chapitre précédent retour chapitre suivant

Bible de Jérusalem – Ésaïe 66

Oracle sur le Temple.m

66 Ainsi parle Yahvé :
Le ciel est mon trône, et la terre l’escabeau de mes pieds.
Quelle maison pourriez-vous me bâtir,
et quel pourrait être le lieu de mon repos,

m Cet oracle n’a pas de lien avec le contexte. Il condamne le Temple qu’on a entrepris de reconstruire au retour de l’Exil, comme avait fait Natân sous David, 2 S 7.5-7, comme fera Étienne, Ac 7.48s, citant ce passage d’Is. C’est le rejet d’une religion trop matérielle au bénéfice de la religion des « pauvres », v. 2, cf. So 2.3.

2 quand tout cela, c’est ma main qui l’a fait,
quand tout cela est à moi,n oracle de Yahvé !
Mais celui sur qui je porte les yeux, c’est le pauvre et l’humilié,
celui qui tremble à ma parole.

n « est à moi » grec, syr. ; « fut » hébr.

3 On sacrifie le bœuf, on abat un homme ;o
on immole l’agneau, on assomme un chien ;
on présente une offrande, c’est du sang de porc ;
on fait un mémorial d’encens, une bénédiction abominable ;
tous ces gens ont choisi leurs voies,
et leur âme se complaît dans leurs horreurs.

o Ce texte met en parallèle quatre actions du culte légitime et quatre actions des cultes païens sacrifices humains, abattage du chien, manducation du porc, salut aux idoles. Cela ne signifie pas que celui qui immole un bœuf ne vaut pas mieux que celui qui sacrifie un homme, etc., une condamnation aussi radicale du culte extérieur ne se trouve nulle part dans l’AT. Cela signifie que ceux qui accomplissent ces actes du culte légitime observent aussi des rites païens. C’est donc une condamnation du syncrétisme, que pratiquaient les mêmes cercles visés par 65.3-5 et 66.17.

4 Moi aussi, j’ai plaisir à me moquer d’eux,p
j’amènerai sur eux ce qu’ils redoutent,
parce que j’ai appelé et nul n’a répondu,
j’ai parlé et nul n’a entendu ;
ils ont fait ce qui est mal à mes yeux,
ils ont pris plaisir à ce qui me déplaît.

p Texte incertain. Le mot est le même qu’en 3.4 (« des gamins », cf. la note). Le grec traduit par « moquerie », ce qui convient bien au contexte, mais certains traducteurs modernes préfèrent « mauvais traitement », « infortune », etc.

Jugement sur Jérusalem.q

5 Écoutez la parole de Yahvé,
vous qui tremblez à sa parole.
Ils ont dit, vos frères qui vous haïssent
et vous rejettent à cause de mon nom :
« Que Yahvé manifeste sa gloire,r
et que nous soyons témoins de votre joie »,
mais c’est eux qui seront confondus !

q C’est apparemment la suite de l’apocalypse du chap. 65, mais avec un thème nouveau exprimant les espoirs du peuple de Dieu.

r « manifeste sa gloire » versions ; « glorifie » hébr.

6 Une voix, une rumeur qui vient de la ville,
une voix qui vient du sanctuaire, la voix de Yahvé
qui paie leur salaire à ses ennemis.
7 Avant d’être en travail elle a enfanté,
avant que viennent les douleurs elle a accouché d’un garçon.s

s Image qui exprime le caractère soudain et prodigieux de l’avènement du monde nouveau. Cf. 26.17-18 où l’on retrouve l’image de l’enfantement, avec une nuance un peu différente.

8 Qui a jamais entendu rien de tel ?
Qui a jamais vu chose pareille ?
Peut-on mettre au monde un pays en un jour ?
Enfante-t-on une nation en une fois ?
À peine était-elle en travail que Sion a enfanté ses fils.
9 Ouvrirais-je le sein pour ne pas faire naître ? dit Yahvé.
Si c’est moi qui fais naître, fermerai-je le sein ? dit ton Dieu.
10 Réjouissez-vous avec Jérusalem,
exultez en elle, vous tous qui l’aimez,
soyez avec elle dans l’allégresse,
vous tous qui avez pris le deuil sur elle,
11 afin que vous soyez allaités et rassasiés
par son sein consolateur,
afin que vous suciez avec délices
sa mamelle plantureuse.
12 Car ainsi parle Yahvé :
Voici que je fais couler vers elle la paix comme un fleuve,
et comme un torrent débordant, la gloire des nations.
Vous serez allaités, on vous portera sur la hanche,
on vous caressera en vous tenant sur les genoux.
13 Comme celui que sa mère console,
moi aussi, je vous consolerai,
à Jérusalem vous serez consolés.

14 À cette vue votre cœur sera dans la joie,
et vos membres reprendront vigueur comme l’herbe ;
la main de Yahvé se fera connaître à ses serviteurs
et sa colère à ses ennemis.
15 Car voici que Yahvé arrive dans le feu,
et ses chars sont comme l’ouragan,
pour assouvir avec ardeur sa colère
et sa menace par des flammes de feu.
16 Car par le feu, Yahvé se fait juge,
par son épée, sur toute chair ;
nombreuses seront les victimes de Yahvé.
17 Ceux qui se sanctifient et se purifient pour entrer dans les jardins,t
derrière quelqu’un qui se tient au centre,
qui mangent de la chair de porc, des choses abominables et du rat,
d’un même coup finiront, oracle de Yahvé,
leurs actions et leurs pensées.u

t Ce v. est isolé dans ce contexte et pourrait être rattaché à 65.3-5. Il fait allusion à des actes d’un culte secret, présidé par un prêtre (ou une prêtresse, si on lit le féminin avec qeré et 1QIsa), cf. Ez 8.11. Ce parallèle indique que le texte peut s’expliquer sans recours aux mystères hellénistiques, plus tardifs.

u « choses abominables », cf. Lv 7.21 ; 11.10-42. Inutile de corriger ce mot pour comprendre « reptiles » (shereç au lieu de sheqeç, cf. Gn 1.20, etc.). — « Leurs actions et leurs pensées » est tiré du début du v. 18 où ces mots ne se rattachent à rien.

Discours eschatologique.v

18 Mais moi je viendrai rassembler toutes les nations et toutes les langues, et elles viendront voir ma gloire.

v Les vv. 18-24 ont probablement été ajoutés comme conclusion aux chap. 40-66 ou même au livre tout entier. Tout le passage devait être en vers et a dû être défiguré par l’insertion de la liste des nations au v. 19 et de celle des moyens de transports au v. 20. Toutes les nations seront converties et ramèneront les dispersés d’Israël à Jérusalem en offrande à Dieu, mais c’est Israël qui reçoit les promesses éternelles. Nulle part ailleurs dans l’AT l’universalisme et le particularisme ne sont à un tel point juxtaposés.

19 Je mettrai chez elles un signe et j’enverrai de leurs survivantsw vers les nations : vers Tarsis, Put, Lud, Méshek, Tubal et Yavân,x vers les îles éloignées qui n’ont pas entendu parler de moi, et qui n’ont pas vu ma gloire. Ils feront connaître ma gloire aux nations,

w Les « survivants » des nations, cf. 45.20-25, sont les convertis, et ils sont envoyés prêcher la foi jusqu’au bout du monde. Il est remarquable que ces premiers « missionnaires » dont il soit question soient des païens convertis.

x Cette liste est une addition qui emprunte ses éléments à Ez 27.10-13. Les identifications probables sont Tarsis l’Espagne ; Put (ainsi le grec ; Pul hébr.) la Libye ; Lud la Lydie ; Méshek (ainsi le grec ; « les tireurs d’arc », moshkê qeshet hébr.) la Phrygie ; Tubal la Cilicie ; Yavân les Ioniens, et plus généralement les Grecs.

20 et de toutes les nations ils ramèneront tous vos frères en offrande à Yahvé, sur des chevaux, en char, en litière, sur des mulets et des chameaux, à ma montagne sainte, Jérusalem, dit Yahvé, comme les Israélites apportent les offrandes à la Maison de Yahvé dans des vases purs. 21 Et de certains d’entre eux je me ferai des prêtres, des lévites, dit Yahvé.y

y Des païens convertis auront accès aux fonctions du culte. Même ouverture extraordinaire qu’au v. 19.

22 Car, de même que les cieux nouveaux et la terre nouvelle que je fais subsistent devant moi, oracle de Yahvé, ainsi subsistera votre race et votre nom.

23 De nouvelle lune en nouvelle lune,
et de sabbat en sabbat,
toute chair viendra se prosterner
devant ma face, dit Yahvé.
24 Et on sortira pour voir
les cadavres des hommes révoltés contre moi,
car leur ver ne mourra pas
et leur feu ne s’éteindra pas,
ils seront en horreur à toute chair.z

z Au culte perpétuel que rendront les adorateurs de Yahvé, vv. 22-23, est opposé le châtiment sans fin qui frappera ses ennemis, v. 24. Pour ne pas achever la lecture du livre par ce terrible avertissement, l’usage de la Synagogue était de répéter ensuite la promesse du v. 23.

chapitre précédent retour chapitre suivant