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Bible de Jérusalem

Proverbes 8.22

La Sagesse créatrice.g

22 « Yahvé m’a créée, prémices de son œuvre,h
avant ses œuvres les plus anciennes.

g L’idée d’une sagesse personnifiée, simple artifice littéraire en 14.1, s’est développée en Israël à partir de l’Exil, lorsque le polythéisme ne fut plus une menace pour la vraie religion. Si en Jb 28 et Ba 3.9—4.4 la sagesse apparaît comme une chose, un bien désirable extérieur à Dieu et à l’homme, elle est présentée en 1.20-33 ; 3.16-19 et 8-9 comme une personne. Ici elle révèle elle-même son origine (créée avant toute créature, vv. 22-26), ainsi que la part active qu’elle prend à la création, vv. 27-30, et le rôle qu’elle joue auprès des hommes, pour les mener à Dieu, vv. 31, 35-36. Ben Sira développera cette doctrine Si 1.1-10 rappelle Jb 28, mais Si 4.11-19 ; Si 14.20—15.10 et surtout 24.1-29 (cf. Si 24.1) prolongent 8. Toutefois, en tous ces textes où la sagesse est personnifiée, comme ailleurs la Parole ou l’Esprit, il est difficile de démêler ce qui est artifice poétique, expression d’anciennes conceptions religieuses ou intuition de révélations nouvelles. Enfin Sg 7.22-8.1 donne l’impression que la sagesse, « effusion de la gloire de Dieu », participe à la nature divine, mais les termes abstraits qui la décrivent conviennent à un attribut divin aussi bien qu’à une hypostase distincte. — La doctrine de la Sagesse, ainsi ébauchée dans l’AT, sera reprise dans le NT qui lui fera accomplir un progrès nouveau et décisif en l’appliquant à la personne du Christ. Jésus est désigné comme Sagesse et sagesse de Dieu, Mt 11.19 ; Lc 11.49, cf. Mt 23.34-36 ; 1 Co 1.24-30 ; comme la Sagesse, le Christ participe à la création et à la conservation du monde, Col 1.16-17, à la garde d’Israël, 1 Co 10.4, cf. Sg 10.17s. Enfin le prologue de Jn attribue au Verbe des traits de la Sagesse créatrice, et tout l’évangile johannique présente le Christ comme la Sagesse de Dieu, cf. Jn 6.35. Ceci explique que la tradition chrétienne, depuis saint Justin, ait reconnu le Christ dans la Sagesse de l’AT. Par accommodation, la liturgie a appliqué 8.22s à la Vierge Marie, collaboratrice du Rédempteur comme la Sagesse l’est du Créateur.

h Le verbe hébreu (qanani) est traduit « m’a créée » par grec, syr., Targ. cf. Si 1.4, 9 ; 24.8, 9. La traduction « m’a acquise » (cf. 4.5, 7 ; Gn 4.1 ; Dt 32.6) ou « m’a possédée, m’a en propre » (Aquila, Symmaque, Théodotion) a été reprise par saint Jérôme (Vulg.), sans doute pour combattre l’erreur d’Arius qui faisait du Verbe (identifié avec la Sagesse) une créature. La formule « prémices de son œuvre » (litt. « prémices de sa voie » ou « de ses voies » si l’on suit les versions) doit être rapprochée du titre de « Premier-né de toute créature » donné au Christ par saint Paul, Col. 1.15, et de celui de « principes des œuvres de Dieu », Ap 3.14.