Le premier chapitre, proprement préliminaire, de ce second volume ne traitera pas encore de la composition de nos évangiles ; je me bornerai à rechercher comment et quand a été formé le groupe, jusqu’ici fermé et inséparable, de ces quatre écrits que nous devrons ensuite étudier séparément.
Dans le premier volume de cet ouvrage, je n’ai pas eu à me frayer une voie nouvelle ; car des études, poursuivies pendant une longue série d’années, m’avaient conduit à des convictions à peu près conformes aux vues généralement admises sur la composition, sur la date et sur l’ordre chronologique des treize épîtres de saint Paul que j’envisage comme authentiques.
Il en est autrement du sujet traité dans ce second volume. Je me vois obligé par mes convictions de défendre ici une cause qui peut sembler momentanément perdue. L’hypothèse des deux sources de notre littérature synoptique, – l’écrit de Marc, pour les parties narratives, et les Logia de Matthieu, pour les enseignements de Jésus, – après avoir pris pied en Allemagne où elle est née (H. Weiss, B. Weiss, H. Hollzmann, A. Ritschl, etc.), a trouvé partout des adhérents éminents, en Angleterre (Sanday), en France (Reuss, Sabatier), en Suisse (Stockmeyer), tellement qu’il paraît sans espoir de chercher à lui en opposer une autre.
Et cependant nul ne peut prétendre que cette théorie ait réussi à résoudre toutes les difficultés du problème et que même elle n’en fasse pas surgir de nouvelles, mal aisées à expliquer. Preuve en soit les grandes différences qui existent entre ceux qui la soutiennent. Quelle distance, par exemple, entre la manière dont la présentent Reuss et B. Weiss, B. Weiss et Holtzmann, et même le Holtzmann d’autrefois, lorsqu’il écrivait son remarquable ouvrage sur cette question, et le Holtzmann d’aujourd’hui qui renonce au Marc primitif, dont il faisait la clef de voûte de son explication précédente, pour adopter l’emploi de Matthieu par Luc, moyen qu’avec Reuss il rejetait jadis absolument et qui appartient à un tout autre système. Si l’on pèse ces circonstances, on ne trouvera peut-être pas trop hardi l’essai de soumettre cette hypothèse à un nouvel examen, et même, s’il y a lieu, celui de lui en opposer une autre.
Dans ce but, nous commencerons par rechercher la manière dont s’est formé le recueil de nos évangiles canoniques (ch. I). A proprement parler, ce sujet appartient sans doute à l’histoire du Canon. Mais j’ai préféré préparer l’étude spéciale des évangiles par celle de ce sujet plus général, ce qui préviendra dans la suite bien des répétitions. Puis nous étudierons chacun de nos trois synoptiques, en particulier (ch. II, III et IV). Après quoi nous aborderons enfin le problème si difficile de la relation d’origine entre ces trois écrits (ch. V). Je ne pense pas, en effet, qu’il convienne de suivre la marche inverse, adoptée dans leurs Introductions par de Wette, Weiss et Holtzmann, qui commencent par le problème de la relation entre les trois écrits, avant de les avoir étudiés chacun à part. Je comprends bien que dans beaucoup de cas le texte de l’un ne puisse être complètement apprécié qu’en le comparant à celui des deux autres. Mais cette comparaison, quand elle a de l’importance, n’est point exclue par la méthode que nous nous proposons de suivre, et l’expérience me paraît prouver que l’explication des différences entre les textes est en général tellement dominée par l’idée que l’on s’est faite à l’avance de l’esprit de ces trois écrits, que la conclusion tourne finalement dans un cercle vicieux. Je crois donc que pour bien saisir la relation entre les trois synoptiques, il faut commencer par les étudier chacun pour lui-même, de manière à pénétrer leur esprit et leur tendance propres. C’est après cela seulement que l’on possédera les éléments indispensables pour juger sans parti pris de leur relation d’origine, dont traitera le ch. Vd.
d – Chaque livraison comprendra l’un des cinq chapitres annoncés. ci-dessus.
Je ne parle ici que des synoptiques. Ce sujet est si vaste, en effet, que je me vois forcé de faire de ces cinq chapitres la première partie du second volume, en réservant pour une seconde partie le IVe évangile, les Actes des Apôtres, les Évangiles et Actes extra-canoniques et les paroles de Jésus étrangères à nos évangiles, nommées Agrapha.