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Bible de Jérusalem

Exode 2.1-

2. JEUNESSE ET VOCATION DE MOÏSE

Naissance de Moïse.j

2 Un homme de la maison de Lévi s’en alla prendre pour femme une fille de Lévi.

j Attribué aux traditions yahviste-élohiste, ou à la seule tradition élohiste.

2 Celle-ci conçut et enfanta un fils. Voyant combien il était beau, elle le dissimula pendant trois mois. 3 Ne pouvant le dissimuler plus longtemps, elle prit pour lui une corbeille de papyrus qu’elle enduisit de bitume et de poix, y plaça l’enfant et la déposa dans les roseaux sur la rive du Fleuve. 4 La sœur de l’enfant se posta à distance pour voir ce qui lui adviendrait.

5 Or la fille de Pharaon descendit au Fleuve pour s’y baigner, tandis que ses servantes se promenaient sur la rive du Fleuve. Elle aperçut la corbeille parmi les roseaux et envoya sa servante la prendre. 6 Elle l’ouvrit et vit l’enfant : c’était un garçon qui pleurait. Touchée de compassion pour lui, elle dit : « C’est un des petits Hébreux. » 7 La sœur de l’enfant dit alors à la fille de Pharaon : « Veux-tu que j’aille te chercher, parmi les femmes des Hébreux, une nourrice qui te nourrira cet enfant ? — 8 Va », lui répondit la fille de Pharaon. La jeune fille alla donc chercher la mère de l’enfant. 9 La fille de Pharaon lui dit : « Emmène cet enfant et nourris-le moi, je te donnerai moi-même ton salaire. » Alors la femme emporta l’enfant et le nourrit. 10 Quand l’enfant eut grandi, elle le ramena à la fille de Pharaon qui le traita comme un fils et lui donna le nom de Moïse, car, disait-elle, « je l’ai tiré des eaux ».k

k Étymologie populaire du nom de Moïse (hébreu moshé) à partir du verbe masha « tirer ». Mais la fille du Pharaon ne parlait pas l’hébreu. En réalité, ce nom est égyptien, connu sous sa forme abrégée, mosès , ou sous une forme complète, par ex. Thutmosès, « le dieu Thot est né ». — L’histoire de Moïse tiré des eaux a été comparée aux légendes sur l’enfance de certains personnages célèbres, en particulier Sargon d’Agadè, roi de Mésopotamie au IIIe millénaire, que sa mère avait confié au fleuve dans une corbeille de jonc.

Fuite de Moïse en Madiân.l

11 Il advint, en ces jours-là, que Moïse, qui avait grandi,m alla voir ses frères. Il vit les corvées auxquelles ils étaient astreints ; il vit aussi un Égyptien qui frappait un Hébreu, un de ses frères.

l Vv. 11-22 (ou, selon certains, seulement 15-22) de tradition yahviste. — Madiân est généralement situé en Arabie, au sud d’Édom, à l’est du golfe d’Aqaba, et le folklore arabe a gardé le souvenir d’un séjour de Moïse dans cette région. Cependant cette localisation est tardive, et un certain nombre de textes nous montrent les Madianites comme de grands nomades pratiquant les pistes de Palestine, Gn 37.28, 36, ou de la péninsule sinaïtique, Nb 10.29-32, et faisant des incursions en Moab, Gn 36.35, cf. aussi Nb 22.4, 7 ; 25.6, 18 ; Nb 31.1-9 ; Jos 13.21. C’est en Palestine centrale qu’ils seront battus par Gédéon, Jg 6-8, cf. Isa 9.3 ; 10.26. Une indication plus précise sur leur territoire nous est donnée par 1 R 11.18 un prince d’Édom, fuyant en Égypte, traverse Madiân puis Pâran (le sud du Négeb, entre Cadès et l’Égypte). C’est donc dans la péninsule du Sinaï, à l’est du désert de Pâran, et non en Arabie, qu’il faudrait situer Madiân, où Dieu se révéla à Moïse.

m Le texte ne dit rien de l’éducation reçue par Moïse ; 11.3 dira simplement qu’il était devenu un « grand personnage », et Ac 7.22 qu’il fut « instruit dans toute la sagesse des Égyptiens ». Josèphe et Philon ajoutent des détails légendaires.

12 Il se tourna de-ci de-là, et voyant qu’il n’y avait personne, il tua l’Égyptien et le cacha dans le sable. 13 Le jour suivant, il revint alors que deux Hébreux se battaient. « Pourquoi frappes-tu ton compagnon ? » dit-il à l’agresseur. 14 Celui-ci répondit : « Qui t’a constitué notre chef et notre juge ? Veux-tu me tuer comme tu as tué l’Égyptien ? » Moïse effrayé se dit : « Certainement l’affaire se sait. » 15 Pharaon entendit parler de cette affaire et chercha à tuer Moïse. Moïse s’enfuit loin de Pharaon ; il se renditn au pays de Madiân et s’assit auprès d’un puits.

n Hébr. répète deux fois le même verbe, « il s’installa », puis « il s’assit »; avec grec et syr. nous lisons la première fois une autre donnée qui semble plus logique.

16 Or un prêtre de Madiâno avait sept filles. Elles vinrent puiser et remplir les auges pour abreuver le petit bétail de leur père.

o Cf. 18.1.

17 Des bergers survinrent et les chassèrent. Moïse se leva, vint à leur secours et abreuva le petit bétail. 18 Elles revinrent auprès de Réuel,p leur père, qui leur dit : « Pourquoi revenez-vous si tôt aujourd’hui ? »

p Les textes ne s’entendent pas sur le nom et la personne du beau-père de Moïse. Nous avons ici Réuel, prêtre de Madiân ; à 3.1 ; 4.18 ; 18.1, il se nomme Jéthro ; Nb 10.29 parle de Hobab, fils de Réuel, le Madianite, et Jg 1.16 ; 4.11, de Hobab le Qénite. On peut écarter la mention de Réuel ici comme secondaire, et voir en Nb 10.29 une tentative pour harmoniser les deux traditions mariage qénite et mariage madianite. Il se peut d’ailleurs que le texte, au moins ici et en 3.1, ait parlé simplement du « beau-père, prêtre de Madiân » et que ce soient seulement des rédacteurs tardifs qui aient introduit les noms de Réuel et de Jéthro. Les traditions sur un mariage qénite et un mariage madianite sont en fait concurrentes et il ne faut pas chercher à les réconcilier. La première, originaire de la Palestine du sud, reflète l’existence des liens amicaux entre Juda et les Qénites, tout en conservant le souvenir du mariage de Moïse avec une étrangère. La seconde est plus étroitement liée à la sortie d’Égypte.

19 Elles lui dirent : « Un Égyptien nous a tirées des mains des bergers ; il a même puisé pour nous et abreuvé le petit bétail. — 20 Et où est-il ? demanda-t-il à ses filles. Pourquoi donc avez-vous abandonné cet homme ? Invitez-le à manger. » 21 Moïse consentit à s’établir auprès de cet homme qui lui donna sa fille, Çippora. 22 Elle mit au monde un fils qu’il nomma Gershomq car, dit-il, « je suis un immigré en terre étrangère ».r

q Étymologie populaire qui ne tient compte que de la première syllabe ger « étranger résidant ».

r La Vulg. ajoute (d’après 18.4) « Elle en enfanta un autre qu’il appela Éliézer, car, dit-il, « le Dieu de mon père est mon secours, il m’a délivré de la main de Pharaon ». »

VOCATION DE MOÏSE

Dieu se souvient d’Israël.s

23 Au cours de cette longue période, le roi d’Égypte mourut. Les Israélites, gémissant de leur servitude, crièrent, et leur appel à l’aide monta vers Dieu, du fond de leur servitude.

s Tradition sacerdotale.

24 Dieu entendit leur gémissement ; Dieu se souvint de son alliance avec Abraham, Isaac et Jacob. 25 Dieu vit les Israélites et Dieu se fit connaître.t

t On considère souvent que la fin du v. est tronquée (« et Dieu connut... »). Mais il est possible d’y lire un passif. Peut-être la vocalisation actuelle est-elle due au fait qu’on ne devait parler de l’action de Dieu que lorsqu’il se manifeste à Moïse, ch. 3. Dans la tradition sacerdotale, ce court passage préparait de fait cette manifestation, 6.2s.