Josué

LE LIVRE DE JOSUÉ

Introduction

Le livre de Josué se divise en trois parties : a) la conquête de la Terre Promise, 1-12 ; b) la répartition du territoire entre les tribus, 13-21 ; c) la fin de la carrière de Josué, et spécialement son dernier discours et l’assemblée de Sichem, 22-24. Il est certain que ce livre n’a pas été écrit par Josué lui-même, comme l’a admis la tradition juive, et qu’il met en œuvre des sources variées. Dans la première partie, on reconnaît, dans les chap. 2-9, un groupe de traditions qui se rattachent très probablement au sanctuaire benjaminite de Gilgal. Les chap. 2 et 9, l’histoire d’une femme, Rahab, et celle d’un groupe d’étrangers, les Gabaonites, encadrent ce premier ensemble littéraire. Dans les chap. 10-11, on trouve deux histoires de batailles, celle de Gabaôn et celle de Mérom, auxquelles est rattachée la conquête de tout le sud puis de tout le nord du pays. L’histoire des Gabaonites, chap. 9, en enjambant sur 10.1-6, fait le lien entre ces deux groupes de chapitres, vraisemblablement réunis avant la fin de l’époque monarchique.

Les traditions recueillies dans les chap. 3-8 ont été conservées à Gilgal, un sanctuaire de Benjamin ; la figure de Josué, qui est un Éphraïmite, pourrait bien y être secondaire ; sa présence dans les récits veut souligner que, dès avant la royauté, l’entrée en Canaan s’est faite sous un chef unique. L’aspect étiologique de ces récits, c’est-à-dire leur souci d’expliquer des faits ou des situations qui restent observables, est indéniable et obéit à une motivation historique. Dans les récits relatifs à Jéricho, chap. 6, et à Aï, chap. 8, l’historicité des événements rapportés est difficile à prouver et ne reçoit pas l’appui des découvertes archéologiques.

La seconde partie est un exposé géographique d’un genre tout différent. Le chap. 13 localise les tribus de Ruben et de Gad et la demi-tribu de Manassé, déjà installées par Moïse en Transjordanie, d’après Nb 32, cf. Dt 3.12-17. Les chap. 14-19 concernent les tribus à l’ouest du Jourdain et combinent deux sortes de documents : une description des limites des tribus, qui est d’une précision très inégale et qui remonte pour le fond à l’époque prémonarchique, et des listes de villes qui ont été ajoutées. La plus détaillée est celle des villes de Juda, 15, qui, complétée par une partie de villes de Benjamin, Jos 18.25-28, répartit les villes en douze districts ; elle reflète une division administrative du royaume de Juda, probablement sous Josaphat. En manière de compléments, le chap. 20 énumère les villes de refuge dont la liste n’est pas antérieure au règne de Salomon ; le chap. 21, sur les villes lévitiques, est une addition postérieure à l’Exil, qui utilise cependant les souvenirs de l’époque monarchique.

Dans la troisième partie, le chap. 22, sur le retour des tribus d’outre-Jourdain et l’érection d’un autel au bord du fleuve, porte les marques de rédactions deutéronomiste et sacerdotale ; il a pour origine une tradition particulière dont l’âge et le sens sont incertains. Le chap. 24 préserve le vieux et authentique souvenir d’une assemblée à Sichem et du pacte religieux qui y fut conclu.

À la rédaction deutéronomiste, on peut attribuer, outre des retouches de détail, les passages suivants : 1 (en grande partie) ; 8.30-35 ; 10.28-43 ; 11.11-24 ; 12 (sauf la liste) ; 22.1-8 ; 23 ; la révision de 24. La manière dont le chap. 24, retouché dans l’esprit du Deutéronome, a été maintenu à côté du chap. 23, qui s’en inspire mais est d’une autre main, fournit l’indice de deux éditions successives du livre.

Celui-ci présente la conquête de toute la Terre Promise comme le résultat d’une action d’ensemble des tribus sous la conduite de Josué. Le récit de Jg 1 offre un tableau différent : on y voit chaque tribu luttant pour son territoire et souvent mise en échec ; c’est une tradition d’origine judéenne, dont les éléments ont pénétré dans la partie géographique de Josué, Jos 13.1-6 ; 14.6-15 ; 15.13-19 ; 17.12-18. Cette image d’une conquête dispersée et incomplète est plus proche de la réalité historique, que l’on ne peut restituer que d’une manière conjecturale. L’installation dans le Sud de la Palestine se fit à partir de Cadès et du Négeb et surtout par des groupes qui ne furent que progressivement intégrés à Juda : les Calébites, Qenizzites, etc., et les Siméonites. L’installation en Palestine centrale fut l’œuvre des groupes qui traversèrent le Jourdain sous la conduite de Josué et qui comprenaient les éléments des tribus d’Éphraïm-Manassé et de Benjamin. L’installation dans le Nord eut une histoire particulière : les tribus de Zabulon, Issachar, Asher et Nephtali étaient établies depuis un temps indéterminé et ne sont pas descendues en Égypte. À Sichem, elles se rallièrent à la foi yahviste que le groupe de Josué avait apportée et elles acquirent leurs territoires définitifs en luttant contre les Cananéens qui les avaient asservies ou qui les menaçaient. Dans ces différentes régions, l’installation se fit en partie par des actions guerrières, en partie par une infiltration pacifique et par des alliances avec les précédents occupants du pays. Il faut retenir comme historique le rôle de Josué dans l’installation en Palestine centrale, depuis le passage du Jourdain jusqu’à l’assemblée de Sichem. Considérant la date qui a été indiquée pour l’Exode (Introduction au Pentateuque), on peut proposer la chronologie suivante : entrée des groupes du Sud vers 1250, occupation de la Palestine centrale par les groupes venant d’outre-Jourdain à partir de 1225, expansion des groupes du Nord vers 1200 av. J.-C.

De cette histoire complexe, que nous ne restituons que par hypothèse, le livre de Josué donne un tableau idéalisé et simplifié. Il est idéalisé : l’épopée de la sortie d’Égypte se continue dans cette conquête où Dieu intervient miraculeusement en faveur de son peuple. Il est simplifié : tous les épisodes se sont polarisés autour de la grande figure de Josué, qui mène les combats de la Maison de Joseph, 1-12, et à qui est attribuée une répartition du territoire qui ne s’effectua pas par lui ni d’un coup, 13-21. Le livre s’achève par les adieux et la mort de Josué, 23, 24 ; ainsi, du début à la fin, il en est le personnage principal. En lui, les Pères de l’Église ont reconnu une préfiguration de Jésus : non seulement il porte le même nom sauveur, mais le passage du Jourdain, introduisant avec lui dans la Terre Promise, est le type du baptême en Jésus qui introduit à Dieu, et la conquête et la répartition du territoire sont devenues l’image des victoires et de l’expansion de l’Église.

Cette terre de Canaan est bien, dans l’horizon de l’Ancien Testament, le vrai sujet du livre : le peuple, qui avait trouvé son Dieu au désert, reçoit maintenant sa terre, et il la reçoit de son Dieu. Car c’est Yahvé qui a combattu pour les Israélites, Jos 23.3-10 ; 24.11-12, et leur a donné en héritage le pays qu’il avait promis aux Pères, 23.5, 14.