À L'Œuvre !

7. « ELLE A FAIT CE QU'ELLE A PU »

Nous lisons dans le quatorzième chapitre de l'Évangile selon saint Marc le récit suivant : « La fête de Pâque et des pains sans levain devait avoir lieu deux jours après. Les chefs des prêtres et les scribes cherchaient les moyens d'arrêter Jésus par ruse, et de le faire mourir, car ils disaient : Que ce ne soit pas pendant la fête, afin qu'il n'y ait pas de tumulte parmi le peuple.

« Comme Jésus était à Béthanie, dans la maison de Simon le lépreux, une femme entra, pendant qu'il se trouvait à table. Elle tenait un vase d'albâtre, qui renfermait un parfum de nard pur de grand prix ; et ayant rompu le vase, elle répandit le parfum sur la tête de Jésus. Quelques-uns exprimèrent entre eux leur indignation : A quoi bon perdre ce parfum ? On aurait pu le vendre plus de trois cents deniers, et les donner aux pauvres. Et ils s'irritaient contre cette femme. Mais Jésus dit : Laissez-la. Pourquoi lui faites-vous de la peine ? Elle a fait une bonne action à mon égard ; car vous aurez toujours des pauvres avec vous, et vous pourrez leur faire du bien quand vous voudrez, mais vous ne m'aurez pas toujours. Elle a fait ce qu'elle a pu ; elle a d'avance embaumé mon corps pour la sépulture. Je vous le dis en vérité, partout où la bonne nouvelle sera prêchée, dans le monde entier, on racontera aussi en mémoire de cette femme ce qu'elle a fait. »

Saint Jean raconte aussi cette scène, et nous dit qui était cette femme : « Six jours avant la Pâque, Jésus arriva à Béthanie où était Lazare qu'il avait ressuscité des morts. Là, on lui fit un souper ; Marthe servait, et Lazare était un de ceux qui se trouvaient à table avec lui. Marie ayant pris une livre d'un parfum de nard pur de grand prix, oignit les pieds de Jésus, et les essuya avec ses cheveux ; et la maison fut remplie de l'odeur du parfum. Un de ses disciples, Judas Iscariot, fils de Simon, celui qui devait le livrer, dit : Pourquoi n'a-t-on pas vendu ce parfum trois cents deniers, pour les donner aux pauvres ? Il disait cela, non qu'il se souciât des pauvres, mais parce qu'il était voleur, et que, tenant la bourse, il prenait ce qu'on y mettait.

Mais Jésus dit : « Laissez-la ; elle a gardé ce parfum pour le jour de ma sépulture. Vous aurez toujours des pauvres avec vous, mais vous ne m'aurez pas toujours »

Ce récit est le dernier où nous voyons figurer la famille de Béthanie. Le souper dont il est question eut lieu pendant la dernière semaine de la vie de Jésus, et c'est aussi la dernière entrevue de Jésus avec ses amis dont il soit fait mention dans l'Évangile.

En parlant de Marthe et de Marie, quelqu'un a dit : Toutes deux aimaient Jésus et étaient aimées de lui, mais elles étaient différentes l'une de l'autre. Marthe voyait sa fatigue, et voulait lui donner quelque chose ; Marie sentait sa plénitude, et voulait recevoir de lui. Jésus acceptait les services de Marthe, mais il ne voulait pas permettre que Marie fût troublée. Marie comprenait sa pensée ; elle avait une communion plus profonde avec lui ; son cœur s'était donné. »

C'est sur l'une des paroles du premier récit que nous avons lu que je désire attirer votre attention : « Elle a fait ce qu'elle a pu. » Si l'on avait annoncé ce jour-là, dans Jérusalem, qu'il allait se passer à Béthanie un événement dont le souvenir vivrait plus longtemps que celui de l'empire romain ou de tous les souverains les plus puissants de la terre, il y aurait eu certainement une grande agitation dans la ville. Beaucoup de personnes se seraient rendues à Béthanie pour voir ce qui allait se passer et dont le souvenir devait vivre si longtemps. Marie se doutait bien peu qu'elle allait élever un monument plus durable que les empires et les royaumes. Elle ne pensait guère à elle-même. L'amour ne pense jamais à lui-même. Que dit Jésus ? — « Partout où cet Evangile sera prêché, dans le monde entier, ce qu'elle a fait sera aussi raconté en mémoire d'elle. »

Cette histoire a déjà été traduite en trois cent cinquante langues différentes, et circule dans tous les pays du monde. De jour en jour, on l'imprime et on la publie de nouveau. A Londres, une seule société imprime, à chaque heure de la journée de travail, cinq cents exemplaires du récit de la scène qui s'est passée à Béthanie. Il est répandu jusqu'aux extrémités de la terre, et l'on en gardera le souvenir tant que l'Église de Dieu existera.

Les hommes sont désireux d'élever des monuments qui leur survivent. Cette femme n'y avait jamais songé; elle n'avait eu d'autre pensée que de témoigner à Jésus son amour. Mais son action lui a survécu, et vivra aussi longtemps que l'Eglise. Elle a autant de fraîcheur aujourd'hui qu'il y a cent ans ; elle en a même plus qu'il y a cinq cents ans. Elle n'a jamais été aussi connue qu'elle l'est aujourd'hui. Quoique Marie fût à peine connue en dehors de Béthanie lorsqu'elle accomplit cet acte, son nom est maintenant répandu par toute la terre. Les rois se sont succédé, les empires se sont élevés et sont tombés. L'Egypte, avec ses antiques gloires, a disparu ; la Grèce, avec ses sages, ses philosophes, ses guerriers, a disparu ; le grand empire romain a disparu. Et voici une simple femme dont le souvenir a traversé les siècles. Nous ne savons pas si elle était riche, ou belle, ou douée de grands talents aux yeux du monde. Nous savons seulement qu'elle aimait le Sauveur. Elle prit un vase d'albâtre qui renfermait un parfum de grand prix, et le rompit afin de répandre le parfum sur la tête de Jésus. C'était une petite chose aux yeux du monde. S'il y avait eu des journaux quotidiens à Jérusalem, à cette époque-là, je ne pense pas qu'aucun reporter à la recherche de « faits divers » intéressants, eût trouvé que cet incident valût la peine d'être raconté. Cependant, il vivra plus longtemps que tous les grands événements du siècle, excepté, bien entendu, tout ce qui se rapporte à la vie de Jésus. Marie croyait en Jésus, elle l'aimait, et elle montrait son amour par ses actions.

Grâce à Dieu, nous pouvons tous aimer Jésus-Christ et faire quelque chose pour lui. Quand même ce ne serait qu'une petite chose, toute œuvre, faite pour le Seigneur, durera éternellement. Le fer sera rongé par la rouille, le granit tombera en poussière, mais rien de ce qui a été fait pour Christ ne se perdra. Il dépassera les limites mêmes du temps. Jésus-Christ a dit :

« Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront point. »

Voyez cette autre femme dans le temple. Jésus étant assis vis-à-vis du tronc, regardait comment le peuple y mettait de l'argent. Cette pauvre veuve n'avait que deux petites pièces, et elle les mit toutes deux dans le tronc. Le Seigneur vit qu'elle l'avait fait de tout son cœur, et il loua son action. Si quelque grand seigneur avait déposé un talent d'argent dans le tronc, Jésus n'y aurait probablement pas fait attention, à moins que lui aussi ne l'eût fait de tout son cœur. L'or a peu de valeur dans le ciel. Il y est en si grande abondance que les rues en sont pavées ; c'est un or transparent, bien plus beau que celui que nous avons sur la terre. Pour que Jésus accepte une offrande, il faut que le cœur l'accompagne. C'est pourquoi il dit de cette femme : « Elle a donné plus qu'aucun de ceux qui ont mis dans le tronc. » Elle aussi, elle avait fait ce qu'elle avait pu.

Telle est la leçon, je crois, que nous devons tirer de ces deux incidents bibliques. Le Seigneur attend de nous que nous fassions tout ce que nous pouvons. Nous pouvons tous faire quelque chose. Dans l'une de nos grandes villes de l'Amérique du Sud, quelques chrétiens se réunirent au commencement de la guerre pour rechercher les moyens de construire une église dans un quartier de la ville où les pauvres étaient très négligés. Après avoir discuté la question, on résolut de commencer par s'assurer de ce que les personnes présentes à la réunion pourraient donner.

Les unes promirent de donner tant ; les autres, tant. Les souscriptions atteignirent à peine la moitié de la somme nécessaire. Alors une pauvre blanchisseuse, qui était assise dans un coin de la salle, se leva : « J'ai perdu un petit garçon la semaine dernière, dit-elle. Il ne possédait qu'une chose : une pièce d'un dollar en or (environ cinq francs de monnaie française). C'est tout ce qui me reste, mais je veux donner ce dollar à la bonne cause. » Ses paroles touchèrent le cœur de beaucoup de ceux qui les entendirent. Bien des personnes riches furent honteuses de ce qu'elles avaient donné, et au bout de très peu de temps, la somme entière fut souscrite. J'ai parlé dans cette église, et je sais qu'elle est devenue le centre d'une grande activité religieuse. Cette pauvre femme avait fait ce qu'elle pouvait ; peut-être avait-elle donné, en proportion, plus qu'aucune autre personne de la ville.

Lors de notre première visite à Londres, nous désirions atteindre tous les points de la ville, et nous fîmes appel aux personnes de bonne volonté pour faire des visites et inviter aux réunions le plus de monde possible. Parmi celles qui se présentèrent, se trouvait une vieille femme de quatre-vingt-cinq ans. Elle voulait travailler encore un peu pour le Maître avant d'aller le rejoindre. Elle prit un district, et alla de maison en maison distribuant à tous les habitants des traités et des billets d'invitation. Je suppose qu'elle est maintenant entrée dans son repos, mais je ne l'oublierai jamais. Elle voulait faire ce qu'elle pouvait. Si chacun des chrétiens de ce district veut bien faire tout ce qu'il peut, toutes les familles du quartier seront visitées. Si chaque homme, si chaque femme qui sont ici sont prêts à suivre l'exemple de Marie, les multitudes qui nous entourent entendront parler du Sauveur, et seront bénies.

Dans les vastes prairies de l'État que j'habite en Amérique, on ne rencontrait, il y a quelques années, qu'un petit nombre de colons, dispersés çà et là. L'un d'eux passait ordinairement ses Dimanches à la chasse et à la pêche, et faisait preuve, dans toute sa conduite, d'une impiété et d'une méchanceté notoires. Sa petite fille allait à l'école du Dimanche établie par ces pionniers, et là elle apprit à connaître le chemin qui mène à Dieu. Quand elle fut convertie, son moniteur lui dit que Dieu pourrait maintenant se servir d'elle pour faire du bien à d'autres. Sa première pensée fut pour son père. Plusieurs personnes avaient essayé de lui faire du bien et n'avaient pu y réussir ; mais l'enfant eut plus d'influence. Il est écrit : « Un enfant les conduira. » Elle lui fit promettre de venir aux réunions. D'abord il ne vint qu'à la porte, et ne voulut pas entrer. Dans son enfance il avait été à l'école, mais ses camarades s'étant moqués de lui parce qu'il avait un léger défaut de prononciation, il n'avait plus voulu y remettre les pieds, de sorte qu'il n'avait jamais appris à lire.

Sa petite fille lui persuada enfin de l'accompagner à l'école du Dimanche ; il y entendit parler du Sauveur, et pour tout dire en deux mots, il finit par donner son cœur à Dieu. Avec l'aide de son enfant et d'autres personnes, il apprit bientôt à lire. La dernière fois que je l'ai vu, il y a environ dix-huit mois, si je me rappelle bien, cet homme avait fondé dans les prairies de l'Ouest, entre onze et douze cents écoles du Dimanche. Outre ces écoles, des centaines d'Eglises se sont formées, qui toutes doivent leur origine à ses premiers efforts missionnaires. Il parcourait le pays en tous sens et à de grandes distances, monté sur un cheval qu'il appelait son cheval de l'école du Dimanche. Il allait visiter ainsi les districts éloignés, où l'on ne faisait encore rien pour Christ. Il réunissait les parents, et leur racontait comment sa petite fille l'avait amené au Sauveur. J'ai entendu bien des orateurs, mais je n'en ai jamais entendu qui sût émouvoir comme lui. Quand il commença à parler pour Jésus, il ne fut plus question de son défaut de prononciation ; il semblait avoir reçu le don de l'éloquence et le feu du ciel. Cette petite fille avait fait ce qui était en son pouvoir. Le jour où elle avait amené son père au Sauveur, elle avait accompli une grande œuvre.

Chacun de nous peut faire quelque chose. Pourvu que nous soyons franchement décidés à faire tout ce que nous pouvons, le Seigneur daignera se servir de nous. C'est un grand privilège que d'être dans sa main des instruments dociles, avec lesquels il peut faire ce qui lui plait.

Je me rappelle avoir lu dans les journaux, lors du grand incendie du théâtre de Vienne, il y a plusieurs années qu'une vingtaine de spectateurs affolés se trouvèrent acculés dans un étroit corridor. L'obscurité était complète ; on ne pouvait trouver d'issue , et l'on risquait d'être étouffé. Un de ces spectateurs retrouva une allumette dans sa poche ; il l'alluma, et grâce à cette lumière, ces vingt vies furent sauvées. Il avait fait ce qui était en son pouvoir.

Il vous semble que vous ne pouvez pas faire grand'chose. Si vous êtes l'instrument du salut d'une seule personne, cette personne-là en sauvera peut-être cent autres. A l'époque de notre premier séjour en Angleterre, il y eut une femme, dans une de nos réunions, dont le zèle fut ranimé par le même texte, je crois, que celui sur lequel nous parlons aujourd'hui. Elle était chrétienne de nom depuis longtemps, mais elle n'avait jamais compris qu'elle avait une mission spéciale à remplir en ce monde. Je crains qu'il n'y ait beaucoup de chrétiens de nom dans le même cas. Dès que sa conscience eut été réveillée, elle commença à chercher autour d'elle les occasions de se rendre utile. Elle eut l'idée de faire quelque chose pour les pauvres femmes tombées de la ville qu'elle habitait. Elle se mit à l'œuvre immédiatement, parlant avec bonté à toutes celles qu'elle rencontrait. Elle loua une maison, et les invita à y venir.

Je suis allé dans cette ville il y a un an ou deux ; cette dame avait sauvé plus de trois cents de ces pauvres femmes, et les avait rendues à leurs familles. Elle est restée en correspondance avec la plupart d'entre elles. Pensez à cela ! Plus de trois cents de nos sœurs arrachées au péché et sauvées de la mort par l'entremise d'une seule femme. Elle avait fait ce qui était en son pouvoir. Quelle belle moisson elle aura au dernier jour, et comme elle se réjouira quand elle entendra le Maître lui dire : « Cela va bien, bonne et fidèle servante. »

On m'a cité la parole d'un malade dans un des hôpitaux de Londres. Il avait reçu un bouquet envoyé par la Mission des fleurs, et en respirant le délicieux parfum, il s'écria : « Si j'avais su quel plaisir un bouquet peut faire quand on est malade, j'en aurais envoyé moi-même lorsque je me portais bien ». Si vous saviez seulement tout le bien que vous pourriez faire aux cœurs affligés, aux esprits abattus en leur disant quelque bonne parole; si vous saviez quelles conséquences bénies pour toute l'éternité pourrait avoir telle autre parole prononcée par vous, je suis sûr que vous n'hésiteriez plus. Si l'Evangile doit être porté dans les recoins les plus cachés, dans les mansardes, dans les sous-sols des grandes villes, dites-vous bien qu'il faut que chacun se mette à l'œuvre. Je l'ai déjà dit, si nous sommes résolus à faire ce que nous pouvons, une grande multitude d'âmes entreront dans le royaume de Dieu.

Un des prédicateurs de Philadelphie, le Docteur Willets, en parlant du bonheur qu'il y a à communiquer aux autres les biens qu'on a reçus, emploie cette jolie allégorie : « Voyez cette petite source, cachée, là-bas, dans la montagne ; elle brille à travers le fourré comme un fil d'argent, et dans sa joyeuse activité, elle étincelle comme un diamant. Elle se hâte d'apporter au fleuve son tribut ; elle passe en courant près d'une mare d'eau stagnante :

« Où vas-tu, petit ruisseau ? » lui crie la mare. « Je vais au fleuve, lui porter ce verre d'eau que Dieu m'a donné. » — « C'est une sottise que tu fais là ; tu en auras besoin toi-même avant la fin de l'été. Le printemps a été tardif, et les chaleurs de l'été seront d'autant plus fortes : tu te dessécheras alors. » — « Eh bien ! répondit le ruisseau, si je dois mourir bientôt, raison de plus pour travailler aussi longtemps que je le pourrai. Si la chaleur doit m'enlever mon trésor, je veux me hâter d'en profiter pour faire le plus de bien possible. » Et il reprit son chemin, répandant sur son passage la joie et la fraîcheur. Fière de sa propre prévoyance, la mare sourit d'un air de pitié, et économisa sa provision avec un soin jaloux, ne permettant pas à une seule goutte d'eau de s'échapper.

« L'été vint, et le petit ruisseau souffrit de la chaleur ; mais les arbres se penchaient sur lui, et l'ombrageaient de leur feuillage touffu. Ils le protégeaient au jour de l'adversité, car ils avaient reçu de lui jadis la vie et la santé ; le soleil lui-même souriait avec bonté à travers les branches. Il semblait dire : « Je n'ai pas le cœur de te faire du mal. » — les oiseaux venaient tremper leur bec dans ses eaux argentées, et chantaient ses louanges ; les fleurs répandaient leurs parfums sur ses bords ; les bestiaux venaient se reposer près de lui ; le cultivateur souriait de plaisir en voyant la fraîcheur et la verdure des prairies qu'il traversait, et le petit ruisseau continuait sa course, heureux lui-même et répandant le bonheur autour de lui.

Qu'était devenue la prévoyante mare ? Hélas ! dans sa glorieuse immobilité, elle était devenue malsaine et pestilentielle. Les bêtes des champs venaient pour s'y désaltérer, mais se détournaient aussitôt avec dégoût ; la brise en passant lui donna un baiser, mais ce contact la fit frissonner. Elle avait pris la fièvre et la porta dans toute la région : les habitants en furent atteints et durent s'éloigner ; enfin, les grenouilles elles-mêmes durent abandonner cette mare empoisonnée, et le ciel, par pitié pour l'homme, fit souffler sur elle un air embrasé qui la dessécha.

« Mais le petit ruisseau ne s'était-il pas épuisé ? Oh ! non, Dieu y avait pourvu. Le ruisseau versa son verre d'eau dans le fleuve, le fleuve le porta à la mer, et la mer l'accueillit avec bonté. Le soleil répandit sa chaleur sur la mer, et la mer fit monter son encens vers le soleil ; les nuages recueillirent cet encens dans leur sein, et le vent, comme un coursier docile, emporta les nuages bien loin, bien loin, jusqu'au sommet de la montagne qui avait donné naissance à la source. Ils remplirent de nouveau la petite coupe et la firent déborder. C'est ainsi que Dieu avait pourvu à l'existence du ruisseau. Il avait eu beau se donner et se répandre sans calculer, il ne se dessécha jamais. Si Dieu a béni de la sorte une petite source, ne vous bénira-t-il pas aussi, mes amis, si vous donnez libéralement ce que vous avez reçu libéralement ? Soyez sûrs qu'il le fera. »

Une jeune fille appartenant à une famille très riche des Etats-Unis, fut envoyée dans une pension fort à la mode. Une des maîtresses de cette pension était une véritable servante de Jésus-Christ, et cherchait toujours à lui amener ses élèves. Dès que cette jeune fille fut arrivée, la maîtresse résolut de faire tous ses efforts pour la gagner à Christ. La première chose qu'elle fit, fut de se faire aimer d'elle. Je dirai ici en passant que nous ne ferons jamais grand bien aux gens si nous ne savons pas nous faire aimer d'eux. Cette maîtresse, après avoir gagné l'affection de son élève, lui parla du Sauveur, et eut bientôt la joie de la voir donner son cœur à Dieu. Elle ne s'en tint pas là, comme tant d'autres le font ; elle lui montra le bonheur qu'il y a à travailler pour le Seigneur. Elle se mirent à l'œuvre ensemble, et persuadèrent à plusieurs autres élèves de se donner à Christ. Une fois que la jeune fille eut commencé à travailler pour Dieu, le monde perdit tout son charme pour elle. S'il y a ici quelque chrétien qui se sente encore de l'attrait pour le monde, je lui dirai : Mettez vous à l'œuvre pour Dieu, et le monde vous quittera bientôt. Ce n'est pas vous qui le quitterez ; vous posséderez quelque chose de meilleur. Je plains les chrétiens qui sont sans cesse à demander s'il faut renoncer à ceci ou à cela. Vous ne ferez plus ces questions-là quand vous aurez pris goût à l'œuvre du Seigneur. Vous aurez trouvé alors quelque chose que le monde ne saurait vous donner.

Lorsque cette jeune fille retourna chez ses parents, ceux-ci voulaient la faire aller dans le monde. Ils donnèrent plusieurs fêtes, mais à leur grand étonnement, elle ne pouvait pas y prendre plaisir. Elle avait soif d'autre chose. Elle alla à l'école du Dimanche de sa paroisse, et demanda au directeur de lui donner un groupe mais il y avait déjà plus de monitrices qu'il n'en fallait.

Pendant plusieurs semaines, elle chercha un moyen de faire quelque chose pour Christ. Un jour, dans la rue, elle vit un petit garçon sortir en courant de la boutique d'un cordonnier. Le patron la poursuivait, tenant une forme en bois à la main. Quand il vit que l'enfant courait plus vite que lui et allait lui échapper, il lui lança la forme et l'atteignit dans le dos. Lorsque le cordonnier eut ramassé sa forme et fut rentré dans sa boutique, l'enfant s'arrêta et se mit à pleurer. Très émue de ce qu'elle venait de voir, la jeune fille s'approcha de lui et lui parla avec bonté :

« Vas-tu à l'école du Dimanche ? » — « Non. » — « Et à l'école de semaine ? » — « Non. » — « Pourquoi pleures-tu ? » — Il s'imagina qu'elle voulait se moquer de lui ; et il répondit que cela ne la regardait pas. « Mais je suis ton amie, » répondit-elle. Il n'avait pas l'habitude de s'entendre parler de la sorte, et il avait d'abord un peu peur, mais elle finit par gagner sa confiance, et lui demanda de venir à l'école du Dimanche elle serait sa monitrice. L'idée ne plaisait pas à l'enfant ; il n'avait pas envie d'apprendre des leçons. La jeune fille lui dit qu'elle ne lui donnerait pas de leçons à apprendre; qu'elle lui raconterait seulement de belles histoires et qu'il entendrait de jolis chants. Enfin, il lui promit d'y aller, et elle lui donna rendez-vous, pour le Dimanche suivant, au coin d'une certaine rue.

Elle craignait qu'il ne fût pas exact au rendez-vous. Elle y alla cependant et l'y trouva. Elle le présenta au directeur de l'école du Dimanche et le pria de lui indiquer une place où elle pourrait instruire cet enfant. Le pauvre garçon était tout ébouriffé et n'avait pas de souliers aux pieds. Les autres enfants, au contraire, étaient propres et bien habillés. Le directeur parut d'abord assez embarrassé ; enfin, il le relégua dans un coin aussi éloigné que possible des autres élèves. Ce fut là que la jeune fille commença sa tâche, — une tâche qui aurait réjoui le cœur des anges.

La lumière ne tarda pas à se faire dans la conscience obscurcie de cet enfant, et toute sa vie fut transformée. La jeune fille continua à s'intéresser à lui ; elle fut son ange gardien. Un jour, il était allé à la gare pour vendre de petites marchandises qu'il colportait. Il se tenait sur le marchepied d'un des wagons quand tout-à-coup le train s'ébranla; le petit garçon perdit l'équilibre, son pied glissa, il tomba et le train lui passa sur le corps. Quand le médecin arriva, l'enfant lui demanda s'il pouvait être transporté chez ses parents. — « Non, mon garçon, lui répondit le médecin, tu n'as plus que quelques instants à vivre. » — « Eh bien ! dites à mon père et à ma mère que je vais aller près de Jésus-Christ. »

Ne trouvez-vous pas que les efforts de la jeune fille avaient été bien récompensés ? Quand elle entrera au ciel, ce petit garçon sera là pour lui souhaiter la bienvenue.

C'est un grand privilège que de faire sortir une âme des ténèbres du péché pour la faire entrer dans la glorieuse lumière de l'Evangile. Si un ange allait répandre dans le ciel la nouvelle qu'il y a dans la ville de Londres un pauvre petit garçon déguenillé, sans père ni mère, sans personne pour lui montrer le chemin du salut ; et si Dieu demandait aux esprits bienheureux qui entourent son trône, lequel d'entre eux consentirait à venir passer cinquante années sur la terre pour amener à Jésus ce petit orphelin, je suis sûr que chacun des anges qui peuplent la cité céleste s'offrirait aussitôt. L'ange Gabriel, lui-même, lui qui se tient en la présence du Tout-Puissant, n'hésiterait pas à se proposer :

« Permets moi, de quitter la position si élevée que j'occupe, et d'avoir le privilège de conduire une âme à Jésus-Christ. » — Il n'y a pas de plus grand honneur au monde que de servir d'instrument entre les mains de Dieu pour retirer une âme du royaume de Satan et pour l'introduire dans le royaume de Dieu.

J'ai inscrit ce précepte dans ma Bible : « Fais tout le bien que tu pourras, à toutes les personnes que tu pourras, de toutes les manières que tu pourras, et aussi longtemps que tu pourras. » Si chacun de nous veut se mettre dès aujourd'hui à faire quelque chose pour Dieu, et s'y tenir trois cent soixante-cinq jours par an, nous obtiendrons de grands résultats. Vivons de telle sorte qu'on puisse dire de nous que nous avons fait « tout ce qui était en notre pouvoir. »

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