Ici s’élève une question qui n’est pas sans importance : Comment s’est-il fait que, du milieu de cette masse confuse, de cette espèce de diluvium que nous trouvons répandu sur le sol de l’Église dans tout le cours du deuxième siècle, se soit détaché, vers le milieu de ce même siècle, un groupe parfaitement distinct et inséparablement lié, dans lequel n’a jamais pénétré aucun écrit analogue ? En d’autres termes, comment s’est tracée cette ligne de démarcation entre nos quatre évangiles canoniques et tous les autres écrits, connus ou non connus, du même genre, qui n’a pas fléchi un moment jusqu’à cette heure ?
Est-ce l’Eglise qui a fait ce triage et formé par libre choix ce groupe sacré dans le but de l’opposer, comme une machine de guerre offensive et défensive, aux attaques multipliées dont son enseignement était alors l’objet de la part du gnosticisme et du montanisme ? Ou bien faut-il faire abstraction de la supposition d’un choix réfléchi et délibéré de la part de l’Église et attribuer la position privilégiée accordée à nos quatre évangiles, à l’emploi qui en avait été fait, dès un temps plus ancien, dans les lectures publiques des différentes églises, emploi qui s’expliquerait à son tour par le souvenir que l’on conservait de leur origine apostolique, en vertu de la remise que les auteurs de ces livres en avaient faite aux églises pour lesquelles ils les avait composés ? Ces deux manières de voir ont été défendues récemment dans une discussion célèbre entre deux des plus éminents critiques de nos jours, Ad. Harnack et Th. Zahne.
e – Th. Zahn, Forschungen zur Gesch. des N. Tchen Kanons (1881-1893) ; – Gesch. des N. Tchen Kanons (1888-1892). – A Harnack, Das N.T. um das Jahr 200 (-1889).
C’est là une question de fait qui ne peut être résolue par des considérations théoriques. La voie la plus sûre me paraît être de commencer par consulter Les témoignages que nous possédons encore des écrivains les plus rapprochés de l’époque où les faits en question se sont passés.