D’aucuns pourraient objecter à ce qui précède que les affirmations bibliques ne concordent pas avec le point de vue que nous venons d’exposer.
Je répondrai à ces objections par quelques passages familiers et fréquemment cités qui me reviennent à l’esprit:
Invoque-moi et je te répondrai; je t’annoncerai de grandes choses, des choses cachées que tu ne connais Pas. {Jer 33}
Invoque-moi au jour de ta détresse; je te délivrerai et tu me Glorifieras. {Ps 50.15}
—Demandez et l’on vous donnera; cherchez et vous trouverez; frappez et l’on vous Ouvrira. {Mt 7.7}
Il semble d’après ces passages—et c’est ainsi que les générations ont pensé—que c’est notre demande qui pousse Dieu à agir; persistante, continuelle, elle est nécessaire pour provoquer l’intervention de Dieu. On dit habituellement que Dieu veut par là éprouver notre foi et, qu’avant d’exaucer nos requêtes, il cherche à produire en nous certains changements. Cette explication est, pour une part, indubitablement vraie; mais, sachons-le bien, elle ne l’est qu’en partie; car, si on considère la vérité entière, on se rend compte que cette explication laisse dans l’ombre une partie du sujet.
Nous apprenons à connaître Dieu par analogie et quoique ce procédé ne puisse nous donner une connaissance complète de Ses perfections infinies, c’est ainsi toutefois que nous nous rapprochons le plus de la vérité. Nous arrivons à connaître Dieu d’après ce que nous savons de nous-mêmes.
Observez comment les hommes donnent. Parmi ceux qui soutiennent des œuvres de bienfaisance, nous pouvons distinguer trois classes de donateurs, et, dans chacune, quelques nuances.
Il y a celui qui donne parce qu’il est influencé par les autres. Si un homme habile ou un comité lui adressent un appel, lui présentant adroitement leur cause, utilisant habilement son caractère, sa position, son égoïsme, lui montrant la possibilité d’un gain, lui disant ce que donnent des hommes dans la société desquels il aime à être classé, et ainsi de suite touchant à tout ce qui peut l’intéresser; s’ils persistent dans leurs demandes, il finira par donner. Il y mettra peu d’empressement, plus ou moins de bonne grâce, mais il donnera.
Il y a une deuxième classe: celle de l’homme bienveillant et généreux, désireux de donner et d’être ainsi utile à ses concitoyens. Il prête une oreille attentive à l’exposé qui lui est fait et n’attend, avant de donner, que d’avoir pu se faire une idée de l’importance de l’œuvre en question et de la somme qu’il doit offrir; ensuite, il donne.
La troisième classe de donateurs est moins nombreuse que les deux précédentes, c’est celle des hommes qui prennent l’initiative de leurs dons. Tel, par exemple, regarde autour de lui, fait des enquêtes, médite sur les besoins si nombreux de ses concitoyens. Il décide de donner là où son argent peut être le plus utile et, une fois qu’il a fixé son choix, il offre, lui-même, de donner. Sa générosité pourrait, il est vrai, être exploitée par des gens qui convoitent son argent pour d’autres œuvres que celles auxquelles il destine ses dons. Pour obvier à ce danger, il pose certaines conditions qu’il faudra observer et dont le but est d’établir des relations de sympathie entre lui et ceux qu’il voudrait aider.
L’un désire ardemment que l’histoire du Christ soit connue du peuple innombrable de la Chine. Il donnera cinq millions et chargera la Mission dans l’intérieur de la Chine d’en surveiller l’emploi, et cela d’une manière qui satisfasse à ses désirs d’évangélisation.
Un autre confiera à l’Union Chrétienne de Jeunes Gens de la ville qu’il habite une forte somme qui sera dépensée selon certaines conditions. Sa pensée n’est pas de fonder une organisation spéciale, mais d’en faire bénéficier une foule de jeunes gens de sa ville. Cet homme a appris à connaître cette association et il en devient ainsi un ferme soutien.
Un autre a le sentiment que si le peuple pouvait avoir de bonnes lectures, il en tirerait dans la vie un énorme avantage; et le voilà qui offre spontanément une fortune pour fonder dans la ville une foule de bibliothèques. Grâce à ce don splendide, des milliers de gens, qui aspirent à augmenter leurs connaissances, entrent en contact avec le donateur.
Dans tous ces cas, la pensée du généreux bienfaiteur est d’obtenir certains résultats auprès de personnes qui, pour une raison ou pour une autre, lui sont sympathiques.
Il est difficile d’assimiler les actions de Dieu aux nôtres; toutefois, de ces trois manières de donner, il n’y en a qu’une, une seule, qui puisse nous indiquer comment notre Père donne.
Quoique mes paroles puissent être taxées de superficielles, je suis de plus en plus porté à croire que la plupart d’entre nous croient, sans y réfléchir davantage, que Dieu exauce nos prières à la façon du premier donateur. D’autres l’assimilent au second. Il n’en est pourtant rien; ni l’une ni l’autre manière ne se rapproche de celle de Dieu; la troisième seule évoque le Dieu d’amour qui écoute et qui donne.
Notre Père désire ardemment reconquérir Son monde prodigue et chacun de Ses enfants; il Lui tarde de voir abolis les effets du péché et de contempler une humanité transformée. Pour atteindre ce résultat, Il prend l’initiative. Mais tout ce qui est fait pour l’homme doit être nécessairement fait par l’homme, par son consentement libre et joyeux. Les obstacles à ce but ne sont ni innombrables, ni insurmontables; ils sont néanmoins nombreux et importants; le prétendant est fin, rusé et passé maître dans l’art de manier les hommes; les volontés sont faussées, affaiblies; les consciences sont souillées; les esprits sont endormis et les sensibilités désespérément émoussées. Le péché n’a pas seulement souillé la vie; il a faussé le jugement, sapé la volonté, et aveuglé l’œil intérieur. La tâche de Dieu s’en trouve compliquée, parce que tout changement doit nécessairement intervenir par l’intermédiaire de ces volontés faussées et diminuées.
Mais, si difficile que ce soit, le plan de Dieu est simple; son appel est merveilleusement clair. «Invoque-Moi, dit-il, et Je te répondrai; Je t’annoncerai de grandes choses, des choses cachées que tu ne connais pas.» Lorsqu’un homme L’invoque, cela prouve qu’il a déjà tourné sa face vers Lui. Sa volonté a agi et agi doublement: en l’éloignant du mal et en le rapprochant de Dieu. C’est un simple pas, mais un pas capital.
Cette invocation est le point de contact avec Dieu, le point où Sa volonté et celle de l’homme s’unissent. Celui qui crie au secours est entouré de difficultés et soupire après la délivrance. Dieu, qui lui parle, a vu depuis longtemps ces difficultés et, de tout temps, Il a désiré les écarter. Maintenant l’accord est complet et Dieu, grâce à cette volonté qui s’unit à la Sienne, atteint facilement Son but.
Cela nous amène à cette question si souvent posée: Dieu se laisse-t-il influencer par nos prières? Aucun problème n’a été plus souvent et plus sérieusement discuté. Des incrédules, doublés de savants, ont répondu nettement: «Non». Des chrétiens, des gens instruits, mais possédant une forte foi, ont répondu avec une certitude égale: «Oui».
Fait singulier; ils ont raison les uns et les autres; non pas, il est vrai, qu’ils aient raison dans toutes leurs affirmations, ni dans toutes leurs croyances, ni même dans toutes leurs manières de penser, mais dans leurs conclusions dernières, exprimées par ces mots si brefs: «Non! Oui!»
La prière n’influence pas Dieu.—La prière influence sûrement Dieu. Elle n’influence pas Son but, elle influence Ses actes. Chaque chose pour laquelle on Le prie, chaque chose juste, évidemment, a été déjà l’objet de Ses pensées, mais il ne fait rien sans notre consentement. Son plan a été entravé par notre manque de bonne volonté. Quand nous apprenons à connaître Ses intentions et que nous en faisons un objet de prières, nous Lui donnons par là même l’occasion d’agir.
Il en résulte un double effet, heureux pour l’homme, néfaste pour Satan. Notre simple consentement annule l’opposition du diable; il ouvre les voies à Dieu et enlève les obstacles. La route, dès lors, est libre pour l’exécution du plan prémédité.
La question des lois de la nature, introduite parfois à ce sujet, est affaire purement accessoire. Elles ne sont que les simples moyens d’action dont Dieu se sert en face des forces secondaires; elles ne rentrent pas dans le plan de Dieu qui n’a pour but qu’un résultat moral. Que le soleil reste quelques minutes de plus au-dessus de tel ou tel point de la terre, c’est un simple détail de fort peu d’importance pour le Créateur, Son pouvoir n’en est pas affecté, car tout est entre Ses mains; Son plan non plus n’en est pas modifié, car Il a pour but des résultats bien plus sérieux.
Le péché a plongé la terre dans une situation si critique, que de telles interventions sont parfois nécessaires, pour que le plan de Dieu puisse se réaliser.
Dans les situations critiques, toute règle de conduite, divine ou humaine, est changée. C’est alors qu’on peut juger de la valeur d’un homme.
Si un homme jette à terre le fardeau qu’il porte et se précipite au milieu de la rue; si, sans motif apparent, il saisit convulsivement quelque chose sur le sol, nous concluons immédiatement qu’il est fou. Mais s’il accomplit le même acte pour se précipiter au secours d’un petit enfant qui trottine presque sous les sabots des chevaux ou sous un tramway électrique, personne ne pensera à le critiquer; on admirera au contraire, son courage, sa décision, et on attendra avec anxiété le résultat de son intervention.
Les situations imprévues obligent à une initiative particulière; quand elles se produisent, elles mettent notre force à l’épreuve; elles justifient nos actes et elles expliquent d’une manière satisfaisante ce que rien d’autre ne pourrait expliquer.
Le péché a plongé le monde dans une situation critique. Mis en présence de ce fait terrible, serons-nous des hommes de prière, des hommes capables des plus grands efforts que l’on puisse demander à des créatures mortelles? En face de ce fait inouï, commencerons-nous de comprendre l’intervention de Dieu dans l’histoire et dans nos vies? Le plus grand événement qui eut lieu sur la terre, la croix, fut, lui aussi, un événement imprévu sortant des lois de l’histoire.
Le fait que la prière ne produit aucun changement dans la pensée et dans le but de Dieu révèle d’une manière touchante son amour merveilleux.
Supposons que je désire vivement quelque chose et que cette chose me soit absolument nécessaire. Je vais à Dieu et je la Lui demande. Supposons aussi qu’il hésite à m’exaucer, qu’il n’ait pas le désir de m’accorder l’objet de ma demande, qu’il hésite vraiment. J’insiste, je plaide, je persiste dans mes supplications, et Dieu, peu à peu, est frappé de mon sérieux; Il voit que j’ai besoin de cette chose et, dans sa bonté, Il m’accorde ce que je demande. N’est-il pas un Dieu d’amour d’écouter ainsi mon appel? Assurément. N’avons-nous pas vu souvent de telles scènes se passer entre l’enfant et son père? L’enfant pense en lui-même: «Comme mon père m’aime! Il m’a donné ce que je lui ai demandé».
Mais supposons que Dieu pense sans cesse à moi. Dans son cœur, Il forme des plans d’amour pour moi, Il a le vif désir de me donner une grande part de ce qu’il possède. Cependant, dans Sa sagesse, Il ne me la donne pas, parce que je ne connais pas mes propres besoins. S’il me donnait ce qu’il a décidé de m’accorder avant que j’en aie compris la valeur et senti le besoin, je pourrais en abuser. Mais, dès que j’apprends à connaître mes besoins et la valeur des grâces divines, Dieu se réjouit de cet heureux changement en moi et Il s’empresse de répondre à mes prières.
Dites-moi, un tel Dieu n’est-il pas plus digne d’adoration que le premier? Jésus a dit: «Votre Père connaît vos besoins avant que vous les formuliez».
Dieu est un Père. Il a pour le monde un amour paternel, on pourrait même dire un amour maternel. Il sait tout ce dont nous avons besoin, et il a décidé d’avance de nous le donner. Pour moi, la grande question, quand je demande un exaucement personnel, est celle-ci: Est-ce que je connais ce qu’il sait me manquer? Est-ce que je pense à ce qu’il estime m’être nécessaire? Souvenez-vous aussi que Dieu est plus consacré à Son plan d’amour que le plus sage, le plus aimant des pères que nous connaissions. Une mère pense aux besoins de son enfant, à la nourriture, aux petits plaisirs, au luxe même. Ainsi fait Dieu à notre égard, mais Il est plus aimant et plus sage que le meilleur d’entre nous.
J’ai souvent pensé que si Dieu venait à me dire: «Je désire te donner quelque chose comme preuve spéciale de Mon amour, parce que je t’aime, que désires-tu avoir?» je lui répondrais: «Mon Dieu, choisis. Je choisis ce que tu choisiras».
Il pense à moi; Il sait à quoi je pense; Il connaît mes plus grands désirs et Son amour est si grand, qu’il choisirait quelque chose de plus beau que ce que j’aurais souhaité. Tel est notre Dieu. La prière ne change pas, ne peut pas changer un Dieu si bon. Pour toute chose juste et bonne nous pouvons recourir à Lui, car Il a déjà décidé de nous l’accorder; mais la prière ne modifie pas la volonté de Dieu; Il ne peut donner contre notre volonté, et notre consentement, exprimé par notre demande, Lui fournit seulement l’occasion de faire ce qu’il avait déjà décidé.
Il y a une prière par excellence, la plus belle que l’on puisse adresser à Dieu; c’est la base de toute vraie prière, l’aliment de toute supplication inspirée par l’Esprit. Jésus lui-même nous la donne; c’est la seule qu’il nous laissa. Elle est courte, mais puissante; quatre mots: «Ta volonté soit faite!»
Recueillons-nous et approfondissons le sens de cette parole; que sa force, son essence, entre dans nos cœurs et les remplisse.
«Ta» volonté; celle de Dieu.
Premièrement, Dieu est sage; il possède toute la force intellectuelle, toute la pénétration, toute la sûreté de jugement que nous puissions concevoir. Deuxièmement, il est fort, avec tout ce que ce mot implique de puissance et de pouvoir irrésistible. Troisièmement, Il est bon, pur, saint, et nous pouvons donner à ces mots toute la force que nous leur attribuons quand nous les appliquons à ceux que nous connaissons intimement. Enfin, il est aimant, ou plutôt, car l’adjectif est insuffisant, Il est amour, il personnifie l’amour. Et sachez que nous ne connaissons pas le sens de ces mots; la meilleure définition que nous en donnions, la meilleure représentation que nous nous en fassions, même dans nos rêves, n’en donne qu’une pâle idée. Nous ne comprenons pas le sens intime de ces mots, car ils signifient infiniment plus que nous ne pouvons le supposer. Leur sens dépasse de mille coudées notre entendement.
Et pourtant, malgré toute Sa perfection, ce Dieu sage, fort, bon et amour est notre Père; nous lui appartenons.
Père tendre, Berger fidèle, Il nous conduit avec amour. Nourris de Sa main paternelle, Nous sommes à Lui pour toujours.
Nous sommes Ses enfants de par la création et par une nouvelle création en Jésus-Christ. Il est notre Père, par Sa propre volonté. Voilà le sens de «Ta»—un Dieu sage, fort, pur, amour, qui nous tient lieu de père et de mère, un Dieu qui est notre Dieu.
«Ta volonté». La volonté de Dieu, ce sont Ses désirs, Ses plans, l’œuvre dont il souhaite l’achèvement et à laquelle Il prête Sa force pour qu’elle s’achève. La terre est Sa création; les hommes sont Ses enfants. Comme le font des parents prudents et aimants, Dieu s’est, lui aussi, consacré Lui-même à tous, pensant à chaque créature humaine, faisant des plans pour l’humanité entière, pour chaque homme, pour la terre elle-même. Son plan est le plus sage, le plus pur, le plus généreux qui se puisse imaginer, et plus encore. Il s’empare de toute notre vie, de chacun de ses détails. Rien n’échappe à Sa vigilance, car elle est étayée sur l’amour. Qu’est-ce qui peut être aussi vigilant, aussi clairvoyant que l’amour? La haine, son contraire, est ce qui y réussirait le mieux. Ce sont toujours les extrêmes qui se touchent. Toutefois, pour ce qui est de la vigilance, la haine ne peut pas toujours rivaliser avec l’amour. La santé, la force, le foyer, ceux qu’on aime, l’argent, les conseils, la protection, les choses nécessaires à notre vie, Tes attentions auxquelles pense toujours l’amour, les services: tout cela est compris dans la pensée d’amour que Dieu nous consacre.
Telle est Sa volonté, qui se modifie suivant notre obéissance et que les circonstances de la vie transforment à leur tour. La vie est comme un écheveau embrouillé et Dieu, dans Sa patience infinie travaille habilement à le démêler et à tirer le meilleur parti possible de ce fouillis de fils. Ce qui nous semble absolument parfait l’est rarement dans la réalité; ce qui est très bon en soi-même n’est en général pas excellent dans toutes les circonstances et surtout quand des vies humaines sont en jeu.
Dieu a une habileté extraordinaire, une patience illimitée et un amour sans bornes. Il est sans cesse occupé à utiliser chaque circonstance pour en tirer le meilleur résultat possible. Il pourrait souvent faire plus et ce plus, le faire dans un temps beaucoup plus court, si nos volontés étaient plus flexibles. Nous pouvons nous abandonner à Lui, sans arrière-pensée, même dans la nuit où l’on ne peut rien voir. Et cette confiance doit être de la confiance, non une épreuve; là où on se confie, on ne met pas à l’épreuve, car là où on met l’épreuve il n’y a pas de confiance. Si vous priez ainsi, c’est que vous vous confiez en Dieu. Voilà ce qu’il est, ce qu’est Sa volonté et voilà la signification des prières que nous lui offrons.
«Ta volonté soit faite». La volonté d’un homme est l’homme agissant dans les limites de son pouvoir. La volonté de Dieu, pour l’homme, est Dieu lui-même agissant dans les limites de notre coopération. Le verbe est employé au passif, mais le mot soit contient en lui-même une idée d’action. Il faut l’aide du verbe être pour exprimer le sens passif de tout verbe actif; de même il faut une volonté intensément active pour transformer ce passif en action humaine. La plus grande force se révèle en cédant intelligemment. Dans ce cas, la prière exprime le parfait consentement d’un homme à ce que la volonté de Dieu se fasse en lui et par lui. Un homme ne perd pas sa volonté sans cesser d’être homme. Ici, au contraire, ne sachant se soumettre» il rend sa volonté aussi forte qu’elle peut être, aussi forte qu’un barreau d’acier, aussi ferme que le chêne vigoureux dont la force est si grande qu’il s’incline et plie au vent. Il emploie ensuite toute cette force à devenir passif devant une volonté plus haute, même si le but de cette dernière n’est pas claire à son intelligence limitée.
«Ta volonté soit faite», c’est-à-dire accomplie, réalisée. Le mot faite indique une action parachevée, finie. Sa volonté soit entièrement accomplie, dans tout son ensemble, dans tous ses détails. Ces mots n’expriment pas seulement le sérieux désir d’un cœur qui prie, mais la volonté déterminée que chaque événement de la vie soit soumis à l’action du plan de Dieu. Quand cette prière est faite avec sincérité, elle change complètement le cœur des hommes qui la font et le plan de Dieu se réalise dans leur vie. Ces mots éloignèrent d’un trône puissant le plus grand juriste de la terre, le législateur hébreu, pour l’amener à rechercher l’alliance d’une race d’esclaves. Ces mots firent abandonner au prophète Jérémie, ce géant spirituel, un commandement facile et agréable, pour lui confier une cause méprisée dont lui-même ne devait retirer que de la honte. Ces mots arrachèrent Paul à la place en vue qu’il occupait, pour le conduire chez un peuple où il endura des souffrances inouïes qui se terminèrent par une mort sanglante. Ces mots, enfin, ont fait renoncer Jésus, le Fils de Dieu, à un royaume pour Le conduire à la croix.
Dans chaque génération, le prestige de ces quatre mots a transformé des vies et leurs multiples ambitions. «Ta volonté soit faite», voilà la prière par excellence qui a été l’instrument de Dieu dans toutes Ses grandes actions parmi les hommes.
Cette volonté est faite partout, dans la totalité des mondes créés par Dieu; il existe une seule exception: notre terre et la partie du monde spirituel qui lui est alliée. Partout ailleurs, c’est l’harmonie complète avec la volonté du Père. Sur notre terre seule se fait entendre la note discordante de la résistance.
A cette prière se rattachent deux clauses qui lui donnent son caractère particulier et l’expliquent; elles ont été ajoutées pour en rendre le contenu plus clair. La première de ces clauses donne l’étendue de Sa volonté; la deuxième montre l’opposition faite à cette volonté, ses conséquences pour nos propres vies, pour la race et pour la terre.
Voici la première clause: «Ton règne vienne». Dans chacune de ces courtes sentences: «Ta volonté soit faite; Ton règne vienne», le mot sur lequel tombe l’accent est Ton. Ce mot marque ici un contraste absolu. Il y a maintenant sur la terre un autre royaume; il y a aussi une autre volonté. Cet autre royaume doit disparaître pour que le règne de Dieu puisse venir.
Les deux royaumes en question sont opposés en tout; ils sont rivaux; ils se disputent la même suzeraineté, le même territoire; ils ne peuvent coexister. Charles Il et Cromwell ne pouvaient vivre ensemble à Londres.
«Ton règne vienne» sous-entend nécessairement cette autre demande: Que l’autre royaume disparaisse». «Ton règne vienne» signifie aussi: «Ton roi vienne», car, dans la nature des choses, il ne peut y avoir de royaume sans roi. Par la même déduction, ces mots signifient aussi: «Que l’autre prince parte», celui qui prétend être le véritable héritier du trône. «Ta volonté soit faite», c’est encore, pour la même raison: «Que l’autre volonté soit annihilée».
La deuxième clause contenue dans notre prière et ajoutée pour manifester la force de l’action divine est celle-ci: «Délivre-nous du mal». Ces deux sentences: «Ta volonté soit faite» et «Délivre-nous du mal» sont unies par un lien tout naturel. Chacune suppose l’autre. L’action complète de Dieu dans nos cœurs nécessite l’émancipation de toute influence mauvaise, soit directe, soit indirecte, soit encore héréditaire. Etre délivré du mal signifie que toute pensée et tout plan de Dieu à notre égard doivent être entièrement accomplis.
Il y a, dans le monde, deux grandes forces à l’œuvre, deux forces qui se heurtent sans cesse et que nous retrouvons dans le développement de l’histoire et de nos vies. Chez beaucoup d’entre nous, chez nous tous même, quoique a des degrés très différents, ces deux volontés se combattent sans cesse. L’homme est le vrai champ de bataille; la lutte la plus terrible se passe dans sa volonté. Dieu ne veut pas accomplir Sa volonté chez un homme sans que ce dernier y consente; Satan, lui, ne le peut pas. Le point de départ de la lutte contre la volonté de Dieu est l’influence du Diable, et, d’un autre côté, ce qui traverse effectivement les plans de Satan, c’est un homme entièrement consacré à faire ce que Dieu veut.
La prière par excellence commence donc par parcourir tout le champ de bataille; elle eh atteint ensuite le centre pour finalement s’attaquer à l’Ennemi. Cette prière, la voici: «Ton règne vienne! Ta volonté soit faite! Délivre-nous du mal!» Toute prière véridique que nous offrons au Maître dérive de ces paroles si simples et si compréhensives. Et cette supplication peut être adressée, est de fait adressée à Dieu sous mille formes, avec une infinité de détails. Elle est la prière par excellence, parce qu’elle est une prière universelle; elle comprend toutes les autres demandes, car la volonté de Dieu embrasse tout ce qui est l’objet d’une véritable prière. Elle est la prière par excellence, à cause de son intensité; elle frappe au cœur l’Ennemi de Dieu.