Le repos éternel des Saints

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Comment reconnaître nos droits au repos des Saints

Ce glorieux repos est-il donc si proche, et personne ne doit-il en jouir excepté le peuple de Dieu ? Eh bien ! comment se fait-il que la plupart des hommes vivent dans un contentement d’esprit sans être certains d’y avoir part, et négligent de s’assurer de leurs droits à ce repos ? — Quand le Seigneur a si clairement révélé la félicité de ce royaume exclusivement réserve aux fidèles obéissants ; quand il a si énergiquement dépeint les tourments que doit à jamais souffrir le reste des hommes, il me semble que ceux qui croient à ces vérités ne devraient pas avoir de repos qu’ils ne se fussent assurés qu’ils seront héritiers de ce royaume. Quelle étrange folie ! Des hommes qui savent qu’ils entreront bientôt dans un état de félicité ou de malheur éternel, vivent dans l’incertitude de leur avenir aussi tranquillement et aussi gaiement que s’il n’y avait pas pour eux le moindre danger. Ces hommes sont-ils vivants ou morts ? Veillent ils ou dorment-ils ? Qu’ils aient seulement un procès ; comme ils ont soin de s’assurer si la décision sera pour eux ou contre eux ! mais dans l’affaire de leur salut, ils se contentent de rester incertains. — Demandez à la plupart des hommes sur quoi ils fondent leurs espérances ? ils vous répondront : Dieu est miséricordieux et Christ est mort pour les pécheurs, et vous allégueront d’autres raisons générales que tout homme pourrait alléguer aussi bien qu’eux. Mais pressez-les de vous prouver qu’ils ont part au sacrifice de Jésus-Christ et à la miséricorde de Dieu, ils ne sauront que vous dire. Dites-leur : Dans quel état est votre âme ? est-elle sanctifiée ? a-t-elle reçu son pardon ? Ils vous répondraient volontiers comme Caïn : « Je n’en sais rien ; suis-je le gardien de mon âme ? — J’ai bon espoir, je confie mon âme à Dieu ; je m’en tirerai aussi n bien que les autres ; grâces à Dieu, je n’ai jamais douté de mon salut. » Parce que vous n’avez jamais douté, vous avez toute raison de douter : d’autant plus que vous avez donné très légèrement votre confiance. Votre réponse trahit une insouciance invétérée pour votre salut. Vous êtes comme un pilote qui laisserait aller son vaisseau à l’aventure, en disant : « J’exposerai mon vaisseau au danger des rochers, des flots, et des vents ; je le mets à la garde de Dieu ; il s’en tirera aussi bien que les autres. » — C’est outrager indignement Dieu que de prétendre vous confier en lui pour couvrir votre négligence obstinée. Si vous aviez réellement de la confiance en Dieu, vous obéiriez à ses ordonnances, et votre confiance serait telle qu’il la demande de vous. Il vous ordonne de vous étudier à affermir votre vocation et votre élection, et ainsi de vous confier en lui. Il vous a indiqué dans l’Écriture le moyen de « vous sonder et de vous éprouver vous-mêmes. »

Comment pouvez-vous ouvrir la Bible et en lire un seul chapitre sans en être effrayé ? Chaque page devrait être pour vous comme les paroles mystérieuses qui épouvantèrent Balthazar, si vous exceptez toutefois les pages qui vous engagent à vous convertir. Si vous lisez les promesses, vous ne savez pas si elles seront accomplies en vous ; si vous lisez les menaces, rien ne vous assure que vous ne lisez pas votre propre condamnation. — Il n’est pas étonnant que vous soyez ennemi d’une prédication sincère, et que vous disiez du ministre ce qu’Achab disait du prophète : « Je le hais, car il ne me prophétise rien de bon, mais seulement du mal. » Quelle satisfaction peuvent vous causer vos amis, vos dignités, vos maisons, vos terres, jusqu’à ce que vous sachiez que vous avez aussi l’amour de Dieu, et que vous jouirez du repos avec lui quand vous quitterez tous ces biens ? Comment pouvez-vous penser à l’heure de votre mort ? Vous savez qu’elle approche et qu’il n’y a pas moyen de l’éviter. Si vous mouriez aujourd’hui (et qui sait ce qu’un jour peut amener ?), vous ignorez si vous iriez dans le ciel ou en enfer, et, dans cette incertitude, vous pouvez dormir tranquillement !

S’il n’y avait aucun remède à cette incertitude générale des hommes, touchant leur salut, il faudrait la supporter comme toutes les misères inévitables. Mais, hélas ! la cause en est dans notre négligence opiniâtre. Les hommes ne veulent pas se laisser persuader d’y porter remède. Le grand moyen de venir à bout de cette incertitude est l’examen de soi-même, ou la revue attentive et sérieuse que fait un homme de l’état de son âme, en prenant l’Écriture pour règle. Allez dans une assemblée d’un millier d’hommes ; combien vous en trouverez peu qui aient jamais consacré une heure de leur vie à examiner la validité de leurs titres au ciel ! Interrogez votre conscience, lecteur ; avez-vous jamais religieusement, et comme en la présence de Dieu, examiné votre cœur, pour savoir s’il était régénéré ou non ? s’il appartenait à Dieu ou aux créatures, au ciel ou à la terre ?

Comme c’est une œuvre extrêmement importante et cependant généralement négligée, j’exposerai ce qui empêche les hommes d’examiner et de connaître leur état ; — je développerai les motifs de cet examen ; — je donnerai quelques conseils pour le faire avec fruit ; — et quelques caractères tirés de l’Écriture auxquels vous pourrez reconnaître si vous faites, ou non, partie du peuple de Dieu.

1° Parmi les nombreux obstacles qui empêchent les hommes d’examiner leur cœur, nous devons sans doute faire la part de Satan. Si avec toute sa puissance, avec tous les moyens qui sont à sa disposition, il peut vous en empêcher, comptez qu’il le fera. Il ne peut souffrir que les gens pieux cherchent contre la corruption un secours assuré dans la pratique constante de cet examen de conscience. Quant aux impies, il sait que s’ils venaient une fois à s’examiner sérieusement, ils apercevraient leur danger et auraient la chance d’y échapper. Comment attirerait-il tant d’hommes en enfer, s’ils savaient où ils vont ? Et comment pourraient-ils ne pas le savoir s’ils s’examinaient à fond, à la pure lumière de l’Évangile et par les règles sûres qu’il leur fournit ? Satan sait trop bien pêcher les âmes pour leur montrer ainsi la ligne et l’hameçon, ou pour les effrayer par son hideux aspect. En conséquence tous ses efforts tendent à les éloigner des ministres dont les discours peuvent pénétrer jusqu’au fond de leurs consciences ; à empêcher les pasteurs de les aider dans cet examen, à émousser la parole, de peur qu’elle ne les transperce et ne les pénètre ; à détourner leurs pensées ; à les aveugler de préjugés ; à les endormir ; à étouffer la parole sous les soucis et les inquiétudes du monde, ou à en détruire l’effet par quelque moyen que ce soit.

Un autre obstacle à cet examen de soi-même vient des méchants. Leur exemple, leur compagnie, leur conversation, leur application constante aux affaires temporelles, leurs railleries et leurs moqueries à propos des personnes pieuses, leurs persuasions, leurs séductions, leurs menaces sont autant de puissants encouragements à la sécurité. A peine Dieu ouvre-t-il les yeux à un pauvre pécheur pour lui montrer l’erreur de ses voies, qu’une multitude d’apôtres de Satan est prête à le tromper et à le remettre entre les mains de son ancien maître. « Quoi ! disent-ils, doutez-vous de votre salut, vous qui avez toujours si bien vécu et qui n’avez fait de mal à personne ? Dieu est miséricordieux et si les gens comme vous ne sont pas sauvés, que deviendront la plupart des hommes ? Que pensez-vous de tous vos ancêtres ? Que deviendront vos amis, vos voisins qui vivent comme vous ? seront-ils damnés ? Allons ; allons, si vous écoutez ces prédicateurs, ils vous feront perdre l’esprit. Tous les hommes ne sont-ils pas pécheurs, et Christ n’est-il pas mort pour les sauver ? Que ces idées ne troublent point votre esprit, et tout ira bien. » Oh ! combien de milliers de personnes endormies par ces séductions, se sont livrées à une trompeuse sécurité jusqu’au moment où la mort et l’enfer les ont réveillées ? Le Seigneur dit au pécheur : « La porte est étroite, le chemin est étroit, et il y en a peu qui le trouvent : éprouvez-vous, examinez-vous. » Le monde au contraire s’écrie : « N’ayez aucun doute, ne vous inquiétez point de ces idées. » Dans cette alternative, pécheur, songez que vous serez jugé par Jésus-Christ, et non par vos ancêtres, vos voisins ou vos amis ; songez que si Christ vous condamne, ils ne pourront vous sauver. Le simple bon sens vous dit donc que ce n’est pas dans la parole d’hommes ignorants, mais dans celle de Dieu que vous devez chercher vos espérances de salut. Achab ne rechercha jamais que les instructions des prophètes qui le flattaient : cela fut cause de sa perte. Les flatteries des hommes peuvent vous faire tomber dans le piège, mais elles ne peuvent vous en tirer. « Que personne ne vous séduise par de vains discours ; car c’est à cause de ces choses-là que la colère de Dieu tombe sur les enfants rebelles : n’ayez donc point de part avec eux (Éphésiens 5.6-7). »

Mais les plus grands obstacles sont dans le cœur des hommes. Quelques-uns sont si ignorants qu’ils ne savent pas ce que c’est que cet examen de soi-même, et qu’ils ne comprennent pas le prédicateur quand il leur commande de s’éprouver eux-mêmes. Quelquefois ils n’en voient pas la nécessité, mais ils pensent que tout homme est tenu de croire que ses péchés sont pardonnés, que cela soit vrai ou non : le moindre doute là-dessus leur semble criminel. — Souvent ils n’imaginent pas qu’il soit possible de s’en assurer, ni qu’il y ait à cet égard une grande différence entre les hommes, mais que nous sommes tous chrétiens et que nous ne devons pas nous en inquiéter davantage. S’ils trouvent à cet égard quelque différence entre les hommes, ils ne savent pas en quoi elle consiste. — Il y en a qui ne croient pas que Dieu fasse jamais une telle distinction entre les hommes dans la vie à venir. Il y en a de si stupides que, quoi que nous disions, ils n’en font point de cas, se bornent à nous écouter et trouvent que cela suffit. — Quelques-uns sont tellement enflés d’amour-propre et d’orgueil qu’ils ne pensent pas qu’ils puissent être en danger. D’autres sont si coupables qu’ils n’osent pas s’éprouver eux-mêmes, quoiqu’ils osent bien s’exposer à une épreuve encore plus redoutable. — Il s’en trouve qui ont un tel amour pour le péché et un tel dégoût pour la voie de Dieu, qu’ils ne veulent pas faire le compte de leurs voies, de peur d’être forcés d’abandonner un genre de vie qu’ils aiment, pour un autre qu’ils détestent. — Beaucoup sont si occupés dans ce monde qu’ils ne peuvent prendre le temps d’examiner leurs droits au ciel ; d’autres sont si paresseux qu’ils ne veulent pas en prendre la peine. Mais l’obstacle le plus dangereux est cette fausse foi, cette espérance trompeuse appelée ordinairement présomption, qui enfle le cœur de la plupart des hommes, et qui les empêche de soupçonner leur danger.

Et quand un homme triompherait de tous ces obstacles et se mettrait en devoir de s’examiner, il n’obtiendrait pas immédiatement l’assurance qu’il cherche. Beaucoup de gens se trompent en la cherchant, par quelqu’une des causes suivantes. — Il y a une telle confusion et une telle obscurité dans l’âme d’un homme non régénéré qu’il peut à peine dire ce qu’il fait ou ce qui se passe en lui ; comme dans une maison où rien n’est à sa place, il est difficile de trouver ce qui manque. La plupart des hommes s’habituent à être étrangers à eux-mêmes, et étudient trop peu les mouvements et les dispositions de leur cœur. — Les hommes sont partiaux quant il s’agit d’eux-mêmes, prêts à regarder leurs plus grands péchés comme peu de chose, et leurs moindres comme rien ; à confondre leurs qualités naturelles avec l’œuvre de la grâce et à dire : « J’ai observé toutes ces choses dès ma jeunesse : je suis riche, j’ai beaucoup de biens et je n’ai besoin de rien. » — La plupart des hommes ne cherchent qu’à moitié, et s’ils n’avancent pas aussi facilement et aussi vite qu’ils le désirent, ils se découragent et y renoncent. Ils se servent pour s’éprouver de règles et de signes trompeurs. Ignorant en quoi consiste la vérité du christianisme, les uns veulent s’élever au-dessus du modèle que nous a laissé l’Écriture, les autres restent au-dessous. — Souvent aussi ils échouent dans cette entreprise, parce qu’ils la tentent avec leurs seules forces. Les uns espèrent que le Saint-Esprit achèvera l’œuvre sans eux, les autres s’y mettent sans chercher ou sans attendre son secours. Et ces deux espèces d’hommes échoueront certainement dans la poursuite de l’assurance qu’ils cherchent.

Les vrais chrétiens eux-mêmes sont quelquefois privés de cette consolante assurance par d’autres empêchements : entre autres par la faiblesse de la grâce. Beaucoup de chrétiens se contentent d’une faible mesure de la grâce, et ne poursuivent pas jusqu’à ce qu’ils atteignent la force et la virilité spirituelle. Pour eux, le meilleur remède à cette infirmité serait de persévérer jusqu’à ce qu’ils aient crû en grâce. « Attendez vous à l’Éternel », en faisant usage des moyens qu’il vous prescrit, et il vous donnera certainement une mesure plus abondante de grâce ; il fortifiera votre cœur. Que les chrétiens emploient à augmenter la mesure de leur grâce le temps qu’ils passent à douter s’ils en ont. Qu’ils mettent toute l’ardeur de leur âme à demander un accroissement de grâce, au lieu de la consumer en plaintes inutiles. Je vous en conjure, chrétien, recevez cet avis comme de la part de Dieu, et alors, quand vous croirez fermement et que vous aimerez ardemment, vous ne pourrez pas plus douter de votre foi et de votre amour, qu’un homme qui est brûlant ne peut douter de sa chaleur.

Quelques chrétiens nuisent à leur tranquillité en regardant aux signes qui leur disent ce qu’ils sont, plutôt qu’aux préceptes qui leur disent ce qu’ils doivent être : comme si leur disposition actuelle pouvait durer toujours, et comme s’ils avaient perdu tout espoir dans le cas où ils n’auraient pas encore obtenu leur pardon. Quelle serait la folie de celui qui, n’ayant pas obtenu son pardon, ne ferait que pleurer tandis que son souverain serait auprès de lui, lui offrant sa grâce et le pressant de l’accepter ! — Chrétien, la foi qui justifie ne consiste pas à être persuadé de l’amour particulier du Seigneur pour vous, mais à accepter Christ comme seul capable de vous rendre digne de cet amour. Il vaut beaucoup mieux accepter Christ comme il s’offre, que de passer tant de temps à douter si nous l’avons reçu ou non.

Une autre cause d’inquiétude pour les chrétiens, c’est qu’ils confondent cette assurance avec la joie qui l’accompagne quelquefois. Comme si un enfant ne croyait à son père que tant qu’il voit le sourire sur sa figure, ou qu’il entend les expressions bienveillantes de sa bouche ; et comme si un père cessait de l’être quand il cesse de sourire à son fils et de lui parler tendrement. L’inquiétude de ces chrétiens augmente encore parce qu’ils ne connaissent pas le moyen ordinaire dont Dieu se sert pour dispenser ses consolations. Ils s’imaginent qu’ils n’ont pas autre chose à faire qu’à attendre que Dieu les leur accorde ; mais ils doivent savoir que les promesses sont les sources de toute consolation, et que c’est en les méditant soigneusement qu’ils seront consolés. C’est par ce moyen que leur âme recevra les consolations du Saint-Esprit. Ajoutez à cela qu’ils attendent une mesure d’assurance plus abondante que Dieu ne l’accorde ordinairement ; tant qu’ils conservent quelques doutes, ils s’imaginent n’avoir aucune certitude.

Une cause d’inquiétude puissante et beaucoup trop commune est l’habitude secrète de quelque péché dont nous avons la conscience. Cette habitude étouffe ou obscurcit la lumière de l’âme, et la plonge dans l’engourdissement, en sorte qu’elle ne peut ni voir ni sentir sa condition ; elle provoque Dieu à retirer ses consolations et le secours de son Saint-Esprit sans lequel nous ne trouverons jamais l’assurance que nous cherchons. Dieu a voulu qu’il y eût un divorce entre le péché et la paix. Aussi longtemps que vous conservez votre orgueil, votre amour du monde, vos désirs charnels, ou quelque autre pratique non chrétienne, c’est en vain que vous attendrez de la consolation. Si un homme élève des idoles au fond de son cœur, et vient à Dieu pour lui demander des consolations, Dieu, au lieu de lui en accorder, lui répondra selon qu’il vient avec la multitude de ses idoles (Ézéchiel 14.3-9).

Une des causes les plus communes de ce manque de consolations, c’est que nous n’exerçons pas constamment et activement la grâce reçue. La pratique laborieuse du devoir est la source de consolation la plus abondante. La paix et la consolation sont de grands encouragements que Christ donne à la fidélité et à l’obéissance : en conséquence, quoique notre obéissance ne nous en rende point dignes, nous les recevons ordinairement en proportion de notre activité dans le devoir. Quelle que soit la puissance du sang et de l’intercession de Jésus-Christ, nos prières doivent encore être accompagnées de foi et de ferveur pour être exaucées. Il en est de même de toutes les autres parties de notre obéissance. Si vous devenez négligents, routiniers, tièdes dans vos devoirs, surtout dans vos prières secrètes, et si malgré cela vous n’éprouvez aucune diminution dans votre joie, je ne puis m’empêcher de craindre que votre joie ne soit charnelle. Toute bonne action produit de la consolation, comme le feu donne de la chaleur : le seul sentiment de l’amour de Dieu est en lui-même une jouissance ineffable. Un homme qui se sent froid doit travailler à ramener la chaleur : de même celui qui manque d’assurance ne doit point demeurer oisif, mais il doit exercer ses grâces spirituelles jusqu’à ce que ses doutes s’évanouissent.

Cette absence de consolation dans l’âme est quelquefois l’effet d’une constitution mélancolique. Il est aussi naturel de voir un homme consciencieux en proie à la mélancolie craindre et douter, que de voir un malade se plaindre et gémir. Avec un tel homme, vous perdrez vos peines, sans le secours du médecin. Vous pourrez le réduire au silence, mais non le consoler. Il se plaint de ses péchés et de la colère de Dieu, mais la source de son chagrin est dans sa maladie.

2°. Quant aux motifs qui doivent vous engager à vous examiner vous-même, je vous conjure de faire attention aux suivants. Il est facile de vous tromper sur la validité de vos titres au ciel : « Plusieurs me diront en ce jour-là : Seigneur, nous pas chassé les démons en ton nom ? et n’avons nous pas fait des miracles en ton nom ? Alors je leur dirai ouvertement : Je ne vous connais point. Eloignez-vous de moi, vous qui faites métier d’iniquité. » (Matthieu 7.22-23)

Presque tous les hommes croient être sauvés. Christ nous dit cependant qu’il y en a peu qui trouvent la porte étroite et le chemin étroit qui mène à la vie. Ne devrions-nous donc pas examiner soigneusement, de peur d’être trompés ? Dans toutes ses tentations, Satan a surtout pour objet de vous tromper, de vous tenir dans l’ignorance de votre danger, jusqu’à ce que vous sentiez les flammes éternelles. Voulez-vous l’aider vous-même ? Si vous faites cela pour lui, vous faites le plus fort de son ouvrage.

Considérez en outre quels seront les résultats de cet examen de vous-même. Si vous êtes juste et pieux, cet examen vous donnera l’assurance de l’amour de Dieu. Si vous ne l’êtes point, il vous causera pour le moment quelque peine, mais il finira par vous donner la certitude de cette félicité. De quelle confiance et de quelle paix jouirez-vous dans vos prières, quand vous pourrez dire en toute assurance : « Notre Père ! » Quelles douces idées vous aurez de Dieu ! Quelles idées vous aurez de Jésus Christ, du prix infini de son sang et de ses bienfaits ! Comme vous recevrez avec joie la parole de Dieu ! Comme les promesses vous seront précieuses, quand vous serez assuré d’en être l’héritier ! Les grâces les plus communes doubleront pour vous de valeur. Avec quelle résignation vous supporterez vos afflictions ! Comme vous serez ardent à l’œuvre du Seigneur, et utile à tous ceux qui vous entourent ! Cette assurance fortifiera toutes vos grâces spirituelles et toutes vos affections, animera votre repentir, enflammera votre amour, vivifiera vos désirs, affermira votre foi ; elle sera pour vous une source intarissable de jouissances, elle inondera votre cœur de reconnaissance, elle vous excitera à l’œuvre de la louange, elle vous aidera à élever vos affections vers les choses célestes et vous rendra persévérant en tout.

Quoique je sois assuré de la force de ces motifs, je crains cependant, lecteur, que vous ne laissiez là ce livre comme si vous aviez fini votre tâche, et que vous ne vous mettiez jamais à la pratique de votre devoir. La question qui nous occupe est de la plus haute importance : il s’agit de savoir si vous habiterez éternellement le ciel ou l’enfer. Je vous en supplie pour l’amour de votre âme, je vous le commande au nom de Dieu, ne différez pas plus longtemps, mettez-vous sérieusement à votre tâche et demandez-vous bien : Est-il si facile, si ordinaire et si dangereux de se tromper ? y-a-t-il tant de mauvaises voies ? le cœur est-il si trompeur ? Pourquoi donc ne sonderais-je pas tous les replis de ma conscience jusqu’à ce que je connaisse mon état ? Puisque je dois bientôt subir cette épreuve au tribunal de Christ, pourquoi ne pas m’éprouver moi-même ? quelle serait ma situation si j’échouais alors ? Puisque je puis le savoir maintenant avec un peu d’activité, pourquoi redouterais-je ce travail ? Mais vous direz peut-être que vous ne savez comment-vous y prendre. Je vous donnerai quelques conseils à cet égard, vous prévenant qu’ils seront inutiles si vous n’êtes pas résolu à les suivre. Voulez-vous donc, avant d’aller plus loin, promettre ici devant le Seigneur que vous vous mettrez immédiatement à l’œuvre en suivant les conseils que je vous donnerai d’après les Saintes Écritures ? Je ne vous demande rien de déraisonnable ni d’impossible. Je ne vous demande que de consacrer quelques heures à examiner quelle sera votre éternelle destinée.

3°. Voici quelques conseils relatifs à cet examen de vous-même. Faites choix du temps et du lieu le plus convenable ; que ce soit à présent même si vous le pouvez. Débarrassez votre esprit de tout autre souci et de toute autre pensée pour éviter de distraire ou départager votre attention. Alors, adressant à Dieu de ferventes prières, demandez-lui le secours de son Saint-Esprit pour qu’il vous révèle votre véritable condition, et qu’il vous éclaire dans l’accomplissement de cette œuvre. Que votre conscience fasse son devoir. Ne perdez point de temps, imitez le psalmiste. « Mon esprit, dit-il, a cherché soigneusement. » — Quand vous aurez découvert votre état réel, efforcez-vous de vous bien pénétrer le cœur du jugement que vous aurez prononcé. Ne vous contentez pas de cette seule découverte, et ne renoncez point à vos épreuves ; ne cessez point de faire journellement le compte de vos voies, et ne vous découragez point si vous avez souvent à recommencer. — Surtout, si vous n’êtes point régénéré, gardez-vous de juger de votre état futur par le présent. Ne dites point : « Parce que je suis impie, je mourrai ainsi : parce que je suis un hypocrite, je le serai toujours. » Ne vous désespérez point ; il n’y a que votre mauvais vouloir qui puisse vous éloigner de Christ, quoique vous ayez jusqu’à présent abusé de sa miséricorde et usé de feinte avec lui.

4°. Permettez-moi de vous offrir quelques indices qui vous aideront à reconnaître la validité de vos titres au repos des saints. Je n’en mentionnerai que deux ; à savoir : — Si vous prenez Dieu pour votre souverain bien, et si vous acceptez Christ pour votre seul Sauveur et votre seul Seigneur.

Toute âme qui a des titres au repos des saints place son souverain bonheur en Dieu. Ce repos consiste dans la pleine et glorieuse jouissance de Dieu. Celui qui ne fait pas de Dieu son souverain bien et sa fin dernière est au fond du cœur un idolâtre. Regardez-vous donc, ou non, comme votre souverain bonheur de jouir du Seigneur ? Pouvez-vous dire : « Le Seigneur est ma portion, — quel autre ai-je au ciel ? je n’ai pris plaisir sur la terre en rien qu’en toi seul (Psaumes 73.25). » Telle sera votre disposition si vous êtes héritier de ce repos. La chair plaidera encore pour ses jouissances : le monde se glissera encore dans vos affections ; néanmoins dans votre jugement calme et habituel, dans vos affections dominantes, vous préférez Dieu à tout. Vous ne cherchez point votre repos aussi ardemment que vous le devriez ; néanmoins il est l’objet principal de vos désirs et de vos efforts, en sorte qu’il tient la première place dans votre cœur. Malgré les répugnances de la chair, vous êtes décidé à tout souffrir et à persévérer jusqu’à la fin. Vous estimez votre repos à un si haut prix et vous le chérissez si fort, que vous ne voudriez pas changer vos droits et vos espérances contre quelque avantage que ce fût.

Comme vous prenez Dieu pour votre souverain bien, de même vous acceptez Christ comme votre unique Sauveur et Seigneur, pour vous procurer ce repos tant désiré. Le premier caractère était le sommaire du premier et du grand commandement de la loi « Tu aimeras ton Dieu de tout ton cœur. » Le second caractère est le sommaire de ce commandement de l’Évangile : « Crois au Seigneur Jésus-Christ et tu seras sauvé. » L’accomplissement de ces deux devoirs constitue toute la piété, tout le christianisme. Ce caractère n’est autre chose que la définition de la foi. Consentez-vous de tout votre cœur à ce que Christ seul soit votre Sauveur ? Consentez-vous à ne pas avoir en vos vertus et en vos œuvres plus de confiance que n’en méritent ces moyens subordonnés à Christ ? à les regarder comme entièrement incapables de désarmer la malédiction de la loi ? à ne voir en elles ni justice ni ombre de justice légale ? Consentez-vous enfin à n’assurer votre salut que sur la rédemption opérée par Christ ? — Voulez-vous aussi prendre Jésus-Christ pour votre seul Seigneur et votre seul roi ? Voulez-vous être gouverné et guidé par ses lois et par son esprit ? Voulez-vous lui obéir, même lorsqu’il vous imposera les devoirs les plus pénibles, ceux qui contrarient le plus les désirs de la chair ? Est-ce pour vous un chagrin que de manquer à ses résolutions ? Est-ce pour vous une joie de lui rendre une obéissance complète ? Refuseriez-vous de donner votre Seigneur et votre maître en échange de tout le monde ? C’est ainsi qu’il en est de tout vrai chrétien.

Remarquez que c’est uniquement l’assentiment de votre cœur, ou votre volonté que vous devez chercher à apprécier. Je ne vous demande pas si vous êtes assuré de votre salut, ni si vous pouvez croire que vos péchés vous sont pardonnés, et que vous êtes aimé de Dieu en Christ. Ce ne sont pas là des caractères essentiels de la foi qui justifie : ce sont seulement des fruits excellents de cette foi, qui consolent ceux qui les reçoivent. Vous pourrez ne les recevoir jamais sur la terre, et cependant être héritier du repos des saints. Ne dites donc point : Je ne puis pas croire que mes péchés me soient pardonnés ou que je jouisse de la faveur de Dieu ; par conséquent je ne suis pas un vrai croyant. C’est une conclusion tout-à-fait erronée. La question est celle-ci : Acceptez-vous de tout votre cœur Christ afin d’être pardonné, réconcilié et sauvé par lui ? Consentez-vous à ce qu’il soit votre Seigneur, celui qui vous a racheté et qu’il vous conduise au ciel comme il l’entendra ? C’est là la foi qui justifie et qui sauve : c’est là la règle par laquelle vous devez vous examiner. Remarquez cependant que ce consentement doit être sincère et réel, sans feinte ni réserve. Il ne faut pas dire comme l’enfant dissimulé : J’y vais, tandis qu’il n’y va pas. Si quelque autre créature a plus d’empire sur vous que Christ, vous n’êtes point son disciple. Voilà les deux caractères auxquels on peut reconnaître tous les chrétiens et seulement les chrétiens sincères.

En un mot, les chrétiens veulent-ils avoir des consolations qui ne les trompent jamais ? que ce soit le grand travail de toute leur vie de croître en grâce, de fortifier l’influence de Jésus-Christ dans leur âme, d’affaiblir, de dompter celle de la chair. Ne vous abusez point par cette fausse persuasion, que Christ a tout fait et qu’il ne vous a rien laissé à faire. Vaincre le monde, la chair et le démon, et dans ce but être toujours armé, toujours sur nos gardes, combattre avec courage et persévérance, voilà ce qui importe hautement à notre tranquillité et à notre salut : c’est au point que celui qui néglige ces devoirs n’est chrétien que de nom. A celui qui vaincra, dit Jésus-Christ, et non à celui qui est animé d’une confiance présomptueuse, je lui donnerai à manger de l’arbre de vie qui est au milieu du paradis de Dieu. Il ne recevra aucun dommage de la seconde mort, mais je confesserai son nom devant mon père et devant ses anges : je le ferai être une colonne dans le temple de mon Dieu, et il n’en sortira jamais ; et j’écrirai sur lui le nom de mon Dieu et le nom de la cité de mon Dieu, de la Jérusalem qui descend du ciel, venant de mon Dieu, et mon nouveau nom. (Apocalypse 2.7, 11, 17 ; 3.5, 12)

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