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Bible de Jérusalem

Ésaïe 24-26

4. APOCALYPSEf

Le jugement de Yahvé.

24 Voici que Yahvé dévaste la terre et la ravage,
il en bouleverse la face et en disperse les habitants.

f Les chap. 24-27 visent, au-delà des événements proches, un jugement final de Dieu, dont ils donnent une description poétique entrecoupée de psaumes de supplication ou d’action de grâces. Ils annoncent déjà, bien qu’ils n’en présentent pas tous les caractères, la littérature apocalyptique qui s’exprimera dans Dn, Za 9-14 et le livre apocryphe d’Hénok. C’est sans doute une des parties les plus tardives du livre d’Isaïe on ne peut la mettre avant le Ve s.

2 Il en sera du prêtre comme du peuple,
du maître comme de l’esclave,
de la maîtresse comme de la servante,
du vendeur comme de l’acheteur,
du prêteur comme de l’emprunteur,
du débiteur comme du créancier.
3 Dévastée, dévastée sera la terre,
elle sera pillée, pillée,
car Yahvé a prononcé cette parole.
4 La terre est en deuil, elle dépérit,
le monde s’étiole, il dépérit,
l’élite du peuple de la terreg s’étiole.

g Littéralement « l’élévation du peuple de la terre »; grec « les grands de la terre ».

5 La terre est profanée sous les pieds de ses habitants,
car ils ont transgressé les lois,
violé le décret, rompu l’alliance éternelle.h

h Il semble qu’il s’agisse ici non de l’alliance avec Abraham ou de l’alliance mosaïque, mais d’une alliance universelle de Dieu avec l’humanité telle que fut, selon la tradition sacerdotale de la Genèse, l’alliance avec Noé, Gn 9.9-17. Cette alliance rompue, le jugement survient contre toute la terre, v. 6.

6 C’est pourquoi la malédiction a dévoré la terre,
et ses habitants en subissent la peine ;
c’est pourquoi les habitants de la terre ont été consumés,
il ne reste que peu d’hommes.

Chant sur la ville détruite.i

7 Le vin nouveau est en deuil, la vigne s’étiole,
ils gémissent, ceux qui avaient le cœur en fête.

i La destruction de la « cité du néant », v. 10, constitue l’occasion de cette apocalypse, cf. 25.2 ; 26.5 ; 27.10-11. C’est certainement une ville païenne opposée à Jérusalem, 26.1-6, et dont la destruction devient le symbole du jugement divin. On l’a identifiée à Babylone, détruite par Xerxès I en 485, ou à Tyr, détruite par Alexandre en 332, ou bien à Samarie, détruite par Hyrcan en 110 av. J.-C. Cependant la mention explicite de Moab à 25.10, la citation à 24.17-18 de Jr 48.43-44 sur Moab, ainsi que l’allusion aux vignobles, 24.7-9, qui rappelle les vignes de Moab de 16.7-10, tout cela laisse penser qu’il s’agit de la ruine d’une cité moabite, probablement la capitale, à une époque qu’on ne peut déterminer.

8 Le son allègre des tambourins s’est tu,
les fêtes bruyantes ont pris fin,
le son allègre du kinnor s’est tu.
9 On ne boit plus de vin en chantant,
la boisson est amère à ceux qui la boivent.
10 Elle est en ruines, la cité du néant,
toute maison est fermée, on ne peut entrer.
11 On crie dans les rues pour avoir du vin,
toute joie a disparu :
l’allégresse du pays a été bannie.
12 Dans la ville, ce n’est que décombres,
la porte s’est effondrée en ruines.
13 Car il en est au milieu de la terre, parmi les peuples,
comme au gaulage de l’olivier,
comme pour les grappillons quand est finie la vendange.
14 Mais ceux-ci élèvent la voix, ils crient de joie,
en l’honneur de Yahvé ils clament depuis l’occident.
15 « Oui, à l’orient, glorifiez Yahvé,
dans les îles de la mer, le nom de Yahvé, le Dieu d’Israël. »
16 Des confins de la terre nous avons entendu des psaumes,
« Gloire au Juste ».

Les derniers combats.j

Mais j’ai dit : « Quelle épreuve pour moi ! quelle épreuve pour moi !
malheur à moi ! »
Les traîtres ont trahi, les traîtres ont tramé la trahison !
17 Frayeur, fosse, filet, pour toi, habitant de la terre.

j Reprise de la description du Jugement, interrompue par le chant sur la ville détruite.

18 Et celui qui fuira devant le cri de frayeur
tombera dans la fosse,
et celui qui remontera de la fosse
sera pris dans le filet.
Oui, les vannes d’en haut se sont ouvertes,
les fondements de la terre ont tremblé.
19 Un brisement, la terre s’est brisée,
un sursaut, la terre a sursauté,
un vacillement, la terre a vacillé.
20 La terre va chanceler, chanceler comme l’ivrogne,
elle sera ébranlée comme une hutte,
son crime pèsera sur elle,
elle tombera et ne se relèvera plus.

21 Et il arrivera, en ce jour-là,
que Yahvé visitera l’armée d’en haut, en haut,
et les rois de la terre, sur la terre.
22 Ils seront rassemblés, troupe de prisonniers conduits à la fosse,
ils seront enfermés dans la prison ;
après de nombreux jours, ils seront visités.
23 La lune sera confuse, le soleil aura honte,
car Yahvé Sabaot est roi sur la montagne de Sion et à Jérusalem,
et la Gloire resplendit devant les anciens.

Hymne d’action de grâces.k

25 Yahvé, tu es mon Dieu,
je t’exalterai, je louerai ton nom,
car tu as accompli des merveilles,
les desseins de jadis, fidèlement, fermement.

k Ce cantique se réfère aux événements racontés précédemment, destruction de la ville, v. 2, cf. 24.10, conversion des peuples lointains, v. 3, cf. 24.15, victoire sur les orgueilleux, vv. 2, 4, cf. 24.21, 22.

2 Car tu as fait de la ville un tas de pierres,
la cité fortifiée est une ruine,
la citadelle des étrangers n’est plus une ville,
jamais elle ne sera reconstruite.
3 C’est pourquoi un peuple fort te glorifie,
la cité des nations redoutables te craint.
4 Car tu as été un refuge pour le faible,
un refuge pour le malheureux plongé dans la détresse,
un abri contre la pluie, un ombrage contre la chaleur,
car le souffle des violents est comme la pluie d’hiver.l

l « d’hiver » qor conj. ; « d’un mur » qîr hébr.

5 Comme la chaleur sur une terre aride,
tu apaises le tumulte des étrangers :
la chaleur tiédit à l’ombre d’un nuage,
le chant des violents se tait.

Le festin divin.m

6 Yahvé Sabaot prépare pour tous les peuples, sur cette montagne,
un festin de viandes grasses, un festin de bons vins,
de viandes mœlleuses, de vins dépouillés.

m Reprenant et amplifiant des conceptions universalistes déjà répandues chez les prophètes antérieurs, 2.2-3 ; 56.6-8 ; 60.11-14 ; Za 8.20 ; 14.16, etc., l’auteur décrit l’affluence des peuples à Jérusalem comme un immense festin. À partir de ce texte, l’idée d’un festin messianique est devenue courante dans le judaïsme et se retrouve dans le NT Mt 22.2-10 ; Lc 14.14, 16-24.

7 Il fait disparaître sur cette montagne
le voile qui voilait tous les peuples
et le tissu tendu sur toutes les nations ;
8 il fait disparaître la mort à jamais.
Le Seigneur Yahvé essuie les pleurs sur tous les visages,
il ôtera l’opprobre de son peuple sur toute la terre,
car Yahvé a parlé.

9 Et on dira, en ce jour-là :
Voyez, c’est notre Dieu,
en lui nous espérions pour qu’il nous sauve ;
c’est Yahvé, nous espérions en lui.
Exultons, réjouissons-nous du salut qu’il nous a donné.
10 Car la main de Yahvé reposera sur cette montagne
et Moabn sera foulé sur place,
comme on foule la paille dans la fosse à fumier.

n Cf. la note sur 24.7. Cependant la mention de Moab a étonné, car c’est le seul nom propre du poème qui a même évité « Moab » dans la citation de Jr 48.43-44 en 24.17-18. On a donc proposé de corriger en ’oyeb, « ennemi », mais cette correction n’a aucun appui textuel.

11 Il étend les mains, au milieu de la montagne,
comme le nageur les étend pour nager.
Mais il rabaissera son orgueil,
malgré les efforts de ses mains.
12 Et la place forte inaccessible de tes remparts,
il l’a abattue, abaissée, renversée à terre, dans la poussière.

Hymne d’action de grâces.

26 En ce jour-là, on chantera ce chant au pays de Juda :
Nous avons une ville forte ;o
pour nous protéger, il a mis mur et avant-mur.

o Jérusalem, que Yahvé a fortifiée et qui sert de refuge aux justes, est opposée à la « cité élevée », v. 5, la ville détruite des chap. 24-25, cf. 24.7.

2 Ouvrez les portes ! Qu’elle entre, la nation juste
qui observe la fidélité.
3 C’est un dessein arrêté : tu assureras la paix,
la paix qui t’est confiée.
4 Confiez-vous en Yahvé à jamais !
Car Yahvé est un rocher, éternellement.
5 C’est lui qui a précipité les habitants des hauteurs, la cité élevée ;
il l’abaisse, il l’abaisse jusqu’à terre,
il lui fait mordre la poussière.
6 Elle sera foulée aux pieds,
par les pieds du malheureux, par les pas du faible.

Psaume.p

7 Le sentier du juste, c’est la droiture,
tu aplanis la droite trace du juste.

p Le jugement de Yahvé s’accomplit selon la justice, vv. 7-10, et assure la délivrance et la gloire de son peuple, vv. 11-15 ; les épreuves actuelles préparent la renaissance, vv. 16-19. Les douleurs de l’enfantement sont devenues l’image des tribulations qui doivent précéder la venue du Messie, cf. Mt 24.8 ; Mc 13.8 ; Jn 16.20-22.

8 Oui, dans le sentier de tes jugements, nous t’attendions, Yahvé,
à ton nom et à ta mémoire va le désir de l’âme.
9 Mon âme t’a désiré pendant la nuit,
oui, au plus profond de moi, mon esprit te cherche,
car lorsque tu rends tes jugements pour la terre,
les habitants du monde apprennent la justice.
10 Si l’on fait grâce au méchant sans qu’il apprenne la justice,
au pays de la droiture il fait le mal,
sans voir la majesté de Yahvé.
11 Yahvé, ta main est levée et ils ne voient pas !
Ils verront, pleins de confusion, ton amour jaloux pour ce peuple,
oui, le feu préparé pour tes ennemis les dévorera.

12 Yahvé, tu nous assures la paix,
et même toutes nos œuvres, tu les accomplis pour nous.
13 Yahvé notre Dieu, d’autres maîtres que toi ont dominé sur nous,
mais, attachés à toi seul, nous invoquons ton nom.
14 Les morts ne revivront pas, les ombres ne se relèveront pas,
car tu les as visités, exterminés,
tu as détruit jusqu’à leur souvenir.
15 Tu as fait de nous une nation, Yahvé,
tu as fait de nous une nation et tu as été glorifié.
Tu as fait reculer les limites du pays.

16 Yahvé, dans la détresse ils t’ont cherché,
ils se répandirent en prièreq
car ton châtiment était sur eux.

q Sens incertain.

17 Comme la femme enceinte à l’heure de l’enfantement
souffre et crie dans ses douleurs,
ainsi étions-nous devant ta face, Yahvé.
18 Nous avons conçu, nous avons souffert,
mais c’était pour enfanter du vent :
nous n’avons pas donné le salut à la terre,
il ne naît pas d’habitants au monde.
19 Tes morts revivront, tes cadavres ressusciteront.
Réveillez-vous et chantez, vous qui habitez la poussière,
car ta rosée est une rosée lumineuse,
et le pays va enfanter des ombres.

Le passage du Seigneur.r

20 Va, mon peuple, entre dans tes chambres,
ferme tes portes sur toi ;
cache-toi un tout petit instant,
jusqu’à ce qu’ait passé la fureur.

r Le peuple est invité à se mettre à l’abri pendant que Yahvé exécutera son jugement contre les méchants.

21 Car voici Yahvé qui sort de sa demeure
pour châtier la faute des habitants de la terre ;
et la terre dévoilera son sang,
elle cessera de recouvrir ses cadavres.