L'angoisse de culpabilité se rencontre presque aussi souvent que la peur des atteintes à la vie. Comme celle-ci, elle est aussi vieille que l'humanité : elle est apparue dès le premier péché (Genèse 3.8). Elle saisit celui qui prend conscience d'avoir commis une faute. S'est-il rendu coupable envers son prochain, il craint que celui-ci ne s'aperçoive de son méfait et ne lui en demande compte. Il a peur de perdre sa situation, d'être déconsidéré, traîné en justice. Dans son inquiétude il s'efforce de cacher sa faute, ou de la minimiser : il est donc toujours obligé de porter un masque. S'empêtrant de plus en plus dans sa malhonnêteté, il commet bien souvent de nouvelles fautes. « La malédiction d'une mauvaise action, c'est qu'elle engendre d'autres mauvaises actions ». C'est ainsi qu'Adam a ajouté au péché de désobéissance le péché de mensonge et a ensuite rejeté la faute sur Eve (Genèse 3.10-12). Mais l'angoisse de l'homme n'en devient que plus grande, et sa mauvaise conscience ne lui laisse plus de repos.
Si la peur des hommes et de la justice humaine est assez poignante en soi, elle est encore avivée par la crainte du Dieu omniscient et omniprésent, à qui l'homme ne peut rien cacher, et par la crainte du jugement dernier, quand il devra rendre compte de toutes ses paroles et de tous ses actes. Il commence à comprendre qu'offenser un homme signifie aussi, et avant tout, offenser le Dieu saint. David l'a reconnu : « Contre toi, toi seul, j'ai péché. Ce qui est mal à tes yeux, je l'ai fait » (Psaume 51.6). Peut-être fera-t-on, comme Adam, une pitoyable tentative pour se cacher de Dieu. Mais comme David, on finira par reconnaître qu'il est impossible de fuir loin de sa face, où que ce soit (Psaume 139.7) et que l'homme, tel qu'il est, ne peut subsister devant un Dieu de justice. Beaucoup de ceux qui se trouvent dans une telle situation cherchent à nier l'existence de Dieu, espérant ainsi se libérer de la crainte du châtiment.
La Bible fournit bien des exemples de ce genre d'angoisse. C'est ainsi que le prophète Esaïe, lorsque la gloire de Dieu lui apparut dans une vision, ne put que s'écrier : « Malheur à moi, je suis perdu, car je suis un homme aux lèvres impures » (Esaïe 6.5). C'est ce qui arriva aux bergers de Bethléem, saisis d'une grande frayeur quand il virent apparaître les armées célestes (Luc 2.9). C'est ce que ressenti Pierre quand il fut témoin de la pêche miraculeuse (Luc 5.8-9). De même, Pierre, Jacques et Jean furent saisis d'un grand effroi quand ils virent le Seigneur transfiguré (Matthieu 17.6). Dans l'Apocalypse, nous voyons Jean, terrifié à l'apparition de Jésus, tomber évanoui (Apocalypse 1.17). Nombre de témoins des miracles de Jésus furent remplis de frayeur (Luc 4.36; 5.26; 6.16; etc.). C'est ce qui arriva aux soldats et aux disciples lors de la Résurrection (Matthieu 28.48). Et quand Jésus arrêta Saul sur la route de Damas, celui-ci fut tout tremblant et saisi d'effroi (Actes 9.3). Une grande crainte s'empara de la jeune communauté chrétienne de Jérusalem à la vue des signes et des prodiges accomplis par les apôtres (Actes 2.43 ; 5.5-11). Il s'agit dans tous ces cas de l'effroi devant le Dieu tout-puissant que l'homme ressent quand brusquement il prend conscience qu'à cause de ses péchés, il ne peut subsister devant lui.
L'angoisse ressentie au souvenir d'une faute qu'on a commise peut accabler à tel point qu'on donnerait tout pour pouvoir effacer cette tache de sa vie: mais on n'y parvient pas. Tant que le péché n'est pas pardonné, on peut bien le dissimuler, mais on ne peut faire qu'il n'ait pas été commis. Très souvent, surtout dans le silence de la nuit, il se présente à la mémoire, avec des proportions gigantesques ; le sommeil en est troublé, et l'activité de la journée s'en ressent.
La dépression spirituelle qui s'appesantit sur l'homme après une faute grave s'accompagne le plus souvent d'autocritique et parfois de troubles physiques. David, après la faute qu'il avait commise, en a fait l'expérience, puisqu'il décrit au Psaume 32 sa crainte d'être découvert et les tourments de son âme et de son corps : « Je me taisais, et mes os se consumaient à rugir tout le jour. La nuit, le jour, ta main pesait sur moi, ma sève se desséchait comme la sécheresse vient en été. »
Comment pouvons-nous être libérés de cette angoisse ? Jésus seul peut ôter la mauvaise conscience, parce qu'il a subi la mort pour nos péchés. Tournez-vous donc vers lui dans votre désarroi et demandez-lui, avec une vraie contrition, le pardon de vos fautes. La foi au sacrifice expiatoire de Jésus et une sincère repentance sont les conditions nécessaires pour que votre péché soit effacé et que l'angoisse cesse de vous tourmenter. Une fois convaincu du pardon de Dieu, vous êtes en droit de vous dire l'enfant aimé de Dieu et de prendre pour vous la promesse de n'être pas soumis au jugement (Jean 3.18 ; 5.14) : par le pardon, la faute est annulée totalement, comme si elle n'avait pas été commise. Dieu ne s'en souvient plus. Il « jette derrière lui » nos péchés, il les « noie dans les profondeurs de la mer » (Jérémie 31.34 ; Esaïe 38.17 ; Michée 7.19).
Si vous pouvez saisir cela dans la foi, vous pouvez à bon droit être appelé heureux (Psaume 32.1-2). Dieu à présent n'est plus pour vous le Juge sévère, mais le Père aimant : l'effroi devant le juge fait place à la reconnaissance envers le père, l'amour envers Dieu remplace la crainte du châtiment. Même s'il vous reste à supporter quelque conséquence de votre faute (par exemple une maladie, une peine de prison, la mort de quelqu'un ou un enfant qui a mal tourné), la certitude du pardon vous aidera à surmonter ces malheurs, si vous restez humble devant Dieu. Vous vous apercevrez qu'une conscience pure est beaucoup plus importante que tout ce que Dieu vous impose comme châtiment. Ainsi David pu se réjouir du pardon de son grand péché, bien que Dieu pour le punir ait fait mourir son fils (2 Samuel 12.13-24).
Mais peut-être, en dépit du pardon de Dieu, n'êtes-vous pas tout à fait libéré de votre angoisse, parce que vous avez conscience que Dieu attend de vous l'aveu de votre faute à celui à qui vous avez fait du tort. Dans ce cas, surmontez tous les obstacles pour aller vers lui et vous réconcilier avec lui (Matthieu 5.24). Ce n'est que par un aveu sincère et par la réparation du tort commis que vous serez libéré de toute angoisse et qu'il vous sera possible de trouver la paix intérieure, comme la pécheresse que Jésus délivra de son angoisse et de sa culpabilité en lui disant : « Tes péchés te sont pardonnés ... Ta foi t'as sauvée, va en paix » (Luc 7.48-50).