« Vous ne recevez pas parce que vous ne demandez pas. »
Un octogénaire, dont je connais l’authentique piété, s’approcha de moi à la suite d’une prédication et me fit humblement cet aveu :
– Depuis longtemps je souffre de malaises qui m’éprouvent beaucoup. Jusqu’ici, je n’ai jamais eu la liberté d’en parler au Seigneur.
– Et pourquoi donc ?
– Parce que j’ignore encore s’il est dans son plan de me guérir ; je ne voudrais surtout pas que ma requête et mes supplications aillent à l’encontre de sa volonté et soient synonymes d’insoumission.
– Allons donc ! Je suppose que vous avez déjà consulté médecins et spécialistes sans vous poser de semblables questions. Etes-vous bien sûr d’avoir raison en vous abstenant d’en parler à Dieu pour obtenir le soulagement à vos maux ? Le motif que vous invoquez paraît louable et spirituel à beaucoup de gens, mais vos réticences sont-elles conformes à l’Écriture ?
– Naturellement ! Comment lui demander “quelque chose qui est selon sa volonté” (1 Jean 5.14) si je n’ai pas d’abord la conviction que ma prière est en accord avec son intention de me guérir ? N’est-il pas juste d’attendre que Dieu me donne clairement le feu vert pour réclamer son intervention ?
– Que vous manquez de simplicité ! Devenez donc comme un petit enfant et vous serez réellement agréable à Celui qui veut le meilleur pour vous.
– Comme un petit enfant ? Que voulez-vous dire par là ?
– Vous paraissez oublier que Dieu vous invite à lui “faire connaître vos besoins en toute chose” en usant même de “supplications” (Philippiens 4.6). N’est-ce pas un ordre que vous négligez ? Je crains qu’un jour il ne vous soit fait le reproche de Jacques à ses correspondants : « vous ne recevez pas parce que vous ne demandez pas » (Jacques 4.2)…
– Oui mais… comment connaître Sa volonté ?
– Tout simplement en demandant.
– En demandant ?
– Certainement ! Si un enfant demande la permission d’aller jouer au ballon avec ses copains, il saura très vite si son père est d’accord ou non. Certes, la réponse peut être négative ; dans ce cas, le fils se montrera soumis en obtempérant sans insister ou rechigner. Pourra-t-il connaître les intentions de ses parents s’il reste silencieux dans son coin à attendre… comme vous le faites ?
Dans le récit de l’écharde déjà évoqué (2 Corinthiens 12), il est instructif de noter que l’apôtre ne fait pas de la méconnaissance de la volonté divine un prétexte pour s’abstenir d’implorer son Seigneur. Au contraire ! Aussi longtemps qu’il ignore le dessein de Dieu concernant cette écharde, Paul se sent parfaitement libre de requérir la guérison avec hardiesse. Son insistance n’est nullement synonyme d’insubordination puisqu’il est prêt à cesser le combat si Dieu lui révèle que telle n’est pas son intention. Après tout, la meilleure façon de connaître la volonté de Dieu – à moins que nous ne la connaissions déjà – c’est de lui exprimer nos besoins ; ainsi fait l’apôtre : il sollicite la guérison et l’attend avec confiance dans un esprit d’obéissance. La réponse d’en-haut ne peut manquer de venir car le Père est fidèle et aime trop ses enfants pour les laisser sans réponse.
Ici, il vaut la peine de s’interroger. Quand nous souffrons, est-ce vraiment illégitime de demander au Seigneur la délivrance d’une maladie qui se prolonge et éprouve l’entourage ? En quoi serions-nous coupables d’agir ainsi ? La personne qui endure une rage de dents agit sans hésiter une seconde. Elle avale de l’aspirine, prend rendez-vous avec le dentiste et se rend à son cabinet le moment venu pour recevoir des soins. Qui désapprouvera sa démarche ? Qui l’accusera de prendre des initiatives ou de manquer de foi ? D’avoir un comportement charnel et égoïste ? Puisque nous sommes d’accord pour consulter généralistes et spécialistes, pourquoi, d’abord – je dis bien “d’abord” – n’en parlerions-nous pas à notre Père céleste ? Répétons-le : demander même avec insistance n’est pas synonyme d’insoumission aussi longtemps que nous ignorons l’intention divine. C’est la façon la plus simple de rechercher sa volonté. S’adressant aux malades sans doute gravement atteints, Jacques se garde de leur conseiller : « Avant de faire appel aux anciens, recherchez avec soin la pensée du Seigneur à votre sujet. Il est inutile de recourir à leur ministère aussi longtemps que vous n’aurez pas acquis la certitude que Dieu veut vous guérir… »
Non ! Plutôt que d’attendre dans la perplexité une conviction qui ne vient pas, faisons fonctionner notre bon sens et reconnaissons que l’apôtre Jacques ne complique pas autant les choses : « Si quelqu’un est malade, qu’il appelle les anciens ». Donc c’est au malade lui-même d’estimer s’il est opportun ou non de faire appel aux responsables de l’Église sans attendre un “télégramme du ciel”. Cette démarche, dont il doit prendre l’initiative, est conforme à la Parole de Dieu ; cependant, elle suppose – chose importante – que le patient est déjà agrégé à une communauté et entretient de bons rapports avec ses responsables. Et si ces derniers ont quelque réticence ou incertitude à son sujet, celui qui souffre acceptera de bonne grâce qu’il y ait, auparavant, partage et “confession mutuelle des péchés” (Jacques 5.16) car la maladie peut être, exceptionnellement sans doute, la conséquence de son inconduite ou d’un péché jusque-là toléré et auquel il doit renoncer au plus tôt (Nous faisons ici allusion à 1 Corinthiens 11.28-30).
Soyons donc assez simples pour nous adresser librement à Dieu comme à un père “qui donne de bonnes choses à ses enfants”, pleinement conscients que nous nous présentons devant le Roi des rois, tel un sujet soumis et reconnaissant. Surtout, pas d’arrogance déplacée même si notre hardiesse lui est sensible, pas d’ordre que Dieu doive exécuter sur-le-champ sous prétexte qu’une promesse a été faite dans l’Écriture. Si le chrétien croit en l’immense bonté (Psaumes 36.6 ; 57.11) d’un Père qui l’encourage à lui exposer librement ses besoins avec l’assurance qu’il y sera pourvu, il croit aussi, et avec autant de conviction, en la sagesse de Celui qui sait parfaitement ce qu’il convient de donner à ses enfants et qui sera le meilleur pour leur épanouissement. C’est pourquoi, en formulant notre requête, acceptons à l’avance “le comment” de la réponse d’en-haut.
Le meilleur ?
1. Pour qui est éprouvé, le meilleur est sans conteste une réponse immédiate, une guérison sur-le-champ comme en opérait Jésus lors de son ministère parmi les hommes. Dieu en a le pouvoir et peut l’accorder encore aujourd’hui. C’est le souhait de celui qui souffre ; il veut en finir au plus tôt avec son mal. Cependant, les faits sont là pour rappeler à chacun que “les pensées de Dieu ne sont pas nos pensées”. Ce que j’estime être le meilleur pour moi, ne l’est pas nécessairement aux yeux de Celui qui ne se trompe jamais.
2. Le meilleur, pourrait être alors une réponse différée, une guérison qui tarde à venir mais qui viendra. Attendre est toujours une épreuve, toutefois le Père a son but lorsqu’il juge utile d’exercer notre patience et notre foi. Il veut, par un retard plus ou moins prolongé, nous attirer plus près de lui ou nous apprendre à avancer sans poser des “pourquoi ?” Quoi qu’il en soit, si Dieu l’estime nécessaire, ce retard sera, à coup sûr, bénéfique pour le patient.
3. Le meilleur encore… pourrait être, si Dieu le juge bon, une réponse différente (mais une réponse toutefois) ; en quelque sorte une autre guérison. Non pas exactement celle que était souhaitée mais une réelle délivrance qui apaise, ôte le poids de l’épreuve et fortifie la foi. Pourquoi pas ?
Naturellement, quiconque serait au courant de la volonté divine et se permettrait, comme l’a fait un Balaam, d’insister pour obtenir ce que Dieu refuse d’accorder, entrerait dans la rébellion et ne pourrait que régresser spirituellement.
Quoi qu’il en soit, Dieu répond toujours à celui qui se confie en lui…
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