Paul, apôtre de Jésus-Christ par la volonté de Dieu, et le frère Timothée, aux saints et fidèles frères qui sont à Colosses, grâce et paix à vous de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus-Christ.
Nous rendons grâces au Dieu et Père de notre Seigneur Jésus-Christ dans les prières que nous faisons sans cesse pour vous, ayant entendu quelle est votre foi en Jésus-Christ et votre amour pour tous les saints, par l’espérance qui vous est gardée en dépôt dans les cieux et qui d’avance vous a été révélée par la parole de vérité de l’Evangile, lequel vous a été adressé, comme il l’est au monde entier, et il y est portant des fruits, comme il en porte aussi parmi vous, du jour que vous avez entendu et connu véritablement la grâce de Dieu, selon les instructions que vous avez reçues d’Epaphras, notre bien-aimé compagnon de service et fidèle ministre de Christ au milieu de vous, lequel aussi nous a fait connaître votre amour selon l’Esprit.
Le texte que nous venons de lire renferme deux choses :
- l’adresse et la signature de l’apôtre ;
- les louanges ou les félicitations que, sous la forme d’actions de grâces, il adresse aux fidèles de Colosses.
Passerons-nous rapidement sur la première de ces choses, sans nous y arrêter, en regardant l’adresse et la signature comme insignifiantes ? Non, rien n’est insignifiant dans les écrits, dans les plus simples lettres des apôtres ; rien n’est chez eux de pure forme. Il leur arrive, comme à tous les chrétiens, que, dans les sujets qui intéressent le royaume de Dieu, la forme disparaît, le fond l’emporte, l’âme, dans des chrétiens, se répand partout, jusque dans ces formes qui, pour le monde, sont sèches et vides. La sève de la piété monte jusqu’aux dernières extrémités de l’arbre, l’abreuve et l’inonde partout ; rien ne demeure sec. Les chrétiens ne méprisent pas les formes conventionnelles de la politesse, mais ils leur donnent un sens, ou plutôt ils redonnent aux formes qui n’avaient plus de sens le sens et la saveur qu’elles avaient primitivement, car plusieurs de ces formes sont très belles dans leur origine. Ainsi il est beau de signer : votre dévoué serviteur. L’esprit chrétien met l’intention à cette politesse, chrétienne d’origine, mais desséchée et devenue mondaine, lui redonne son vrai sens en la rafraîchissant, ou bien il la modifie de manière à montrer la sincérité, le sérieux qui est au fond du cœur. Lisons les adresses et les signatures des lettres apostoliques en chrétiens, et nous verrons la vie se faire jour à travers les formes convenues.
« Paul, apôtre, etc. »
Ici nous trouvons, contre nos usages ordinaires, l’adresse dans le corps de la lettre et la signature au commencement. Paul suit l’usage de l’antiquité, qui, du moins pour ce qui concerne la signature, avait bien son avantage. Mais il va au delà de l’usage.
- On voit plus ici que des titres officiels résultant de conventions humaines, on voit des titres spirituels, des titres enregistrés dans le ciel, éternels pour ainsi dire.
- On voit aussi le rapport de celui qui écrit avec ceux à qui il écrit.
Ce début de la lettre rappelle aux uns et aux autres ce qu’ils sont personnellement, ce qu’ils sont par rapport les uns aux autres : il avertit de ce qu’on doit être, des dispositions avec lesquelles celui qui écrit doit écrire, ceux qui lisent doivent lire ; il marque et munit le terrain ; il détermine l’enceinte dans laquelle on doit se renfermer.
Paul se dit apôtre par la volonté de Dieu ; il dit proprement apôtre de Jésus-Christ, mais nous n’insistons pas maintenant sur le nom du Seigneur, parce que plus tard nous retrouverons la répétition de Jésus-Christ. Aucun apôtre ne l’était d’une autre manière que par la volonté de Dieu, mais Paul ajoute ces paroles pour deux raisons, relatives l’une aux Colossiens, l’autre à lui-même. Quant aux Colossiens, il ne les avait pas vus, et eux ne le connaissaient que par ouï-dire ; il n’avait donc pas l’autorité résultant d’un ministère exercé au milieu d’eux ; il est dès lors naturel que saint Paul rappelle ses titres à l’autorité qu’il s’attribue, qu’il insiste sur le fait de sa mission : apôtre par la volonté de Dieu. C’est comme s’il disait : C’est Dieu qui m’a fait apôtre ; or un apôtre est ministre du monde entier[c]. De plus, quant à Paul, il le fait pour s’avertir lui-même que, apôtre par la volonté de Dieu, il ne peut parler et agir que selon la volonté de Dieu. Enfin, il se fortifie contre le découragement par la pensée qu’il ne s’est pas envoyé lui-même, mais que c’est Dieu qui l’envoie. Au fort d’un danger, on se fortifie en prononçant un nom cher et vénéré ; l’apôtre se fortifie du nom de son Dieu qui est non seulement son Maître, mais encore sa très grande récompense. L’homme du monde dit : A la bonne heure, mais le proverbe chrétien, dans ces circonstances, est le in Gottes Namen (au nom de Dieu) des Allemands.
[c] Dans le manuscrit Vinet, il y a : « Mais il le dit pour les Colossiens qu'il n'avait pas vus, et avec lesquels, à cause de cela, il importait d'insister sur le fait de sa mission. »
Paul ajoute à son nom celui d’un autre ministre de l’Evangile : Timothée. Dans plusieurs de ses épîtres Paul ajoute à son nom celui de quelque autre apôtre : dans la première épître aux Corinthiens c’est Paul et Sosthène. Nous reconnaissons ici l’esprit de la primitive Eglise et la trace des préceptes de notre Seigneur Jésus-Christ lui-même qui, lorsqu’il envoya ses disciples pour la première fois dans les villes de la Judée, les y envoya deux à deux. Cette épître est pourtant de Paul, c’est sa propre pensée qu’il exprime et plusieurs fois il parlera de lui et non plus de Timothée. Pourquoi le nomme-t-il au commencement ? Son but est de montrer aux Colossiens qu’il n’est pas seul, que, tout fortifié qu’il est par son Dieu, il croit utile de s’associer quelqu’un dans son enseignement. Ce sont donc deux ministres de Jésus-Christ qui rendent le même témoignage. Il semble que cela ait été aussi dans l’esprit de l’œuvre du ministère évangélique de l’Eglise primitive d’obéir à la parole antique : Il n’est pas bon que l’homme soit seul (Genèse 2.18). Ce sentiment les portait vers Dieu, mais aussi les disposait à s’appuyer les uns sur les autres. Ils sentaient le besoin les uns des autres, et d’ailleurs ils sentaient qu’il ne fallait pas être seul pour régler de grands intérêts, pour diriger des amis, pour exercer un grand pouvoir. C’est le danger des époques de zèle qu’un homme qui a donné l’éveil, touché les cœurs, absorbe trop souvent l’attention et la confiance et devienne facilement, pour ceux qu’il a réveillés, l’homme unique, l’homme nécessaire. Mais si deux personnes se présentent, un seul ne peut pas absorber toute l’attention et toute la confiance ; la confiance, obligée de se partager, s’adresse plus haut : entre les deux, Dieu apparaît.
Pour toutes ces raisons les apôtres aimaient à ne point paraître seuls, ni en personne, ni dans leurs écrits.
Tous les ministres et les chrétiens aussi doivent se dire : « Il n’est pas bon que l’homme soit seul ». Sans doute le ministre, dans une petite paroisse isolée, n’a pas de collègues, mais s’il est sage, il doit chercher et se créer des compagnons d’œuvre. Il n’y a pas une si grande distance entre un laïque et un ecclésiastique. Quant aux chrétiens en général, ils doivent aussi, soit pour leur conduite particulière, soit dans les œuvres qu’ils entreprennent pour l’intérêt du règne de Dieu, s’associer les uns aux autres, s’appuyer les uns sur les autres, non pour renoncer à leurs convictions et à leur liberté personnelle, mais pour s’exhorter, s’émouvoir, se consulter et se reprendre mutuellement.
Paul s’adresse « aux saints et fidèles frères en Christ qui sont à Colosses ». Le nom de frères dans le Nouveau Testament est donné constamment aux membres de l’Eglise chrétienne et il remplace le nom de chrétiens, ou plutôt il est communément employé par les apôtres dans les occasions où nous employons le nom de chrétiens, par exemple Jésus a été vu de plus de cinq cents frères (1 Corinthiens 15.6). Ce nom désigne ceux qui sont participants d’une même foi et d’une même espérance. Il a été consacré dans les usages de l’Eglise chrétienne et, dans la chaire, nous l’employons en nous adressant à notre troupeau. Ce n’est pas que nous refusions le titre de frères aux hommes qui ne sont pas chrétiens ; eux aussi sont nos frères ; ils le sont par la vocation, ils sont appelés à la possession du même héritage. Toutefois on doit reconnaître que, dans le Nouveau Testament, ce nom est presque exclusivement appliqué à ceux qui forment ensemble une Eglise au nom de notre Seigneur Jésus-Christ ; et ce lien particulier a même donné lieu à une vertu, à une affection particulière recommandée par Jésus-Christ et les apôtres, l’amour fraternel, sentiment que nous éprouvons pour ceux qui adorent et servent avec nous le même Dieu et le même Sauveur Jésus-Christ. Il est juste et bon qu’il nous ait été recommandé ; si nous n’avons pas l’amour fraternel, il est bien douteux que nous puissions avoir l’amour général, la charité. Celle-ci s’exerce dans l’amour fraternel.
Ces frères de Colosses sont appelés par saint Paul saints et fidèles. Ceux qui verraient ici une formule de cérémonial ou une flatterie se tromperaient également. Dans saint Paul il n’y a pas de vaines formules, le cérémonial ne prend aucune place. L’apôtre n’exprime que ce qu’il éprouve. Il les appelle saints et fidèles parce qu’au fond de son cœur il les croit tels. Aucune louange indiscrète ne peut lui être reprochée, et supposer la flatterie est absurde. Quoique Paul aime beaucoup à rendre justice aux efforts même imparfaits des disciples, il ne flatte point. Ces expressions saints et fidèles ne font que désigner ce qu’étaient les chrétiens, et, au fond, ce mot chrétiens lui-même est aussi louangeur que celui de saints ou de fidèles. Ce mot désigne ceux qui sont attachés à Jésus-Christ, les hommes de Jésus-Christ. Or celui qui est homme de Jésus-Christ est dès ici-bas tout ce qu’ici-bas un homme peut être. Du reste il ne faut pas se tromper sur le sens du mot saint. Paul ne dit pas que tous ceux qu’il appelle saints ont une égale sainteté ; mais tous ont été mis à part dans le même sens que l’étaient les vases du tabernacle ; ils sont saints de vocation, c’est-à-dire appelés à être saints ; et ils le sont aussi jusqu’à un certain point, de vie et d’action. A moins que le christianisme n’ait aucune réalité, il faut admettre qu’à cette époque ceux qui avaient sacrifié la crainte humaine et les avantages temporels pour être chrétiens étaient saints. Quelques siècles plus tard, il eût pu être indiscret de désigner sous cette dénomination tous les sectateurs de la foi, tous les membres d’une communauté chrétienne ; mais alors elle était juste et vraie.
Quant au mot de fidèles il signifie croyants et n’est non plus louangeur que le mot saints. S’il en est ainsi, on ne saurait reprocher à saint Paul d’avoir introduit dans sa lettre et dans l’Eglise l’usage de la flatterie et du compliment.
Après la signature et l’adresse vient dans la lettre une salutation, mais une salutation toute religieuse et chrétienne : « Grâce et paix à vous de la part de Dieu notre Père et de Jésus-Christ notre Seigneur ».
Grâce et paix. C’étaient les expressions ordinaires de salutation de saint Paul et des apôtres dans leurs lettres ; ce n’était point une formule, mais l’expression d’un sentiment vrai et sérieux devenu plus tard seulement une simple formule. Le langage de la politesse mondaine est tout rempli d’expressions chrétiennes, de formules qui à la fois nous avertissent et nous accusent, surtout quand nous les voyons dans une langue étrangère. Quand on y fait attention, on est frappé comme de l’écho d’un temps meilleur où le christianisme était dans tous les détails de la vie. Il est bon que ces formules soient restées, parce que de loin en loin elles nous font un reproche. On prend ces formules en vain ; il faut leur redonner la vie.
La salutation de Paul est un souhait, comme toute salutation : saluer c’est souhaiter le salut du corps et de l’âme. Il y a toujours un vœu. Le souhait de Paul à ses amis c’est grâce et paix.
La grâce, c’est-à-dire la bienveillance divine dans toutes ses manifestations, voilà ce qu’il faut souhaiter aux hommes avant tout, car hors de là il n’y a aucun bien. Il n’y a de vrai bien que le bien suprême et le bien suprême c’est la bienveillance de Dieu. Quiconque souhaite à ses amis autre chose que la grâce de Dieu ne sait pas ce qu’il souhaite ; il leur souhaite peut-être du mal.
Au mot de grâce est joint celui de paix. La paix est le fruit de la grâce, sa manifestation ; c’est le nom du vrai bonheur. Les hommes, jusqu’à un certain point, en conviennent ; ils ont toujours souhaité la paix pour eux-mêmes, et le mot de paix, dans les langues mêmes non chrétiennes, a été le terme de salutation convenu : ainsi en Orient. En effet, ce mot ne résume-t-il pas tous les bienfaits à la fois ? Celui qui a la paix n’a-t-il pas tous les biens, ou ce qui les remplace tous ? La paix, n’est-ce pas le nom du terme auquel nous tendons par diverses routes, les uns par le travail, les autres par l’inquiétude et beaucoup par le péché ? Non seulement la paix nomme très bien le bonheur, mieux que le mot de bonheur lui-même qui signifie bonne chance, mais paix est un mot absolument vrai. Puis la paix dont parle saint Paul, celle que donne Jésus-Christ, cette paix, étant la vraie paix, renferme en soi plus que le contentement et la tranquillité ; elle renferme encore la vertu ou la justice, condition indispensable de la paix. Et au vrai, si elle ne renfermait pas en soi la justice, elle ne mériterait plus ce nom. Aussi est-il écrit : Il n’y a point de paix pour les méchants, a dit mon Dieu (Esaïe 57.21), et : Le fruit de la justice se sème dans la paix, admirable parole de saint Jacques (3.18). La justice est le terroir de la paix.
Nous pouvons donc admettre que la salutation de Paul est la plus belle, la plus riche, la plus compréhensive qui se puisse imaginer. Elle comprend tout ce qui peut enrichir l’âme humaine, la perfectionner et la rendre heureuse.
Mais cette grâce et cette paix, l’homme ne se les donne pas et l’homme ne les donne pas à l’homme ; c’est un fruit du ciel. Le mot de grâce nous a déjà avertis que ce bonheur vient de Dieu. Mais saint Paul s’explique encore davantage : « de la part de Dieu notre Père, dit-il, et de Jésus-Christ notre Seigneur » .
Remarquons ici que le nom de Jésus-Christ reparaît partout. Saint Paul l’a déjà prononcé deux fois : il s’est appelé apôtre de Jésus-Christ, et il appelle les Colossiens frères en Christ. Ici il souhaite le bonheur de la part de Dieu et de Jésus-Christ. C’est que, sans Jésus-Christ, rien de tout cela, rien même n’a de sens ni de réalité ; c’est que la grâce et la paix dont il est ici question s’évanouissent si le nom de Jésus-Christ disparaît ; que le nom même très saint et très adorable de Dieu n’éveille pas naturellement hors de Jésus-Christ l’idée de grâce et de paix, mais plutôt celle de châtiment et de trouble. Aussi le nom de Christ abonde-t-il et surabonde-t-il dans les épîtres de Paul. Très souvent au nom de Dieu, Paul joint celui de Jésus-Christ son Sauveur, comme si Paul voulait prévenir, dans l’esprit de ses auditeurs, l’erreur la plus funeste, l’équivoque la plus dangereuse qui consisterait à accepter Dieu sans Jésus-Christ, à oublier cette parole : Vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi (Jean 14.1). Ce nom de Jésus-Christ se retrouve partout dans ses écrits et il faut que ce nom se répète aussi incessamment dans notre âme comme objet d’amour et de tendre reconnaissance et dans notre vie tout entière. Chacune de nos actions doit être un écho de ce saint nom de Jésus-Christ et des idées sérieuses et divines que réveille ce nom que nous ne devons pas séparer de celui de Dieu.
Après ce souhait dicté par l’amour, saint Paul puise dans ce même amour les félicitations qu’il adresse aux Colossiens. Il rend grâce à Dieu, « ayant été informé de la foi et de la charité des Colossiens ». Mais, avant d’entrer dans le détail de cette félicitation, remarquons une parenthèse bien intéressante : « Nous rendons grâces… dans les prières que nous faisons sans cesse pour vous ». Ainsi point de félicitations sans prière, ce qui est un aveu de dépendance bien juste et bien nécessaire. Féliciter quelqu’un c’est se réjouir avec lui de son bonheur, c’est dire : Vous êtes heureux d’avoir ces avantages et je m’en réjouis avec vous ; mais, comme le bonheur ne dépend pas de nous, comme la conservation de nos biens est un acte continuel de Dieu qui confirme ses dons, il faut, à cause de cela, en demander la conservation à Dieu, le prier ; il faut toujours le prier et ne jamais se soustraire au sentiment de la dépendance de notre Dieu. Ce sentiment de dépendance, soit pour les dons spirituels, soit pour les temporels, est un des éléments essentiels de la véritable religion, de la vraie piété.
Priant sans cesse, infatigablement. Cette prière de Paul ne représente-t-elle pas le sacrifice perpétuel ? et ce sacrifice est l’image de la vertu perpétuelle du sacrifice de Jésus-Christ, de cet holocauste dont la fumée s’élève aux siècles des siècles. Et ce sacrifice n’est-il pas aussi l’image de la prière sacerdotale, je veux dire de la prière du pasteur ? La charge du ministre se résume en deux choses : parler de Dieu aux hommes, c’est la première moitié de son ministère, et parler des hommes à Dieu. Mais ces deux choses vont ensemble, doivent se faire simultanément : en même temps qu’il parle de Dieu aux hommes, il doit parler des hommes à Dieu. La prière de Paul est perpétuelle et son enseignement lui-même devient une prière, car une prédication sur Dieu qui n’est pas en même temps une prière, un discours à Dieu, se réduit à la solennité dans la profanation ou à une profanation solennelle. Voilà la pensée que Paul jette dans le cours de ses pensées. Il ne se vante pas, il répand son âme, et il est bon que les Colossiens sachent de quel amour ils sont aimés par Paul. On dit quelquefois qu’il est plus facile de prier pour ses frères que d’agir pour eux ; mais non quand la prière est sincère et cordiale ; elle donne la puissance de faire toutes les actions, et aucune action ne vaut cette invocation perpétuelle ; elle renferme toutes les actions, les vaut toutes et les produira toutes ; elle est la première des actions.
Voyons dans le détail la félicitation de Paul aux Colossiens (v. 3 à 5, en sautant la parenthèse) : « Ayant été informé de la foi que vous avez en Jésus-Christ et de la charité que vous avez pour tous les saints, à la vue de l’espérance… »
Considérons dans cette félicitation plusieurs choses :
1) La première pensée de Paul dans cette épître, après l’adresse et la salutation, est pour ceux à qui il écrit. Sous ce rapport, il ne faut pas tenir compte des deux premiers versets qui sont commandés par l’usage. Mais nous parlons du verset 3 ; c’est là proprement que commence la série des pensées de Paul. La première pensée est pour les Colossiens et non pour lui-même. Il est assez ordinaire de commencer par parler de soi ; Paul ne parle de lui qu’à l’occasion des Colossiens et par rapport à eux.
2) Paul étant libre de commencer par des paroles agréables et encourageantes, n’a garde de commencer autrement. Il le fait même dans toutes ses lettres, même quand ce sont des lettres répréhensives et comminatoires. Il voit d’abord le bien. Nous faisons l’inverse, c’est le mal qui nous intéresse et pique notre curiosité et nous nous savons plus de gré d’avoir découvert le mal chez les autres que le bien ; on a peur des yeux pénétrants. Il faut pour le moins autant d’esprit pour pénétrer le bien que le mal. Cependant le mot pénétration s’applique surtout à l’habileté dans la pénétration du mal.
3) De quoi Paul a-t-il félicité les Colossiens ? « De leur foi en Jésus-Christ et de leur charité envers tous les saints ». Foi et charité, deux choses qui ne se séparent jamais dans l’esprit de Paul et rarement dans ses discours. Il peut bien nommer quelquefois la, charité séparément, sans la foi, parce que la charité est un bien absolu[d] ; même la foi n’est un bien, n’est réelle, qu’en tant qu’elle conduit à la charité, son accomplissement. La charité sert à distinguer la foi. On est obligé de distinguer entre la foi morte et la foi vivante ; on ne distinguera jamais entre la charité vivante et la charité morte.
[d] Dans le manuscrit Vinet : « Une chose d'une valeur absolue, et qui suppose la foi. »
Quoi qu’il en soit, l’apôtre loue les Colossiens de leur foi en Jésus-Christ et de leur charité envers tous les saints, et d’abord de leur foi, et il indique surabondamment que c’est la foi en Jésus-Christ. Cela allait bien sans dire dans une bouche apostolique ; il eût pu sous-entendre ce nom ; cependant il ne sous-entend pas volontiers ce nom cher et sacré. Il tient trop à maintenir que cette foi en Jésus-Christ est la seule véritable foi et que la foi qui sauve ne se borne point à croire que Dieu est, et qu’il est le rémunérateur de ceux qui le cherchent (Hébreux 11.6). Il faut voir l’objet de la foi, et cet objet n’est pas Dieu en sens abstrait, Dieu sans Jésus-Christ. La foi ne sauve pas par sa nature sans son objet, ni par son objet sans sa nature. La foi n’est complète que par son objet et sa nature. Nous rencontrons ici deux erreurs relativement à la foi : les uns pensent qu’il suffit de croire à une chose quelconque, de bonne foi, avec sincérité (erreur dans l’objet) ; les autres pensent que l’objet de la foi est tout et que la nature de la foi n’est rien (erreur dans le sujet). La vérité se compose de ces deux points de vue : Jésus-Christ, voilà l’objet de la foi ; Jésus-Christ devenant le maître dans le cœur, voilà la nature de la foi. Mais il est certain que l’objet de la foi détermine aisément sa nature. On ne peut croire à un même objet de plus d’une manière. Les sentiments qu’inspire Dieu sans Jésus-Christ ne peuvent pas être les mêmes que ceux qu’inspire Dieu avec Jésus-Christ ou connu en Jésus-Christ. Les motifs que l’on puise dans l’une de ces connaissances ne peuvent être les mêmes que ceux que l’on puise dans l’autre. Sans doute Dieu par lui-même est digne de tout amour et de toute adoration, mais Dieu n’est pas sans Jésus-Christ, car il n’est parfaitement connu dans tout ce qui le rend adorable que par Jésus-Christ. La vie tout entière se détermine de deux manières différentes suivant ces deux manières de voir.
Après leur foi en Jésus-Christ, Paul félicite les Colossiens de leur amour envers tous les saints. En déterminant la charité par ces derniers mots : envers tous les saints, l’apôtre ne prétend pas exclure de leur amour les autres hommes, ceux qui sont hors de l’Eglise ; quand l’occasion en viendra, il saura bien les y rappeler. On ne peut accuser d’avoir manqué à la loi de l’amour universel ceux qui consacraient leur vie à amener des âmes captives à l’obéissance de Jésus-Christ, ceux qui suppliaient les hommes de se réconcilier avec Dieu (2 Corinthiens 5.20), qui parcouraient les pays les plus barbares pour que leurs habitants devinssent des saints, ceux qui se disaient les uns aux autres avec anxiété : Quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé ; mais comment invoqueront-ils Celui en qui ils n’ont point cru ? Et comment croiront-ils en Celui dont ils n’ont point entendu parler ? Et comment en entendront-ils parler s’il n’y a quelqu’un qui le leur prêche ? (Romains 10.13, 14) Néanmoins Paul ici parle plus spécialement de la charité envers les saints, car il est naturel qu’il regarde d’abord à la manière dont les fidèles de Colosses vivent entre eux. Leur affection entre eux est d’ailleurs la condition indispensable à l’amour des autres hommes : s’ils ne s’aimaient, ils n’aimeraient pas les autres hommes, et s’ils s’aiment, ils aimeront les autres hommes. L’amour fraternel, lorsque c’est une communion vraie et non une communion de parti, suppose la charité du genre humain. Un amour fraternel sans amour des autres hommes ne serait pas même un véritable amour. L’amour n’est pas une chose qui puisse se scinder. Un amour selon l’Esprit, une foi dans le cœur, embrasse tout ce qui en peut être l’objet, tout ce qui est susceptible d’être aimé.
Paul les appelle saints pour les encourager, leur donner d’eux-mêmes tout le respect qu’ils se doivent les uns aux autres. Comment ceux que Dieu s’était consacrés ne seraient-ils pas sacrés aux yeux de Paul, n’auraient-ils pas été en quelque sorte sacrés les uns pour les autres ? Comment ces saints qui jugeront le monde (1 Corinthiens 6.2) n’auraient-ils pas inspiré un respect, un intérêt particulier ? Les saints, à cette époque de persécution, portaient en général mieux leur titre que les chrétiens d’aujourd’hui ne portent le leur ; aujourd’hui l’on est chrétien à bon marché. Un titre d’honneur que donne saint Paul aux Ephésiens, c’est d’être les concitoyens des saints (Ephésiens 2.19).
D’ailleurs, l’appui mutuel, l’assistance des saints entre eux, était la force de l’Eglise, la condition de sa vie et de sa conservation et le moyen de sa propagation, que Paul appelle même dans Ephésiens 4.12 : l’assemblage des saints. Cela explique le prix attaché partout dans les Actes et les Epîtres à l’assistance et à l’amour des saints. Aussi est-on loué d’avoir lavé les pieds des saints (1 Timothée 5.10), d’avoir assisté les saints (Hébreux 6.10), d’avoir réjoui les entrailles des saints (Philémon 1.7), et saint Paul recommande aux Romains (12.13) de prendre part aux nécessités des saints. Seulement il n’en faut rien conclure d’exclusif. Voilà quant à l’objet de la félicitation.
La forme de la félicitation est aussi à remarquer : c’est une action de grâces. En effet, le chrétien ne peut féliciter ni louer autrement. Ce n’est pas que la louange soit interdite au chrétien, mais elle doit aller s’absorber en Dieu, dans la louange du suprême donateur, et saint Paul dira : Qu’as-tu que tu ne l’aies reçu ? Et si tu l’as reçu, pourquoi te glorifies-tu, comme si tu ne l’avais pas reçu ? (1 Corinthiens 4.7). Cet usage de la primitive Eglise de donner aux louanges la forme de l’action de grâces est resté ; il faut seulement prendre garde que les actions de grâces soient sincères, qu’elles ne dégénèrent pas en pure forme, ne deviennent pas un sauf-conduit pour des louanges profanes et des flatteries. On peut dire que, chez saint Paul, les compliments se tournent d’eux-mêmes en actions de grâces ; prenons garde que chez nous les actions de grâces ne tournent en compliments.
A qui s’adresse cette action de grâces ? « A Dieu le Père de notre Seigneur Jésus-Christ ». Ainsi le nom de Jésus-Christ reparaît encore. C’est que ce Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus-Christ, est vraiment le seul vrai Dieu ; il a été Dieu Sauveur, Dieu miséricordieux de toute éternité, comme il est Père de notre Seigneur Jésus-Christ de toute éternité. Les siècles n’ont rien ajouté à sa perfection, ni à ses décrets, ni à cette qualité de Sauveur ; cependant cette qualité de Sauveur n’a été pleinement manifestée qu’en Jésus-Christ : sur la croix tout a été consommé. Mais, parce que Sauveur, Dieu n’en est pas moins comme toujours le Dieu fort et vivant (ce mot vivant avait quelque chose de menaçant) : le vivant qui me voit (Genèse 16.14). Dieu miséricordieux, en devenant Sauveur, a gardé tous ses autres titres. Aujourd’hui encore il est le Dieu jaloux et plus jaloux, s’il était possible, que jamais. Je suis jaloux de vous, d’une jalousie de Dieu, dit Paul 2 Corinthiens 11.2. Cette jalousie s’accorde parfaitement avec sa tendresse de Père et avec sa sainteté. Ainsi tous les traits qui caractérisent le vrai Dieu se trouvent dans le Père de notre Seigneur Jésus-Christ.
Les paroles qui terminent le verset 4 et que nous avons examinées conduisent Paul à d’autres idées. Il a parlé de la charité envers tous les saints et il n’a pu penser à ce sentiment sans remonter à son principe ; tel est le mouvement de l’esprit de saint Paul : il monte toujours. Il dit donc : « à cause de l’espérance (ou par l’espérance) des biens qui vous sont gardés dans les cieux ».
Le principe de cette charité c’est l’espérance, principe généreux, nullement mercenaire et intéressé, car il n’est pas dit qu’ils seront charitables afin d’obtenir, mais pour avoir obtenu. La charité qui s’exerce en vue d’un bien qu’on gagnera par elle n’est pas la charité. Mais quand Paul dit : la charité par l’espérance que vous avez, il ne dit pas aux Colossiens qu’ils sont charitables dans le but d’acquérir ces biens, mais il veut dire : la charité qu’ils ont à cause et en reconnaissance des biens qu’ils ont obtenus, des biens gardés en dépôt pour eux dans les cieux et dont l’espérance leur est assurée. Mais n’allons pas trop loin ; Paul dit simplement : à cause des biens qui vous ont été révélés d’avance ou dont l’objet vous a été révélé avant d’être mis entre vos mains, et dont vous jouissez déjà par l’espérance. L’espérance chrétienne est une possession anticipée du salut. A en entendre parler, à la connaître, on la goûte déjà. Ce n’est pas qu’il n’y ait de la différence entre espérer et posséder. Vous n’êtes sauvés qu’en espérance (Romains 8.24), ce qui signifie : Vous n’avez, quant à présent, que l’espérance du salut. Mais cela n’empêche pas Jean Baptiste de dire à la vue de Jésus-Christ non encore glorifié : Ma joie est parfaite (Jean 3.29), et l’auteur de l’épître aux Hébreux de parler de gens qui, déjà sur la terre, ont goûté le don céleste et les puissances du siècle à venir (Hébreux 6.4, 5). Et en effet, la puissance du siècle à venir ne se trouve-t-elle pas déjà tout entière dans un seul mouvement de vraie charité ? Le ciel n’est pas un lieu ; non, le ciel c’est d’aimer.
« Cet Evangile, ajoute Paul, est parvenu jusqu’à vous, comme dans le monde entier ». Paul ne veut pas dire que l’Evangile soit reçu cordialement par tout le monde, que le monde entier possède l’Evangile : le contraire était trop évident ; mais l’Evangile manifestait déjà sa destination qui était de se répandre dans tout le monde comme le fond de la mer est rempli des eaux qui le couvrent (Esaïe 11.9). Paul n’a pas lieu de prévoir que l’Evangile, surmontant dans le monde des obstacles puissants, en rencontre plus tard d’invincibles. La foi de Paul le lui représente vainqueur. La vue, comme la foi, l’autorise à parler ainsi : l’Evangile est parvenu dans le monde entier. Où était saint Paul lorsqu’il écrivit ces paroles ? Il était alors captif à Rome, au cœur du monde connu ; mais, quoique prisonnier, il était assez libre pour prêcher et voir déjà le succès de sa prédication. Il voyait le christianisme triompher peu à peu, s’emparer de Rome, métropole de l’univers, et s’établir jusque dans le palais des Césars. Comme il est parvenu dans le monde entier. Pourquoi cette idée ? D’abord saint Paul veut écarter l’idée d’un privilège exclusif et ennoblir la joie des Colossiens par l’espérance que le monde entier est pour l’Evangile. Il veut de plus porter les Colossiens à glorifier Dieu, en leur montrant, non seulement en perspective, mais actuellement déjà, l’Evangile accepté. Enfin il veut réjouir et encourager les Colossiens dans leur foi par cette perspective. Sans doute nous devrions croire et obéir, quand même nous serions seuls à croire et à obéir ; mais il est permis d’encourager la foi par la vue de ses progrès. Dieu nous donne et nous permet les encouragements dont nous devons d’ailleurs savoir nous passer. Lorsqu’ils manquent, il faut savoir se répéter : Ma grâce vous suffit (2 Corinthiens 12.9). Il ne faut pas dire comme saint Pierre : Quand même tous seraient scandalisés à cause de toi, je ne le serai jamais (Matthieu 26.33) ; mais ce qu’il dit dans un sentiment de présomption, il faut se le traduire en devoir.
Cette parole qui parvient dans le monde entier y fructifie. Proprement Paul dit : Cet Evangile est dans le monde et il y est portant des fruits ; il y est de cette manière, dans ce sens, avec cette circonstance qu’il porte des fruits. Il n’y est pas purement et simplement, dans un rapport de lieu, de coexistence ; il y est avec efficace ; il n’y est pas seulement, il y vit ; comme quand on dit : le feu est dans cette maison, cela signifie : Le feu brûle cette maison. L’Evangile est aussi un feu dont Jésus-Christ a dit : Je suis venu mettre le feu sur la terre et qu’ai-je à désirer s’il est déjà allumé (Luc 12.49) ? Ces deux images rentrent l’une dans l’autre plus qu’il ne semble ; le feu consume, et c’est le premier fruit de l’Evangile de consumer le mal. Ce n’est pas assez pour saint Paul de démontrer l’Evangile publié, reçu ; mais il le montre produisant des effets dans le monde. C’est ainsi qu’il écarte l’idée d’une foi morte, et, par les paroles qui suivent, il montre que, s’il se réjouit de quelque chose, ce n’est pas de ce que l’Evangile est matériellement dans tel lieu et de ce qu’il a été apporté à Colosses, mais de ce qu’il y est efficace. L’Evangile n’est vraiment dans un lieu que quand il y fructifie. Nous devons aussi nous réjouir, non de ce qu’on embrasse nos dogmes, mais de ce que l’Evangile fructifie. Il est vrai que partout où l’Evangile paraît, même sous la forme et dans l’esprit les moins désirables, il y a de quoi se réjouir ; et saint Paul lui-même se réjouissait (Philippiens 1.18) de voir d’une manière quelconque l’Evangile, Christ annoncé, parce qu’il ne peut nulle part être nommé impunément ; mais c’est dans cette perspective, ainsi que saint Paul, qu’il faut nous réjouir de cette publication. Prenons garde de mettre l’esprit de parti, l’attachement à notre opinion, à la place du désir de la gloire de Dieu et du zèle de la charité.
Et depuis quand l’Evangile fructifie-t-il à Colosses ? Depuis le jour sans doute où vous l’avez connu, mais il y a ici un terme qu’il ne faut pas négliger : depuis le jour que vous l’avez connu véritablement. Remarquons que Paul ne se prive pas de la douceur de louer les Colossiens et de leur rendre justice. Cela est légitime. Il faut sans doute être sobre de louanges pour ne pas allumer l’amour-propre, mais s’il est imprudent de louer mal à propos ou trop souvent, il est imprudent aussi et il serait tout aussi dangereux de taire les effets de la grâce de Dieu lorsqu’ils sont évidents. Saint Paul reconnaît donc le bien et il le dit : « L’Evangile porte aussi des fruits parmi vous depuis le jour que vous avez connu véritablement la grâce de Dieu ». Connu véritablement, dit l’apôtre. Parce qu’il y a deux manières de connaître et qu’entre entendre et connaître il y a souvent de la distance. Connaître véritablement, c’est croire ; on ne connaît que lorsqu’on croit.
Qui leur a apporté cet Evangile qui fructifie chez eux ? C’est Epaphras, dit Paul, son bien-aimé compagnon de service et fidèle ministre de Christ. Paul aurait pu ne pas le nommer et ne pas mentionner une circonstance si connue. Il ne veut pas simplement se référer à Epaphras, mais il veut l’autoriser de nouveau auprès des Colossiens, pour les disposer et les exciter à la reconnaissance envers lui et les inciter à se confier en lui à l’avenir. Aucune des délicatesses de la charité et même de la civilité n’a manqué à saint Paul. On le voit surtout à ces mots : « Et qui nous a appris. » Il le leur rend aimable en leur montrant quel témoignage il a rendu d’eux. Enfin, Paul revient à l’amour selon l’Esprit, à la charité : « Epaphras nous a fait connaître votre amour. » Cette fois il nomme l’amour seul, comme résumant, supposant et terminant tout bien ; mais: il ajoute ces mots : l’amour dans l’Esprit (ou « selon l’Esprit ») ; et c’est à ces mots que nous devons nous arrêter ; ils feront le sujet de notre prochaine méditation.
Demandons-nous encore en terminant : Que renferment ces lignes que nous venons de parcourir ? Est-ce une histoire ? Est-ce l’exposition d’une doctrine ? Est-ce une dissertation ? Ainsi dans le premier épanchement de l’âme de saint Paul (car ce n’est pas autre chose : il répand son cœur comme de l’eau. Lamentations 2.19) il y a beaucoup d’instruction. Quand on est plein de l’Esprit de Dieu, on instruit sans vouloir instruire ; la vérité sous toutes les formes est la vérité ; un chant, un soupir est une instruction, et David nous instruit lorsqu’il s’écrie :
Mon cœur languit ; mes sens ravis
Ne respirent que tes parvis,
Et que ta présence adorable.
L’onction dont saint Jean dit qu’elle enseigne tout (1 Jean 2.27), convertit tout aussi en enseignement. Toute la théologie chrétienne est dans ces huit versets. Mais, de plus, tous les éléments de la vérité et de la vie chrétienne s’y trouvent et s’y balancent, et c’est là le caractère de la vraie instruction. Insister sur un seul point, c’est souvent être dans l’erreur ; mais ici aucun élément ne fait tort à l’autre ; on n’y trouve pas la foi sans la charité, ni la doctrine sans les devoirs, ni la vérité spéculative sans l’affection, ni l’enseignement sans l’exemple. Ce qui édifie, ce sont les sentiments, l’exemple aussi bien que la vérité.