Origène, docteur de l’Église, naquit à Alexandrie l’an 185 de Jésus-Christ, et fut surnommé Adamantius, à cause de son assiduité infatigable au travail. Son père, Léonide, l’éleva avec soin dans la religion chrétienne et dans les sciences, et lui apprit de bonne heure l’Écriture sainte Origène donna des preuves de la grandeur de son génie dès sa plus tendre jeunesse. Clément Alexandrin fut son maître. Son père ayant été dénoncé comme chrétien et détenu dans les prisons, il l’exhorta à souffrir le martyre plutôt que de renoncer au christianisme. A dix-huit ans il se trouva chargé du soin d’instruire les fidèles à Alexandrie. Les hommes et les femmes accouraient en foule à son école. La calomnie pouvait l’attaquer : il crut lui fermer la bouche en se faisant eunuque, s’imaginant être autorisé à cette barbarie par un passage de l’Evangile pris selon la lettre, qui tue, comme s’exprime Saint Paul, au lieu de le saisir selon l’esprit, qui vivifie. Après la mort de Septime-Sévère, un des plus ardents persécuteurs du christianisme, arrivée en 211, Origène alla à Rome et s’y fit des admirateurs et des amis. De retour à Alexandrie, il y reprit ses leçons, à la prière de Démétrius, qui en était évêque. Une sédition, qui arriva ans cette ville, le fit retirer en secret dans la Palestine. Cette retraite l’exposa au ressentiment de son évêque. Les prélats de la province l’engagèrent à force d’instances d’expliquer en public les divines Ecritures. Démétrius trouva si mauvais que cette fonction importante eût été confiée à un homme qui n’était pas prêtre, qu’il ne put s’empêcher d’en écrire aux évêques de Palestine comme d’une nouveauté inouïe. Alexandre, évêque de Jérusalem, et Théoctiste de Césarée justifièrent hautement leur conduite : ils alléguèrent que c’était une coutume ancienne et générale de voir des évêques se servir indifféremment de ceux qui avaient du talent et de la piété, et que c’était une espèce d’injustice de fermer la bouche à des gens à qui Dieu avait accordé le don de la parole. Démétrius, insensible à leurs raisons, rappela Origène, qui continua d’étonner les fidèles par ses lumières, par ses vertus, par ses veilles, ses jeûnes et son zèle. L’Achaïe se trouvant affligée de diverses hérésies, il y fut appelé peu de temps après, et s’y rendit avec des lettres de recommandation de son évêque. En passant à Césarée de Palestine, il fut ordonné prêtre par Théoctiste, évêque de cette ville, avec l’approbation de Saint Alexandre de Jérusalem et de plusieurs autres prélats de la province. Cette ordination occasionna de grands troubles. Démétrius déposa Origène dans deux conciles, et l’excommunia. Il alléguait : 1° qu’Origène s’était fait eunuque ; 2° qu’il avait été ordonné sans le consentement de son propre évêque ; 3° qu’il avait enseigné plusieurs erreurs, entre autres choses que le démon serait enfin sauvé et délivré des peines de l’enfer, etc. Origène se plaignit a ses amis des accusations qu’on formait contre lui, désavoua les erreurs qu’on lui imputait, et se retira en 231 à Césarée en Palestine. Théoctiste l’y reçut comme son maître, et lui confia le soin d’interpréter les Ecritures. Démétrius étant mort en 231, Origène jouit du repos. Grégoire Thaumaturge et Athénodore, son frère, se rendirent auprès de lui et en apprirent les sciences humaines et les vérités sacrées. Une sanglante persécution s’étant allumée sous Maximin contre les chrétiens, et particulièrement contre les prélats et les docteurs de l’Eglise, Origène demeura caché pendant deux ans. La paix fut rendue à l’Église par Gordien, l’an 237 ; Origène en profita pour faire un voyage en Grèce. Il demeura quelque temps a Athènes, et, après être retourné Césarée, il alla en Arabie, à la prière des évêques de cette province. Leur motif était de retirer de l’erreur l’évêque de Bostre, nommé Bérylle, qui niait que « Jésus-Christ eût eu aucune existence avant l’incarnation, voulant qu’il n’eût commencé à être Dieu qu’en naissant de la Vierge. » Origène parla si éloquemment A Bérylle, qu’il rétracta son erreur et remercia depuis Origène. Les évêques d’Arabie l’appelèrent à un concile qu’ils tenaient contre certains hérétiques qui assuraient que « la mort était commune au corps et à l’âme. » Origène y assista et traita la question avec tant de force, qu’il ramena au chemin de la vérité ceux qui s’en étaient écartés. Cette déférence des évêques pour Origène, sur un point qu’on croit être la principale de ses erreurs, semble l’en justifier pleinement. Dèce ayant succédé, l’an 249, à l’empereur Philippe, alluma une nouvelle persécution. Origène fut mis en prison. On le chargea de chaînes ; on lui mit au cou un carcan de fer et des entraves aux pieds ; on lui fit souffrir plusieurs autres tourments et on le menaça souvent du feu ; mais on ne le fil pas mourir, dans l’espérance d’en abattre plusieurs par sa chute, et à la fin il fut élargi. Il mourut à Tyr, peu de temps après, l’an 234, dans sa soixante-neuvième année. Peu d’auteurs ont autant travaillé que lui ; peu d’hommes ont été autant admirés et aussi universellement estimés qu’il le fut pendant longtemps ; personne n’a été plus vivement attaqué et poursuivi avec plus de chaleur qu’il l’a été pendant sa vie et après sa mort, ta ne s’est pas contenté d’attaquer sa doctrine, on a attaqué sa conduite : on a prétendu que, pour sortir de sa prison, il fit semblant d’offrir de l’encens à l’idole Sérapis à Alexandrie ; mais on peut croire que c’est une imposture forgée par ses ennemis et rapportée trop légèrement par SAINT Epiphane. Ses ouvrages sont : une Exhortation au martyre ; qu’il composa pour animer ceux qui étaient dans les fers avec lui ; des Commentaires sur l’Ecriture sainte. Il est peut-être le premier qui l’ait expliquée tout entière. Il semble cependant qu’on peut douter si l’Exposition sur l’Epître aux Romains est de lui, puisqu’elle parait d’un auteur latin, comme on voit dans ce passage : Sciendum primo est, ubi nos habemus, omnibus qui sunt inter vos, in Graeco habetur omni qui est inter vos. Les explications étaient de trois sortes : des Notes abrégées sur les endroits difficiles, des Commentaires étendus où il donnait l’essor à son génie, et des Homélies au peuple, où il se bornait aux explications morales, pour s’accommoder à la portée de ses auditeurs. Il nous reste une grande partie des Commentaires d’Origène, mais la plupart ne sont que des traductions fort libres. On y voit partout un grand fonds de doctrine et de piété. Il travailla à une édition de l’Ecriture à six colonnes. Il l’intitula Hexaples. La première contenait le texte hébreu en lettres hébraïques ; la deuxième, le même texte en lettres grecques, en faveur de ceux qui entendaient l’hébreu sans le savoir lire ; la troisième renfermait la version d’Aquila ; la quatrième colonne, celle de Symmaque ; la cinquième, celle des Septante, et la sixième, celle de Théodotion. Il regardait la version des Septante comme la plus authentique et celle sur laquelle les autres drivaient être corrigées. Les Octaples contenaient de plus deux versions grecques qui avaient été trouvées depuis peu, sans qu’on en connût les auteurs. Origène travailla à rendre l’édition des Septante suffisante pour ceux qui n’étaient point en état de se procurer l’édition à plusieurs colonnes. – On avait recueilli de lui plus de mille Sermons, dont il nous reste une grande partie : ce sont des discours familiers qu’il prononçait sur le champ, et des notaires écrivaient pendant qu’il parlait, par l’art des notes, qui s’est perdu. Il avait ordinairement sept secrétaires, uniquement occupés à écrire ce qu’il dictait. – Son livre des Principes. Il l’intitula ainsi parce qu’il prétendait y établir des principes auxquels il faut s’en tenir sur les matières de la religion, et qui doivent servir d’introduction à la théologie. Nous ne l’avons que de la version de Ruffin, qui déclare lui-même y avoir ajouté ce qu’il lui a plu, et en avoir ôté tout ce qui lui paraissait contraire à la doctrine de l’Eglise, principalement touchant la Trinité. On ne laisse pas d’y trouver encore des principes pernicieux. On croit y découvrir un système tout fondé sur la philosophie de Platon, et dont le principe fondamental est que toutes les peines sont médicinales. Où l’a accusé d’avoir fait Dieu matériel ; mais il réfute si bien cette erreur, qu’il est raisonnable de donner un sens orthodoxe à quelques expressions peu exactes. – Le Traité contre Celse. Cet ennemi de la religion chrétienne avait publié contre elle son Discours de vérité, qui était rempli d’injures et de calomnies. Origène n’a fait paraître dans aucun de ses écrits autant de science chrétienne et profane que dans celui-ci, ni employé tant de preuves fortes et solides ; on le regarde comme l’apologie du christianisme la plus achevée et la mieux écrite que nous ayons dans l’antiquité. Le style en est beau, vif et pressant ; les raisonnements, bien suivis et convaincants ; et s’il y répète plusieurs fois les mêmes choses, c’est que les objections de Celse l’y obligeaient et qu’il n’en voulait laisser aucune sans les avoir entièrement détruites. Il est remarquable que ces objections sont presque toutes les mêmes que les prétendus philosophes de ce siècle ont ressassées : pauvres copistes qui n’ont pas même le funeste mérite d’imaginer des erreurs et des blasphèmes, et qui, se parant de cette triste gloire, sont obligés de recourir à des sophistes oubliés depuis quinze siècles. On a actuellement une édition complète des œuvres d’Origène, en 4 vol. in-fol. Cette édition a été commencée par le père Charles de la Rue, bénédictin, mort en 1739, et continuée par dom Charles-Vincent de la Rue, son neveu, qui a donné le quatrième et dernier volume à Paris, en 1759, avec des notes sur plusieurs endroits des Origeniana de Huet. On trouve aussi les œuvres d’Origène publiées dans notre Cours de Patrologie en 200 volumes.