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Bible de Jérusalem

1 Samuel 26-28

David épargne Saül.s

26 Les gens de Ziph vinrent trouver Saül à Gibéa et lui dirent : « Est-ce que David ne se cache pas sur la colline de Hakila, en face de la steppe ? »

s Le récit du chap. 26 est très semblable à celui du chap. 24. Ou bien ce sont deux événements analogues, moulés dans la même forme par la tradition orale puis écrite ; ou bien, plus probablement, c’est un doublet, deux manières parallèles de raconter la générosité de David et son respect religieux pour le caractère sacré du roi « l’oint de Yahvé », cf. 9.26.

2 S’étant mis en route, Saül descendit au désert de Ziph, accompagné de trois mille hommes, l’élite d’Israël, pour traquer David dans le désert de Ziph. 3 Saül campa à la colline de Hakila, qui est à l’orée de la steppe, près de la route. David séjournait au désert et il vit que Saül était venu derrière lui au désert. 4 David envoya des espions et il sut que Saül était effectivement arrivé. 5 Alors David se mit en route et arriva au lieu où Saül campait. Il vit l’endroit où étaient couchés Saül et Abner, fils de Ner, le chef de son armée : Saül était couché à l’intérieur de l’enceinte et la troupe campait autour de lui.

6 David, s’adressant à Ahimélek le Hittite et à Abishaï, fils de Çeruya et frère de Joab, leur dit : « Qui veut descendre avec moi au camp, jusqu’à Saül ? » Abishaï répondit : « C’est moi qui descendrai avec toi. » 7 Donc David et Abishaï arrivèrent de nuit près de la troupe. Voici que Saül était couché, endormi à l’intérieur de l’enceinte, sa lance était plantée en terre à son chevet ; Abner et la troupe étaient couchés autour de lui.

8 Alors Abishaï dit à David : « Aujourd’hui Dieu a livré ton ennemi entre tes mains. Et maintenant, permets-moi de le clouer à terre avec la lance d’un seul coup. Je n’aurai pas à lui en donner un second ! » 9 David dit à Abishaï : « Ne le fais pas périr ! En effet qui pourrait porter la main sur l’oint de Yahvé et rester impuni ? » 10 David dit : « Par la vie de Yahvé, c’est Yahvé qui le frappera, soit que son jour arrive et qu’il meure, soit qu’il descende au combat et qu’il y périsse. 11 Que Yahvé m’ait en abomination si je porte la main sur l’oint de Yahvé ! Maintenant, prends donc la lance qui est à son chevet et la gourde d’eau, et allons-nous-en. » 12 David prit la lance et la gourde d’eau qui étaient au chevet de Saül et ils s’en allèrent. Personne ne vit rien, personne ne le sut, personne ne s’éveilla, ils dormaient tous, car une torpeur venant de Yahvé était tombée sur eux.

13 David passa de l’autre côtét et se tint sur le sommet de la montagne au loin ; il y avait un grand espace entre eux.

t Sur l’autre versant de la vallée.

14 David cria en direction de la troupe et d’Abner, fils de Ner, en disant : « Ne vas-tu pas répondre, Abner ? », dit-il. Et Abner répondit : « Qui es-tu, toi qui cries en direction du roi ? » 15 David dit à Abner : « N’es-tu pas un homme ? Et qui est ton pareil en Israël ? Pourquoi donc n’as-tu pas veillé sur ton seigneur le roi ? Car quelqu’un du peuple est venu pour faire périr le roi ton seigneur. 16 Ce n’est pas bien ce que tu as fait. Par la vie de Yahvé, vous deviez être morts pour n’avoir pas veillé sur votre seigneur, sur l’oint de Yahvé. Et maintenant, regarde où est la lance du roi et la gourde d’eau qui étaient à son chevet ! »

17 Saül reconnut la voix de David, et il demanda : « Est-ce bien ta voix, mon fils David ? » — David dit : « C’est ma voix, Monseigneur le roi. » 18 Il dit : « Pourquoi donc Monseigneur poursuit-il son serviteur ? Qu’ai-je fait ? Quel mal y a-t-il en moi ? 19 Maintenant, que Monseigneur le roi veuille écouter les paroles de son serviteur : si c’est Yahvé qui t’excite contre moi, qu’il soit apaisé par une offrande, mais si ce sont des humains, qu’ils soient maudits devant Yahvé, car ils m’ont chassé aujourd’hui au point de m’exclure de l’héritage de Yahvé, en disant : « Va servir d’autres dieux ! »u

u Yahvé était tellement lié avec le pays d’Israël, son « héritage », qu’on ne pensait pas pouvoir l’honorer à l’étranger, où régnait d’autres dieux. Ainsi Naamân emportera à Damas un peu de terre d’Israël, 2 R 5.17. Forcer David à s’exiler, c’est le condamner à abandonner Yahvé.

20 Maintenant, que mon sang ne tombe pas à terre loin de la face de Yahvé !v En effet, le roi d’Israël s’est mis en campagne pour rechercher la simple pucew comme on pourchasse la perdrix dans les montagnes. »

v Au désert, domaine des esprits malfaisants, Isa 13.21 ; 34.13-14 ; Lv 16.10, David se sent déjà hors de la présence de Yahvé.

w Même formule qu’en 24.15.

21 Saül dit : « J’ai péché ! Reviens, mon fils David, je ne te ferai plus de mal, puisque ma vie a eu aujourd’hui tant de prix à tes yeux. Oui, j’ai agi en insensé et je me suis très lourdement trompé. » 22 David répondit : « Voici la lance du roi. Que l’un des garçons traverse et vienne la prendre. 23 Yahvé rendra à chacun selon sa justice et sa fidélité. Aujourd’hui Yahvé t’avait livré entre mes mains et je n’ai pas voulu porter la main sur l’oint de Yahvé. 24 De même que ta vie a compté beaucoup à mes yeux en ce jour, ainsi ma vie comptera beaucoup au regard de Yahvé et il me délivrera de toute angoisse. »

25 Saül dit à David : « Béni sois-tu, mon fils David. Certainement tu entreprendras et tu réussiras. » David alla son chemin et Saül retourna chez lui.

4. DAVID CHEZ LES PHILISTINS

David se réfugie à Gat.

27 David se dit en lui-même : « Un de ces jours, je périrai par la main de Saül. Je n’ai rien de mieux à faire que de me sauver au pays des Philistins.x Saül renoncera à me chercher encore dans tout le territoire d’Israël et j’échapperai à sa main. »

x C’était un sûr moyen d’échapper à Saül, mais ce passage apparent à l’ennemi mettait David dans une situation fausse, dont il ne se tirera que par son habileté, vv. 8-12, et servi par les circonstances, chap. 29.

2 David se mit en route et passa, avec les 600 hommes qu’il avait, chez Akish, fils de Maok, roi de Gat. 3 David s’établit auprès d’Akish à Gat, lui et ses hommes, chacun avec sa famille, David avec ses deux femmes, Ahinoam de Yizréel et Abigayil, la femme de Nabal de Karmel.

4 On informa Saül que David s’était enfui à Gat et il cessa de le chercher.

David vassal d’Akish.

5 David dit à Akish : « Je t’en prie, si j’ai trouvé grâce à tes yeux, permets qu’on me donne, dans l’une des villes de la campagne, un endroit où je puisse résider. Pourquoi ton serviteur demeurerait-il à côté de toi dans la ville royale ? » 6 Ce même jour, Akish lui donna Çiqlag.y C’est pourquoi Çiqlag a appartenu aux rois de Judaz jusqu’à ce jour.

y À la frontière du pays des Philistins, au nord-est de Bersabée. Akish donne la ville en fief à David, comptant sur sa troupe pour faire la police du désert voisin.

z C’est-à-dire qu’elle était une terre du domaine privé du roi.

7 La durée du séjour que David fit en territoire philistin fut d’un an et quatre mois.

8 David monta avec ses hommes et ils firent des raids chez les Geshurites, les Girzites et les Amalécites, car ce sont eux qui habitent le pays depuis Télama jusqu’à Shur et jusqu’au pays d’Égypte.

a Ce nom, conservé par quelques mss grec, se rencontre déjà en 15.4 ; « depuis toujours » (me `ôlam) hébr.

9 David dévastait le pays et ne laissait en vie ni homme ni femme, il enlevait le petit et le gros bétail, les ânes, les chameaux et les vêtements, puis il revenait et rentrait chez Akish. 10 Akish disait : « Où avez-vous fait un raid aujourd’hui ? » et David disait : « Contre le Négeb de Juda » ou « Contre le Négeb des Yerahméelites » ou « Dans le Négeb des Qénites. »b

b Le Négeb est la région, peu habitée et surtout pastorale, qui s’étend dans le sud de la Palestine. Il appartient aux Judéens et à leurs alliés, comme les Qénites, cf. aussi 30.14. David présente comme dirigées contre eux ses razzias contre les maraudeurs du désert, par lesquelles au contraire il se concilie les Judéens.

11 David ne laissait en vie ni homme ni femme à ramener à Gat, « de peur, se disait-il, qu’ils ne fassent des rapports contre nous en disant : « Voilà ce que David a fait. » » Telle fut sa manière d’agir tout le temps qu’il séjourna en territoire philistin. 12 Akish avait confiance en David ; il se disait : « Il s’est sûrement rendu odieux à Israël son peuple et il sera pour toujours mon serviteur. »

Les Philistins partent en guerre contre Israël.

28 Or, en ce temps-là, les Philistins rassemblèrent leurs troupes pour la guerre afin de combattre Israël, et Akish dit à David : « Sache bien que tu iras à l’armée avec moi, toi et tes hommes. » 2 David dit à Akish : « Eh bien ! tu sauras toi-même ce que fera ton serviteur. »c Alors Akish dit à David : « Eh bien ! Je t’instituerai pour toujours mon garde du corps. »

c Réponse ambiguë qu’Akish prend pour l’annonce de prouesses guerrières. David compte sur les circonstances pour le dispenser de combattre Israël ; elles le servirent en effet, chap. 29.

Saül et la sorcière d’En-Dor.d

3 Samuel était mort, tout Israël avait fait son deuil et on l’avait enseveli à Rama, dans sa ville. Saül avait expulsé du pays les nécromants et les devins.

d La nécromancie était pratiquée en Israël, 2 R 21.6 ; Isa 8.19, bien qu’elle fût défendue par la Loi, Lv 19.31 ; 20.6, 27 ; Dt 18.11, et ici même, v. 9. Alors que le narrateur semble partager la croyance populaire aux revenants, tout en considérant leur évocation comme illicite, les Pères et les commentateurs se sont préoccupés de donner une explication du fait intervention divine, intervention démoniaque, tromperie de la femme. On peut admettre que la scène se préparait comme les séances de ce genre, avec crédulité de la part de Saül et tromperie de la part de la femme, mais que Dieu permit à l’âme de Samuel de se manifester vraiment (d’où la frayeur de la femme) et d’annoncer l’avenir. Cf. 1 Ch 10.13 (LXX) et Si 46.20. On peut croire, plus simplement, que le narrateur a utilisé cette mise en scène pour exprimer encore une fois le rejet de Saül et son remplacement par David, un leitmotiv de toutes ces histoires, comparer le v. 17 avec 15.28 et la référence à Amaleq au v. 18, mais aussi 13.14 ; 16.1 ; 23.17 ; 24.21 ; 25.30.

4 Les Philistins se rassemblèrent et vinrent camper à Shunem.e Saül rassembla tout Israël et ils campèrent à Gelboé.

e Dans la plaine de Yizréel. Le mont Gelboé ferme cette plaine au sud de Shunem. En-Dor est au pied du Tabor et au nord de Shunem. Saül, pour s’y rendre, devra donc contourner le camp philistin.

5 Lorsque Saül vit le camp philistin, il eut peur et son cœur trembla fort. 6 Saül consulta Yahvé, mais Yahvé ne lui répondit pas, ni par les songes, ni par les sorts, ni par les prophètes. 7 Saül dit alors à ses serviteurs : « Cherchez-moi une femme qui pratique la divination pour que j’aille chez elle la consulter. » Ses serviteurs lui répondirent : « Il y a une femme qui pratique la divination à En-Dor. »

8 Saül se déguisa et endossa d’autres vêtements, puis il partit avec deux hommes et ils arrivèrent de nuit chez la femme. Il lui dit : « Je t’en prie, pratique pour moi la divination et évoque pour moi celui que je te dirai. » 9 La femme lui dit : « Voyons, tu sais toi-même ce qu’a fait Saül et comment il a supprimé du pays les nécromants et les devins. Pourquoi tends-tu un piège à ma vie pour me faire mourir ? » 10 Alors Saül lui fit ce serment par Yahvé : « Par la vie de Yahvé tu n’encourras aucun blâme pour cette affaire. » 11 La femme demanda : « Qui faut-il évoquer pour toi ? », et il répondit : « Évoque-moi Samuel. »

12 Alors la femme vit Samuel et, poussant un grand cri, elle dit à Saül : « Pourquoi m’as-tu trompée ? Tu es Saül ! »f

f La femme connaît les rapports que Samuel a eus avec Saül. Si, à son grand effroi, le prophète défunt se manifeste, c’est que le consultant est le roi d’Israël.

13 Le roi lui dit : « N’aie pas peur ! Mais que vois-tu ? » Et la femme répondit à Saül : « Je vois un dieug qui monte de la terre. »h

g En hébreu un « élohim », un être surhumain, cf. Gn 3.5 ; Ps 8.6. Seulement ici appliqué aux morts.

h Il monte du shéol, le séjour souterrain des morts, cf. Nb 16.33.

14 Saül lui demanda : « Quelle apparence a-t-il ? », et la femme répondit : « C’est un vieillard qui monte, il est drapé dans un manteau. » Alors Saül sut que c’était Samuel et, s’inclinant la face contre terre, il se prosterna.

15 Samuel dit à Saül : « Pourquoi m’astu dérangé en me faisant évoquer ? » Saül dit : « Je suis dans une grande angoisse. Les Philistins me font la guerre et Dieu s’est détourné de moi, il ne me répond plus, ni par les prophètes, ni en songe. Alors je t’ai appelé pour que tu m’indiques ce que je dois faire. » 16 Samuel dit : « Pourquoi me consulter, quand Yahvé s’est détourné de toi et est devenu ton adversaire ? 17 Yahvé a fait pour un autre comme il t’avait dit par mon entremise : il a arraché de ta main la royauté et l’a donnée à ton prochain, David,

18 parce que tu n’as pas écouté la voix de Yahvé, et que tu n’as pas satisfait l’ardeur de sa colère contre Amaleq. C’est pour cela que Yahvé t’a traité de la sorte aujourd’hui. 19 De plus, Yahvé livrera avec toi Israël aux mains des Philistins ; demain, toi et tes fils, vous serez avec moi ;i l’armée d’Israël aussi, Yahvé la livrera aux mains des Philistins. »

i Au shéol, séjour commun de tous les morts, bons ou méchants, cf. Nb 16.33.

20 Aussitôt Saül tomba à terre de tout son long. Il était terrifié par les paroles de Samuel ; de plus, il était sans force, n’ayant rien mangé de tout le jour et de toute la nuit. 21 La femme vint à Saül, et, le voyant épouvanté, elle lui dit : « Vois, ta servante t’a obéi, j’ai risqué ma vie et j’ai obéi aux ordres que tu m’avais donnés. 22 Maintenant, je t’en prie, écoute à ton tour la voix de ta servante : laisse-moi te servir un morceau de pain et mange ; ainsi tu auras des forces pour te remettre en route. » 23 Saül refusa : « Je ne mangerai pas », dit-il. Mais ses serviteurs le pressèrent, ainsi que la femme, et il les écouta. Il se leva de terre et s’assit sur le divan. 24 La femme avait chez elle un veau à l’engrais. Vite, elle l’abattit et, prenant de la farine, elle pétrit et fit cuire des pains sans levain. 25 Elle servit Saül et ses gens. Ils mangèrent, puis se levèrent et partirent cette même nuit.