le sens de « victoire », cf. aussi v. 10 ; 54.17.
3 Il les chasse et passe en sécurité
par un chemin que ses pieds ne font qu’effleurer.t
t « ne font qu’effleurer », litt. « il ne foule pas (yabûs) de ses pieds », conj. ; « il ne vient pas (yabo’)... » hébr. — L’image évoque la rapidité de l’avance de Cyrus.
4 Qui a agi et accompli ?
Celui qui dès le commencement appelle les générations ;
moi, Yahvé, je suis le premier,
et avec les derniers je serai encore.u
u Cette expression de l’éternité de Yahvé sera reprise par Ap 1.8, 17 ; 21.6 ; 22.13.
5 Les îles ont vu et prennent peur,
les extrémités de la terre frémissent,
ils sont tout près, ils arrivent.
6 Chacun aide son compagnon,
il dit à l’autre : « Courage ! »
7 L’artisan donne courage à l’orfèvre,
et celui qui polit au marteau à celui qui bat l’enclume :
il dit de la soudure : « Elle est bonne »,
il la renforce avec des clous pour qu’elle ne vacille pas.v
v Les vv. 6-7 sont une interpolation qui se rattache à 40.19-20, cf. la note.
8 Et toi, Israël, mon serviteur,w
Jacob, que j’ai choisi,
race d’Abraham, mon ami,
w Ici apparaît pour la première fois le thème du « serviteur », qui tient une grande place dans la prédication du Second Isaïe ; ce thème est lié à celui de l’élection, cf. 43.10, 20 ; 44.1, 2 ; 45.4, et celle-ci remonte à l’appel d’Abraham. Israël-Jacob, « race d’Abraham », a été choisi pour être le témoin de Yahvé, 43.10 ; bien qu’il ait été infidèle, 42.19, Dieu lui pardonnera et le sauvera, 44.1-5 ; 48.20. Plus qu’une relation de maître à esclave, cette notion de « serviteur » implique une relation de confiance et d’amour. — Sur les « Chants du Serviteur », cf. l’Introduction.
9 toi que j’ai saisi aux extrémités de la terre,
que j’ai appelé des contrées lointaines,
je t’ai dit : « Tu es mon serviteur,
je t’ai choisi, je ne t’ai pas rejeté. »
10 Ne crains pas car je suis avec toi,
ne te laisse pas émouvoir car je suis ton Dieu ;
je t’ai fortifié et je t’ai aidé, je t’ai soutenu de ma droite justicière.
11 Voici qu’ils seront honteux et humiliés,
tous ceux qui s’enflammaient contre toi.
Ils seront réduits à rien et périront,
ceux qui te cherchaient querelle.
12 Tu les chercheras et tu ne les trouveras pas,
ceux qui te combattaient ;
ils seront réduits à rien, anéantis,
ceux qui te faisaient la guerre.
13 Car moi, Yahvé, ton Dieu,
je te saisis la main droite,
je te dis : « Ne crains pas,
c’est moi qui te viens en aide. »
14 Ne crains pas, vermisseau de Jacob,
et vous, pauvres gens d’Israël.
C’est moi qui te viens en aide, oracle de Yahvé,
celui qui te rachète,x c’est le Saint d’Israël.
x En hébr. go’el c’est d’abord le proche parent, vengeur du sang, Nb 35.19, celui qui rachète le prisonnier pour dettes, celui qui doit défendre la veuve, Rt 2.20. Le mot désigne donc Dieu comme protecteur de l’opprimé et libérateur du peuple. En ce sens, il est très fréquent dans les Psaumes, cf. 19.15, et dans la seconde partie d’Isaïe, 43.14 ; 44.6, 24 ; 47.4 ; 48.17 ; 59.20 ; cf. Jr 50.34. Le NT et la théologie chrétienne reprendront l’idée pour l’appliquer à Jésus, qui est, lui aussi, le « rédempteur ».
15 Voici que j’ai fait de toi un traîneau à battre,
tout neuf, à doubles dents.
Tu écraseras les montagnes, tu les pulvériseras,
les collines, tu en feras de la paille.
16 Tu les vanneras, le vent les emportera
et l’ouragan les dispersera ;
pour toi, tu te réjouiras en Yahvé,
tu te glorifieras dans le Saint d’Israël.
17 Les miséreux et les pauvres cherchent de l’eau, et rien !
Leur langue est desséchée par la soif.
Moi, Yahvé, je les exaucerai,
Dieu d’Israël, je ne les abandonnerai pas.
18 Sur les monts chauves je ferai jaillir des fleuves,y
et des sources au milieu des vallées.
Je ferai du désert un marécage
et de la terre aride des eaux jaillissantes.
y De même que jadis Moïse avait fait jaillir l’eau du rocher pour abreuver son peuple, Ex 17.1-7, lors du prochain retour les fleuves jailliront des montagnes et feront du désert une plaine fertile. À travers les merveilles du retour de l’Exil, le prophète entrevoit certains traits de l’ère messianique, cf. 11.6 ; Ez 47.1-12.
19 Je mettrai dans le désert le cèdre,
l’acacia, le myrte et l’olivier,
je placerai dans la steppe pêle-mêle
le cyprès, le platane et le buis,
20 afin que l’on voie et que l’on sache,
que l’on fasse attention et que l’on comprenne
que la main de Yahvé a fait cela,
que le Saint d’Israël l’a créé.
21 Présentez votre querelle, dit Yahvé,
produisez vos arguments, dit le roi de Jacob.
z De même qu’il était entré en procès avec les nations, v. 1, Yahvé appelle ici les faux dieux à comparaître devant lui. Leur incapacité à prédire l’avenir et à agir sur le monde est la preuve de leur néant. C’est dans le Second Isaïe que s’exprime explicitement pour la première fois le monothéisme absolu, cf. 43.8-13 ; 44.6-8 ; 45.5, préparé par le monothéisme pratique que représentait l’adoration exclusive de Yahvé, Dieu d’Israël, cf. 42.8 et Introduction. Sur la polémique contre les idoles, cf. 40.18.
22 Qu’ils produisent et qu’ils nous montrent
les choses qui doivent arriver.
Les choses passées, que furent-elles ?
montrez-le, que nous y réfléchissions
et que nous en connaissions la suite.
Ou bien faites-nous entendre les choses à venir,
23 annoncez ce qui doit se passer ensuite,
et nous saurons que vous êtes des dieux.
Au moins, faites bien ou faites mal,
que nous éprouvions de l’émoi et de la crainte.
24 Voici, vous êtes moins que rien, et votre œuvre, c’est moins que néant,a
vous choisir est abominable.
a « néant » ’epes conj. ; ’apa` hébr. inintelligible.
25 Je l’ai suscité du Nord et il est venu,
depuis le Levant il est appelé par son nom.b
Il piétinec les gouverneurs comme de la boue,
comme le potier pétrit l’argile.
b « Il est appelé par son nom » conj. cf. 45.3 ; « il appelle (ou proclame) mon nom » hébr. — Cette formule signifie la désignation de quelqu’un pour une mission particulière, Ex 31.2 ; Nb 1.17, en même temps qu’elle exprime une relation privilégiée de Yahvé avec celui qu’il « appelle par son nom », cf. 43.1 ; 45.3-4.
c « il piétine » yabûs conj. ; « il marche » yabo’ hébr.
26 Qui l’a annoncé dès le principe, pour que nous sachions,
et dans le passé, pour que nous disions : C’est juste ?
Mais nul n’a annoncé, nul n’a fait entendre,
nul n’a entendu vos paroles.
27 Prémices de Sion, voici, les voici,
à Jérusalem j’envoie un messager,d
d Texte peut-être corrompu, traduit litt. On voit ici, comme au v. 25, une allusion à l’annonce que fait Yahvé de la délivrance par Cyrus, tandis que les faux dieux restent muets, v. 28.
28 et je regarde : personne !
Parmi eux, pas un qui donne un avis,
que je puisse interroger et qui réponde !
29 Voici, tous ensemble ils ne sont rien,e
néant que leurs œuvres,
du vent et du vide leurs statues !
e « rien » 1QIsa, Targ. ; « malheur » TM.