C’est une belle description de la vraie Eglise de Dieu sur la terre, que celle que le Seigneur en fait lui-même, lorsque, dans le Cantique des Cantiques, il lui adresse ces paroles : Ton cou est comme la tour de David, garnie de créneaux et à laquelle sont suspendus mille boucliers et toutes sortes d’armes d’hommes vaillants. (Cantique des cantiques 4.4)
Le Seigneur compare ici son Eglise à la forte tour que David avait fait bâtir sur la colline de Sion. L’Eglise de Dieu, en effet, est bâtie sur un rocher, et ce rocher, c’est Christ et son sang. Elle repose sur la puissance de Dieu et sur sa Parole immuable. Le Dieu qui demeure aux siècles des siècles, le Père, le Fils, et le Saint-Esprit, la porte dans la paume de ses mains, et les Portes de l’Enfer ne prévaudront point contre elle.
La tour de David était « garnie de créneaux et l’on y voyait suspendus mille boucliers ». Et quand a-t-on jamais vu l’Eglise de Christ privée de défense et dépourvue de boucliers ? Depuis bien des siècles déjà, son ennemi, le Prince de l’abîme, a bandé son arc, décoché contre elle ses traits enflammés ; mais pelle est jusqu’à ce jour restée debout et intacte. Un seul bouclier lui tient lieu de mille, un seul la couvre, reluisant d’un magnifique éclat. Où est la lance qui pourrait le transpercer ? Ce Bouclier s’appelle l’Alpha et l’Oméga. Jamais la rouille ne le détruira.
A la tour de David étaient « suspendues toutes sortes d’armes d’hommes vaillants. » C’étaient, d’une part, les armes d’ennemis vaincus, exposées là publiquement pour perpétuer la mémoire de glorieux triomphes. C’étaient, de l’autre, les armes des héros qui avaient courageusement défendu Sion, précieux monument destiné à enflammer le courage des générations futures. De pareils trophées ornent aussi, aux yeux de l’esprit, la tour vivante de l’Eglise de Dieu. Voyez sur ses créneaux, toutes ces armes brisées ; ce sont les armes de milliers d’ennemis vaincus : ici le glaive terrible de Celui qui est « meurtrier dès le commencement » (Jean 8.44), là l’aiguillon empoisonné de la Mort, ce « Roi cruel des épouvantements ; » ici les pesantes batteries de la ville aux sept collines, là les lances en pièces et les bannières déchirées d’une multitude de faux prophètes et de séducteurs. D’année en année, l’on voit s’augmenter le nombre de ces débris, et se grossir la troupe des adversaires dépouillés, que traîne à sa suite le Héros qui « triomphe d’eux et les expose publiquement en spectacle. » (Colossiens 2.14-15)
N’oublions pas ensuite les glaives des braves qui combattirent pour Sion, et auxquels, après Dieu dont ils furent les instruments, nous devons la conservation de la lumière spirituelle dont nous jouissons, et le maintien du vrai sanctuaire. La vue de telles armes doit être pour nous, les descendants de ces braves, une source de consolation et de joie, une leçon vivante de zèle et de courage : ici, l’épée d’un Noé, « le prédicateur de la justice, » là celle d’un Moïse, « l’homme de tribulations ; » ici l’armure d’un Daniel, là celle d’un Juda Maccabée ; ici celle de Paul, le « bon soldat de Christ », là celle de Pierre, le rocher de l’Eglise ; ici le casque et la cuirasse d’un Huss, d’un Wicleff, là l’armure brillante de Luther, de Calvin, de Zwingle, tous hommes zélés pour l’honneur de Dieu, tous défenseurs vaillants de la forteresse de Sion.
Mais voyez encore ! Au milieu de ces armes des héros sacrés, il en est une dont l’éclat extraordinaire frappe les regards, une qui a puissamment travaillé pour la gloire et le règne de Dieu, et qui fut dans des jours mauvais pénétrante et acérée autant, et plus même qu’aucune autre. A qui donc est cette arme ? C’est celle d’Élie le Tishbite, de l’homme grand en paroles, en actions et en miracles, « qui sortit comme un feu, dont la parole brûla comme une torche, et qui, par un effet de la grâce, fut si excellent et si glorieux que, lorsqu’un jour le seul grand et glorieux marcha sur la terre, les Juifs dirent : « C’est Élie ! »
La vie d’Élie est une source inépuisable d’encouragement et de rafraîchissement. C’est ce qui nous engage à vous la présenter dans une suite de méditations. Nous accompagnerons cet homme de Dieu dans les rues de la capitale et devant le trône des rois, dans le désert et la solitude ; nous le suivrons, soit sur le théâtre si agité de sa vie publique, soit dans l’appartement solitaire et le lieu retiré, témoin de ses larmes secrètes ; et nous apprendrons par son exemple comment le Seigneur conduit les siens, et combien sa force peut agir puissamment dans leur infirmité !
Veuille l’Esprit du Seigneur s’associer à nos efforts, et faire que par ces méditations quelques cœurs travaillés soient soulagés, quelques genoux chancelants affermis. Amen !
1 Alors Élie le Tishbite, l’un des Juifs établis à Galaad, dit à Achab : L’Éternel, le Dieu d’Israël, en la présence duquel je me tiens, est vivant, que durant ces années-ci il n’y aura ni rosée, ni pluie, si ce n’est à ma parole.
Ainsi commence l’histoire de notre Prophète ; d’une manière brève et énergique ; nous transportant brusquement au centre même de sa vie ; et dans cette première apparition, nous le montrant déjà tout entier, tel qu’il est au dedans et au dehors.
Cette apparition subite d’Élie dans l’histoire mérite d’être remarquée. Les chapitres qui précèdent nous dévoilent toutes les abominations dans lesquelles Israël était alors plongé. D’affreuses ténèbres spirituelles couvrent le pays. Où que nous jetions les yeux, nous ne rencontrons partout que les hideuses figures des statues de Bahal et d’Astarté. Ce sol sacré est couvert de temples païens et d’autels idolâtres, toutes les collines fument de sacrifices impies, toutes les montagnes retentissent des hurlements et des blasphèmes des prêtres de mensonge. Le peuple boit l’iniquité comme de l’eau, et, transporté d’une joie forcenée, il s’agite autour des veaux d’or dans d’impures cérémonies. O douleur ! comment la gloire d’Israël s’est-elle ainsi évanouie ! comment la postérité d’Abraham est-elle devenue si méconnaissable ! comment la lumière s’est-elle tellement obscurcie et l’or pur tellement terni ! De tous côtés la nuit, rien que la nuit. Nulle part à travers ces tristes ténèbres la faible lueur de quelque astre consolateur ! C’est alors que l’Ecriture nous présente subitement Élie : « Et Élie dit. » Comme un éclair qui fend les nues, comme un tison étincelant lancé par la main de l’Eternel, tel apparaît tout-à-coup Élie au milieu de cette scène ténébreuse ; sans père ni mère, sans généalogie comme Melchisédec. Il apparaît là, seul au milieu de la désolation, seul avec son Dieu sur cette vaste terre, unique principe de vie au milieu de la dissolution universelle, unique levain pour faire lever la masse. Et afin que l’on apprenne bien dès la première vue qui il est, le voilà commençant sa carrière, en quelque sorte comme un dieu, par un acte de foi inouï, fermant au nom de son maître le firmament sur Israël et le transformant en un ciel de fer et d’airain. Dieu soit loué ! Maintenant les ténèbres ne sont plus si profondes, un homme de Dieu y marche et les éclaire : telle la lune se lève dans la nuit et y répand sa lumière.
Arrêtons nous aujourd’hui quelques moments aux paroles que nous avons lues, et dirigeons notre attention d’abord sur le nom de l’homme de Dieu et sur sa position extérieure ; ensuite sur la situation intérieure de son âme, et enfin sur la menace prophétique avec laquelle il apparaît sur la scène.
L’homme dont nous allons nous occuper se nomme Élie. Lorsque nous rencontrons des hommes de Dieu comme Élie, ce n’est point selon nous une vaine subtilité, d’attacher une certaine importance au nom qu’ils portent, et d’en rechercher la signification. Chez le peuple d’Israël, le choix des noms n’était pas laissé à l’arbitraire de l’homme, il dépendait d’une direction spéciale de Dieu, et les cas ne sont pas rares où nous entendons Dieu déclarer expressément : Voici quel sera le nom de l’enfant. Il n’y avait donc pas chez les Hébreux de nom indifférent ; tout nom avait un sens et reposait sur quelque fondement réel. Tantôt c’était une précieuse promesse, un engagement contracté par Dieu même, qui s’y trouvait renfermé ; tantôt c’était un sérieux avertissement, une sainte recommandation, dont on portait continuellement avec soi le mémorial dans le nom même qu’on avait reçu. Quelquefois, le nom devait désigner le caractère et la disposition dominante de la personne, comme le nom d’Abel qui signifie fragilité, humilité ; ou bien sa vocation divine, comme le nom de Noé, consolateur ; ou le sort de la personne ici bas, comme le nom de Marie, amertume. D’autrefois c’était comme un sceau divin, apposé sur une promesse que la personne avait reçue : par exemple, le nom donné au fils de Tharah, Abraham, c’est-à-dire père de plusieurs peuples ; ou bien il servait à caractériser la relation particulière qui existait entre l’âme et Dieu, comme le nom d’Henoch, consacré, de David, bien-aimé. Il ne faut donc pas s’étonner, qu’en Israël les fidèles envisageassent leur nom comme un objet digne de sérieuses méditations, et eussent coutume de se demander ce que le Seigneur avait par là voulu leur faire entendre. Leur nom était ainsi pour eux comme un mémorial continuellement présent à leurs yeux, ou comme ces clochettes suspendues aux vêtements du grand prêtre. Leur nom leur rappelait leur maître et sa providence ; ils y puisaient force, consolation, encouragements, instructions. Pour plusieurs, leur nom devenait comme un lien qui les attirait à Dieu. Je n’ignore pas sans doute qu’un homme qui étend ses méditations religieuses jusqu’à ces petits détails, ne peut manquer d’être condamné devant le tribunal de de nos sages, comme un esprit étroit, faible, dénué de sens. Malheureusement, parmi les fidèles eux-mêmes, la foi au Dieu qui compte tous les cheveux de notre tête et qui aime à se montrer grand dans les petites choses est aussi devenue une perle rare, au moins en réalité et dans la pratique. Mais celui qui a conservé dans son cœur cette foi simple et naïve qui ne met point de différence entre grand et petit, qui fait descendre son Dieu dans les moindres détails de sa vie domestique, qui le fait asseoir avec lui sous sa vigne et sous son figuier, un tel homme est certainement bienheureux. Il jouit de beaucoup de paix et de récréation spirituelle en tout temps. Où qu’il aille, où qu’il s’arrête, partout il voit des figures et entend des voix célestes ; les noms, les événements, les pensées subites, même les songes, tout autour de lui est discours de Dieu, bruit de ses pas sur les montagnes. — Le Seigneur son Dieu n’a point honte de s’abaisser jusqu’au niveau de sa faible intelligence, et comme une mère avec son nourrisson, il cherche à se faire comprendre de lui par toutes sortes de sons et de signes.
Notre prophète se nomme Élie, ce qui signifie : mon Dieu fort, ou le Seigneur est ma force. Beau et grand nom, mes frères, et Élie en était digne. Il n’était qu’un homme, un homme comme vous et moi, par lui-même rien ; et pourtant la force de Dieu lui appartenait ! Il ne pouvait rien, et des œuvres de toute-puissance sortaient de sa main ! Il gisait dans la poussière comme un ver de terre, et il gouvernait et régnait avec Dieu ! Il avait le pouvoir d’ouvrir et de fermer les cieux, d’ordonner aux morts de vivre, aux vivants de périr, et il exerçait le jugement sur les adversaires de Dieu ! C’était donc avec raison qu’il s’appelait Élie.
Ne confondez pas, mes chers frères, Dieu est ma force et Dieu me fortifie. Ces deux expressions désignent des états de l’âme qui ne sont nullement les mêmes. Ainsi, autre chose est de dire : Dieu me protège de son bouclier, ou de pouvoir se glorifier, en disant : Dieu est mon bouclier. Quand Dieu me protège de son bouclier, pas un de mes cheveux ne tombera, et le mal qui me menace s’éloignera sans me toucher. Mais lorsque Dieu est mon bouclier, alors j’élève ma tête au milieu même de l’orage, comme si le ciel était serein, je trouve ma joie en Dieu au milieu de l’angoisse ! Pierre, lorsque les fers tombaient de ses mains, que les verrous s’ouvraient devant lui, et qu’il sortait libre de son cachot, Pierre pouvait s’écrier plein d’allégresse : Le bouclier de l’Eternel m’environne ! Etienne, au milieu des coups de pierres et des blessures mortelles que lui portaient ses ennemis, s’écriait, avec son visage d’ange : » Dieu est mon bouclier ! » – Ce n’est pas non plus le même état spirituel qui est désigné par ces deux expressions : Dieu me console, et Dieu est ma consolation. Lorsque le Seigneur me console, j’ai le cœur gai, léger, plein de joie ; mon âme tressaille d’allégresse, et mon héritage est dans les lieux agréables. Lorsque Dieu est ma consolation, mon âme peut être déchirée, desséchée, remplie de troubles, mais je ne désespère point : je m’élève par dessus mon propre cœur, je marche sur les flots agités et suis tranquille ; mais intérieurement, je ne sens rien, je ne goûte rien ; la foi nue à mon Dieu, qui s’est lié avec moi par serment, voilà tout ce que je possède. — Il en est encore de même de ces deux expressions : Dieu me donne sa paix, et Dieu est ma paix. Lorsque Dieu me donne sa paix, les flots orgueilleux s’apaisent au dedans de moi ; l’orage se dissipe, les éclairs s’évanouissent, un murmure doux, comme celui d’Horeb, se fait entendre à mon âme, et des parfums exquis sont répandus sur moi. Mais lorsque les éclairs brillent encore, que la foudre gronde, que la conscience est dans le trouble, que la chair est en révolte, que les pensées s’accusent réciproquement, et que les traits enflammés du malin passent en sifflant près de mon âme effrayée : je souffre, et toutefois je reste ferme : je suis inquiet, et toutefois je ne désespère point. M’élevant au dessus de ce tumulte, dans le char glorieux de la foi, j’embrasse avec ardeur les blessures de mon Seigneur glorifié, je me réfugie dans cette pensée que son nom est Dieu Amen ! et qu’il garde son alliance jusqu’en mille générations, j’entre avec ma pauvre nacelle, battue des flots, dans la baie tranquille de la foi, et là, je jette l’ancre dans le sein de la grâce libre de mon Dieu, au pied des rochers inébranlables de ses promesses : alors le Seigneur est ma paix.
Telle est aussi la différence qui se trouve entre ces expressions : Dieu me fortifie, et Dieu est ma force. Lorsque Dieu me fortifie, je suis quelque chose par sa grâce, je ressens en moi une force divine par laquelle je puis quelque chose ; je me sens armé de toutes pièces, revêtu de l’esprit de joie et de courage ; je me ris des remparts et des murailles ; le chemin s’ouvre large devant moi ; je marche en avant, et je ne crains rien. Mais quand je ne suis rien, quand je ne trouve rien en moi qu’infirmité, néant, crainte et tremblement à l’aspect du péril qui m’environne et des montagnes énormes qui s’élèvent en face de moi, et que cependant je m’avance hardiment, espérant contre toute raison, tout sentiment intérieur, toute espérance, par une foi nue en Celui qui est toujours près de moi, qui veut combattre avec moi, et pour qui c’est un rien que d’apaiser d’un mot les flots de la mer et d’aplanir les montagnes ; quand, dis-je, je marche ainsi avec foi par dessus les flots de l’épouvante, ferme dans la faiblesse, vaillant dans le découragement, alors, je puis me glorifier, en disant : Dieu est ma force, et mes pieds reposent sur un rocher. Oh ! quel miracle, que la foi qui saisit ainsi la Toute-Puissance, qui réunit, pour ainsi dire, en une seule et même personne, Dieu et un pauvre vermisseau, et met le sceptre du Tout-Puissant entre les mains de l’enfant à la mamelle !
A l’égard de sa naissance, de son rang, de sa patrie, Élie n’avait pas précisément sujet de se glorifier beaucoup aux yeux du monde. Il était, comme le dit notre texte, originaire des montagnes de Galaad, de l’autre côté du Jourdain ; pays riche, sans doute, en productions de toute espèce, en plantes odoriférantes et en encens précieux, mais habité en grande partie par d’aveugles païens, et encore tout rempli des abominations idolâtres des Amorrhéens. Il est à croire que nul Hébreux n’aurait choisi ces montagnes pour sa demeure sans y avoir été forcé par quelque grande détresse, et l’on peut supposer que la famille où Élie vit le jour et reçut sa première éducation, était quelque famille pauvre et malheureuse qui était venue se réfugier, pour des causes inconnues, en Galaad. Tishbéa, où elle s’était établie, n’était qu’un village de montagne, pauvre et ignoré. Ecoles, universités, grand monde, tout cela n’entra pas pour beaucoup dans l’éducation du jeune homme. Mais telle est la constante manière d’agir de notre Dieu : de tout temps nous le voyons aller prendre ses instruments dans la poussière, bien plutôt que sur le trône, afin qu’il soit évident à chacun que tout dépend de son libre choix, que ce n’est pas la chair qui a opéré telle ou telle grande œuvre, et qu’à Lui seul en appartient tout l’honneur. Ce fut pour la même raison, que cette fois aussi il prépara en Galaad le baume propre à guérir les yeux de la fille de Sion (Jérém.5.22), et qu’il forma au milieu même de la terre des Amorrhéens, de cette caverne de brigands, celui dont il voulait se servir comme d’une massue pour renverser les hauts lieux, abattre les rois et anéantir le sacerdoce des Bahalins. — Si nous traduisons en notre langue le nom de Tishbite, il signifie : un homme qui convertit ; et quel accord n’y a-t-il pas aussi entre ce nom et toute la vie et la vocation de notre prophète ! — Nous n’avons sur la jeunesse d’Élie, son genre de vie et ses premières occupations d’autre détail que celui que nous fournit une vieille légende, fabuleuse sans doute, mais d’un sens profond. On raconte qu’à sa naissance son père Sobach eut une vision ; qu’il aperçut autour de l’enfant plusieurs hommes en vêtements blancs et brillants, qui l’enveloppaient avec vénération dans des langes de feu, et lui offraient, au lieu de nourriture, des flammes ardentes, et que les prêtres conclurent de cette vision qu’un jour la famille d’Élie serait une lumière en Israël, et que lui-même jugerait le peuple par le feu de sa parole. Si cette histoire était réelle, quelle prophétie se serait jamais plus exactement accomplie ?
a – Tishbé est plus probablement un endroit de Nephthalie, où s’étaient retirés des habitants de Galaad. Le texte hébreu est obscur. Mais qu’Élie ait été originaire de Galaad ou de Galilée, sa patrie, dans un cas comme dans l’autre, était située dans une contrée reculée, peu connue, à demi païenne d’Israël, et sa famille avait émigré d’une autre tribu dans celle où était Tishbé.
C’est avec une parole de foi et d’autorité qu’Élie paraît sur le théâtre de l’histoire. « Et Élie le Tishbite dit : » Et où dit-il sa prédiction ? à qui et dans quel moment ? Ah ! sa voix est celle d’un prédicateur dans le désert. Depuis la mort de Salomon, le mal a débordé sur Israël comme un torrent, et aucune digue n’a pu arrêter les progrès non interrompus de la corruption. La déclaration cruelle de Roboam à son avènement au trône, que si son père avait fouetté le peuple avec des verges, il le fouetterait, lui, avec des scorpions, avait porté ses fruits. Dix tribus s’étaient révoltées, avaient formé un royaume particulier et choisi pour leur roi l’un des généraux de l’armée, Jéroboam. Les deux tribus de Juda et de Benjamin étaient seules restées attachées au jeune roi et à la maison de David, et elles formèrent dès lors le royaume de Juda, tandis que les dix tribus révoltées se nommèrent le royaume d’Israël. Les rois de Juda, qui possédaient la partie méridionale de la terre sainte, résidaient à Jérusalem sur la colline de Sion. Les rois d’Israël, dont l’empire embrassait les provinces du nord, avaient leur siège dans le château fort de Thirza et plus tard dans la ville de Samarie. Ces deux royaumes étaient continuellement en guerre ; mais ce n’était pas encore là la plus grande calamité. La dissolution intérieure était encore plus affreuse que la division extérieure. Dès que Jéroboam fut sur le trône, des motifs politiques l’engagèrent à introduire dans son royaume une nouvelle religion. Il craignait que si le peuple restait en liaison avec le temple et le culte de Jérusalem, il ne se détachât peu à peu de son obéissance et ne retombât sous le sceptre de la maison de David. Il fit donc construire des veaux d’or en imitation des Chérubins qui se trouvaient dans le temple de Jérusalem, changea l’époque de quelques fêtes, et choisit des prêtres parmi toutes les tribus, sans s’en tenir à la tribu de Lévi. Ce culte arbitraire et illégal se changea en une idolâtrie déclarée, lorsque, l’an 900 avant la naissance de J.-C., Achab, ce faible et lâche instrument de sa sanguinaire épouse Jézabel, monta sur le trône d’Israël. Par l’influence de cette femme impie, fille de rois païens, l’adoration de Bahal fut formellement transportée de Phénicie en Israël, comme religion nationale, et une sanglante persécution commença contre les adorateurs du vrai Dieu. Oh quels tristes temps, quelles affreuses ténèbres commencèrent alors pour Israël ! Quelles abominations remplirent de toutes parts la Terre promise ! De tous côtés des temples d’idoles, d’impurs autels, ruisselant du sang des prophètes et des adorateurs du vrai Dieu, semblaient insulter au Tout-Puissant et le provoquer à jalousie. L’injustice la plus criante, le plus odieux arbitraire était devenu la politique du jour, la maxime du gouvernement. Les collines et les montagnes, les forêts et les buissons, les maisons et les cabanes, tout était souillé par les cérémonies et les mœurs du paganisme le plus impur. On eût dit que le diable avait transporté son siège de l’enfer sur la terre, et que, pour obscurcir l’éclat du soleil d’en haut, il avait fait monter avec lui du fond de l’abîme, comme une vapeur empestée, la plus abominable idolâtrie. — Et c’est dans ces temps, c’est dans ces circonstances qu’Élie, l’homme de Dieu, se montre tout-à-coup à nos regards comme une figure sereine et pure au milieu d’un sinistre tableau. Le règne d’Achab et de Jézabel : voilà le théâtre sur lequel il se présente et vient agir au nom de Dieu. Un prince tyrannique, une reine altérée de sang, un peuple livré à la démence, une multitude sans nombre de prêtres de mensonge : voilà le champ qu’il doit labourer. Comment se conduira notre prophète an milieu de cette race perverse et endurcie ? Quelles expériences fera-t-il sur cette mer orageuse ? Comment franchira-t-il ces montagnes et ces remparts ? La suite nous l’apprendra, et chaque événement sera pour nous une nouvelle invitation à nous écrier : L’Eternel est Dieu ! L’Eternel est Dieu !
En voilà pour le moment assez sur la situation extérieure de notre prophète. Jetons maintenant les yeux sur son état intérieur et voyons quelles étaient ses relations avec Dieu. Élie lui-même nous l’apprend lorsqu’il dit : « L’Eternel, le Dieu d’Israël en présence duquel je me tiens. » Élie se tenait en la présence du Dieu d’Israël. C’était là son état et sa situation spirituelle, le caractère de sa vie intérieure. Et qui est donc ce Dieu d’Israël, demandez-vous ? Mes frères, connaissez vous l’ange qui s’entretint avec Abraham sous les chênes de Mamré, le personnage mystérieux qui lutta avec Jacob jusqu’au lever de l’aurore et lui dit : « Maintenant tu te nommeras Israël ; car tu as combattu avec Dieu et avec les hommes, et tu as été le plus fort ? » Connaissez vous l’être merveilleux qui apparut à Moïse dans le buisson ardent au pied d’Horeb, et cette Face de Dieu, brillante et miraculeuse de laquelle Dieu le Père disait à Moïse dans le désert : « Je ne veux pas marcher avec toi, mais j’enverrai ma Face devant toi et elle te conduira ? » Connaissez-vous le Rocher vivant qui accompagnait Israël au travers du désert, et le Prince des armées de l’Eternel, en armes et en vêtements blancs, qui s’approcha de Josué auprès du Jourdain et qui était l’épée de sa victoire et le bouclier de son secours ? Le connaissez-vous, mes frères ? Le connaissez-vous comme il faut ? Christ est son nom. C’est lui qui est le Seigneur et le Dieu d’Israël. C’est lui qui fait des vents ses anges et des flammes de feu ses ministres. C’est devant lui qu’assistent les dix mille milliers. C’est devant lui que se tenait Élie. « Oh qu’heureux sont les serviteurs et qu’heureux sont les gens qui assistent continuellement devant toi ! » disait à Salomon la reine de Saba. Mais il y a ici plus que Salomon. Oh combien plus heureux encore sont les serviteurs qui se tiennent continuellement devant le Dieu d’Israël. Mais personne ne le peut par sa propre force. Ceux qu’il fait ainsi tenir devant lui, y demeurent dans sa force, dans sa justice, avec sa beauté. Car il a en sa main une verge de fer, et il renverse ceux qui osent se présenter devant lui de leur propre chef, le regarder en face dans leur propre force, lever la tête devant lui avec leur propre justice. Mais au vermisseau rampant dans la poudre, au pécheur pauvre et dépouillé de tout, il dit : Lève-toi ; tiens-toi devant moi, regarde fixement et ne crains point ! Celui qui veut ainsi se tenir le front levé devant lui, doit auparavant s’être abattu et humilié dans la poussière. Oh combien souvent Élie s’est-il sans doute ainsi prosterné sur les montagnes de Galaad, combien de larmes n’a t-il pas répandues dans ces cavernes et ces vallées solitaires, avant de pouvoir dire : Le Seigneur le Dieu d’Israël en présence duquel je me tiens ! Élie était un homme réconcilié avec Dieu par Christ le Messie, et revêtu de sa justice. Cela est renfermé dans cette parole : Je me tiens devant le Seigneur le Dieu d’Israël ; et c’est ce que confirme la circonstance que, mille ans après, Élie fut celui que Christ jugea digne avec Moïse, d’être le témoin de sa transfiguration sur le Thabor.
Mais cette expression : se tenir devant le Seigneur, indique quelque chose de plus que l’état général de réconciliation et d’adoption. Elle désigne encore un certain rapport particulier de l’âme à Dieu. — Les mots : Je me tiens devant le Seigneur et le Seigneur se tient devant moi, désignent en effet deux états d’âme, deux dispositions différentes qui se retrouvent toutes deux à un certain degré chez tous les enfants de Dieu, mais de telle sorte que l’une ou l’autre prédomine pourtant dans chacun d’entre eux. C’est la distinction qu’ont établie les anciens mystiques, entre les chrétiens apostoliques ou essentiellement actifs au dehors pour la gloire de Dieu, et les chrétiens contemplatifs ou plus particulièrement recueillis et retirés au dedans d’eux-mêmes.
Le Seigneur se tient devant moi, lorsque sa personne vient s’offrir pleine de grâce à ma méditation intérieure, lorsque, par le regard de la foi, je porte partout avec moi le spectacle de sa croix et de ses blessures, que je me repais en quelque sorte de la vue de sa face aimable, que je me perds dans la douce contemplation de sa beauté et de sa grâce, de sa vie et de ses miracles, et que, dans le silence de la solitude, mon cœur goûte en paix l’efficace de son sacrifice et de ses mérites sanglants, et se désaltère à la source jaillissante de ses éternelles promesses. Et si cet état est devenu le caractère dominant de ma vie intérieure, je puis bien alors être appelé un chrétien essentiellement recueilli et contemplatif.
Je me tiens au contraire devant le Seigneur, quand je lui demande avant tout qu’il me révèle à chaque instant sa volonté et que je ne fasse continuellement que ce qui lui plaît et ce qui sert à sa gloire ; quand je cherche à avoir sans cesse les yeux ouverts, comme une sentinelle au poste, afin d’apercevoir les moindres signaux de mon roi ; que je prête une oreille attentive pour entendre en moi ou hors de moi les moindres ordres qu’il pourrait me donner ; que je soupire après des signes de sa part afin de courir dans le chemin de ses commandements, et que mon âme, pleine de zèle pour la cause et la gloire du Seigneur, voudrait chanter continuellement avec le poète : « Que demandes-tu Seigneur ? Dis le moi ! Je frappe, veuille ouvrir la porte à ton serviteur ? J’appelle, je crie ; certainement tu l’entends. Dis-moi, Seigneur, que demandes-tu donc que je fasse ? » Alors je me tiens devant le Seigneur. Et si tel est le caractère dominant de ma vie religieuse, j’appartiens à la classe des chrétiens apostoliques ou essentiellement actifs au dehors.
Ces deux caractères se retrouvent sans doute chez Élie comme chez tous les enfants de Dieu. Mais celui qui dominait était celui qu’il désigne lui-même dans notre texte : Il se tenait devant le Seigneur. Devenir un instrument de la volonté de Dieu pour sanctifier et glorifier son nom, tel était son ardent désir ; et tout en lui nous rappelle ces paroles : « Seigneur, nous sommes aux aguets tout le jour, et faisons la garde toute la nuit. » Epier la voix de Dieu, c’était sa vie. Il cherchait à l’entendre en toutes choses, dans le tonnerre et dans la tempête, comme dans le léger frémissement de l’air ; dans les évènements divers de sa vie extérieure comme dans les mouvements intérieurs de son âme ; au milieu de ses allées et de ses venues, il se tenait devant le Seigneur, prêtant l’oreille ; il marchait sous un ciel ouvert, passait ses jours en la présence de son Roi céleste ; et sa devise était : Parle Seigneur, car ton serviteur écoute.
Tel était Élie par la grâce de Dieu. C’est ainsi qu’il se tenait devant le Seigneur, le Dieu d’Israël.
Maintenant tournons nos regards vers Samarie, la ville idolâtre. L’homme de Dieu se présente au milieu des ennemis, et se tenant en face du roi Achab, libre et hardi en Dieu, il ouvre la bouche et déclare, d’une voix qui résonne avec éclat aux oreilles de tous ceux qui l’entendent : « L’Eternel, le Dieu d’Israël devant lequel je me tiens, est vivant, qu’il n’y aura durant ces années-ci ni pluie ni rosée, si ce n’est à ma parole. » Quelle menace téméraire ! Élie que fais-tu ? comme tu te hasardes ! Cela ne s’appelle-t-il pas jouer follement la gloire de Dieu ? N’est-ce pas exposer ce Dieu à la risée, et toi avec lui, pour peu que la menace tarde à s’accomplir. Mais Élie est sans inquiétude. Il est sûr de sa cause. S’il fait une semblable prophétie, c’est que, plein d’un saint zèle pour la gloire de son Dieu, il avait acquis intérieurement la certitude qu’un tel châtiment pouvait amollir les âmes endurcies, et rendre au nom de Dieu son ancien éclat. Il avait présenté la chose au Seigneur, comme Jacques nous le dit à la fin de son épître : « Élie était un homme comme nous, et il fit une prière à Dieu pour qu’il ne pleuve pas. » Amen ! telle fut la réponse qui retentit d’en haut dans son cœur. Amen ! Qu’il en soit ainsi ! Qu’il soit en ton pouvoir de fermer et d’ouvrir le ciel ! Et Élie, saisissant entre ses mains, comme un glaive, cet Amen du Dieu vivant, prophétise la sécheresse avec l’assurance d’un Dieu. La nature entière autour de Samarie semble le braver et se rire de sa menace. Les riches et fertiles prairies et les vallées arrosées par mille canaux, les sources et les fontaines jaillissantes, et les montagnes où les nuages versent leurs trésors, semblent élever ensemble leurs voix et crier d’un commun accord : Élie tu vas échouer ! Mais Élie n’en est point troublé. Il a par devers lui l’amen de son Dieu ; il le tient ferme par la main de la foi ! Que lui importent nature, raison, apparence ! Plus fort que le non des sources, des ruisseaux et des nuées retentit son oui ; et là où tout annonce l’abondance et la fécondité, lui, il déclare : « L’Eternel est vivant qu’il va y avoir une sécheresse. »
O mon frère, toi aussi, saisis de même l’amen ! que tu as reçu une fois de la part de Dieu dans ton cœur touchant ton état de grâce et ton adoption ! Ne te laisse point ébranler ni par la défiance de ton cœur, ni par la faiblesse de la chair, ni par ta conscience angoissée, ni par Satan, l’esprit toujours contredisant. Tiens toi ferme par la foi à l’amen que tu as une fois pour toutes reçu de Dieu, et quoi qu’il arrive, répète et répète sans te lasser : L’Eternel le Dieu d’Israël est vivant et demeure à toujours que rien ne saurait désormais me condamner, ni me séparer de l’amour dont Dieu m’a aimé en Jésus-Christ.
« L’Eternel devant lequel je me tiens est vivant que durant ces années-ci, il ne tombera ni pluie ni rosée sur la terre à moins que je ne l’ordonne ». Ainsi parle Élie. Et le ciel et la terre semblent changer de nature. Le ciel devient d’airain, sa force est comme enchaînée. En même temps, la menace du prophète semble pénétrer dans les entrailles de la terre comme une fièvre consumante ; tout ce qui était paré de verdure et de fraîcheur baisse la tête et se fane ; tout ce qui jaillissait en sources limpides se dessèche et se dissipe ; tout ce qui avait respiration de vie tombe gisant et languissant sur le sol. Pendant trois ans et demi, il ne tomba ni pluie ni rosée. Voilà ce qu’opéra la parole d’un pauvre mortel ; mais d’un mortel ligué et un de volonté avec le Tout-Puissant. Et en vérité, je vous dis, vous feriez tous de semblables œuvres et vous en feriez même de plus grandes, si seulement vous aviez la foi ! Car les enfants de Dieu règnent, gouvernent, jugent et dominent encore avec Jehovah sur Israël, quoique leur gloire ne doive être pleinement manifestée qu’au delà du tombeau. — Ainsi donc nous pourrions d’un mot éteindre des astres, créer des mondes et faire tout ce qu’il nous plaira ! — Tout ce qu’il vous plaira ? — Oui, sans doute, parce qu’alors il ne vous plaira que ce qui plaît à Dieu.
Je n’ajouterai plus qu’un mot en terminant : Oh Eglise, bénie de Dieu, en vérité, en vérité, je te dis, tu ne seras pas plus épargnée que la terre de Samarie et d’Israël, si, pendant qu’il en est temps, tu ne retranches pas tes hauts lieux, et ne fais pas disparaître les idoles devant lesquelles toi aussi, dans le plus grand nombre de tes membres, tu t’agenouilles encore dans une idolâtrie grossière ou subtile. Hélas ! ne semble-t-il pas que le ciel ait déjà commencé à se fermer sur nous ! Combien la rosée de l’Esprit saint tombe peu abondante ! Qu’il y en a peu qui se relèvent de la mort ! Qu’il y a longtemps que le murmure d’une vraie pluie céleste ne se fait plus entendre au milieu de nous ! D’où vient cela ? Un Élie se serait-il élevé de nos jours avec son ordre terrible : L’Eternel est vivant qu’il n’y aura ces années-ci ni pluie ni rosée ? Ou peut-être Élie dort-il maintenant parmi nous, oubliant de rouvrir le ciel fermé ! Eglise de Dieu, petit troupeau d’Israël, peuple de son héritage ! Tu es cet Élie ! Ta langue peut aussi enfanter des nuées et de la pluie, et comme une verge puissante, briser les portes d’airain. Oh ne dors point ! La prière du juste, quand elle est sérieuse et faite avec zèle, a une grande efficace. Vas, prie ! Demande la pluie et la rosée sur ces champs arides, et ensuite reviens et déclare avec l’amen d’en haut dans ton cœur : « La sécheresse tire à sa fin ! Montez ! Mangez et buvez ! et réjouissez-vous ! car déjà j’entends le bruit du vent et il va venir une grande pluie ! » Dieu veuille opérer cela dans sa grâce. Amen.