L’Église chrétienne a eu de bonne heure ses controversistes. L’histoire nous montre, en effet, que l’on s’efforça bientôt de substituer à la sublime simplicité de l’Évangile un vaste système de dogmes et de mystères, et la liberté que Jésus avait proclamée ne tarda pas à reculer devant l’autorité ecclésiastique. Qu’il nous suffise ici de constater le fait, laissant à d’autres le soin d’en chercher les causes et les conséquences. La Réforme vint ranimer l’esprit de controverse. Le clergé catholique n’avait accepté l’édit de Nantes que comme une nécessité provisoire et dont il comptait se débarrasser un jour, quand les circonstances le lui permettraient. Dans sa pensée, l’extirpation de l’hérésie resta le but à atteindre ; mais au lieu de chercher la victoire uniquement par des mesures violentes ou perfides, par des supplices de toute nature ou par des pièges tendus aux consciences calvinistes, il fallut, dès la fin du seizième siècle, se placer sur le terrain de la discussion, et les livres ou les brochures publiés des deux côtés sont en grand nombre. Ces discussions furent on ne peut plus ardentes et prirent trop souvent le ton de libelles injurieux et diffamatoires. Dans les deux Églises on prétendait posséder la vérité absolue et on recourait aux invectives. L’excitation de la lutte faisait oublier que tous les hommes sont frères et que la charité reste toujours la plus grande des vertus et le premier des devoirs. Le protestantisme était pourtant mieux armé pour rendre cette lutte à la fois sérieuse et courtoise, et il produisit plus d’une œuvre importante où l’on rencontre une science réelle, malgré les erreurs du temps. Sans doute le mouvement scientifique qui avait signalé l’apparition de la Réforme avait été entravé par la tourmente des guerres religieuses, mais il devait reparaître, comme ces fleuves qui semblent se perdre sous terre, mais qui poursuivent leur invisible cours dans des profondeurs inexplorées. Le catholicisme, au contraire, ne cherchait qu’en dernier ressort à se défendre par la parole ou par la plume. C’est pour cela qu’il ne produisit d’abord aucun controversiste comparable à Duplessis-Mornay, d’Aubigné, Du Moulin, ces vaillants hommes d’action qui furent grands par la fermeté de leurs convictions et par l’austérité de leur vie. Sur le terrain de la discussion théologique, le catholicisme ne parvint donc que beaucoup plus tard à faire bonne contenance ; mais par une fâcheuse coïncidence, ce ne fut guère que dans la seconde moitié du dix-septième siècle, quand il s’apprêtait à recourir aux moyens les plus indignes pour ramener des hommes que leur foi tenait à l’écart.
Nous avons déjà dit que Claude se distingua parmi les défenseurs de la cause protestante ; nous allons maintenant en donner la preuve, et cet exposé nous fera connaître les grands sujets de controverse religieuse qui passionnaient alors les deux Églises.