Sur toute la terre, il n’y a rien de plus beau qu’une fleur. C’est une chanson de vie, un témoignage à l’extrême sensibilité du Créateur. C’est la beauté du logos éternel de Dieu manifestée dans une petite flamme de joie, une concentration d’énergie extraordinaire qui jaillit d’une terre morte comme prophétie de la résurrection. Qui peut expliquer la merveille de la rose ou de son parfum qui, peu de temps avant, n’était que poussière ?... Poussière enfin transformée par l’action de la vie, mystérieuse, à peine croyable, écrite par le doigt de Dieu dans les chromosomes de cette plante fragile...
Dans le sein de la fleur naît et mûrit le fruit. La fleur n’existe que pour former le fruit, après quoi ses pétales se fanent et disparaissent. Ensuite, le fruit seul, dépourvu de sa couronne printanière et travaillé par l’action de la sécheresse et de la lumière, aboutit à la création de la semence, prête à se reproduire et dans laquelle se retrouve ce même principe de vie.
L’Architecte du monde physique est aussi celui du monde spirituel. Par les processus de la nature nous pouvons un peu mieux comprendre l’action spirituelle de Dieu, les voies inspirées par lesquelles son Esprit parvient à réaliser en nous ses desseins éternels. Le fruit, c’est la vie de l’arbre développée jusqu’à la maturité. Le fruit du Saint-Esprit est donc la maturité spirituelle : par son action l’Esprit fait croître et mûrir en nous la vie même de Christ. Dès que la semence de la Parole de Dieu tombe dans notre cœur pour s’y enraciner, elle commence à transformer notre vieille nature, notre ancienne personnalité, en une nouvelle nature, une nouvelle personnalité créée selon l’image de Christ et qui n’est autre chose que « Christ qui vit en moi, en toi. » (Galates 2.20)
L’œuvre du Saint-Esprit, d’abord intérieure et secrète comme celle de la sève montant de la racine de l’arbre, devient inévitablement visible, comme la tige qui apparaît au-dessus de la terre, jaillissant de la racine qui en est la « source ». Ainsi, l’action de l’Esprit de Dieu crée, dans notre vie visible de tous les jours, des actions, des paroles, des pensées qui viennent directement du cœur de Dieu et qui sont en contraste avec les actions et les paroles des hommes du monde. La vie de Christ se manifeste par nos attitudes, par nos réflexes vis-à-vis des vicissitudes de la vie quotidienne. C’est une condition que les gens remarquent. Le véritable « test » de l’authenticité de ce nouvel esprit en nous réside dans sa réaction face au mal. La bonté de Dieu réagit devant la méchanceté des hommes comme le Seigneur Jésus réagissait dans des circonstances semblables. Il condamnait le mal sans compromis, mais il rendait le bien pour le mal.
La sève agit au sein de l’arbre, elle pénètre toutes ses parties ; silencieuse, discrète, invisible, elle communique aux extrémités de cet organisme la force qui produit la branche, la fleur, le fruit et la semence. De la même manière, le Saint-Esprit agit en toi de façon effacée et invisible ; il cherche à développer au maximum la vie de Christ. C’est lui qui fait jaillir en toi la fleur de la vie céleste de Jésus, qui répand autour de toi le parfum invisible de sa présence, ce « quelque chose » que les autres ressentent, soit pour leur salut, soit pour leur perte (2 Corinhiens 2.14-16). C’est lui aussi qui forme en toi le fruit du caractère essentiel de Jésus. C’est lui enfin qui crée en toi la divine semence par laquelle Dieu désire communiquer sa vie à d’autres âmes.
Souviens-toi, pourtant, que le fruit ne peut mûrir tant que la fleur continue à exister. La fleur doit mourir pour que le processus de la vie aboutisse à la maturité. Le Seigneur Jésus n’avait pas peur de dire que personne ne pouvait être son disciple sans accepter de porter la croix. Or, il va sans dire qu’un homme qui porte une croix va à sa propre exécution, il affronte la mort. Si tu ne « meurs pas à toi-même », tu ne seras jamais adulte spirituellement, tu resteras « enfant » ; tu seras charnel et non spirituel. Le Saint-Esprit t’identifie avec Christ dans sa mort et c’est cela qui permet à Dieu de te pardonner et de te sauver. Paul appelle cette action le baptême (Romains 6.3-4), par lequel nous sommes ensevelis avec Christ et nos péchés sont effacés. Il va sans dire qu’il s’agit du baptême spirituel, car un baptême d’eau ne peut jamais ôter nos péchés. Puis, du fait que Christ est ressuscité, tu participes également à sa nouvelle vie : l’Esprit de Dieu te fait naître de nouveau par la vertu de la vie de Christ, comme il obtient ton pardon par la vertu de la mort de Christ. Tout cela est élémentaire et fondamental. Tu deviens un enfant de Dieu à partir du moment où tu acceptes que l’Esprit t’identifie avec Jésus dans sa mort et dans sa résurrection ; tu nais de nouveau parce que Dieu a pu enfin pardonner tes péchés, grâce à ton identification avec Christ.
C’est donc dans la mesure où tu acceptes cette identification dans tous les domaines de ta vie, que tu peux espérer grandir et mûrir spirituellement. Quand tu auras accepté d’être mort à toi-même, mort au péché, tu commenceras à découvrir l’immense satisfaction de cette délivrance et à saisir la portée de la résurrection de Christ en toi. Autrement dit, tu sauras goûter la plénitude de son Esprit. Si tu as vraiment confiance en Jésus-Christ, tu n’hésiteras pas à tout lui donner, afin qu’il soit maître de ta personne, comme les époux sont chacun « maîtres » de la personne de l’autre. Le Saint-Esprit pourra alors disposer de toi, utiliser tes facultés, ton temps, ta volonté. Tu seras heureux car ton être sera enfin intégré dans le merveilleux dessein du Dieu éternel : tu découvriras le véritable sens de la vie.
En acceptant de mourir avec Christ au monde et à la chair, de mourir au péché et au passé, tu laisseras la vie toute-puissante du Christ ressuscité se manifester sans obstacle en toi. La force vitale de son Esprit réduira à l’impuissance celle du péché et le diable aura ainsi de moins en moins d’emprise sur ta personne. Le tourment du conflit intérieur cédera devant l’immense paix de Dieu.
Comme la fleur disparaît pour laisser la place au fruit, ainsi tu dois t’effacer pour laisser mûrir en toi la vie de Christ. C’est alors que la plénitude du Saint-Esprit se manifeste en puissance. Cela coûte ? C’est évident. Je crois qu’il n’est pas possible d’être disciple de Jésus sans connaître la souffrance. Le « baptême de mort » en Jésus, réalisé dans sa totalité et accepté, appliqué intégralement à ton existence quotidienne, n’est pas (comme certains le craignent) une négation de la vie. Il est en réalité la délivrance, la voie d’issue. Après l’impasse spirituelle de la défaite, tu t’épanouis dans une vie de résurrection expérimentée déjà sur terre.
La plénitude de l’Esprit n’est pas possible à celui qui refuse de mourir à lui-même.
Sans aucun doute l’apôtre Paul veut faire comprendre cela à ses amis de Philippes : « Je regarde toutes ces choses » — c’est-à-dire les avantages hérités de ses parents juifs — « comme une perte à cause de la supériorité de la connaissance de Jésus-Christ mon Seigneur... J’ai renoncé à tout, dit-il, afin de connaître Christ, à la fois la puissance de sa résurrection et la communion (le partage) de ses souffrances, en devenant conforme à lui dans sa mort pour parvenir, si je le puis, à la résurrection d’entre les morts. » (Philippiens 3.8-11)
Paul n’avait aucun doute quant à sa résurrection au retour de Christ. Toutes ses épîtres sont remplies de cette certitude. « Tous, dit-il, nous serons changés, en un instant, en un clin d’œil, à la dernière trompette. » (1 Corinthiens 15.52). « Nous serons tous ensemble enlevés... sur les nuées, à la rencontre du Seigneur. (1 Thessaloniciens 4.16-17)
Que voulait-il donc dire dans ce passage aux Philippiens ? Sans aucun doute, il croyait à la possibilité d’être si profondément identifié au Seigneur Jésus dans ses souffrances et dans sa mort, qu’il lui serait alors possible de vivre sur cette même terre, dans ce pauvre corps périssable, comme s’il était déjà ressuscité. Pour Paul, la vie de plénitude spirituelle était sans limites.
« Frères, continua Paul, je ne pense pas l’avoir saisi ; mais je fais une chose : oubliant ce qui est en arrière et me portant vers ce qui est en avant, je cours vers le but, pour remporter le prix... » (Philippiens 3.13). Après avoir implanté de jeunes églises dans toutes les contrées entre la Syrie et la mer Adriatique, après avoir passé des années en prison, après d’innombrables flagellations, privations, souffrances de toutes sortes, après des révélations extraordinaires de Christ en personne, Paul était encore à la recherche. Son âme était insatiable. Christ était pour lui plus que la vie ; il était sa raison d’être. Pourquoi perdre son temps à chercher autre chose ? Paul comprit que cette vie de résurrection n’était possible que dans la mesure où il acceptait de mourir avec Christ, car sans cela il n’est pas possible de la connaître.
Au moins 50 % de la formation d’un homme de Dieu consiste en souffrance. Veux-tu devenir homme de Dieu ?
La vie éternelle, c’est « Christ qui vit en moi », dit Paul (Galates 2.20) . « Christ est ma vie » (Philippiens 1.21), ou, plus exactement traduit du grec : « Pour moi,vivre, c’est Christ. »
La semence de vie divine, implantée par l’Esprit dans notre âme morte, devient un embryon et finit par naître comme un enfant qui apparaît, comme un arbre qui sort de la terre. Cette même vie, en se développant et en parvenant à la maturité, se traduit en image de Christ que le monde peut reconnaître. Or, tu n’as pas besoin d’attendre nécessairement de longues années avant d’atteindre cette maturité, cette vie d’abondance. Un nouveau-né en Christ peut sans délai la connaître, la vivre. Il peut porter du fruit dès le jour de sa régénération — pourvu qu’il soit prêt à mourir à lui-même et à saisir par la foi la véritable portée de la résurrection et de la puissance de Christ. Autrement dit, tu n’as pas besoin d’attendre ta quatre-vingtième année pour goûter la plénitude de l’Esprit. Tu peux la connaître dès aujourd’hui !
La plénitude de l’Esprit signifie : Christ à 100 %. Si tu es rempli de l’Esprit de Dieu, tu es rempli de Christ ! Si la vie de Christ en toi atteint la maturité, tu es rempli de l’Esprit. C’est alors que le pouvoir de reproduction se manifeste par des conversions authentiques, évidence profonde de la réalité de l’œuvre de Dieu en toi.
L’Ancien Testament met très fortement l’accent sur la nécessité de la reproduction. Dans le jardin d’Éden, Dieu dit à Adam et à Ève : « Soyez féconds et multipliez. » La version anglaise fait mieux ressortir le sens de l’original : « Be fruitful and multiply. » « Fruit-ful » signifie non seulement « fécond » mais, plus exactement, « porteur de fruit », ou « plein de fruit ».
La multiplication de la race dépend évidemment de la fertilité ou de la fécondité des parents. En somme, Dieu dit à l’homme : « Sois fertile » et, comme résultat, « Tu multiplieras ». À Noé (Genèse 8.17), à Abram (Genèse 13.16), à Isaac et à la nation d’Israël tout entière, Dieu donne chaque fois le même ordre et la même promesse : « Sois fécond et multiplie. » À Abraham il dit : « Je te multiplierai à l’infini et « toutes les familles de la terre seront bénies en toi » (Genèse 12.3) ! Quatre mille ans d’histoire témoignent de la valeur de cette promesse de Dieu, sur le plan physique comme sur le plan spirituel.
Abraham n’a pu cependant obtenir immédiatement l’effet de la promesse ; il dut attendre l’âge de 100 ans avant d’obtenir le fils promis. Pourquoi ? Il fallait que sa foi parvienne à maturité. Avant cela, il avait, c’est vrai, une foi par laquelle Dieu l’avait justifié (Genèse 15.6), au point même de faire alliance avec lui (Genèse 15.18). Pourtant il avait failli à plusieurs reprises, ce qui amena Dieu à le discipliner afin de lui enlever les scories de l’incrédulité.
Dieu aura sans doute à te discipliner, toi aussi, pour que ta foi, purifiée par la souffrance, reflète l’image même de Christ (1 Pierre 1.6-9) et saisisse la vocation qu’il envisage pour toi (Philippiens 3.12).
Si Dieu éprouve ainsi ta foi, réjouis-toi ! L’orfèvre divin attache une valeur incalculable au développement de ta foi, « plus précieuse que l’or périssable, qui cependant est éprouvé par le feu... » (1 Pierre 1.7) Car, à travers l’épreuve, la semence de Dieu qui est en toi (1 Jean 3.9) et d’où est sortie ta nouvelle personnalité se développe en une foi mûrie qui à son tour reproduit la divine semence en forme transmissible. Tu es alors en mesure « d’enfanter » spirituellement : l’Esprit de Dieu peut communiquer ta foi à d’autres personnes ; tu les vois naître de nouveau ; elles reçoivent comme toi le don de la vie éternelle.
N’aie donc pas peur d’être éprouvé par Dieu. « Regardez comme un sujet de joie complète les diverses épreuves auxquelles vous pouvez être exposés, sachant que l’épreuve de votre foi produit la patience (ou : la capacité d’endurer, de persévérer). Mais il faut que la patience (ou la persévérance) accomplisse parfaitement son œuvre » (Jacques 1.2-4)... Ainsi s’effectue le mûrissement de ta foi, de ta vie spirituelle.
Il n’est pas question de rechercher l’épreuve ! Recherche plutôt la sanctification, recherche tout ce qui te met à part pour Dieu : par la méditation et l’étude de sa Parole, par la prière, la communion fraternelle, le témoignage et le travail spirituel et par les bonnes œuvres, tu peux puiser dans les ressources infinies de Dieu. Offre-toi aux exigences amoureuses de son Esprit, saisis toutes les possibilités d’avancer spirituellement, d’apprendre, d’approfondir, de connaître, de posséder les trésors de grâce qui te sont maintenant accessibles en Christ. Si tu te disciplines toi-même, Dieu aura moins besoin de te discipliner. Souvent nous souffrons pour la simple raison que nous empêchons Dieu de nous enseigner par la douceur.
Jésus dit : « Je suis le vrai cep. » (Jean 15.1). Les prophètes voyaient la vigne toujours comme un symbole du peuple d’Israël. C’est pourquoi, par cette phrase, Jésus revendique son rôle messianique : il est, lui, le véritable fils de David, la véritable postérité d’Abraham ; il est la vraie vigne, le vrai Israël personnifié.
Les juifs qui l’ont reconnu comme Messie sont les véritables branches de ce cep. Toute autre branche, telle que Judas, Caïphe et les autorités qui l’ont crucifié, est rejetée ; Dieu ne la reconnaît plus en tant que postérité d’Abraham. La descendance physique, dans la foi d’Abraham, ressemble à un corps sans vie ou à une cheminée où le feu s’est éteint. Par contre, tout non-juif qui, avec la foi d’Abraham, croit en Jésus, est enté ou greffé sur le vrai cep, devient la postérité spirituelle d’Abraham et participe à ses promesses.
L’apôtre Paul reprend, lui aussi, le symbolisme prophétique de l’Ancien Testament, car il compare Christ à l’olivier, dont Abraham est, pour ainsi dire, la racine. De cette souche, selon la chair, Christ est sorti ; et il est la personnification même de la foi ; mais les branches incrédules en sont retranchées, alors que nous, pauvre bois de l’olivier sauvage, sommes entés à leur place (Romains 11.17-24).
Jésus est l’arbre de vie sur lequel nous sommes greffés dès que nous acceptons son Esprit par la foi. Entés sur sa blessure, nous devenons avec lui « une même plante » (Romains 6.5) et « un seul esprit » (1 Corinthiens 6.17). C’est pourquoi il peut nous dire : « C’est de moi que tu recevras ton fruit » (Osée 14.8) et nous pouvons répondre : « Toutes mes sources sont en toi ! » (Psaumes 87.7).
« Tout sarment qui porte du fruit, Dieu l’émonde afin qu’il porte encore plus de fruit... Le sarment ne peut de lui-même porter du fruit... Celui qui demeure en moi » (c’est-à-dire qui reste attaché à moi), dit Jésus, « et en qui je demeure porte beaucoup de fruit, car sans moi vous ne pouvez rien faire... Si vous portez beaucoup de fruit, c’est ainsi que mon Père sera glorifié et que vous serez mes disciples... Je vous ai choisis et je vous ai établis afin que vous alliez et que vous portiez beaucoup de fruit et que votre fruit demeure. » (Jean 15.2,5,8,16).
Dieu aime le fruit ! Il en cherche de plus en plus. Il ne peut être satisfait d’une médiocrité spirituelle. C’est pourquoi il se donne tant de peine à développer ta vie spirituelle, même au prix de la souffrance. Car le fruit, c’est l’image de son Fils.
Rien n’est plus calme, plus paisible aux yeux humains, que l’apparition du fruit sur l’arbre. La force irrésistible de la vie travaille sans fracas, sans tourment, sans effort visible, mais avec une efficacité à peine croyable.
De même, l’Esprit de Dieu, par son action vitale, produit en toi le fruit spirituel de Christ de façon spontanée. Si tu ne résistes pas à son action, si tu lui donnes « carte blanche », il fera son œuvre comme la sève agissante dans la branche de l’arbre.
Le fruit de l’Esprit est, entre autres, la paix et la joie. « C’est dans le calme et la confiance, dit le prophète, que sera votre force. » (Ésaïe 30.15). Alors que toutes les religions non bibliques exigent de l’homme des efforts écrasants et une discipline souvent inhumaine comme prix de la perfection, Christ lui offre un joug facile, un fardeau léger qu’il ne porte pas seul puisque Christ le partage avec lui. Qui ne serait disciple de Jésus ?
Dans l’Ancien Testament, la chose la plus terrible qui pouvait arriver à une femme — ou à un homme — était la stérilité. Pourtant la mère de Joseph était stérile, ainsi que celles de Samson, Samuel et Jean-Baptiste. Heureusement, leur foi n’était pas stérile ; elles ont pu vaincre même leur stérilité physique parce que leur foi était féconde. Tous les héros de Dieu accomplirent des exploits impossibles parce qu’ils avaient une foi entière en lui (Lire à ce propos Hébreux 11).
Nous qui avons le privilège de vivre sous la nouvelle alliance, nous devons être conscients de la honte que représente aux yeux de Dieu la stérilité spirituelle. Cette stérilité, ce manque de fruit proviennent justement de l’incrédulité. Le problème qui réside au fond d’une église ou d’un chrétien stérile — autrement dit, qui ne porte pas de fruit - c’est l’incrédulité. Les disciples de Jésus ne purent chasser le démon extra-puissant à cause de leur incrédulité. Jésus lui-même ne put faire aucune œuvre de puissance à Nazareth à cause de l’incrédulité de ceux qui l’avaient toujours connu... Le manque de foi est le péché le plus effroyable, car il prive l’homme de toute bénédiction. Les âmes perdues ne vont pas en enfer à cause de leur péché originel, ni à cause de leurs mauvaises actions (La bible enseigne pourtant qu’au jour du jugement les hommes seront jugés selon leurs actions : Romains 1.28, 2 Thessaloniciens 1.8 ; 2.10 ; Apocalypse 20.12), mais à cause de leur incrédulité, dont les mauvaises actions sont la conséquence. Chez l’enfant de Dieu, il va sans dire que le péché le plus dangereux celui qui « nous enveloppe si facilement » (Hébreux 12.1), est précisément celui de l’incrédulité. C’est d’ailleurs celui qui a perdu Ève dans le jardin d’Éden, quand elle a douté de la Parole de Dieu (Genèse 3.6).
Dans sa parabole du semeur, le Seigneur nous démontre que, de ceux qui entendent la Parole de Dieu, il n’y a qu’une petite proportion qui porte du fruit (Matthieu 13.4-9,18-23).
La terre entre le champ et le chemin, foulée par les pieds de tous les passants, signifie le cœur dur, le cœur d’un homme qui veut être sauvé (il veut être dans le champ) mais qui désire garder tous les avantages que lui offre le monde (il veut aussi être dans le chemin). Le résultat, c’est que la semence de la Parole ne pénètre pas, ne s’enracine pas. La « foi » de cet homme vient du bout des lèvres seulement. Il ne porte aucun fruit, parce qu’il n’a aucune foi, malgré le fait qu’il ait reçu la Parole de Dieu.
La terre rocailleuse signifie le cœur superficiel. C’est un homme qui reçoit l’évangile avec joie ; on voit même en lui les évidences d’une véritable action du Saint-Esprit. Pourtant cette action précieuse n’aboutit à rien, tout est perdu. Cet homme n’a jamais cédé au Christ le fond de sa personne ; intérieurement il est dur comme le roc ; la petite racine spirituelle tout juste engendrée ne trouve qu’un centimètre ou deux de terre, elle ne peut devenir une vraie plante, elle ne porte aucun fruit : la foi de cet homme est vaine. L’action de l’Esprit aboutit à une « fausse couche » spirituelle et non pas à une véritable naissance. C’est le cas de Hébreux 6.4-6. C’est une âme perdue et pour laquelle il n’y a plus d’espoir, car elle a connu la vérité et l’a rejetée en pleine connaissance de cause.
Puis le Seigneur décrit un autre homme qui a un bon cœur : il est profond, chez lui la « terre » est fertile. Cependant cet homme aussi connaît une faillite complète, car il ne veut pas se débarrasser de ses « épines », il refuse d’abandonner certaines amitiés, certaines relations et habitudes, certaines idées qui sont foncièrement hostiles à l’Évangile. Il les laisse coexister avec l’action nouvelle du Saint-Esprit. Mais la Parole de Dieu ne peut se développer dans des circonstances semblables. Après une « conversion » apparemment modèle, ce triste cas se voit comme il est en réalité, comme un cœur partagé. Le début d’une vraie foi est étouffé, effacé par les choses du monde. C’est encore un avortement spirituel et tout est perdu. Il n’y a pas de fruit.
Par ces trois illustrations le Seigneur Jésus nous apprend de façon catégorique que l’absence d’un fruit spirituel démontre l’absence d’une foi véritable et aboutit à la perte de l’âme.
Le Seigneur nous fait cependant bien comprendre que, dans le cas d’un vrai croyant, il y a du fruit. Chez les uns il y a beaucoup de fruit, chez d’autres, il y en a moins; mais tout enfant de Dieu manifeste la réalité de sa foi par des résultats concrets au cours de sa vie. Il y a en lui des évidences indéniables de la présence de l’Esprit de Dieu.
Le Christ nous rappelle, dans son Sermon sur la Montagne (Matthieu 7.15-20), que c’est uniquement par le fruit que l’on reconnaît l’arbre. Nous distinguons le vrai prophète du faux par les résultats de son enseignement : un fruit amer ne peut venir d’un bon arbre. « C’est par leur fruit que vous les connaîtrez. »
Dans sa quatrième illustration concernant la semence, le Seigneur parle du vrai croyant : c’est le cas du cœur entier. Jésus voit celui-ci comme une bonne terre qui permet à la semence un développement complet : par conséquent, il y a chaque fois un fruit véritable et durable, un résultat tangible et indéniable. C’est par là que l’on reconnaît le vrai chrétien.
Seulement le Seigneur nous avertit que, même chez ses disciples, il y a des degrés de fécondité. « Un grain en donne cent, un autre soixante, un autre trente. » C’est un triste fait que chaque chrétien ne fasse pas valoir tout ce que Dieu lui confie. Jésus enseigne cette même vérité dans sa parabole des mines Luc 19.11-27 et l’apôtre Paul en dit autant dans ses épîtres 1 Corinthiens 3.10-15. La récompense du croyant, au retour de son Maître en gloire, dépendra alors de l’usage qu’il aura fait ici sur terre de cette précieuse foi qui lui est confiée. Il ne perdra pas son salut, mais il pourra perdre sa « récompense », au moins en partie. Le temps perdu sur la terre n’est pas récupérable, car dans l’éternité le temps n’existe pas.
Dieu demande « le sacrifice de louange qui consiste dans le fruit des lèvres qui confessent le nom » de Jésus (Hébreux 13.15) . Confesser son nom devant le monde, c’est s’exposer au mépris et à la persécution ; c’est en fait un sacrifice qui coûte souvent cher, mais Dieu appelle cela la louange : c’est la louange véritable, celle qu’il désire.
« C’est de l’abondance du cœur que la bouche parle », dit Jésus (Matthieu 12.34). Si tu es rempli du Saint-Esprit, son fruit sortira de tes lèvres. Si ton cœur est dans l’abondance, ton témoignage sera riche et fructueux.
Celui qui médite la loi de Dieu nuit et jour porte son fruit en sa saison ; il est comme un arbre planté près d’un courant d’eau : tout ce qu’il fait lui réussit (Psaumes 1.1-2).
Remarque aussi qu’il y a des saisons spirituelles : il y a les semailles et il y a la moisson ; il y a l’hiver et il y a l’été. Il y a des périodes et des moments de silence, de souffrance aussi, souvent, où nous semblons ne porter aucun fruit, où nous semons la Parole avec larmes (Psaumes 126.5). Dieu, pourtant, fait suivre l’hiver par le printemps : « Nous moissonnerons au temps convenable, si nous ne nous relâchons pas. Ainsi donc, pendant que nous en avons l’occasion, pratiquons le bien envers tous...» (Galates 6.9-10).
Que Dieu t’aide à porter des fruits dignes de la repentance (Matthieu 3.8).
Dieu est amour (1 Jean 4.8) et il a fait l’homme à son image (Genèse 1.26-27). Cela signifie que l’homme existe essentiellement pour aimer ; s’il n’aime pas, il n’a plus aucune raison d’être. En effet, la vie d’un homme n’a pas de sens dès que l’amour lui échappe.
Le plus grand besoin de chaque être humain, c’est d’aimer et d’être aimé. En dehors de Dieu l’homme ne peut trouver le vrai sens de sa vie, car Dieu est l’amour même et, de ce fait, la source de tout véritable amour. C’est dans la mesure où un homme est intimement en rapport avec son Créateur que le vrai amour naît et se développe en lui et autour de lui.
Depuis que l’Église existe, Satan ne cesse de provoquer des contrefaçons de l’action de l’Esprit de Dieu. Il suscite des faux prophètes, crée des fausses religions qui ressemblent de si près à la vérité biblique que même les élus risquent d’être séduits (Matthieu 24.24). Il présente le mensonge soigneusement enrobé de vérités. Il insiste même sur des vérités à l’exclusion de la vérité : il est passé maître dans le domaine des demi-vérités. Il va jusqu’à se faire passer pour l’Esprit de Dieu aux yeux de ceux qui connaissent mal l’Écriture.
Pourtant, il y a une chose que Satan ne peut pas contrefaire : l’amour de Jésus, que son Esprit saint nous communique et qui reste la marque authentique de la véritable foi. On ne le trouve nulle part sur la terre sauf là où Christ est présent par son Esprit. Cet amour est la signature indélébile de Dieu sur son œuvre.
C’est l’amour qui crée la joie. La joie n’est autre chose que la floraison d’une âme qui a découvert un amour réciproque. « La joie de l’Éternel sera votre force. » (Néhémie 8.10). Dieu créa l’homme à l’origine pour être joyeux ; il l’entoura d’innombrables évidences de l’amour de son Créateur. Toutes les beautés de la nature lui criaient le nom de Dieu, lui communiquaient l’infinie variété de la pensée d’un Dieu amoureux de sa créature. Le comble fut la création de la jeune fille, Ève, qui devint la compagne inséparable de l’homme. Dieu, par la révélation de son amour, lui apprit la joie, cette force intransigeante qui l’amènerait à accomplir des impossibilités.
Or, Dieu envoie son Esprit dans nos cœurs précisément pour créer ce phénomène divin, cet amour dont il est lui-même la source (Romains 5.5). Il implante en nous sa propre nature (2 Pierre 1.4, 1 Jean 3.9). Le miracle des miracles arrive : nous commençons à aimer, à connaître l’amour tel que Dieu lui-même le conçoit, tel qu’il le réalise dans le sein de sa propre personne. Nous goûtons déjà le ciel.
Le seul qui puisse produire ce miracle en nous, c’est l’Esprit de Dieu. La contrefaçon satanique peut ressembler à première vue à l’action de Dieu, car Lucifer a vécu, avant sa révolte, dans l’intimité de la présence de Dieu et il sait calquer les œuvres de Dieu de très près. Mais il ne peut pas reproduire la qualité la plus divine de toutes, l’amour véritable.
Ah ! Le diable sait tout de même fabriquer des caricatures de l’amour chrétien... Il sait grouper les gens autour d’un leader, les accaparer par une idéologie ; il parvient facilement à les resserrer dans une secte. Mais le lien qui les tient ensemble n’est pas cet amour totalement désintéressé qui vient de Dieu, c’est plutôt l’intérêt. Il y a toute la différence au monde entre ces deux mobiles, car l’un est axé sur lui-même, donc égocentrique, alors que l’autre, le fruit de l’Esprit, a sa racine et aussi son but en Dieu ; il est altruiste, généreux, bénévole : c’est l’amour qui a amené le Seigneur Jésus à la croix.
Cet amour miraculeux est ce qui fait le plus défaut dans l’Église de Christ aujourd’hui. La faiblesse de notre témoignage auprès des nations provient de là. Le manque de cohésion, les innombrables divisions, l’absence d’une action coordonnée et, surtout, l’absence de cette chaleur irrésistible qu’est la présence de Christ au milieu de son peuple, tous ces malheurs s’expliquent par le fait que le Saint-Esprit ne parvient pas à manifester l’amour de Dieu comme il voudrait le faire. Il est éteint et attristé par le peu de sérieux parmi les chrétiens, vexé par leur ignorance de la Parole de Dieu, par leur incrédulité, par la mondanité et l’impuissance qui caractérisent de façon générale le christianisme de notre génération.
Trop souvent, d’ailleurs, les chrétiens se font une idée fausse de l’amour ; ils le confondent avec le sentimentalisme, qui est au fond charnel. Il est impossible, c’est vrai, d’aimer quelqu’un de l’amour de Christ sans que les sentiments soient en jeu, car l’Esprit, quand il nous remplit, anime notre être entier ; toutes nos facultés sont atteintes par son action bénéfique. On ne peut aimer un être humain de façon abstraite.
Cependant l’amour de Christ ne dépend pas des sentiments. Le chrétien spirituel n’aime pas son prochain à cause de ses qualités naturelles. Ce n’est pas parce que la tête de quelqu’un nous plaît que nous devons l’aimer, c’est plutôt parce qu’il est une âme précieuse aux yeux de Dieu et pour laquelle Christ est mort. Mais quand nous commençons à aimer un homme ou une femme par le Saint-Esprit, avec l’amour de Dieu, inévitablement nos sentiments sont atteints ; nous éprouvons de plus en plus de sympathie pour cette personne, qu’elle soit sympathique ou non ; notre amour ne reste pas sur un piédestal, distant, inaccessible. Il s’incarne, en quelque sorte, il est humanisé, il nous rapproche de notre semblable. Dieu aime cet homme, cette femme, à travers notre cœur, il le regarde par nos yeux, lui parle par notre langue, lui vient en aide avec nos mains. Nos sentiments sont alors transformés par l’action de l’Esprit de Dieu, purifiés, sanctifiés, rendus chaleureux, brûlants de l’éclat qui a amené Dieu à tout sacrifier pour sauver l’humanité.
Pour nous éviter des conceptions trop petites et souvent déformées, Dieu nous donne, dans le Nouveau Testament, un enseignement très développé sur l’amour dans un très grand nombre de passages. Mais notre attention est retenue par quatre textes principaux, qui sont une série d’analyses profondes de sa conception de l’amour qu’il nous incombe d’étudier très sérieusement.
À ces quatre passages nous pourrions ajouter un cinquième, extrêmement important : la première épître de Jean. Parce qu’il est si long et parce qu’il contient un enseignement sur plusieurs autres sujets en même temps, je le laisserai de côté, avec la recommandation pressante de le lire et de l’étudier toi-même.
Nous allons étudier maintenant les quatre textes clefs, trois dans les écrits de Paul, le quatrième dans l’Évangile de Matthieu.
Voici le premier texte : il se trouve dans la lettre que Paul a écrite aux Galates pour les guérir du légalisme !
« Le fruit de l’Esprit, c’est l’amour, la joie, la paix, la patience, la bonté, la bénignité, la fidélité, la douceur, la maîtrise de soi » (Galates 5.22).
Voici, résumé, en neuf mots, le caractère de Jésus de Nazareth, qui allait de lieu en lieu faisant du bien (Actes 10.38) ; qui a été tenté comme nous en toutes choses, sans commettre de péché (Hébreux 4.15) ; lui qui, injurié, ne rendait point d’injures ; maltraité, ne faisait point de menaces... lui qui a porté lui-même nos péchés sur le bois... (1 Pierre 2.23) lui qui pouvait dire, en toute modestie : « Celui qui m’a vu a vu le Père » (Jean 14.9).
Le caractère de Jésus est un phénomène unique dans l’histoire de l’humanité. On l’appelle avec raison « le Christ incomparable ». Ce qui le distingue plus que toute autre chose, c’est la conception de l’amour qu’il a apportée au monde, conception qu’il a vécue et personnifiée. C’était à l’époque une révélation, une idée absolument nouvelle et révolutionnaire qui a fini par bouleverser le monde. Ce qui impressionnait le plus les païens au cours des premiers siècles, où les chrétiens furent tellement persécutés, c’était l’amour qui les unissait.
Cela vaut la peine d’examiner ici en profondeur le sens de chacun des neuf mots qui constituent le fruit de l’Esprit.
En grec : le nom agapé et le verbe agapân.
À part quelques rares mentions du verbe, ce mot était inconnu des Grecs de l’Antiquité. Leur vocabulaire comprenait trois termes que l’on traduit par le mot français « amour » ; mais aucun de ces termes ne contient la signification pure, simple, profonde, du mot biblique « agapé ».
Le nom grec erôs (avec le verbe erân) a donné le mot français « érotique » ; il signifie essentiellement : « amour sexuel ». Ce terme, dans le monde païen, était si dégradé qu’il n’a pas retenu l’attention des apôtres. Même les Juifs, dans leur traduction grecque de l’Ancien Testament (dite des « Septante »), l’avaient déjà remplacé par agapê, même pour l’amour entre époux Par exemple, agapê se trouve 11 fois dans le Cantique des Cantiques. La Bible n’ignore pas l’amour sexuel, loin de là ; elle l’ennoblit au point d’employer le même mot pour l’amour de Dieu : amour pour le monde perdu et amour du Christ en croix. Mais l’Esprit de Dieu refusait absolument de l’exprimer par le mot eros.
Les noms grecs philia (« amour » ou « amitié ») et philos (« aimé » ou « ami ») avec le verbe philein (« aimer, être ami ») avaient une signification très étendue et chaleureuse. C’est le terme qui décrit l’amitié en général ; il peut signifier aussi « embrasser ». La Bible se sert à plusieurs reprises de ce mot, presque toujours pour décrire une amitié saine.
Le mot grec storguê (verbe sterguein) signifie : « affection familiale. » Il ne se trouve pas dans la Bible, si ce n’est combiné avec philos pour former le mot philostorgos dans Romains 12.10 : « Soyez pleins d’affection les uns pour les autres. » Cet usage nous montre que la relation entre frères en Christ est celle de membres d’une même famille — une relation intime et franche, mais pure.
Aucun de ces trois termes n’a satisfait aux exigences du Saint-Esprit quand il inspirait les auteurs de la Bible. Sous sa direction, ceux-ci ont dû « inventer » le mot qu’il fallait pour communiquer la notion divine de l’amour. Le verbe agapàn signifiait en grec classique « estimer, avoir de la considération » pour quelqu’un ; mais l’Esprit de Dieu a repris ce mot, ainsi que la forme agapê, en les sanctifiant et en transformant leur signification de manière à les imprégner d’une chaleur et d’une profondeur remarquables. Le monde n’avait jamais connu une idée semblable. Dans le Nouveau Testament surtout, ce mot exprime la qualité la plus divine qui soit, au point même que l’apôtre Jean affirme que Dieu est lui-même agapê (1 Jean 4.8,16) ! Alors que philia (l’amitié) est l’expression de sentiments humains que l’on peut avoir pour quelqu’un, agapê jaillit de l’action du Saint-Esprit sur notre être tout entier : d’abord sur notre volonté et notre pensée et ensuite sur nos sentiments aussi. L’agapê ne dépend pas des sentiments. Elle (le mot grec est féminin) ne tient pas compte du caractère sympathique ou antipathique d’un homme. L’agapê, étant le mobile de Dieu lui-même, nous amène à aimer tous les hommes, même nos ennemis. Une telle expérience est inconnue des hommes du monde ; elle vient de Dieu et du cœur régénéré et habité par l’Esprit de Dieu : l’agapê est le fruit de l’Esprit. L’homme naturel ou animal est incapable d’aimer de cet amour-la. Or, celui en qui réside l’agapê ressemble a Dieu. Dieu peut enfin atteindre les autres au travers de lui.
Le Nouveau Testament est rempli d’enseignements et d’exhortations sur l’amour. Le nom agapê s’y trouve 139 fois et le verbe agapân 115 fois. Dieu ne nous laisse pas dans l’ignorance en ce qui concerne le vrai sens de l’amour, car il touche sa personne au plus près. Il est évident que ce sujet représente une vaste étude, à laquelle cet ouvrage ne peut offrir qu’une introduction. J’espère cependant te mettre en garde contre les conceptions insuffisantes de l’amour qui dégradent le témoignage chrétien. En même temps, notre étude, même limitée, pourra t’ouvrir un ciel de découverte spirituelle sur Dieu lui-même et sur sa vision pour l’église.
En grec : chara. Je commenterai ce mot plus loin dans le livre (Voir 9 : « La beauté insoupçonnée de Dieu .»)
Il suffit de dire en passant que la joie et l’amour sont inséparables. On ne peut aimer de tout son être sans éprouver la plus grande joie et, inversement, on ne peut connaître la vraie joie sans avoir connu une expérience de l’amour. La joie est, en somme, l’éclatement de l’amour.
En grec : eirênê. Ce mot en grec classique et même dans la koinê, la langue populaire, signifiait uniquement la cessation des hostilités, l’état de non-belligérance. C’était en somme un mot négatif, qui traduisait la pauvreté spirituelle du monde non chrétien. La Bible, au contraire, donne à ce mot une profondeur et une richesse jusqu’alors inconnues. Les apôtres, en écrivant le Nouveau Testament, avaient à leur disposition toutes les ressources acquises de l’Ancien. Or, les Hébreux utilisaient le mot shalom pour décrire la paix et, comme tout le monde le sait, shalom est devenu pour eux la salutation normale entre deux êtres qui se rencontrent. Pourtant le mot hébreu signifie beaucoup plus que la simple cessation des hostilités ; il contient l’idée du bien-être total, du bonheur, de la prospérité, de la réussite sur tous les plans. Or, les auteurs du Nouveau Testament, en employant le mot grec eirênê, lui donnent le sens du mot hébreu shalom. Paul, au début de chaque lettre qu’il écrit, souhaite la « paix » à ses lecteurs. Cette formule n’était pas normale chez les Grecs ; ils se servaient d’une autre expression, chaïré (« sois heureux » ou : « sois le bienvenu » !), que Paul, d’ailleurs, remplaçait par le mot extraordinaire charis, que nous étudierons plus tard. Paul écrivait : « Que la grâce (charis) et la paix (eirênê) vous soient données de la part de Dieu... » C’est une salutation qui comprend l’immensité de la bénédiction divine — que Paul explique et analyse dans le reste de son épître. O quelle richesse !
Le Seigneur Jésus, au moment de quitter ses disciples, leur dit : « Je vous donne ma paix. » La paix indicible qui réside dans la personne immuable de Dieu, entre le Père et le Fils, cette paix éternelle et inaltérable, Jésus nous la donne. Elle n’est autre chose que la prospérité spirituelle, le bien-être absolu, l’état d’abondance et de satisfaction permanentes qui caractérisent Dieu dans toutes ses actions.
Or cette paix fait partie du fruit de l’Esprit. Elle est l’apanage de l’amour véritable. L’amour de Dieu, en pénétrant dans notre cœur, apporte une satisfaction inexprimable. Nous pouvons alors regarder Dieu en face sans peur, sans aucun sentiment de culpabilité, sachant que tout est pardonné ; le mal est complètement effacé par le sang de Christ. Dieu nous a réconciliés avec lui, nous sommes maintenant en communion avec lui. Tout cela, nous le savons parce que Dieu nous aime ; nous en avons la preuve indéniable, nous comptons sur sa Parole, notre âme est remplie du bien-être de sa présence.
« Je souhaite que tu prospères à tous égards et sois en bonne santé, comme prospère l’état de ton âme », écrivait Jean à son ami Gaïus (3 Jean 2). Cela exprime ce que j’entends par « paix. »
(Segond, T.O.B. et Synodale : patience ; Darby longanimité)
En grec : makrothumia.
Pour les Grecs de l’Antiquité la plus grande vertu était ce qu’ils appelaient la megalopsychia, qu’Aristote définissait comme le refus de pardonner ou de tolérer une insulte quelconque ; c’était, en somme, l’esprit de vengeance qui exigeait la revendication de l’honneur d’un homme aux yeux du monde. C’était, littéralement traduit, « la grandeur d’âme. »
Or, aux yeux du Seigneur Jésus et de ses apôtres, la plus grande vertu est, au contraire, la makrothumia, exactement l’opposé de cet esprit mondain. Le nom makrothumia, avec son verbe makrothumein, exprime deux idées :
1. La ténacité, l’engagement qui persiste, qui ne lâche pas, qui persévère jusqu’au bout. C’est l’état d’esprit qui poussa Abraham à espérer en Dieu jusqu’à l’accomplissement de la promesse. C’est l’attitude du chrétien qui attend le retour de son Maître ; c’est également son attitude face aux persécutions que lui inflige le monde incrédule et hostile. C’est l’attitude qui a animé les prophètes, les apôtres et le Seigneur Jésus lui-même dans l’accomplissement de la volonté du Père. On peut le traduire « endurance » ou même « résistance. »
2. Mais le mot makrothumia a un sens bien plus profond : il signifie surtout l’amour qui continue à pardonner et à faire le bien même dans les circonstances les plus adverses. Il ne contient pourtant aucune notion de faiblesse ; au contraire, l’homme en qui se manifeste la makrothumia a certainement le pouvoir de se venger. Pourtant, par magnanimité, il refuse de le faire : il pardonne.
Pour les Grecs, la makrothumia n’était pas une vertu, elle était une faiblesse inexcusable et honteuse. Or, les jeunes apôtres de Jésus eurent l’audace d’envahir ce monde cruel et orgueilleux avec le message de la croix, du pardon, d’une grâce divine qui réconcilie le pécheur avec le Dieu juste et les hommes entre eux. Ils racontaient la vie terrestre du Seigneur Jésus qui incarnait de la manière la plus absolue cette qualité méprisée par les hommes ; Jésus avait pardonné même à ceux qui le crucifiaient.
En fait, la makrothumia est une qualité absolument divine. Le miracle de l’évangile, c’est d’avoir pu s’enraciner partout dans une civilisation non seulement hostile mais en flagrante contradiction avec son élément de base. Par son moyen l’Esprit de Dieu a transformé les hommes de A à Z. Il a complètement réorienté leur vie, en les rendant conformes à Jésus-Christ.
Dans l’Église de Christ aujourd’hui nous avons besoin de rechercher et de cultiver la makrothumia comme jamais auparavant. Nous ne pouvons rester unis sans cette attitude qui patiente et qui pardonne. Que Dieu fasse ce miracle en nous !
On peut traduire ce mot de plusieurs manières, mais la plus apte, à mon avis, serait : la lenteur à la colère ; ou bien : la longanimité. La Bible a beaucoup à dire là-dessus (Proverbes 14.9 ; 15.1,4,18 ; 16.32 ; 17.9 ; 19.11 ; 20.3, 1 Corinthiens 6.7, Jacques 3.17-18).
(Segond, Darby et Synodale : la bonté ; T.O.B. : la bienveillance).
En grec : chrêstotês. Ce mot dérive du nom chreia qui signifie « besoin ». Chrêstotês signifie littéralement : le désir de se rendre utile, d’assouvir les besoins d’autrui. C’est l’attitude qui pousse un enfant de Dieu à faire le bien ; il voit, il étudie les problèmes de ses frères, du monde qui l’entoure ; il aime, mais de façon absolument pratique, il est terre à terre dans ses rapports humains. Il apporte son aide désintéressée là où on en a le plus besoin. Il est aimable, rempli de compassion au point de chercher à rendre service. Cette qualité est en fait le désir de rendre service. Naturellement, un tel désir détermine l’attitude entière de cet homme ; c’est pourquoi la traduction « bienveillant » est assez exacte ; mais j’y ajouterais la périphrase d’Alfred Kuen : « l’amabilité (et) la serviabilit ». Combien nous avons besoin de cet esprit dans l’église ! Si le Christ est vraiment là, son caractère se manifestera. Mais quelle pauvreté, quelle misère spirituelle quand il est absent.
(Segond : la bénignité ; Synodale et Darby : la bonté ; T.O.B. la bienveillance ; Kuen traduit : bonté et générosité).
En grec : agathosynê.
Ce mot est difficile à traduire. Il signifie plus que le mot français « bonté », qui tend plutôt vers l’idée de l’indulgence. L’homme agathos est certainement indulgent mais il est aussi pénétré d’une rectitude absolue. Il est droit et juste tout en étant sensible et compatissant. Jésus a bien dit au jeune homme riche : « Il n’y a de bon que Dieu seul. » Dieu est lumière tout en étant amour. La concentration de ces deux qualités en une seule donne ce que le Nouveau Testament appelle « la bonté », l’agathosynê. Le fruit de l’Esprit produit chez l’homme un caractère merveilleusement équilibré : il est miséricordieux sans être faible ; il est droit sans être dur. C’est le caractère de Dieu, visiblement traduit dans chaque détail de la vie terrestre de Jésus.
(T.O.B. : la foi).
En grec : pistis.
Les versions s’accordent, avec raison, pour traduire le mot pistis ici par « fidélité » ; pourtant, il est traduit partout ailleurs dans le Nouveau Testament : « foi ». Il est possible de le traduire « foi » dans ce passage également, car la foi est, certes, le fruit de l’Esprit.
Cependant, le contexte justifie la traduction « fidélité » car ce mot est tellement riche qu’il exprime la foi dans tous ses sens : une foi qui saisit et aussi une foi qui donne. Kuen juxtapose ici les deux mots : fidélité et confiance. J’aime beaucoup cette combinaison, car elle traduit les deux aspects principaux du mot pistis : non seulement tu fais confiance aux autres, mais tu deviens aussi digne de leur confiance. Ton caractère les amène à se confier en toi et à compter sur toi. Voilà donc le vrai sens du mot dans ce contexte : les autres peuvent compter sur toi. Tu ne les décevras pas, car tu les aimes trop. Tu ne trahis personne.
(Segond, T.O.B., Synodale et Darby : la douceur).
En grec : praotês.
Presque toutes les versions emploient, avec raison, le mot français « douceur ». Mais ce mot ne traduit pas toute la signification de praotês. Ce mot correspond au latin mitis qui est employé pour une bête apprivoisée : un cheval sauvage qui se laisse monter, un léopard habitué tout petit à vivre avec des êtres humains - voilà l’idée qui réside au fond du mot praotês. Il ne contient aucune notion de faiblesse. Au contraire il exprime l’idée d’une force immense et peut-être dangereuse mais qui est domptée, maîtrisée.
En grec classique le mot signifie « doux », avec l’idée d’une caresse. Aristote le définit comme étant à mi-chemin entre la colère et la faiblesse ; c’est le caractère d’un homme qui peut s’imposer quand il le faut, mais qui sait également s’effacer. C’est l’équilibre parfait.
Dans les Évangiles, nous voyons Jésus se mettre en colère devant la vraie méchanceté et même chasser les fraudeurs du temple ; mais nous le voyons aussi se laisser arracher la barbe et recevoir les crachats. C’est là la « définition » de praotês, c’est la douceur du Christ. (Voir le passage poignant de Paul : Philippiens 2.5-8).
(Segond, Synodale, Darby : la tempérance ; T.O.B. la maîtrise de soi).
En grec : enkrateia.
Ce mot dérive de l’adjectif kratos qui signifie « fort, puissant ». L’homme enkratês est celui qui, non seulement réussit à dominer les autres, à maîtriser la situation, mais qui se maîtrise aussi lui-même. Le nom enkrateia signifie tout simplement « la maîtrise de soi ». Celui qui ne sait pas maîtriser sa colère, sa langue, son orgueil, ses appétits, ne sait rien de l’amour de Christ.
Le fruit de l’Esprit produit donc en toi, en moi, toute la gamme des qualités qui constituent le caractère du Seigneur Jésus-Christ, caractère infiniment doux et sensible, généreux et compatissant, mais en même temps extrêmement fort, tenace, confiant, sur lequel on peut compter et qui sait se maîtriser.
Jésus enseigne que certains de ses disciples portent beaucoup de fruit et d’autres moins, mais que c’est le propre de tout vrai enfant de Dieu de porter du fruit — c’est-à-dire d’aimer. Le tout jeune croyant commence, dès sa conversion, à aimer réellement Dieu et son prochain. Cet amour étant le fruit de l’Esprit qui maintenant réside en lui, dérive de Dieu qui est amour ; il est marqué par les caractéristiques authentiques de la personne de Dieu. Il va sans dire que le chrétien qui marche toute sa vie avec Dieu, en laissant au Saint-Esprit une pleine liberté d’action, rayonne de plus en plus de cet amour. Même un chrétien faible, pourvu qu’il soit vraiment né de nouveau, ressemble dans une certaine mesure à son Père céleste : il aime dans le vrai sens du mot ; il reconnaît dans son expérience la qualité - sinon la quantité ! - de l’amour divin. J’ose dire que l’homme, quelles que soient ses prétentions évangéliques, qui ne manifeste pas dans sa vie un amour qui corresponde à ces qualités divines, ne peut être un enfant de Dieu (1 Jean 3.10 ; 4.7 ; 8.20).
Le chrétien spirituel est celui en qui le Saint-Esprit peut développer à un très haut degré l’amour de Christ ; alors que le chrétien charnel, par ignorance ou par désobéissance, retarde l’action de l’Esprit ; chez lui l’amour est peu développé, bien que, au fond de lui-même, il désire aimer et il souffre de l’imperfection de son amour. Il est insatisfait tant qu’il reste dans cet état, alors que l’homme non régénéré ne voit aucun mal à haïr ses ennemis ou à mépriser son prochain. Le vrai amour est la marque sûre de la nouvelle naissance (1 Jean 3.14).
Celui qui est rempli du Saint-Esprit est rempli d’un amour qui persiste, qui pardonne, qui se maîtrise, qui inspire confiance, qui rayonne de droiture et de compassion. Son amour est pratique et terre à terre, il fait le bien, il cherche à se rendre utile. C’est un amour qui crée la joie et qui apporte chaque fois la paix et jamais la division entre frères.
Et maintenant, notre deuxième texte !
Paul nous dit de revêtir Christ ! (Romains 13.14, Galates 3.27). J’ai été longtemps intrigué par cette expression, jusqu’au jour où j’ai étudié avec attention le grand passage que voici dans sa lettre aux Colossiens : (Colossiens 3.12-14)
« Ainsi donc, comme des élus de Dieu, saints et bien-aimés, revêtez-vous d’entrailles de miséricorde, de bonté, d’humilité, de douceur, de patience. Supportez-vous les uns les autres, et, si l’un a sujet de se plaindre de l’autre, pardonnez-vous réciproquement. De même que Christ vous a pardonné, pardonnez-vous aussi. Mais par-dessus toutes ces choses revêtez-vous de la charité, qui est le lien de la perfection. »
J’ai remarqué en premier lieu que Paul fait mention ici de sept qualités dont nous devons nous revêtir. L’image m’a frappé : Paul voit la vie .spirituelle comme l’appropriation de ces sept aspects du caractère de Christ. Notre corps, une fois habillé, présente un aspect uni ; pourtant nous employons plusieurs vêtements pour le couvrir. Paul, dans son analyse de l’amour divin, nous recommande de couvrir notre nudité spirituelle en développant consciemment ces sept caractéristiques de la personnalité de Jésus-Christ.
On ne peut dissocier ces sept qualités. Supposez que l’on puisse posséder l’une sans les autres, cela fait penser à un homme qui se croit habillé en se promenant vêtu uniquement, disons, d’un pantalon et d’un chapeau ! Non, il s’agit de tout ou de rien ; car ces sept caractéristiques ne sont que des aspects du seul amour véritable qui est le fruit de l’Esprit. Nous allons les examiner.
(Segond et Darby : des entrailles de miséricorde ; Synodale : le cœur rempli de miséricorde ; T.O.B. : des sentiments de compassion).
En grec : splanchna oiktirmou.
Le mot splanchna, que nos versions traduisent par « entrailles » ne signifie pas, dans le Nouveau Testament, ce que nous entendons en français par ce mot, mais plutôt les « entrailles supérieures », c’est-à-dire le poumon, le cœur et ce qui est renfermé dans le thorax. En français moderne, nous dirions plutôt « le cœur ».
Le mot oiktirmos signifie en effet « miséricorde », mais je préfère le traduire par un terme moins vétuste. Je dirais plutôt : « pitié », « compassion », ou « tendresse ».
Traduisons donc l’expression entière de la façon suivante : « Un cœur de pitié, de compassion, de tendresse », ou : « un cœur sensible ».
Dans nos relations entre frères en Christ, il faut commencer par avoir « un cœur de compassion » les uns pour les autres. Je me souviens des jours, à mes yeux miraculeux, où je servais le Christ en Afrique du Nord et où l’Esprit de Dieu m’unissait avec tous mes jeunes frères et sœurs dans une communion, une amitié si intenses que chaque rencontre était un avant-goût du ciel, une rencontre avec Christ.
Pourtant nous n’avions pas d’illusions sur nous-mêmes... Afin de maintenir intacte entre nous la communion de l’Esprit, nous saisissions chaque occasion de prier ensemble, ne serait-ce qu’à deux ou à trois et même dans la rue : la présence de Christ était si fortement ressentie par nous tous. Mais nos prières étaient directes, incisives, souvent très courtes. Nous trouvions la prière aussi normale que la respiration et il nous était inconcevable de nous voir sans « voir » aussi Jésus - puisqu’il était là au milieu de nous ! Notre prière était l’expression d’une foi naïve, transparente, réaliste... mais tellement vivifiante ! Combien de fois avons-nous dit à Dieu : « Seigneur, nous ne sommes tous que de pauvres types ! Donne-nous un cœur de pitié les uns pour les autres ! Donne-nous de nous aimer d’autant plus ! » Oh ! Dieu a répondu à cette prière ! Nous avons vécu le miracle d’une vraie communion, d’une expérience céleste sur la terre.
(Segond, Darby et Synodale : la bonté ; T.O.B. : la bienveillance)
En grec : chrêstotês.
Nous avons déjà étudié ce mot.
(Segond, Darby, T.O.B. et Synodale : l’humilité)
En grec : tapeinophrosynê.
Ce terme est composé de deux mots : tapeinos (« humble » ou « bas ») et phrên (« intellect » ou « mentalité »). Il traduit l’attitude d’un homme qui laisse aux autres la première place ; il s’efface, non par faiblesse mais par choix. C’est dans sa mentalité d’estimer « l’autre » meilleur que lui-même. C’est le contraire de la fanfaronnade. Cet homme n’essaie pas de se faire passer pour autre qu’il n’est. Son amour de la vérité l’amène à tout voir objectivement : il sait qu’il n’a pas besoin de se mettre en avant, il a horreur d’un tel orgueil, qu’il estime absurde, ridicule ; il sait pertinemment que Dieu lui-même lui donnera la place qui lui conviendra. Il retient l’enseignement de Jésus : « Lorsque tu es invité à un festin, ne prends pas la première place... » (Luc 14.10 Mais « malheur aux scribes qui aiment avoir la première place... » (Matthieu 23.6).
Je préfère traduire ce mot : « modestie ». Le mot français « humilité » évoque parfois une idée de faiblesse ou d’infériorité, ou d’abaissement volontaire ; alors que la « modestie » du Saint-Esprit est simplement le réalisme d’un homme qui voit clair. Il ne se fait pas d’illusions, il sait que tout vient de Dieu : son cerveau, ses mains, son visage, son âme, sa vie spirituelle... Pourquoi alors commettrait-il la folie suprême d’être orgueilleux, comme s’il était lui-même à l’origine de sa vie, de ses aptitudes et même de sa régénération ?
Le croyant éveillé sait qu’il n’est rien. Tout ce qu’il est, tout ce qu’il a lui vient de Dieu. Il sait que le Saint-Esprit est l’auteur à la fois de ses facultés physiques et de ses capacités et qualités spirituelles. Pourquoi donc se glorifier ?
L’orgueil est donc une folie spirituelle ; la modestie chrétienne est au contraire une marque d’intelligence spirituelle.
J’aime cette histoire authentique de la vie du grand prédicateur Spurgeon. Alors qu’il descendait une fois de sa chaire, un homme se précipita vers lui en disant : « Oh ! Monsieur Spurgeon, quelle merveilleuse prédication ! » Spurgeon lui répliqua simplement : « Oui, mon ami, le diable me l’a dit avant vous ! »
(Segond, Darby, F.O.B. et Synodale : la douceur)
En grec : praotês.
Nous avons déjà étudié ce mot. C’est la douceur d’une force maîtrisée.
(Segond, T.O.B., Synodale : la patience ; Darby : la longanimité)
En grec : makrothumia.
Nous avons étudié ce mot également. C’est l’amour qui persiste à pardonner, à supporter, à espérer.
(Segond, T.O.B., Synodale et Darby)
En grec : anechomenoi allêlôn.
Cette locution est bien traduite dans nos versions. Le mot « supporter » exprime fidèlement la pensée de Paul. Si tu permets un mot familier, je dirais même « encaisser ». Le chrétien spirituel aime tellement son frère qu’il « l’encaisse » : voilà ce que Paul veut dire ici.
Nous sommes tous imparfaits. Certes, nous ne devrions pas l’être, nous sommes en effet sans excuse ; pourtant la racine du péché est encore là. Même le plus grand homme de Dieu est imparfait et à combien plus forte raison le sommes-nous, nous autres « petits » chrétiens ! Nous trouvons toujours, malgré nos progrès spirituels, quelque chose à supporter chez les autres ! Les éléments de notre ancienne nature et même nos incapacités purement physiques et humaines sont parfois difficiles à « encaisser ».
Mais quand on aime quelqu’un, on attache davantage d’importance à sa personne qu’à ses défauts : comme les parents qui supportent l’enfant qu’ils aiment. « Supporter » ne signifie pas que nous « fermions les yeux », mais plutôt que nous redoublions nos prières pour la personne en question. Nous voulons en effet la voir transformée et délivrée de ses défauts, c’est le but de nos intercessions.
Mais nous nous souvenons en même temps de cette parole de Jésus : « Pourquoi vois-tu la paille qui est dans l’œil de ton frère et n’aperçois-tu pas la poutre qui est dans ton œil ? » (Matthieu 7.3-4) Quand tu montres ton frère du doigt pour l’accuser, tu oublies facilement que les trois doigts qui te restent sont dirigés en sens inverse - contre toi-même. Pour chaque faute que tu vois chez ton frère l’Esprit de Dieu peut t’en signaler trois dans ta propre vie ! Hélas ! Nous sommes tous dans le même cas, c’est pourquoi nous avons tant besoin de nous supporter mutuellement. Un frère, même fautif, est une âme infiniment précieuse pour laquelle Christ a versé son sang, comme pour toi. Jésus dit que nous serons « jugés du jugement » dont nous jugeons (Matthieu 7.2). Si tu juges ton frère avec sévérité, tu seras jugé toi-même avec la même sévérité ; si tu es miséricordieux dans ton jugement, tu trouveras également de la miséricorde auprès de Dieu lorsque tu comparaîtras devant son tribunal (Romains 14.10-12). D’ailleurs, les hommes eux-mêmes te jugeront avec compassion si au cours de ta vie tu as eu de la compassion ; le contraire est aussi vrai. « Faites accueil à celui qui est faible dans la foi, dit Paul, et ne discutez pas (le mot grec signifie : argumenter, disputer) sur les opinions... Qui es-tu, toi qui juges un serviteur d’autrui ?... Ne nous jugeons donc plus les uns les autres... Car le royaume de Dieu, ce n’est pas le manger et le boire, mais la justice, la paix et la joie, par le Saint-Esprit... Ainsi donc, recherchons ce qui contribue à la paix et à l’édification mutuelle... Nous qui sommes forts, nous devons supporter les faiblesses de ceux qui ne le sont pas et ne pas nous complaire en nous-mêmes... Accueillez-vous donc les uns les autres comme Christ vous a accueillis. » (Romains 14.1, 4, 13, 17, 19 ; 15.1, 7).
(Segond, Synodale et Darby ; Pardonnez-vous réciproquement ; T.O.B. : ... mutuellement)
En grec : charizomenoi heautois.
Paul ajoute : « De même que Christ vous a pardonné, pardonnez-vous aussi. » (Colossiens 3.13) Nous sommes tenus de nous pardonner les uns les autres parce que nous avons été pardonnés en premier lieu. Christ nous a déjà tout pardonné, c’est pourquoi nous devons tout pardonner à nos frères.
Si les autres qualités que nous venons d’étudier sont les « sous-vêtements », pour ainsi dire, du caractère chrétien, celle-ci est le manteau qui couvre tout, le véritable manteau du Christ.
Élie jeta un jour son manteau sur les épaules du jeune Élisée qui, plus tard, lors de l’enlèvement de son Maître, ramassa ce même manteau tombé du ciel. C’est une figure de la manière dont le Seigneur Jésus lui-même, au moment d’être enlevé au ciel, laissa tomber, pour ainsi dire, son manteau sur les épaules de ses jeunes apôtres. Ce manteau, qu’il avait revêtu pendant tout son ministère n’était autre chose que le Saint-Esprit, dont Jésus les a ainsi revêtus. Il leur a légué son propre caractère et par cette effusion le caractère de ces hommes fut transformé. Alors qu’autrefois ils se bagarraient pour avoir la première place, ils furent par la suite remplis d’amour ; ils devinrent serviteurs les uns des autres. « La multitude de ceux qui avaient cru n’était qu’un cœur et qu’une âme. » (Actes 4.32). La grâce de Jésus les couvrait comme un manteau ; ils pardonnaient même à leurs ennemis ; ils vivaient dans la confiance absolue, ils découvraient le miracle du pardon réciproque. Voilà l’explication de la puissance extraordinaire de leur témoignage (Actes 4.33).
Le verbe charizomai que Paul emploie dans ce contexte pour « pardonner » signifie littéralement « exercer la grâce ». En grec, le mot « grâce » est charis, que nous examinons un peu plus loin dans ce livre (Voir : « La beauté insoupçonnée ») : étude passionnante qui a révolutionné ma conception de l’évangile.
L’enseignement de Jésus lui-même sur le pardon réciproque est catégorique. Cela se voit surtout dans l’Évangile de Matthieu 6.12-15 ; 18.21-35). Nous examinerons ces deux passages dans notre étude sur la communion de l’Esprit.
Comme la lumière a son spectre de sept couleurs, de même l’amour a son spectre. Les sept qualités que nous venons d’étudier sont, si tu veux, les sept « couleurs » de l’amour, les aspects essentiels du fruit de l’Esprit.
Comme les sept couleurs du spectre ne font qu’une seule lumière blanche, ainsi les qualités que nous venons d’étudier ne sont que des aspects d’une seule chose : le vrai amour. Nos conceptions humaines de l’amour sont si limitées et déséquilibrées que nous avons besoin de cette analyse divine : par son moyen, Dieu nous aide à voir clair, à comprendre la véritable nature de son amour, donc de son être. Il nous empêche de tomber dans des exagérations ou de restreindre la magnanimité de l’Esprit. Nous connaissons tous ce soi-disant « amour fraternel » dont se couvre un homme pour donner un immense coup de pied à son prochain... « pour son bien » !
Une fois que nous en avons reconnu les composants, nous pouvons nous faire une idée juste de l’amour : il ressemble à une lumière radieuse, émanant de la face même de Dieu. Nous ne voyons pas l’arc-en-ciel tous les jours, nous voyons plutôt la lumière intégrale du soleil ; mais les couleurs du spectre sont toujours là. Dieu nous envoie parfois un « orage » spirituel pour nous rappeler son « arc-en-ciel » !
Voilà ce que c’est que de « revêtir Christ » ! Voilà comment Dieu te protège des intempéries du monde invisible, voilà le caractère que tu dois présenter aux yeux des hommes !
Mais Paul a encore un mot à dire : « Par-dessus toutes ces choses (ces sept vêtements), dit-il, revêtez-vous de l’amour, qui est le lien de la perfection. » (Colossiens 3.14). Je préfère traduire cette dernière expression — un peu librement peut-être, mais en donnant certainement la véritable pensée de l’apôtre : « L’amour, qui est la ceinture qui complète tout », ou même : « la ceinture qui tient tout en place ». L’expression entière en langue originale : syndesmos téleiotêtos signifie littéralement : « le lien ou le maillon, la ligature, l’attache, la liaison... de l’achèvement, de l’accomplissement ». Le verbe téleioô signifie : « finir, terminer, achever, parachever ». Le substantif téleiotês, généralement traduit dans nos versions par « perfection », ne signifie pas « impeccabilité » ni « perfection » comme on l’entend aujourd’hui, mais plutôt : « ce qui est fini, achevé, complet, total ». Cet amour vrai coordonne toutes les impulsions d’un homme ; il est ainsi la ceinture sans laquelle les aspects variés de notre vêtement spirituel n’auraient ni cohésion ni réalité. Ce que Dieu cherche, c’est le cœur entier, l’amour qui, enfin convaincu, ne calcule pas, ne pose plus de conditions, mais qui se livre totalement à sa volonté.
C’est à la pauvre église de Corinthe, si tourmentée, si charnelle, si adonnée à la recherche du spectaculaire et du « supérieur », que l’apôtre Paul donne la définition de l’amour la plus complète de tout le Nouveau Testament. Sans cet amour, dit-il, toutes les connaissances et les philosophies, tous les dons et les ministères, même les plus grands, ne sont que du bruit, du vent, de la prétention (1 Corinthiens 13.1-3).
« La charité est patiente, elle est pleine de bonté ; la charité n’est point envieuse ; la charité ne se vante point, elle ne s’enfle point d’orgueil, elle ne fait rien de malhonnête, elle ne cherche point son intérêt, elle ne s’irrite point, elle ne soupçonne point le mal, elle ne se réjouit point de l’injustice, mais elle se réjouit de la vérité ; elle excuse tout, elle croit tout, elle espère tout, elle supporte tout. La charité ne périt jamais. » (1 Corinthiens 13.4-8 Voir aussi la T.O.B. qui nous donne une traduction très intéressante de ce passage.)
Il n’y a pas d’équivoque possible dans cette description de l’amour :
Par ce passage magnifique sur lequel nous venons de nous pencher si intimement, l’apôtre Paul veut nous faire comprendre une fois pour toutes qu’un homme rempli du Saint-Esprit est rempli de l’amour de Dieu. Il insiste sur le fait que cet amour n’est pas fondé sur les sentiments, il jaillit du cœur, de l’Esprit de Dieu lui-même. C’est un torrent irrésistible qui ne tarit pas, qui transmet sans arrêt la Parole bénéfique de Dieu aux hommes qui nous entourent, comme une rivière déverse sur la plaine les ressources inépuisables de la montagne. L’Esprit qui anima le Seigneur Jésus-Christ, dès sa naissance dans l’étable de Bethléhem jusqu’à sa mort cruelle sur la croix, est celui qui anime l’enfant de Dieu authentique et qui agit en puissance par celui qui en admet la plénitude.
Paul dit, même brutalement, que si je n’aime pas mon frère avec l’amour qu’il définit dans ce chapitre et dans les autres passages que nous venons d’étudier : c’est-à-dire, si je n’aime pas mon frère de l’amour dont Christ m’a aimé, alors je ne suis rien, cela ne me sert de rien, je ne suis qu’un airain qui résonne, je n’ai aucun message articulé ou cohérent à transmettre à mes semblables.
Dans l’Église de nos jours nous voyons trop souvent « les inimitiés, les querelles, les jalousies, les animosités, les disputes, les divisions, les partis pris, l’envie... » (Galates 5.19-21). Ce genre de péchés est en flagrante contradiction avec l’amour biblique. Le christianisme occidental les a regardés d’un œil indulgent, mais en fait ils traînent dans la boue le nom de Christ aux yeux du monde.
Dans certains pays orientaux la colère est considérée comme étant pire que l’immoralité et le mensonge. La vérité, c’est que tous ces péchés sont une abomination. Paul n’hésite pas à le dire : « Ceux qui commettent de telles choses n’hériteront pas le royaume de Dieu. » Ne faudrait-il pas réviser sans un jour de délai notre conception de l’Église ?
Mon étonnement fut grand le jour où, à force de lire la Bible, je fis la découverte sensationnelle que « la loi de Christ » n’était pas simplement une affaire de Juifs, ni conçue spécialement pour un royaume futur de Christ, mais qu’elle était pour moi, aujourd’hui !
La Réforme du XVI
Seulement, il y a un autre aspect de l’enseignement du Seigneur Jésus et des apôtres, qui n’était malheureusement pas souvent relevé. Lorsque je voyais de braves « chrétiens » se chamailler entre eux ou se permettre des pratiques louches, puis se défendre en citant la doctrine « qu’on n’est pas sous la loi », je commençais à soupçonner que les croyances de ma génération contenaient un élément de fausseté.
Je savais pertinemment par l’Écriture elle-même que j’étais justifié uniquement par la grâce de Dieu, par la foi en Christ (Cette vérité est examinée en détail dans mon livre : Le Miracle de l’Esprit). Cependant, je savais également au fond de moi-même que, si j’étais ainsi sauvé sans aucune « œuvre » de ma part, par la pure bonté et la compassion de Dieu, ce n’était pas pour vivre ensuite mesquinement. « Demeurerions-nous dans le péché afin que la grâce abonde ? » fit Paul, indigné. « Loin de là. » (Romains 6.1). Christ est mort et ressuscité pour nous délivrer du péché, afin que nous marchions maintenant en nouveauté de vie (Romains 6.4).
Mais cette nouveauté de vie, qu’est-ce sinon une vie conforme à la loi de Christ ?... une vie qui reflète son caractère, qui est une image valable de sa personne, de sa pensée, de sa vision, de ses désirs, de sa foi ?
Cependant, comment pouvons-nous connaître la vraie nature de cette image si nous n’avons aucun miroir qui nous la projette ? Paul dit pourtant qu’il existe un miroir qui n’est autre chose que la Parole de Dieu. Ceux qui la lisent avec un voile d’incrédulité sur le cœur, comme le juif qui lit Moïse sans croire en Jésus comme Messie, n’y découvrent rien. Mais ceux qui, le visage découvert, contemplent « comme dans un miroir » la gloire du Seigneur, sont transformés en la même image (2 Corinthiens 3.14-18) . La loi de Dieu est le miroir dans lequel nous contemplons le caractère de Dieu, qui est « sa gloire ».
Il serait inconcevable que le Messie nous transmette un portrait « brouillé » de Dieu. Au contraire, en lisant les Évangiles, nous percevons en Jésus un portrait de Dieu lumineux, aux traits nets, sans équivoque, mis en relief par l’immense toile de l’arrière-plan de l’Ancien Testament. Dans le visage humain de Jésus nous voyons la « gloire » de Dieu, l’expression de son caractère (Hébreux 1.3).
Mais la vie que Jésus mena sur la terre ne fut autre chose que l’accomplissement de la loi de Dieu. « Ne pensez pas, dit-il, que je sois venu abolir la loi ou les prophètes ; je suis venu non pour abolir, mais pour accomplir.. Celui donc qui supprimera l’un de ces plus petits commandements... sera appelé le plus petit dans le royaume des cieux ; mais celui qui les observera... celui-là sera appelé grand dans le royaume des cieux. » (Matthieu 5.17,19).
Il est évident que la présence physique de Jésus sur la terre ne changeait rien à la loi de Dieu, car cette loi était l’expression du caractère de son Père. Au contraire, il était venu afin de vivre cette loi : les quatre Évangiles sont en fait le récit d’une vie humaine unique vécue en conformité absolue avec cette loi ; c’est-à-dire en conformité avec les désirs de Dieu, avec son caractère essentiel.
Afin de renforcer son enseignement sur ce point, Jésus, dans son « Sermon sur la Montagne » (Matthieu 5.17-48), se réfère à quatre péchés condamnés par la loi de Moïse. Les Juifs de l’époque interprétaient ceux-ci de façon stricte et rigide ; mais Jésus va au fond du problème qu’ils posent : il analyse le cœur de l’homme à la lumière des exigences de Dieu. Jésus relève l’enseignement de la loi sur les quatre péchés « universels » des hommes, ceux que l’on retrouve partout dans le monde : la violence ; la perversion sexuelle ; la méchanceté de la langue ; l’esprit de vengeance.
Puis il nous effraie par son analyse. La colère, dit-il, c’est le meurtre en embryon dans notre cœur ; la convoitise, c’est déjà, aux yeux de Dieu, un adultère ; tout ce que notre langue ajoute à la simple vérité vient du malin ; le refus de pardonner, c’est en fait la vengeance.
Jésus nous bouleverse par sa conclusion. Il dit qu’il ne suffit pas de chercher simplement à accomplir la justice de la loi de Moïse, il faut aller infiniment plus loin que cela ! Non seulement l’homme ne doit pas tuer son ennemi, ni même le haïr : il doit l’aimer. Jésus révèle le secret ultime de la loi de Dieu. Personne ne peut espérer atteindre la justice qu’elle exige, pourtant chacun est tenu d’être plus que juste ! Ce paradoxe paraît impossible à la raison de l’homme naturel ; mais Jésus dévoile le mystère des mystères, que Paul comprend et exprime dans cette phrase inspirée : « L’amour est l’accomplissement de la loi. » (Romains 13.8-10).
Trois jours avant sa crucifixion, nous voyons Jésus harcelé du matin au soir par les autorités religieuses. Les sadducéens, « libéraux » de l’époque, qui ne croyaient pas au surnaturel ; les hérodiens, matérialistes convaincus de la nécessité de compromettre leur foi et de s’appuyer sur l’autorité séculière pour établir le « royaume de Dieu » (pauvre royaume !) ; les pharisiens, ces « bibliques » si rigidement attachés à la lettre de l’Écriture qu’ils ne voyaient pas le conflit entre la simplicité de celle-ci et les interprétations, les traditions qu’ils y avaient ajoutées : tous, les uns après les autres, ont affronté le jeune homme solitaire de Nazareth. Les meilleurs cerveaux, les langues les plus subtiles ont tout essayé afin de le perdre. Mais chaque fois, il les a confondus par la lucidité, la transparence, la droiture, l’intelligence de ses réponses. Finalement un scribe lui posa une question qui amena Jésus à lui dire : « Tu n’es pas loin du royaume de Dieu ! »
« Maître, avait dit le scribe, quel est le plus grand commandement de la loi ? »
La réponse que Jésus lui donna résout en fait le problème du conflit apparent entre la grâce et la loi : citant la loi de Moïse, il dit : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta pensée. C’est le premier et le plus grand commandement. » (Matthieu 22.37, Deutéronome 6.5) La perspicacité du pauvre charpentier devenu prophète éblouit ses adversaires, leur enleva toute réplique. Ils ne pouvaient qu’admettre qu’il avait raison. Car, si un homme parvient à aimer Dieu de tout son cœur, il ne voudra pour rien au monde le contrarier ; il cherchera à lui plaire en accomplissant parfaitement sa volonté.
Tout le problème se situe dans le cœur de l’homme. Le malheur, c’est que le cœur est tortueux et incurablement mauvais (Jérémie 17.9). Il n’aime pas son Créateur, c’est pourquoi il trouve sa loi ennuyeuse et trop difficile.
Jésus, dans sa réponse, va droit au fond du problème : l’homme naturel ne connaît pas le vrai amour. La loi de Dieu, au lieu d’être sa joie, lui paraît hostile ; toutefois, cette loi n’est que l’amour.
Le Seigneur Jésus transpose ensuite le problème du plan « vertical » au plan « horizontal ». Ayant démontré à l’homme que son premier devoir est d’aimer son Créateur, il lui indique maintenant son deuxième devoir, en citant encore la loi de Moïse, celui d’aimer son prochain comme lui-même (Matthieu 22.39, Lévitique 19.18). Si un homme aime son semblable, il cherchera par tous les moyens à lui faire du bien et non le contraire.
« De ces deux commandements, dit Jésus en résumé, dépendent toute la loi et les prophètes. »
La loi de Moïse trouvait son point culminant dans les dix commandements du Décalogue. Celui-ci fut gravé sur deux tables de pierre. Sur la première, sans doute, se trouvaient inscrits les quatre commandements concernant Dieu et sur la deuxième, les six concernant l’homme. Si un homme aime Dieu, il refusera tout autre objet d’adoration, il refusera de fausser l’image de Dieu par des conceptions humaines, il respectera la personne de Dieu et lui accordera volontiers une proportion de son temps.
Si un homme aime son prochain, il l’honorera. Il honorera en premier lieu ses parents et, au lieu de faire du mal au prochain, il respectera sa vie, sa femme, ses biens et sa réputation.
Paul dit : « Celui qui aime les autres a accompli la loi. En effet, les commandements : Tu ne commettras point d’adultère, tu ne tueras point, tu ne déroberas point, tu ne diras point de faux témoignage, tu ne convoiteras point, et ceux qu’il peut encore y avoir, se résument dans cette parole : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. L’amour ne fait point de mal au prochain : l’amour est donc l’accomplissement de la loi. » (Romains 13.8-10). « Car toute la loi est accomplie dans une seule parole, dans celle-ci : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. »
Le Seigneur Jésus enseigne donc à ses apôtres cette vérité fondamentale : la loi n’est pas contre l’amour, elle est au contraire l’expression de l’amour.
Lorsque Dieu s’est révélé à son peuple au mont Sinaï pour faire alliance avec lui, il lui a donné le Décalogue. (C’est-à-dire, les dix commandements de la loi : Exode 20). Par ce moyen il lui faisait connaître son caractère essentiel. Dieu lui disait en somme : Je suis amour. Si vous voulez être mon peuple, si vous voulez que j’habite au milieu de vous, il faut que vous aimiez. Il faut m’aimer d’abord et, ensuite, vous aimer les uns les autres. Voilà la condition de mon alliance. Personne ne peut vivre dans ma présence s’il n’aime pas.
Ainsi la loi de Dieu dans l’Ancien Testament était une sorte de déclaration d’amour de la part de Dieu. Seul l’homme qui aime peut la comprendre et l’apprécier (Tel l’auteur inconnu de ce poème extraordinaire, Psaumes 119.97 : « Combien j’aime ta loi ! dit-il. Elle est tout le jour l’objet de ma méditation. »). Les autres se trouvent condamnés - parce qu’ils n’aiment pas...
Ici, la question sera sans doute posée : cela signifie-t-il que nous sommes tenus de garder la loi de Moïse, en maintenant les sacrifices et le culte lévitique ?
Loin de là, car « Christ est la fin de la loi, pour la justification de tous ceux qui croient. (Romains 10.4). « Christ nous a rachetés de la malédiction de la loi... » (Galates 3.13) « parce que nulle chair ne sera justifiée par les œuvres de la loi. » (Galates 2.16). « S’il eût été donné une loi qui pût procurer la vie, la justice viendrait réellement par la loi. » (Galates 3.21). « Mais maintenant, nous avons été dégagés de la loi, étant morts à cette loi sous laquelle nous étions retenus, de sorte que nous servons dans un esprit nouveau et non selon la lettre qui a vieilli. » (Romains.7.6). « Vous avez été, par le corps de Christ, mis à mort en ce qui concerne la loi, pour que vous apparteniez à un autre... » (Romains.7.4).
Nous n’avons pas besoin des sacrifices de l’alliance du Sinaï, car le sacrifice de Christ nous suffit. Nous n’avons pas besoin non plus du tabernacle, car Dieu réside en nous par son Esprit. Le système compliqué et onéreux d’expiation que Moïse impose au peuple d’Israël n’est pas pour nous ; nous sommes éternellement délivrés de ce fardeau, car nos relations avec Dieu ont été établies et perfectionnées une fois pour toutes par la nouvelle alliance fondée sur la mort et la résurrection de Christ.
L’histoire tragique d’Israël illustre le fait que l’homme non régénéré ne peut accomplir la loi de Dieu, il ne peut aimer Dieu ni son prochain. C’est une histoire de faillite — du côté de l’homme, non du côté de Dieu ; car, par l’intervention de Christ, Dieu a pu résoudre le problème de l’inimitié entre sa loi et l’homme ; le sang de Christ versé a permis que Dieu donne à l’homme son Esprit saint qui, lui, crée en l’homme l’amour dont il était autrefois incapable. Par la nouvelle naissance, nous parvenons spontanément à aimer Dieu et à aimer notre prochain. L’Évangile n’est pas contre la loi et la loi n’est pas contre l’Évangile ; l’Évangile est plutôt le moyen d’accomplir la loi : la loi de l’amour.
Ainsi, mon frère, par le miracle que l’Esprit de Jésus opère en toi, tu aimes, que tu le veuilles ou non ! Tu aimes Dieu et, avec joie, tu commences à faire les choses qui lui sont agréables ; tu aimes ton prochain et tu cherches à l’aider et à le rendre heureux. Seulement, tu découvres que la raison et la conscience morale de l’homme sont tellement tordues de nature que tu as besoin de lire la Bible chaque jour, afin que Dieu corrige sans cesse ta conception de l’amour. Si tu n’écoutes pas Dieu sérieusement, ton intelligence spirituelle demeurera diminuée, atrophiée. La pensée de Dieu restera effacée ou déformée par la pensée du monde qui t’envahit de toutes parts. Tu as besoin de lire la loi de Dieu, afin d’obtenir une définition réaliste de l’amour, sinon ta conception restera vague, sentimentale, défectueuse.
Je te donne un exemple :
La loi de Moïse dit que si tu as dérobé, disons, dix francs a quelqu’un, tu dois lui rendre non seulement les dix francs mais encore le cinquième du montant dont tu l’avais privé, c’est-à-dire deux francs. Tu lui rendras donc douze francs au lieu des dix que tu lui avais pris.
La découverte de ce commandement, parmi des dizaines, des centaines d’autres dans la Bible, m’ouvrit les yeux. Après cela, chaque fois que j’étais conscient d’avoir fait du mal à quelqu’un, j’essayais non seulement de réparer ce mal mais de saisir l’occasion de faire encore plus de bien à cette personne. Je le faisais d’ailleurs avec joie. Ce fut pour moi une révélation et une révolution dans mes relations quotidiennes avec le monde qui m’entourait. Je remarquai que les gens en étaient souvent touchés, surpris et même sensibilisés à l’évangile par la suite. Ce n’est qu’un seul exemple de ce que je veux dire, mais tu comprendras de mieux en mieux dans la mesure où tu connaîtras la Parole de Dieu. Sans cela, ta compréhension de l’amour, donc de la vie, demeurera tragiquement incomplète. Tu as besoin d’être sans cesse « éduqué » dans le sens de l’amour de Dieu. Même à l’âge de 90 ans tu n’auras pas tout appris !
Il y a deux dangers qui nous guettent en tant que chrétiens ; il y a deux extrêmes à éviter. D’une part, nous devons maintenir impérativement la doctrine biblique de la justification par pure grâce, sans aucun mélange « d’œuvres mortes » (Cette doctrine est examinée dans le volume : Le Miracle de l’Esprit.). Mais d’autre part, nous devons éviter l’attitude de ceux qui disent : « Puisque nous sommes sous la grâce et non pas sous la loi, nous pouvons faire ce que nous voulons. »
Dans un sens, il est vrai que nous pouvons faire ce que nous voulons, car nous sommes libres. Christ nous a rachetés de la malédiction de la loi : il a d’abord gardé la loi de Dieu pour nous ; puis il est mort pour effacer nos infractions à la loi. Nous n’avons aucune obligation légale de vivre en conformité avec la loi de Dieu. Nous sommes affranchis de ce joug intolérable qui ne nous valait que condamnation sur condamnation pour nos innombrables infractions.
Cependant il n’est pas question d’échapper aux obligations de l’amour. Lorsqu’un jeune homme et une jeune fille se marient, tant que la confiance règne dans leurs relations, chacun d’eux est libre de sortir ou de fréquenter d’autres amis comme avant. Mais si le mari, par exemple, abuse de cette liberté et néglige sa femme, ou si celle-ci le trompe, alors leur liberté dégénère en promiscuité. La confiance disparaît, l’amour cesse d’exister : le mariage est une faillite.
Le mari qui aime véritablement sa femme ne la trompe pas — non parce que les autres femmes ne l’intéressent pas, mais parce que celle qu’il a épousée l’intéresse bien plus que toutes les autres. Son amour purifie ses mobiles et met une barrière entre lui et les séductions extérieures. Il est libre, mais son amour devient effectivement une loi, une loi de « perfection ». C’est la loi du « cœur entier ».
La relation que l’Esprit de Dieu a établie entre nous et Christ est celle de l’amour ; Dieu nous fait confiance, il nous laisse libres, pour la bonne raison qu’il désire par-dessus tout un amour spontané de notre part. Or, sans cette liberté, l’amour ne peut être spontané ; il devient alors machinal et cesse d’être un vrai amour. Pour que l’amour existe entre Dieu et notre âme pardonnée, rachetée, Dieu ne peut faire autrement que de nous laisser libres. Seulement il nous rappelle à chaque instant le prix de notre liberté : le sang de Christ. Ce sang nous révèle l’amour insondable de celui qui nous a aimés le premier. Face à cette révélation, le péché devient à nos yeux intolérable, supportable ; le désir de vivre en communion avec ce Dieu d’amour nous fait haïr et fuir les choses qui le blessent, comme le jeune mari amoureux évite les habitudes et les fréquentations qui blesseraient son épouse.
Il existe donc, après tout, une loi pour le chrétien, la loi de l’amour. Jacques, le frère de Jésus, l’appelle : « la loi royale » et aussi : « la loi parfaite, la loi de la liberté » (Jacques 1.25 ; 2.8.12-13). Paul l’appelle simplement : « la loi de Christ » (Galates 6.2). Il déclare qu’il n’est pas lui-même sous la loi, mais qu’il n’est pas non plus sans la loi de Dieu, étant « sous la loi de Christ » (1 Corinthiens 9.20-21 Version Segond).
Je n’aime pas beaucoup cette traduction « sous la loi de Christ », adoptée par plusieurs de nos versions, sans doute parce qu’il n’existe aucune expression en français qui corresponde au grec : ennomos Christou. Le sens littéral de ennomos est : « en loi, dans la loi, légalisé » vis-à-vis de l’état ou d’une autorité quelconque. C’est le contraire de anomos qui signifie « sans loi » ou « hors la loi, illégal » (traduit dans 2 Thessaloniciens 2.8 par Segond : « l’impie », titre de l’antichrist qui sera l’homme totalement « sans loi » ou « en dehors de la loi » de Dieu).
Celui qui est ennomos est au contraire intégré dans la société, il reconnaît et accepte ses lois et vit en conformité avec elles, ne serait-ce que par choix. C’est par ce terme que Paul décrit la relation qui existe entre lui et Christ. Il n’est pas sous la loi, comme il l’était autrefois en tant que juif de l’ancienne alliance ; il est, au contraire, intégré en Christ, donc « intégré dans » la loi de Christ ; ou bien : « associé à sa loi ». Sa relation spirituelle avec Christ, relation de pur amour, l’avait amené à accepter de tout son cœur la loi de Christ — qui est justement l’amour. Il avait comme motif, dans toutes les démarches de sa vie, l’amour de Jésus-Christ qui le poussait à aimer les hommes afin de les amener à « s’intégrer », eux aussi, en Christ.
Du fond de son angoisse, le Seigneur Jésus, la veille de sa mort, mit le comble à son amour pour ses pauvres jeunes apôtres bafoués, effrayés par les événements. Non seulement il leur communiqua ce soir-là le sens ultime de son enseignement (Dans les chapitres 14 à 16 de l’Évangile de Jean.) , mais il institua la Sainte-Cène et, au cours de celle-ci, la nouvelle alliance, ce merveilleux contrat entre Dieu et les hommes que tous les prophètes depuis Moïse avaient langui de voir.
Les apôtres, pourtant, comprirent si mal la signification de ces choses qu’ils se laissèrent aller à une nouvelle querelle — au moment même de la Cène — au sujet de celui qui devait occuper « la première place » dans le royaume.
Le Sauveur alors, tout humilié et triste, se mit à genoux devant ses disciples afin de leur laver les pieds ! Puis, en se relevant, il leur demanda : « Comprenez-vous ce que je vous ai fait ?... Si donc je vous ai lavé les pieds, moi le Seigneur et le Maître, vous devez aussi vous laver les pieds les uns aux autres... Si vous savez ces choses, vous êtes heureux pourvu que vous les pratiquiez. » (Jean 13.12-17)
L’un de ceux qui étaient présents ne put supporter cet enseignement, il sortit vite dans la nuit : c’était Judas.
Puis, aux onze qui restaient, Jésus annonça sa nouvelle loi. Loin d’annuler la loi antérieure, elle y ajoutait une nouvelle dimension. Le Seigneur avait déjà insisté sur le devoir de l’homme d’aimer son Créateur de tout son cœur et son prochain comme lui-même. Mais maintenant, dans l’intimité du cercle de ses vrais fidèles, Jésus ouvre complètement son cœur et révèle le plein sens de la nouvelle alliance.
L’alliance de Moïse fut signée par le sang d’un sacrifice et accompagnée d’une révélation de la loi de Dieu. De même la nouvelle alliance, signée maintenant par le sang du Messie lui-même, est accompagnée d’une nouvelle loi que Jésus résume en une seule phrase : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. » (Jean 13.34-35). Et le lendemain matin, sur la croix, il démontra l’extrême étendue de cet amour.
Le disciple du Christ est appelé non seulement à aimer son prochain, c’est-à-dire tout le monde, comme lui-même ; mais, dans le cercle de l’église, entre citoyens du royaume de Dieu, il est tenu d’aimer son frère bien plus encore. En tant qu’enfants de Dieu, nous sommes appelés à nous aimer les uns les autres comme Dieu nous aime, comme Christ nous a aimés, au point d’accepter chacun d’être crucifié, s’il le faut, pour notre frère. Voilà ce que les apôtres de Jésus durent apprendre sur l’amour ce fut la nouvelle loi, celle qui accompagne inévitablement la nouvelle alliance.
Cet amour va infiniment au-delà de l’ancien commandement d’aimer son prochain comme soi-même. Aimer «comme soi- même», c’est pourtant une chose immense. Mais aimer « comme Christ nous a aimés », cela nous ouvre une dimension absolument nouvelle de l’amour, c’est-à-dire de la loi et de la connaissance de Dieu.
Jésus n’abolit certes ni la loi d’aimer Dieu de tout son cœur, ni celle d’aimer son prochain. D’ailleurs, l’amour du prochain devrait pousser l’Église à lui apporter à tout prix la lumière de l’évangile. Comment peut-elle prétendre aimer son prochain si elle n’est pas prête à lui donner le Nouveau Testament ? Le plus grand péché de l’Église a été l’égocentrisme, la tendance à s’occuper d’elle-même plutôt que d’évangéliser les nations. Encore aujourd’hui, après deux mille ans de christianisme et malgré toutes les facilités modernes, il reste 2000 langues n’ayant aucune portion écrite de la Bible. Il est vrai que ces peuples ne représentent qu’une fraction très faible de la population globale du monde ; cependant il est tout aussi vrai que les nations qui bénéficient d’une traduction de la Bible sont à peine évangélisées. Même en France et en dépit des gros efforts faits par quelques églises et mouvements ces dernières années, il est presque certain qu’il n’y a pas une personne sur cinquante (peut-être le chiffre est-il bien plus élevé encore) qui ait jamais possédé un Nouveau Testament.
Je sais que le monde est dur et son esprit opposé à l’évangile ; cependant l’histoire prouve que, dans certaines régions et à certaines époques, de fortes populations ont été atteintes en profondeur par le message de Christ. Je sais que Satan est puissant et qu’il tient les hommes sous sa domination, mais je crois de tout mon cœur que le Seigneur Jésus-Christ est infiniment plus puissant que lui. « Celui qui est en vous, disait-il à ses apôtres, est plus grand que celui qui est dans le monde » (1 Jean 4.4). Jean Sans aucun doute, l’Église est terriblement fautive dans ce domaine. Car, si tu aimes ton prochain, tu ne peux fermer les yeux au besoin spirituel des deux ou trois milliards qui n’ont jamais eu le Nouveau Testament entre les mains. L’amour du prochain t’ouvre les yeux sur la moisson éternelle.
Jésus savait très bien que l’Église ne pouvait aimer le monde au point de l’évangéliser à fond si elle n’était pas elle-même imprégnée d’un amour encore plus grand. Car si ses membres parviennent à s’aimer mutuellement de ce même amour miraculeux dont il les a lui-même aimés, amour impossible et inconcevable à l’homme naturel, ils auront un « superflu » d’amour irrésistible à communiquer aux âmes perdues.
Quand l’Esprit de Dieu remplit tous les individus d’un groupe, cet amour surnaturel (oui, c’est vrai !) se manifeste inévitablement. L’unité extraordinaire qu’il crée entre tous, la confiance, la limpidité, la pureté, la sincérité, l’affection divine, la patience, la capacité de supporter et de pardonner : tout cela présente à l’homme inconverti un spectacle bouleversant, presque incroyable. Il découvre à travers cette ambiance la présence même de Christ. Il en est convaincu et il réagit : ou bien il rejette la révélation avec une méchante fureur, ou bien il se prosterne et reçoit l’Esprit de Christ dans son cœur afin d’être sauvé... et intégré dans cette merveilleuse communion.
Le Seigneur Jésus a bien dit : « C’est à ceci que tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l’amour les uns pour les autres » (Jean 13.35). Ce ne sont pas nos arguments intellectuels qui convaincront les hommes, bien que ceux-ci soient souvent très nécessaires pour clarifier leur vision et enlever leurs préjugés ; ce n’est pas notre art de persuasion non plus qui les amènera au Christ crucifié ; seul l’Esprit de Christ les rendra capables de croire et d’accepter la croix et il se sert de deux moyens pour le faire : de la Parole de Dieu et... de toi ! Si tu es intégré dans un groupe uni, dont les membres sont « soudés » ensemble en Christ comme un seul homme, la force du témoignage de l’Esprit sera multipliée de façon presque illimitée. Le Seigneur a donc conçu l’Église comme un instrument idéal pour communiquer la vie au monde et cela se réalise si l’Église est remplie de l’amour surnaturel du Saint-Esprit.
Il n’est donc pas surprenant que Jésus appelle ce principe : « mon commandement » (Jean 15.12). La nouvelle alliance est signée avec son propre sang ; la nouvelle loi exprime la profonde signification de cette alliance. « C’est ici mon commandement, dit Jésus : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis » (Jean 15.12-13). « Mais Dieu prouve son amour envers nous, dit Paul, en ce que, lorsque nous étions encore pécheurs, Christ est mort pour nous... lorsque nous étions ennemis !... » (Romains 5.8-10).
Il est évident que ce commandement est, aux yeux de Jésus, plus important que n’importe quoi. Les chrétiens, dans leur zèle pour le Seigneur, mettent souvent tant d’accent sur d’autres commandements qu’ils oublient celui qui compte plus que tout le reste. Une fois né de nouveau, tu dois reconnaître que Dieu te demande avant tout d’aimer ton frère, tes frères. Le péché le plus flagrant de l’Église, c’est le manque de cet amour fraternel. C’est une carence qui réjouit le diable ; il met un grand pourcentage de ses efforts à nous garder divisés, car il redoute par-dessus tout la force du vrai amour de l’Esprit dans une église vivante.
Bien que Dieu considère l’amour fraternel comme une priorité, il ne nous laisse pas oublier qu’il y a une priorité encore plus grande : l’amour de Dieu lui-même, car c’est là « le premier et le grand commandement de la loi » (Matthieu 22.38). Dieu exige que j’aime mon frère comme Christ m’a aimé ; mais il exige que j’aime Christ même avant mon frère.
Cet équilibre m’empêche de tomber dans le sentimentalisme. Aujourd’hui le monde chrétien est parsemé de groupes de toutes sortes où l’on « s’aime fraternellement » tout en laissant en oubli des vérités fondamentales de sa Parole.
Si, par exemple, je donne ma main droite en signe d’association à un homme qui, se disant chrétien, nie en réalité la divinité de Christ, ou la valeur expiatoire de son sang, ou l’autorité absolue de sa Parole, je brise le premier de tous les commandements : je cesse alors d’aimer Dieu en premier. En m’associant en tant que chrétien à quelqu’un qui n’est en réalité qu’un « faux frère », je commets le péché monstrueux de l’aimer plus que Christ ; je laisse Dieu dans l’ombre, je méprise sa loi et sa vérité en faveur d’un homme ou des hommes qui ne sont au fond que des ennemis du vrai Évangile, du vrai Christ.
De même, en donnant l’autre main à quelqu’un qui se nomme frère mais qui nie effectivement l’autorité et la divinité de Christ en le mettant au même niveau que d’autres médiateurs, qui annule l’autorité de l’Écriture Sainte par une autorité contradictoire, telle que les traditions ecclésiastiques, ou qui rejette la valeur unique du sang de Christ en admettant d’autres moyens de salut, je refuse à Dieu l’amour absolu qui lui est dû. Une amitié « chrétienne » qui m’empêcherait ainsi de suivre Christ seul et de tout mon cœur, n’est en réalité qu’une véritable comédie spirituelle. Cet « amour fraternel » ne peut pas venir du Saint-Esprit ; il vient de l’homme, il n’est qu’une caricature de l’amour véritable.
Je ne peux pas m’associer en tant que disciple du Christ avec ceux qui effacent son visage par ce qu’ils interposent entre lui et mon âme, ni avec ceux qui veulent réduire son visage à une apparence squelettique. Je peux et je veux les aimer et les aider, mais ce serait trahir mon Maître que d’admettre une caricature de ce qu’il est. Ce serait sacrifier la vérité en faveur d’une fausse communion fraternelle ; ce serait faire un non-sens de l’évangile et remplacer l’image de Dieu par une parodie.
« Tu adoreras le Seigneur ton Dieu et tu le serviras lui seul » (Matthieu 4.10).
Notre devoir envers l’homme, que ce soit notre prochain ou même notre frère, passe toujours au second plan après notre obligation d’aimer Dieu en premier et de l’honorer par-dessus toute autre considération.
Jésus termina son ministère terrestre comme il l’avait commencé (Luc 3.21-23 ; 4.1-14), par la prière : d’abord sa magnifique intercession « sacerdotale » (Jean 17) puis celle qu’il présenta « avec de grands cris et avec larmes» (Hébreux 5.7) dans le jardin de Gethsémané. L’apôtre Jean fut sans doute si impressionné par l’intercession de son Maître qu’il put nous en transmettre l’essentiel en « mot à mot ». La substance de cette prière se résume en dix points :
Le plus cher désir de notre divin Sauveur, en se livrant à la mort pour nous, c’était de nous voir remplis de son Esprit, de l’Esprit de grâce, et ainsi, remplis d’amour au point d’être « un comme lui et le Père sont un ». Il demandait à son Père, comme dernière requête avant son supplice, de manifester au monde un portrait authentique de la divinité, l’image même de Dieu : ses disciples unis comme lui est uni à son Père.
Nous n’avons qu’à lire l’histoire de la chrétienté pour nous rendre compte du miracle de la grâce divine partout où les chrétiens ont compris et réalisé ce désir de leur Sauveur. Mais — ô tragédie incomparable ! — nous avons à nous rendre également compte de l’affreuse caricature que l’Église a offerte trop, trop souvent, au monde. On aurait cru que ceux, au moins, qui se disent « bibliques » auraient su rester unis et manifester aux hommes le vrai amour de Christ. Pourquoi ne sommes-nous pas tous, comme Jérémie, en larmes devant le spectacle de la désunion et de la méfiance qui existent aujourd’hui, même entre « évangéliques » ? Il n’est pas question de s’unir sur des bases non bibliques, avec de faux chrétiens : une telle unité ne serait et n’a jamais été que désastreuse. Mais pourquoi nous tous, qui professons la foi en Christ comme seul Sauveur et Médiateur, en son sacrifice comme seul moyen d’être sauvé et en sa Parole, la Bible, comme seule révélation divine authentique et définitive, pourquoi n’arrivons-nous pas à nous aimer suffisamment pour nous supporter, nous pardonner, nous épauler, nous encourager mutuellement ? Que manque-t-il à notre compréhension du Christ ?
Je désire au moins que toi, mon frère, et moi, nous puissions nous aimer comme Christ nous a aimés. Sans cela, à quoi bon s’appeler « chrétien » ?
Dieu étend sa plus riche bénédiction sur ceux qui obéissent à la loi de Christ, car ce sont eux qui sont véritablement remplis de son Esprit.
Ma vie a été enrichie à un point indescriptible par des amitiés sans nombre, de chrétiens de toutes tendances (pourtant foncièrement bibliques), de tous âges et d’une foule de nationalités. En Christ, les barrières artificielles disparaissent. Je compte parmi mes amis intimes et fidèles des jeunes et des vieux, des enfants et leurs parents, des étudiants et des ouvriers, des artisans et des handicapés, Européens, Africains, Asiatiques : peu importe l’arrière-plan social ; les couleurs de la peau ne font qu’un arc-en-ciel de richesses divines ; les différences d’âge ne comptent même pas. Ensemble, nous reconnaissons la présence de Christ ; partout où nous nous retrouvons et même absents les uns des autres, nous découvrons chaque année davantage combien il est beau d’appartenir à la famille de Dieu. C’est le royaume de Dieu sur la terre, un avant-goût de cette réalité dont nous attendons avec impatience la manifestation, le retour du Seigneur Jésus- Christ. Nos yeux sont fixés sur l’accomplissement de ses promesses et nous comptons sur l’établissement de son règne de paix et d’amour sur cette pauvre terre déchirée, tourmentée par la folie des hommes. Oh ! viens Seigneur Jésus !
« Si vous m’aimez », disait Jésus à ses disciples en cette nuit inoubliable que Jean raconte dans les chapitres 13 à 18 de son Évangile, « gardez mes commandements » (Jean 14.15). « Celui qui a mes commandements et qui les garde, c’est celui qui m’aime ; et celui qui m’aime sera aimé de mon Père, je l’aimerai et je me ferai connaître à lui... Si quelqu’un m’aime, il gardera ma Parole et mon Père l’aimera ; mon Père l’aimera et nous viendrons à lui et nous ferons notre demeure chez lui. Celui qui ne m’aime pas ne garde point mes paroles » (Jean 14.21, 23, 24).
Jean, qui entendait ce discours et nous l’a transmis, met l’accent dans sa propre épître sur cet enseignement de son bien-aimé Sauveur. « Si nous gardons ses commandements, écrit-il, par là nous savons que nous l’avons connu. Celui qui dit : Je l’ai connu et qui ne garde pas ses commandements, est un menteur et la vérité n’est point en lui. Mais celui qui garde sa parole, l’amour de Dieu est véritablement parfait en lui : par là nous savons que nous sommes en lui. » (1 Jean 2.3-5).
Il est évident que la nouvelle naissance est accompagnée inévitablement du désir intense d’obéir aux commandements du Seigneur Jésus-Christ. Par le prophète Jérémie, Dieu avait déclaré que ce désir serait une marque essentielle de la nouvelle alliance : « Je mettrai ma loi au-dedans d’eux, je l’écrirai dans leur cœur » (Jérémie 31.33).
Un homme qui ne comprend pas cela n’est certainement pas né de nouveau.
Il est vrai que nous sommes justifiés uniquement par la foi en Christ, sauvés uniquement par sa grâce ; mais il est également vrai que nous n’avons pas été sauvés pour pécher, ni même pour vivre médiocrement. Christ nous a sauvés et libérés afin que nous vainquions (Apocalypse 2-3) et que nous marchions en nouveauté de vie : autrement il serait ressuscité en vain. Il n’y a pas le moindre doute qu’il s’attendait à ce que tous ses disciples obéissent à ses commandements car, en envoyant ses apôtres vers les nations au moment de son ascension, il leur dit : « Allez, faites de toutes les nations des disciples... et enseignez-leur à observer tout ce que je vous ai prescrit » (Matthieu 28.19-20).
Il est certain que les apôtres ont fait cela : la majorité des églises qu’ils ont fondées prenaient au sérieux les enseignements et les commandements de Christ. C’est ce qui explique leur virilité spirituelle et leur capacité extraordinaire de reproduction. Si donc le Seigneur exige une obéissance intégrale à « tout ce qu’il nous a prescrit », à combien plus forte raison exigera-t-il de nous une obéissance réelle et sérieuse à son commandement suprême, à son commandement « nouveau » de nous aimer les uns les autres comme lui nous a aimés.
O mon frère, rejetons toute hypocrisie dans ce domaine, regardons-nous dans les yeux, soyons droits, ouvrons notre cœur à la lumière pénétrante du regard de Christ ! Lui qui nous a tant aimés, qui nous a tout pardonné, il nous appelle à vivre d’une manière digne de lui : une vie merveilleuse, un ciel sur la terre, une vérité qui peut rire des persécutions.
Voici le quatrième texte sur l’amour.
Jésus enseigne : « Je vous dis de ne pas résister au méchant. Si quelqu’un te frappe sur la joue droite, présente-lui aussi l’autre. Si quelqu’un veut plaider contre toi et prendre ta tunique, laisse-lui encore ton manteau. Si quelqu’un te force à faire un mille, fais- en deux avec lui. Donne à celui qui te demande et ne te détourne pas de celui qui veut emprunter de toi. » (Matthieu 5.39-42).
Paul dit aux Corinthiens : « C’est certes un défaut chez vous d’avoir un procès les uns avec les autres. Pourquoi ne souffrez-vous pas plutôt quelque injustice ? Pourquoi ne vous laissez-vous pas plutôt dépouiller ? » (1 Corinthiens 6.7).
Comme tous les enseignements du Seigneur Jésus que je connais, je trouve celui-ci si dur qu’il est humainement impossible à mettre en pratique. Mais lorsque je considère la vie de mon Maître et la manière dont il a vécu son enseignement, lorsque, enfin, je constate la façon dont Paul et les autres apôtres le mirent en pratique à leur tour, je comprends que cet idéal n’est pas une vision théorique : Jésus s’attend réellement à ce que nous vivions conformément à ses paroles. Si nous sommes remplis du Saint-Esprit, ce miracle se réalise.
Alors que j’étais missionnaire dans un pays hostile à l’évangile, j’ai dû comprendre que, dans ce monde, et en tant que disciple de Jésus, je n’avais aucun droit sinon celui d’obéir à Dieu coûte que coûte. C’est une leçon que j’ai constamment besoin de réapprendre et je crois que nous nous trouvons tous dans le même cas. Il s’agit du sacrifice ultime de notre ego, afin que Christ seul apparaisse.
On reproche souvent au vrai disciple de Jésus d’être défaitiste. Le marxisme le lui reproche aujourd’hui, disant qu’une attitude semblable ne changera jamais le monde ; que, pour vaincre l’injustice, il faut prendre les armes et employer toutes les méthodes afin de venir à bout des ennemis de la société. Mais Hitler a employé exactement le même argument et il a, lui aussi, méprisé l’éthique de Jésus. Sous l’ancienne alliance, lorsque Dieu avait une nation terrestre dans un pays terrestre, sa loi exigeait « un œil pour un œil et une dent pour une dent ». La loi de Moïse prévoit justement l’emploi de la force pour se faire respecter ; cependant sa loi était juste et condamnait la cruauté et les méthodes iniques.
Mais Jésus a apporté au monde un meilleur espoir. Alors que les hommes se croient justifiés en rendant le mal pour le mal, Jésus nous révèle le miracle des miracles : l’amour qui finit par vaincre la haine, le bien qui finit par triompher du mal.
Quand on fait le mal, même pour atteindre un but louable, on sème le germe d’un nouveau mal. Le mal engendre le mal, c’est inévitable et toute l’histoire le confirme. Le seul espoir pour l’humanité consiste à apprendre à aimer, à faire le bien, à donner l’exemple. Le bien que nous semons engendre à son tour le bien. C’est le seul moyen de sortir du cercle vicieux dans lequel l’humanité entière se trouve emprisonnée. Celui qui accepte la solution de Jésus est réellement libre, éternellement libre, même si les hommes l’enferment dans un camp de concentration. Son âme est guérie de la haine. Il est en paix, même s’il souffre ; alors que celui qui tire vengeance de son prochain ne connaîtra jamais la paix.
Ayons le courage de lire le reste de notre texte :
« Aimez vos ennemis, dit Jésus, bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous haïssent et priez pour ceux qui vous maltraitent et vous persécutent, afin que vous soyez fils de votre Père qui est dans les cieux ; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons et il fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes. » (Matthieu 5.43-45).
Si aujourd’hui, dans tous les pays du monde, les hommes d’État, les philosophes, les militaires, les industriels, les techniciens, les ouvriers, les hommes et les femmes commençaient à mettre en pratique cet enseignement si simple du Christ, le monde connaîtrait au bout de quelques jours une paix, une stabilité, un espoir tels qu’il n’a jamais su en atteindre de semblables. Jésus, qui n’était qu’un simple ouvrier, est néanmoins le plus grand des philosophes, le seul homme capable de gouverner les nations. Nous, ses disciples, nous attendons avec impatience le grand jour où nos aspirations se réaliseront, où sa loi d’amour animera tous les êtres vivants.
Parmi les grands penseurs, Jésus est le seul à enseigner ce principe. Toutes les philosophies, toutes les religions, enseignent aux hommes d’aimer ceux qui les aiment... Mais Jésus pose alors la question : « Quelle récompense méritez-vous ? Les publicains n’agissent-ils pas de même ? Et si vous saluez seulement vos frères, que faites-vous d’extraordinaire ? Les païens aussi n’agissent-ils pas de même ? » (Matthieu 5.46-47).
Puis de conclure : « Soyez donc parfaits, comme votre Père céleste est parfait » (Matthieu 5.48). Aucun homme ne peut être « parfait » comme Dieu dans le sens de l’impeccabilité ; mais le terme grec téleios signifie « total, complet, entier, accompli, réalisé » : c’est le mot que Jésus emploie quand il crie sur la croix : « Tout est accompli. » Cette phrase est un ordre : soyez parfaits. Ne pas l’être est donc une désobéissance, un péché.
Le mot téleios signifie également « mûr, adulte » et je crois y apercevoir la pensée de Jésus. Si je suis rempli jour après jour deson Esprit, celui-ci développera sa vie en moi jusqu’à la maturité : je serai spirituellement « adulte ». Son œuvre de sanctification en moi se réalisera. La volonté de Dieu s’achèvera dans ma vie.
Dieu est « entier » dans tout ce qu’il fait. Il me demande également d’être « entier » dans toute ma pensée, dans toutes mes paroles et mes actions. Il exige de moi un cœur entier et par là il entend : un cœur qui aime de façon entière. C’est ce qu’il appelle « maturité spirituelle », le fruit de son Esprit.
Jésus n’était pas faible. Pour comprendre le sens de l’amour, il faut étudier sérieusement sa vie. Il était tendre, mais jamais faible. Face à l’hypocrisie, à l’erreur, à l’injustice il était intransigeant ; il les démasquait sans crainte et sans pitié. C’est justement parce qu’il réagissait si puissamment contre le mal que les autorités, elles-mêmes impliquées dans le mal, le crucifièrent. C’est une illusion que de supposer que le Fils de Dieu était si doux qu’il fermait les yeux sur le péché. Au contraire, il a des yeux de flamme (Apocalypse 1.14). On peut résumer son attitude en deux propositions : il aime le pécheur, mais il hait le péché.
Cette attitude doit être également celle du disciple de Jésus. Nous sommes tenus d’aimer les hommes, mais non d’aimer le péché. En fait, si nous les aimons, nous sommes tenus de leur apporter la lumière de la Parole de Dieu, qui expose et condamne le péché.
Le monde chrétien présente aujourd’hui un spectacle ahurissant. D’un côté, nous voyons les innombrables divisions, non seulement entre dénominations et positions doctrinales, mais encore entre personnalités et souvent pour des raisons absurdes. Mais d’un autre côté nous voyons le regroupement de chrétiens de toutes tendances, unis par les liens d’une sympathie qu’on appelle l’amour mais qui ne tient aucun compte même de graves erreurs doctrinales. On dit : « La doctrine est secondaire, c’est l’amour qui compte. »
Si par « doctrine », on entend les questions réellement secondaires, on a raison de faire passer la communion avant la controverse ; mais si, par « doctrine », on entend des questions fondamentales à la vérité évangélique et biblique, alors là, on se place sous la condamnation de Dieu. Cette attitude est malheureusement très répandue dans le monde aujourd’hui et à mon avis elle est extrêmement dangereuse ; elle ne peut qu’attirer le jugement de Dieu sur l’Église. Nos ancêtres sont allés en prison et aux galères, ils ont été brûlés vifs au bûcher, afin de mettre en lumière l’essentiel du Nouveau Testament. Et ils nous ont transmis ceci au prix de leur liberté ; pour nous, ils ont accepté le martyre, et nous aujourd’hui, laisserions-nous « coiffer » la foi biblique d’un amour factice, un sentimentalisme qui n’est autre chose qu’un « flirt » avec l’erreur !
Non ! Dieu te demande d’aimer tes ennemis même, mais non d’aimer ce qui est contre sa Parole. Il faut aimer Dieu plus que les hommes (Les limites de la communion fraternelle sont étudiées sous la rubrique de la troisième opération de l’Esprit.).
L’amour ne peut être séparé de la discipline. La Bible dit que les parents doivent châtier leurs enfants. « Celui qui ménage la verge hait son fils, mais celui qui l’aime cherche à le corriger » (Proverbes 13.24). Les anciens de l’église sont tenus de veiller sur l’enseignement et le comportement des membres (1 Jean 1.5-6). Il est ordonné au prophète « de faire entendre au peuple les paroles de Dieu et de le faire revenir de sa mauvaise voie » (Jérémie 23.22). Paul a envoyé Timothée à Éphèse pour « ordonner (le mot grec est très fort ; c’est le terme utilisé pour un ordre militaire) à certaines personnes de ne pas enseigner d’autres doctrines »... (1 Timothée 1.3Segond traduit : « recommander » ; mais ce mot ne contient pas la force du terme grec.). « Déclare ces choses et enseigne-les », dit-il (1 Timothée 4.11). Et à Tite il dit : « Dis ces choses, exhorte et reprends avec une pleine autorité » (Tite 2.15). Paul, dans l’église d’Antioche, a été poussé par Dieu à reprocher courageusement à Pierre son péché devant tous, car tous étaient impliqués dans les conséquences (Galates 2.11, 13, 14.).
Un amour « fraternel », une « communion » qui tolèrent des erreurs graves ne peuvent être le fruit de l’Esprit. « Dieu est lumière et il n’y a point en lui de ténèbres... Si nous disons que nous sommes en communion avec lui et que nous marchions dans les ténèbres, nous mentons et nous ne pratiquons pas la vérité » (1 Jean 1.5-6). Cet amour est une contrefaçon satanique.
Tu ne peux pas aimer quelqu’un que tu ne respectes pas. Un enfant ne ressent pas un véritable amour pour ses parents s’il les méprise. Nous ne pouvons aimer Dieu si nous ne le craignons pas, c’est-à-dire, si nous ne le respectons pas. Si nous ne respectons pas non plus les vérités qui lui sont propres, comment pourrons-nous prétendre l’aimer ? Et si nous n’aimons pas réellement Dieu, comment pouvons-nous éprouver un amour sincère pour ses enfants ?
La lumière est inséparable de l’amour. Dieu est l’un et l’autre et nous, ses enfants, nous ne pouvons connaître l’un sans l’autre. La merveille de l’évangile, c’est son équilibre parfait : c’est un phénomène miraculeux, l’œuvre incontestable du Saint-Esprit.
Sois assuré de ceci, mon frère : si tu es rempli de l’Esprit de Dieu, tu es rempli de lumière et d’amour, tout à la fois. Dieu est amour, Dieu est lumière, Dieu est Esprit : voilà la triple définition que Dieu nous donne de lui-même dans la Bible. Tu ne peux être rempli de l’Esprit sans connaître l’amour ineffable de Dieu ni la lumière éblouissante de sa vérité inaltérable et intransigeante. Tu ne peux être rempli de l’Esprit sans être en même temps rempli de la Parole de Dieu. Tu ne peux aimer Dieu si tu n’aimes pas la vérité.
L’apôtre Paul poussé par sa vision céleste, a envahi le monde grec avec son message bouleversant de la grâce de Dieu. Mais que voulait-il dire par « la grâce » ? Ce terme, devenu presque banal pour le monde chrétien, a souffert, comme tant d’autres mots, à travers les siècles ; il nous est difficile de saisir tout le sens qu’il avait pour Paul et pour son auditoire de langue grecque.
Charis, que nos versions traduisent par « grâce », signifiait à l’origine : « la beauté ; ce qui est gracieux, qui plaît, qui apporte la joie ». Pour les Grecs, si « amourachés » de beauté, la véritable source de la joie était la beauté. Ainsi, charis vient de la même racine que chara (joie) et chairô (se réjouir).
Au cours des générations, le mot charis a acquis une deuxième signification et c’est dans ce sens-là surtout qu’il est employé dans le Nouveau Testament. Lorsque, dans ce monde païen si cruel, un homme épargnait son ennemi ou libérait son esclave, les Grecs trouvaient ce geste si extraordinaire qu’ils l’appelaient charis : c’était la beauté même. Ce mot servait alors à exprimer l’idée de la générosité et surtout d’une générosité qui surprenait.
C’est par ce mot charis que l’apôtre Paul introduisait partout dans la pensée grecque sa conception du Dieu de Jésus-Christ. Il prêchait la bonne nouvelle de la beauté de Dieu. Il annonçait le seul vrai Dieu, Créateur de tout ce qui existe, auteur de la lumière et de la pluie, du printemps, de la moisson, de l’aurore et des étoiles : un Dieu si beau que nos imperfections nous font paraître à ses yeux comme de la pourriture, un Dieu qui ne peut tolérer le mal ni excuser la faillite morale. Il leur racontait la plus belle histoire des siècles : la vie si pure de Jésus de Nazareth, sa divine compassion, sa loi d’amour, sa puissance sur la maladie et la mort. Voilà, disait-il, la définition de la charis du Créateur, exprimée dans la vie d’un homme, beauté qui nous confond et nous condamne tous, tant la comparaison entre sa vie et la nôtre devient insupportable.
Mais Paul avait encore quelque chose à dire. Il racontait comment Jésus avait été trahi par ses amis, ses souffrances inimaginables aux mains de la police religieuse et des légionnaires romains, son procès inique, sa condamnation à mort, sa croix... et sa résurrection ! Je vous annonce, disait-il, un Dieu auquel vous n’auriez jamais cru : la crucifixion de son Fils est pour nous l’expression ultime de sa charis, une générosité inouïe, un amour qui a enfin trouvé le moyen de nous réconcilier avec lui. Voilà le portrait du vrai Dieu. Croyez à cette bonne nouvelle et vous serez libérés pour toujours ! Comment refuser une telle beauté, une telle générosité ?
Est-il étonnant que Dieu ait amené tant d’hommes à la foi par la prédication de Paul ?
Dérivé de la même racine que charis, le mot charizomai apparaît plus de vingt fois dans le Nouveau Testament. Il est traduit onze fois « donner » (Luc 7.21 ; Actes 3.14 ; 25.11, 16 ; 27.24 ; Romains 8.32 ; 1 Corinthiens. 27.24 ; Galates 3.18 ; Philippiens 1.29 ; 2.9 ; Philémon 22) et douze fois « pardonner » (Luc 7.42-43 ; 2 Corinthiens 2.7, 10 ;12.13 (trois fois) ; Éphésiens 4.32 (deux fois) ; Colossiens 2.13 ;3.13 (deux fois).
Il existe un autre mot grec pour « pardonner » : aphiêmi. Celui-ci se trouve beaucoup plus souvent dans le Nouveau Testament et il exprime également le pardon merveilleux de Dieu. Mais sa signification fondamentale est plutôt : « laisser, laisser partir, quitter », ou même : « abandonner ». Par exemple : « Alors le diable le laissa » (Matthieu 4.11). « Laisse là ton offrande devant l’autel » (Matthieu 5.24). « La fièvre la quitta » (Matthieu 8.15).« L’un sera pris et l’autre laissé » (Matthieu 24.20). « Voici, nous avons tout quitté » (Matthieu 19.27).
Lorsque ce mot aphiêmi est traduit « pardonner », le sens est plutôt : « relâcher, libérer, affranchir de sa culpabilité ». Cela correspond vraiment à l’action de Dieu quand il nous pardonne. Par exemple, le Seigneur Jésus, même sur la croix, emploie ce mot quand il dit : « Père, pardonne-leur... » (Luc 23.34).
Pourtant, le mot charizomai va plus loin que aphiêmi ; il signifie littéralement : « exercer la grâce », ou bien : « être généreux », comme Dieu est généreux en Christ. C’est ce mot que Paul utilise chaque fois qu’il parle du pardon, que ce soit le pardon de Dieu ou le pardon réciproque entre frères. Pour Paul, pardonner signifie agir comme Christ, être comme Christ, supporter, souffrir, aimer, pardonner comme Christ. Et, pour Paul, Christ résume en sa personne toute l’ampleur et la profondeur de cette qualité divine. « Vous connaissez la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ, qui pour vous s’est fait pauvre... », écrit-il aux Corinthiens (2 Corinthiens 8.9). C’est le thème de ses épîtres.
« Pardonner » signifie donc pour Paul : « agir divinement », « ressembler à Jésus ». Comme Jésus nous a pardonné toutes nos offenses gratuitement, généreusement, définitivement, ainsi son disciple doit absolument pardonner à son frère... généreusement.C’est cela « aimer comme Christ nous a aimés ». C’est la beauté même.
Avant de quitter ce sujet, il serait bon de regarder deux autres mots grecs dérivant de la même racine que charis :
Eucharistia (d’où vient le mot français : « eucharistie ») signifie tout simplement « gratitude, reconnaissance, acte de reconnaissance ou de remerciement ». Dans le Nouveau Testament il se trouve quinze fois et n’a aucune autre signification. Oh ! Que les hommes l’ont compliqué au cours des siècles !
Si l’Église des premiers siècles s’est servie de ce mot (parmi d’autres !) pour décrire la Sainte-Cène, c’est parce qu’elle voyait la fraction du pain comme un acte de reconnaissance envers le Christ qui l’avait sauvée de ses péchés, et non comme un moyen d’obtenir le salut.
Le verbe eucharisteô se trouve presque quarante fois dans le Nouveau Testament, où il signifie chaque fois : « rendre grâces, remercier ». C’est simple. C’est beau.
« Le charisma de Dieu, dit Paul, c’est la vie éternelle » (Romains 6.23). Charizomai signifie en grec : « donner » alors que le nom charisma signifie : « la chose donnée, le cadeau, le don ». Ce n’est pas plus compliqué que cela ! Or, tout ce que Dieu nous donne est un charisma, un charisme, un cadeau. Sa vie, son Fils, son Esprit : tout cela représente son magnifique « cadeau ». C’est la grâce, la charis de Dieu qui se concrétise dans un acte de générosité incomparable.
Une dizaine de fois dans le Nouveau Testament, ce mot charisma est employé pour décrire les diverses formes par lesquelles la grâce de Dieu peut se manifester dans la vie des croyants. Celui qui est rempli de l’Esprit de Dieu est rempli de sa grâce, de sa générosité, et celle-ci se traduit par le service pour les autres, en se rendant utile, en donnant, en communiquant ce qu’il a reçu, que ce soit matériel ou spirituel. Cette question sera traitée plus en détails sous la rubrique des « dons de l’Esprit ».
L’homme ne peut vivre sans beauté. Lorsqu’il est jeune, quelle que soit sa façon de s’exprimer, au fond, c’est la beauté qu’il cherche. Ce désir explique l’attrait qui amène des millions d’êtres humains chaque année à se réfugier loin des grandes villes, en haute montagne, au bord de la mer, ou dans une paisible campagne. C’est cette même soif de beauté qui le fait tomber amoureux d’une jeune fille et qui lui donne un idéal dans la vie et une raison d’être. C’est ce même besoin de beauté qui le pousse à entreprendre des œuvres d’art ou de prouesse.
Dès que le cynisme lui enlève ce mobile, sa personnalité se dégrade. Ses énergies se dissipent dans l’activisme ou dans la débauche, ou sont canalisées vers un but en contradiction avec son origine : l’image de Dieu s’estompe dans un brouillard spirituel ; sa capacité à faire le bien est évincée par la poursuite de l’argent, du pouvoir ou des excès sexuels. Il cesse d’être un vrai homme selon la conception de Dieu.
Si tu te donnes la peine de rester pendant un quart d’heure à l’angle d’une rue dans n’importe quelle grande ville et de regarder les visages des passants, tu me donneras raison. Les enfants ont souvent le regard délicieux ; les adolescents portent encore l’empreinte du doigt d’un Dieu de beauté sur leur visage, mais même là tu percevras déjà les ravages de la maladie spirituelle de l’homme. Sur les visages des personnes d’un certain âge tu chercheras presque en vain les traits de l’image de Dieu : la souffrance, la désillusion, la méchanceté y sont écrites impitoyablement par les années successives. Alors que chez les vieux... oh ! pitié ! Rare, mais rare est le visage d’une personne âgée qui inspire par son regard... Le péché a fait son travail ; ce sont pour la plupart des épaves de l’humanité ; c’est le spectacle le plus triste, le plus troublant qui soit sur cette planète. « Le péché, dit Jacques, étant consommé, produit la mort » (Jacques 1.15). Et penser que, sans Christ, ce serait également ton sort, mon frère ! Celui qui vit dans l’intimité de Dieu porte dans son regard une expression de gloire divine qui rend de plus en plus belle la vieillesse. Quand tu auras soixante ans, on verra sur ton visage l’état de ton âme. Le visage est la fenêtre de l’homme intérieur.
L’homme est fait pour aimer et c’est surtout la beauté qui crée l’amour. Dès que Dieu commence à se révéler à un homme, celui-ci aperçoit une nouvelle beauté insoupçonnée qui captive son cœur, sa pensée, ses désirs, ses énergies. Toute sa vie est orientée ensuite vers un objectif extraordinaire : il sait pourquoi il vit. Il sait même que la beauté du Créateur, si merveilleusement exprimée et devenue accessible en Christ, est la seule chose qui puisse satisfaire son âme. L’Esprit de Dieu se met à l’inscrire dans sa pensée, à la réaliser dans sa vie de tous les jours, dans l’expression de sa foi. Même à un âge avancé, cet homme a un but, une raison d’être qui donnent à son existence une signification infinie. Découvrir Dieu, c’est découvrir la beauté absolue. Comment ne pas l’aimer de tout son cœur ?
Mon frère, ne vois-tu pas la raison pour laquelle Dieu te demande de l’aimer de tout ton cœur ? « Garde ton cœur plus que toute autre chose, car de lui viennent les sources de la vie ! » (Proverbes 4.23).
« Mon fils, donne-moi ton cœur » (Proverbes 23.26). C’est la voix du Saint-Esprit à ton oreille.
C’est cela, la plénitude de l’Esprit.