Le livre de Tobie est une histoire familiale. À Ninive, Tobit, un déporté de la tribu de Nephtali, pieux, observant, charitable, est devenu aveugle. À Ecbatane, son parent Ragouël a une fille, Sarra, qui a vu mourir successivement sept fiancés, tués au soir des noces par le démon Asmodée. Tobit et Sarra demandent l’un et l’autre à Dieu d’être délivrés de la vie. De ces deux infortunes et de ces deux prières, Dieu va faire une grande joie : il envoie son ange Raphaël, qui conduit Tobie, fils de Tobit, chez Ragouël, lui fait épouser Sarra et lui donne le remède qui guérira l’aveugle. C’est un récit d’édification, où les devoirs envers les morts et le conseil de l’aumône ont une place marquante. Le sens de la famille s’y exprime avec un charme prenant. Il développe une notion très élevée du mariage. L’ange Raphaël manifeste et masque tout à la fois l’action de Dieu, dont il est l’instrument. C’est cette Providence quotidienne, cette proximité d’un Dieu bienveillant, que le livre invite à reconnaître.
Le livre s’inspire de modèles bibliques, surtout des récits patriarcaux de la Genèse, il se place littérairement entre Job et Esther, entre Zacharie et Daniel. Il offre des points de contact avec la Sagesse d’Ahikar (cf. Tb 1.22 ; 2.10 ; 11.18 ; 14.10), ouvrage apocryphe dont le fond remonte au moins au Ve siècle av. J.-C., voir Tb 1.22. Le livre de Tobie semble avoir été écrit vers 200 av. J.-C., peut-être en Palestine et probablement en araméen.
1 Histoire de Tobit,b fils de Tobiel, fils de Ananiel, fils d’Adouel, fils de Gabaël, de la lignée d’Asiel, de la tribu de Nephtali.
a Le texte de la Vulg. est souvent assez différent du texte grec suivi par la présente traduction (voir l’Introd., p. 659), ce qui entraîne de fréquentes discordances dans la numérotation des versets. Les notes signaleront les additions de la Vulg. les plus notables, et on trouvera en marge la numérotation de la Vulg., lorsqu’elle est différente du grec et que le texte de la Vulg. correspond, au moins substantiellement, à celui du grec.
b Le nom du père est en grec Tôbeith ou Tôbeit, ce qui se transcrit en français Tobit ; celui du fils, Tôbeias ou Tôbias, forme francisée Tobie. Les autres noms propres du livre varient beaucoup suivant les témoins. — Le Sinaïticus (S) allonge cette généalogie en ajoutant après « Gabaël » « fils de Raphäel, fils de Ragouël », omis par Alexandrinus (A) et Vaticanus (B).
c Le cadre historique a des raccourcis conventionnels, voir l’Introduction.
3 Moi, Tobit, j’ai marché sur des chemins de vérité et dans les bonnes œuvres tous les jours de ma vie.d J’ai fait beaucoup d’aumônes à mes frères et à mes compatriotes déportés avec moi à Ninive, au pays d’Assyrie.
d La piété de Tobit n’est pas tant faite de la méditation de la Loi, cf. Ps 119, etc., que de la pratique des bonnes œuvres qui l’accomplissent l’aumône, la sépulture donnée aux morts, les pèlerinages, l’acquittement de la dîme, etc.
6 Bien des fois, j’étais absolument seul à venir en pèlerinage à Jérusalem, pour satisfaire à la loi qui oblige tout Israël à perpétuité. Je courais à Jérusalem, avec les prémices des fruits et des animaux, la dîme du bétail, et la première tonte des brebis.
e « la troisième » syr. ; « celle de la troisième année » Vet. Lat. ; omis par S.
f « qui s’appelait Anna » A, B, Vet. Lat. ; omis par S.
10 Lors de la déportation en Assyrie, quand je fus emmené, je vins à Ninive. Tous mes frères, et ceux de ma race, mangeaient les mets des païens ;
g Préparés sans tenir compte des interdits légaux, cf. Lv 11 ; Dt 14.
h Un talent d’argent, ou soixante mines, équivalait à un poids d’environ quarante-quatre kilos.
15 À la mort de Salmanasar, Sennachérib, son fils, lui succéda ; les routes de Médie se fermèrent, et je ne pus continuer à m’y rendre.
21 Moins de quarante jours après, le roi fut assassiné par ses deux fils, qui s’enfuirent dans les monts Ararat. Asarhaddon, son fils, lui succéda. Ahikar,i fils de mon frère Anaël, fut chargé des comptes du royaume, et il avait la direction générale des affaires.
i La mention d’Ahikar, 1.22 ; 2.10 ; 11.18 ; 14.10 (cf. Jdt 5.5) rattache l’histoire de Tobit au Livre (ou Sagesse) d’Ahikar, ouvrage ancien connu sous diverses formes et en diverses langues. C’est un récit qui sert de cadre à deux recueils de sapience, dont l’écho se retrouve dans et dans Si. Le sage Ahikar, chancelier des rois d’Assyrie Sennachérib et Asarhaddon, a élevé son neveu Nadan, qu’il prépare pour lui succéder ; ce qui introduit une première série de maximes. Nadan, parvenu et ingrat, fait condamner à mort son bienfaiteur. Ahikar échappe à la mort par un subterfuge et reste caché. Asarhaddon, sommé par le Pharaon de lui présenter un sage capable de répondre à ses défis, regrette la disparition d’Ahikar. Celui-ci sort alors de sa cachette, tient tête à Pharaon et, réhabilité, châtie son neveu et lui adresse des reproches, qui constituent la seconde série de sentences.