22 Puis les Israélites partirent, et s’en allèrent camper dans les Steppes de Moab, au-delà du Jourdain, vers Jéricho.a
a Littéralement « au-delà du Jourdain de Jéricho », c’est-à-dire à la hauteur de Jéricho mais de l’autre côté du Jourdain, du point de vue d’un habitant de la Palestine.
2 Balaq, fils de Çippor, vit tout ce qu’Israël avait fait aux Amorites ;
b Les récits qui encadrent les oracles de Balaam combinent les deux traditions yahviste et élohiste, avec prédominance de l’élohiste ; les oracles eux-mêmes doivent être plus anciens. — Ce long épisode présente un cas singulier de prophétisme. Balaam est un devin des bords de l’Euphrate, qui reconnaît Yahvé pour son Dieu, 22.18, etc., et bénit Israël, 23.11-12, 25-26 ; 24.10, cf. Mi 6.5. Mais les traditions plus récentes considèrent Balaam comme un ennemi, contraint par la toute-puissance de Dieu de bénir Israël contre sa volonté, Dt 23.5-6 ; Jos 24.9-10, cf. Ne 13.2, et qui l’entraîna dans l’idolâtrie de Péor, 31.8, 16. Cette tradition sera reprise par le Nouveau Testament.
Moab eut peur des Israélites ;
Balaq, fils de Çippor, était roi de Moab en ce temps-là.
c Pétor (sur « le Fleuve », c’est-à-dire l’Euphrate) et le pays d’Ammav (avec l’hébr., contre « Ammon » de sam., syr., Vulg.) sont connus par les textes cunéiformes.
7 Les anciens de Moab et les anciens de Madiân partirent, le salaire de l’augure en main. Ils vinrent trouver Balaam et lui transmirent les paroles de Balaq.
13 Au matin, Balaam se leva et dit aux princes envoyés par Balaq : « Partez pour votre pays, car Yahvé refuse de me laisser aller avec vous. »
15 Balaq envoya de nouveau des princes, mais plus nombreux et plus considérés que les premiers.
d Monture d’honneur au deuxième millénaire av. J.-C. Cf. Jg 5.10 ; 10.4 ; 12.14.
22 Son départ excita la colère de Dieu, et l’Ange de Yahvé se posta sur la route pour lui barrer le passage.e Lui montait son ânesse, ses deux garçons l’accompagnaient.
e La contradiction avec le v. 20 semble indiquer un changement de tradition, cf. 22.2 ; ce récit, plus coloré et plus populaire que le précédent, est attribué à la tradition yahviste. Il fait parler les animaux comme Gn 3.1s.
24 L’Ange de Yahvé se tint alors dans un chemin creux, au milieu des vignes, avec un mur à droite et un mur à gauche.
26 L’Ange de Yahvé changea de place et se tint en un passage resserré, où il n’y avait pas d’espace pour passer ni à droite ni à gauche.
28 Alors Yahvé ouvrit la bouche de l’ânesse et elle dit à Balaam : « Que t’ai-je fait, pour que tu m’aies battue ainsi par trois fois ? »
31 Alors Yahvé ouvrit les yeux de Balaam. Il vit l’Ange de Yahvé posté sur la route, son épée nue à la main. Il s’inclina et se prosterna face contre terre.
f Littéralement « la route renverse ». Autre traduction « car ce voyage me déplaisait ».
g Tout acte de l’homme, conscient ou non, qui se trouve en opposition avec la volonté divine est ici considéré comme un péché.
36 Balaq apprit donc que Balaam arrivait et partit à sa rencontre, dans la direction de Ar-Moab,h sur la frontière de l’Arnon, à l’extrémité du territoire.
h Le texte porte `îr mo’ab , « une ville de Moab », mais il s’agit de Ar, ville forte qui domine la Gorge de l’Arnon, cf. 21.15. Mais Balaam va prononcer ses oracles en se déplaçant vers le nord jusqu’au mont Nébo, en longeant le bord du plateau qui domine la steppe occupée par les Israélites. On est loin au nord de l’Arnon, frontière de Moab, et dans l’ancien territoire de Sihôn conquis par les Israélites. Ces récits reflètent une situation postérieure à la conquête, mais antérieure à l’époque de David, où Moab s’était étendu vers le nord. Il ira un moment jusqu’à Jéricho, cf. Jg 3.13.
37 Balaq dit à Balaam : « Ne t’avais-je pas envoyé des messagers pour t’appeler ? Pourquoi n’es-tu pas venu vers moi ? Vraiment, n’étais-je pas en mesure de t’honorer ? »
39 Balaam partit avec Balaq. Ils parvinrent à Qiryat-Huçot.
i C’est un sacrifice de communion, Lv 3.1, qui sera suivi, 23.2, de l’holocauste, lequel prépare la manifestation divine, cf. Jg 6.25s.
j Littéralement « l’extrémité du peuple ».
23 Balaam dit à Balaq : « Bâtis-moi ici sept autels, et fournis-moi ici sept taureaux et sept béliers. »
k « offrit » au sing. avec grec.
4 Or Dieu vint à la rencontre de Balaam, qui lui dit : « J’ai disposé les sept autels et j’ai offert en holocauste un taureau et un bélier sur chaque autel. »
« Balaq me fait venir d’Aram,
le roi de Moab, des monts de Qédem :
“Viens, maudis-moi Jacob,
viens, fulmine contre Israël.”
l Les poèmes qui suivent devaient primitivement appartenir à un même recueil dirigé contre Moab. Les deux premiers sont transmis par la tradition élohiste.
8 Comment maudirais-je quand Dieu ne maudit pas ?
Comment fulminerais-je quand Dieu ne fulmine pas ?
9 Oui, de la crête du rocher je le vois,
du haut des collines je le regarde.
Voici un peuple qui habite à part,
il n’est pas rangé parmi les nations.m
m C’est l’élection d’Israël, Dt 7.6, sanctionnée par la bénédiction d’une postérité nombreuse.
10 Qui pourrait compter la poussière de Jacob ?
Qui pourrait dénombrer la nuée d’Israël ?
Puissé-je mourir de la mort des justes !
Puisse ma fin être comme la leur ! »n
n « la leur » grec. L’hébr. a le singulier.
11 Balaq dit à Balaam : « Que m’as-tu fait ! Je t’avais pris pour maudire mes ennemis et tu prononces sur eux des bénédictions ! »
14 Il l’emmena au Champ des Guetteurs, vers le sommet du Pisga. Il y bâtit sept autels et offrit en holocauste un taureau et un bélier sur chaque autel.
o Littéralement « je serai rencontré ».
« Lève-toi, Balaq, et écoute,
prête-moi l’oreille, fils de Çippor.
19 Dieu n’est pas homme, pour qu’il mente,
ni fils d’Adam, pour qu’il se rétracte.
Est-ce lui qui dit et ne fait pas,
qui parle et n’accomplit pas ?
20 J’ai reçu la charge d’une bénédiction,p
je bénirai et je ne me reprendrai pas.
p Littéralement « Voici qu’il a béni, j’ai saisi », mais les versions ont le passif « j’ai été saisi ».
21 Jeq n’ai pas aperçu de mal en Jacob
ni vu de souffrance en Israël.
Yahvé son Dieu est avec lui ;
chez lui retentit l’acclamation royale.
q « Je » sam. et syr. ; « Il » hébr. et grec.
22 Dieur le fait sortir d’Égypte,
Il est pour lui comme des cornes de buffle.s
r Au lieu d’Élohim, l’hébr. a « El », qui signifie « Dieu », mais qui est aussi le nom propre du grand dieu cananéen El. Celui-ci avait déjà été identifié avec le Dieu des pères, et le fut avec Yahvé. De même en 24.4, 8, 16.
s Texte difficile. Autres traductions « Il (Jacob) a comme la vigueur du buffle », ou « Il (El) a comme des cornes de buffle ».
23 Car il n’y a pas de présage contre Jacob
ni d’augure contre Israël.t
Alors même que l’on dit à Jacob
et à Israël : “Que fait donc Dieu ?”
t Autre traduction « en Jacob » et « en Israël ».
24 Voici qu’un peuple se dresse comme une lionne,
qu’il surgit comme un lion :
il ne se couche pas, qu’il n’ait dévoré sa proie
et bu le sang de ceux qu’il a tués. »
25 Balaq dit à Balaam : « Ne le maudis pas, soit ! Du moins, ne le bénis pas ! »
26 Balaam répondit à Balaq : « Ne t’avais-je pas dit : Tout ce que Yahvé dira, je le ferai ? »
27 Balaq dit à Balaam : « Viens donc, que je t’emmène ailleurs. Et là, peut-être Dieu trouvera bon de le maudire. »
24 Balaam vit alors que Yahvé trouvait bon de bénir Israël. Il n’alla pas comme les autres fois à la recherche de présages, mais il se tourna face au désert.
« Oracle de Balaam, fils de Béor,
oracle de l’homme au regard pénétrant,v
u Ici commence une nouvelle série d’oracles appartenant au cycle yahviste.
v Littéralement « dont l’œil est parfait », shettam , en suivant le grec ; « dont l’œil est fermé », shetûm hébr.
4 oracle de celui qui écoute les paroles de Dieu.
Il voit ce que Shaddaï fait voir,
il obtient la réponse divine et ses yeux s’ouvrent.w
w Sens discuté. Autre traduction « il tombe et ses yeux s’ouvrent ».
5 Que tes tentes sont belles, Jacob !
et tes demeures, Israël !
6 Comme des vallées qui s’étendent,
comme des jardins au bord d’un fleuve,
comme des aloès que Yahvé a plantés,
comme des cèdres auprès des eaux !
7 Un héros grandit dans sa descendance,
il domine sur des peuples nombreux.x
Son roi est plus grand qu’Agag,
sa royauté s’élève.
x On suit le grec cet oracle semble se référer au « messianisme royal », et viser directement, soit Saül, vainqueur d’Agag, roi amalécite, 1 S 15.8, soit David qui lui aussi combattit les Amalécites, 1 S 30. L’hébr. est tout différent et peut se traduire « l’eau déborde de son seau, et sa semence est dans une eau abondante ».
8 Dieu le fait sortir d’Égypte,
il est pour lui comme des cornes de buffle.
Ily dévore le cadavre de ses adversaires,
il leur brise les os.
y Israël. La suite du v. est incertaine et le texte corrompu. Au lieu de « cadavre » les massorètes ont compris « nations ».
9 Il s’est accroupi, il s’est couché,
comme un lion, comme une lionne
qui le fera lever ?
Béni soit qui te bénit,
et maudit qui te maudit ! »
10 Balaq se mit en colère contre Balaam. Il frappa des mains et dit à Balaam : « Je t’avais mandé pour maudire mes ennemis, et voilà que tu les bénis, et par trois fois !
« Oracle de Balaam, fils de Béor,
oracle de l’homme au regard pénétrant,
16 oracle de celui qui écoute les paroles de Dieu,
de celui qui sait la science du Très-Haut.
Il voit ce que Shaddaï fait voir,
il obtient la réponse divine et ses yeux s’ouvrent.
17 Je le vois — mais non pour maintenant,
je l’aperçois — mais non de près
Un astrez issu de Jacob devient chef,
un sceptrea se lève, issu d’Israël.
Il frappe les tempes de Moab
et le crâne de tous les fils de Seth.b
z L’étoile est dans l’ancien Orient signe d’un dieu, et par suite d’un roi divinisé. Voir également Isa 14.12. Ce terme paraît évoquer ici la monarchie davidique, et pour l’avenir le Messie.
a Au lieu de « sceptre » le grec a « un homme », et au lieu de « tempes » il a « princes ». — Le même mot hébreu signifie les « tempes » et les « confins ».
b Ici, tribus bédouines. Le poète va passer en revue les adversaires d’Israël en marge de Canaan.
18 Édom devient un pays conquis ;
pays conquis, Séïr.
Israël déploie sa puissance,
19 Jacob domine sur ses ennemis
et fait périr les rescapés de Ar. »c
c « ennemis » est transposé du v. 18, où l’hébr. le met après « Séïr ». — « Ar », cf. 22.36, au lieu d’hébr. « ville » (`îr).
20 Balaam vit Amaleq, il prononça son poème. Il dit :
« Amaleq : prémices des nations !
Mais sa postérité périra pour toujours. »d
d « périra pour toujours » sam. ; « sera jusqu’à la ruine (?) » hébr. De même au v. 24.
21 Puis il vit les Qénites, il prononça son poème. Il dit :
« Ta demeure fut stable, Qayîn,
et ton nide juché sur le rocher.
e Jeu de mots entre qen, nid, et qyn, Qayîn, restitué pour le rythme. — Les Qénites sont des nomades (cf. 1 Ch 2.55 où ils sont frères des Rékabites), en relations étroites avec Madiân (cf. 10.29 et Jg 1.16). Refoulés par les Édomites (le Béor du v. 22 semble être celui de Gn 36.32), ils gagnent le pays des Amalécites, Jg 1.16 ; 1 S 15.4-6, cf. 27.10 ; 30.29, et on en rencontrera jusque dans la plaine d’Esdrelon, Jg 4.11, 17 ; 5.24. Qayin doit être rapproché de Qenaz, le nom du père d’Otniel, lui-même frère (ou neveu ?) de « Caleb le Qenizzite » (ailleurs assimilé à la tribu de Juda), 32.12 ; Jos 14.6, 14 ; 15.17 ; Jg 1.13 ; 3.9-11 ; 1 Ch 4.13. En Gn 15.19 les Qenizzites sont nommés entre les Qénites et les Qadmonites (les « fils de l’Orient » de Gn 29.1 ; Jg 6.3, etc.), et en Gn 36.11, 42, Qenaz est le petit-fils d’Ésaü et le demi-frère d’Amaleq, ce qui exprime une relation géographique plutôt qu’ethnographique.
22 Mais le nid appartient à Béor ;
jusques à quand seras-tu captif d’Assur ? »f
f Le texte, très incertain, est corrigé d’après le grec. La mention d’Assur, ici et v. 24, est étonnante il ne peut s’agir de l’Assyrie, car cela mettrait l’oracle très tard (VIIIe s. av. J.-C.), il s’agit peut-être de la tribu d’Assur mentionnée en Gn 25.3 et 2 S 2.9.
23 Puis il prononça son poème. Il dit :
« Des peuples de la Merg se rassemblent au nord,
g Littéralement « des îles », moyennant corr. Ces « Peuples de la Mer », dont les Philistins faisaient partie, ont déferlé sur l’Égypte et la Palestine à la fin du XIIIe s. av. J.-C.
24 des vaisseaux du côté de Kittim.
Ils oppriment Assur, ils oppriment Ébèr,h
lui aussi périra pour toujours. »
h Kittim Chypre, mais aussi les côtes de la Méditerranée orientale. — Éber cf. Gn 10.21 ; 11.14, population à laquelle se rattache Abraham, Gn 11.26 ; il faut en rapprocher le nom des « Hébreux » (cf. « Abram l’Hébreu », Gn 14.13), quelle que soit l’origine réelle de ce nom.
25 Puis Balaam se leva, partit et retourna chez lui. Balaq lui aussi passa son chemin.