7 Je suis, moi aussi, un hommet mortel, pareil à tous,
un descendant du premier être formé de la terre.
J’ai été ciselé en chair dans le ventre d’une mère,
t « un homme », omis par deux des principaux mss (B et S).
2 où, pendant dix mois,u dans le sang j’ai pris consistance,
à partir d’une semence d’homme et du plaisir, compagnon du sommeil.
u Manière antique d’exprimer que la gestation la meilleure couvre neuf mois (2 M 7.27) et entame le dixième. Sur la façon dont on se représentait la formation de l’embryon, cf. Jb 10.10.
3 À ma naissance, moi aussi j’ai aspiré l’air commun,
je suis tombé sur la terre qui nous reçoit tous pareillement,
et des pleurs, comme pour tous, furent mon premier cri.
4 J’ai été élevé dans les langes et parmi les soucis.
5 Aucun roi ne connut d’autre début d’existence :
6 même façon pour tous d’entrer dans la vie et pareille façon d’en sortir.
7 C’est pourquoi j’ai prié, et l’intelligence m’a été donnée,
j’ai invoqué, et l’esprit de Sagesse m’est venu.
8 Je l’ai préférée aux sceptres et aux trônesv
et j’ai tenu pour rien la richesse en comparaison d’elle.
v Ce développement prend appui sur la notice de 1 R 3.11 et sur les textes sapientiaux qui exaltent la Sagesse au-dessus des biens les plus précieux, Jb 28.15-19 ; Pr 3.14-15 ; 8.10-11, 19. L’auteur explicite des valeurs appréciées surtout par les Grecs (v. 10) : la santé, cf. cependant Si 1.18 ; 30.14-16, la beauté, cf. Ps 45.3 ; Si 26.16-17 ; 36.27, et la lumière du jour, cf. Qo 11.7. Voir la lumière, c’est vivre.
9 Je ne lui ai pas égalé la pierre la plus précieuse ;
car tout l’or, au regard d’elle, n’est qu’un peu de sable,
à côté d’elle, l’argent compte pour de la boue.
10 Plus que santé et beauté je l’ai aimée
et j’ai préféré l’avoir plutôt que la lumière,
car son éclat ne connaît point de repos.
11 Mais avec elle me sont venus tous les biens
et, par ses mains, une incalculable richesse.
12 De tous ces biens je me suis réjoui, parce que c’est la Sagesse qui les amène ;w
j’ignorais pourtant qu’elle en fût la mère.x
w Ou bien « leur commande en maîtresse », en réglant leur usage.
x « la mère », litt. « la génitrice », mss grecs, lat. ; « l’origine » texte reçu.
13 Ce que j’ai appris sans fraude, je le communiquerai sans jalousie,
je ne cacherai pas sa richesse.
14 Car elle est pour les hommes un trésor inépuisable,
ceux qui l’acquièrent s’attirent l’amitié de Dieu,
recommandés par les dons qui viennent de l’instruction.y
y « l’acquièrent » mss grecs, syr. ; « en usent » texte reçu, lat. L’image sous-jacente est celle de cadeaux offerts à un haut personnage pour solliciter son amitié. Ces cadeaux « proviennent de l’instruction », cf. 3.11 ; 6.17, c’est-à-dire d’un enseignement qui règle la vie entière selon une authentique éducation morale et religieuse.
15 Que Dieu me donne de parler comme je l’entends
et de concevoir des pensées dignes des dons reçus,
parce qu’il est lui-même et le guide de la Sagesse
et le directeur des sages ;
16 nous sommes en effet dans sa main, et nous et nos paroles,
et toute intelligence et tout savoir pratique.
17 C’est lui qui m’a donné une connaissance infaillible des êtres,
pour connaître la structure du monde et l’activité des éléments,
18 le commencement, la fin et le milieu des temps,
les alternances des solstices et les changements des saisons,
19 les cycles de l’annéez et les positions des astres,
z « de l’année » mss grecs, lat. ; « des années » texte reçu.
20 la nature des animaux et les instincts des bêtes sauvages,
le pouvoir des esprits et les pensées des hommes,
les variétés de plantes et les vertus des racines.
21 Tout ce qui est caché et visible, je l’ai connu ;a
a Modernisant la notice de 1 R 5.9-14, l’auteur prête à Salomon le savoir que recherchait surtout la culture hellénique de son temps. Dans ce contexte, Dieu apparaît comme la source de toute vérité, et les sciences humaines sont placées sous la dépendance de sa sagesse.
22 car c’est l’ouvrière de toutes choses qui m’a instruit, la Sagesse !
En elle est, en effet, un esprit intelligent, saint,
unique, multiple, subtil,
mobile, pénétrant, sans souillure,
clair, impassible, ami du bien, prompt,
b L’auteur prolonge ici d’une façon originale les personnifications antérieures de la Sagesse, cf. Pr 8.22. Comme il l’a annoncé, 6.22, il précise à la fois la nature et l’origine, d’abord en énumérant les caractéristiques de l’Esprit divin que la Sagesse possède en propre et qui renseignent déjà sur sa nature, vv. 22-24 (on compte 21 attributs et ce chiffre, 3 × 7, paraît intentionnel pour signifier une perfection éminente) ; ensuite en déterminant la relation de la Sagesse à Dieu, vv. 25-26, à l’aide d’images qui indiquent à la fois provenance et participation intime. Faisant de nombreux emprunts de vocabulaire à la philosophie grecque, l’auteur souligne ensuite les activités caractéristiques de la Sagesse, 7.27-8.1 et en vient à l’identifier à la providence divine, 8.1. Cet éloge de la Sagesse qui partage l’intimité de Dieu, 8.3, qui possède sa toute-puissance, 7.23, 25, 27, et collabore à son œuvre créatrice, 7.12, 22 ; 8.4, 6, annonce déjà toute une théologie de l’Esprit, qui l’habite, 7.22, et à qui elle est assimilée, 1.5 ; 9.17, et dont elle reçoit les fonctions traditionnelles, cf. Isa 11.2, mais surtout la christologie, notamment celle de saint Jean, et aussi celle de saint Paul (cf. Ep et Col) et de l’Épître aux Hébreux.
23 irrésistible, bienfaisant, ami des hommes,
ferme, sûr, sans souci,
qui peut tout, surveille tout,
pénètre à travers tous les esprits,
les intelligents, les purs, les plus subtils.
24 Car plus que tout mouvement la Sagesse est mobile ;
elle traverse et pénètre tout à cause de sa pureté.
25 Elle est en effet un effluve de la puissance de Dieu,
une émanation toute pure de la gloire du Tout-Puissant ;
aussi rien de souillé ne s’introduit en elle.
26 Car elle est un reflet de la lumière éternelle,c
un miroir sans tache de l’activité de Dieu,
une image de sa bonté.
c La « lumière éternelle » s’identifie avec Dieu, désigné sous cet aspect. Certains textes antérieurs suggéraient déjà l’idée d’une lumière transcendante qui émane de Dieu, Ha 3.4, éclaire ses fidèles ou son peuple, Ps 27.1 ; Isa 2.5, constitue le rayonnement de sa gloire, Isa 60.1, 19-20 ; Ba 5.9, ou réside près de lui, Dn 2.22. Mais seul 1 Jn 1.5 dira explicitement que « Dieu est lumière ».
27 D’autre part étant seule, elle peut tout,
demeurant en elle-même, elle renouvelle l’univers
et, d’âge en âge passant en des âmes saintes,
elle en fait des amis de Dieud et des prophètes ;e
d Comme Abraham, Isa 41.8 ; 2 Ch 20.7 ; Jc 2.23, et Moïse, Ex 33.11.
e Non seulement les grands prophètes ou les scribes inspirés (Si 24.33), mais encore tous ceux qui, par leur vie sainte et leur intimité avec Dieu, pénètrent davantage dans la connaissance de ses exigences ou de ses mystères et deviennent ses « interprètes » autorisés, capables d’éclairer les autres hommes.
28 car Dieu n’aime que celui qui habite avec la Sagesse.
29 Elle est, en effet, plus belle que le soleil,
elle surpasse toutes les constellations,
comparée à la lumière, elle l’emporte ;
30 car celle-ci fait place à la nuit,
mais contre la Sagesse le mal ne prévaut pas.