Il y a trois choses dans l’homme : Les mœurs, les actions, les passions. Les mœurs, le Verbe en réclame la direction, comme nous exhortant. Il est le chef de la religion, la pierre fondamentale de l’édifice de la foi. C’est par lui que, remplis de joie et abjurant nos vieilles erreurs, nous devenons jeunes pour le salut, chantant avec le prophète : « Que le Dieu d’Israël est bon pour ceux dont le cœur est droit ! » Quant à toutes nos actions, le Verbe règne sur elles comme précepteur. Nos passions, il les guérit comme consolateur. Ce Verbe, ainsi multiplié, n’est qu’un seul et même Verbe, arrachant l’homme aux habitudes mondaines dans lesquelles il a été élevé, et le conduisant à l’unique voie de salut, qui est la foi. Ce guide céleste, le Verbe, je lui donne le nom de Verbe qui exhorte, en tant qu’il nous appelle au salut. Excite-t-il dans nos cœurs des élans impétueux ? je l’appelle proprement le Verbe, donnant à la partie le nom du tout. Il est dans la nature de toute religion d’exhorter les hommes ; toute religion fait naître dans notre âme, qui est une émanation de Dieu, un ardent amour de la vie présente et de la vie future. Maintenant, comme le Verbe est tout à la fois médecin et précepteur, et que, conséquent avec lui-même, il anime ceux qu’il a convertis dans le principe et leur promet la guérison des blessures de leurs âmes, il me paraît convenable de réunir tous ses titres dans un seul et de l’appeler le Pédagogue. Le Pédagogue veut la pratique et non la théorie. Son but est d’orner les âmes de vertus et non de science. Il exige qu’on soit sage et non savant.
Ce n’est pas que le Verbe ne nous ouvre également les trésors de la science ; mais il ne débute pas ainsi. Lorsqu’il nous explique et nous révèle les dogmes de la religion, sans doute qu’il instruit ; mais le Pédagogue veut la pratique avant tout. Aussi s’occupe-t-il d’abord de former nos mœurs ; bientôt il nous invite à rechercher les choses qui nous sont nécessaires pour la vertu, en nous donnant les préceptes d’une morale pure, et en montrant aux fils, comme terme de comparaison, le tableau des fautes commises par leurs pères. Ces deux moyens sont de plus grande efficacité : l’un, qui est le mode d’exhortation, nous dispose à la soumission ; l’autre, qui consiste à présenter ces comparaisons, a un double effet, à cause des objets différents qu’il met en regard. Le premier effet est de nous porter à embrasser la vertu par la force de l’exemple ; le second effet est de nous porter à repousser le vice en nous inspirant de l’horreur pour lui.
La guérison de nos âmes suit nécessairement les instructions qui résultent de la vue de ces tableaux. C’est ainsi que le Pédagogue fortifie nos âmes, en y faisant couler comme un baume adoucissant, et qu’en nous donnant des préceptes salutaires pour nous conduire à la parfaite connaissance de la vérité, il prescrit en quelque sorte un régime à notre faiblesse. Ce sont deux choses bien différentes que la santé de l’âme et la science. L’une s’opère par la guérison ; l’autre, par l’instruction. Lorsque notre âme est malade, qu’elle ne s’avise donc pas de s’approcher de la science avant d’être revenue à une parfaite santé. Car on ne gouverne pas de la même manière ceux qu’il s’agit d’instruire et ceux qu’il s’agit de guérir ; mais aux premiers, on donne ce qui convient pour la science ; aux seconds, ce qui convient pour la guérison. Comme donc ceux qui sont malades de corps ont besoin du médecin, ainsi ceux dont l’âme est malade ont besoin du Pédagogue pour guérir leurs passions. Ce n’est que plus tard qu’ils auront besoin des leçons d’un maître pour les initier aux secrets de la science et achever de meubler leur âme, capable dès lors de recevoir les révélations du Verbe. Vous voyez donc que le Verbe s’étudie à nous mener à la plus haute perfection par une gradation aussi salutaire que raisonnable ; vous voyez, dis-je, que ce Verbe, si plein d’amour pour l’homme, use d’une admirable économie, d’abord en nous exhortant, ensuite en nous dirigeant, enfin en nous instruisant.