Après avoir montré que l’action rigoureuse du Verbe sur la nature humaine est bonne et salutaire, et qu’elle s’étend nécessairement jusqu’à la pénitence et à la défense du péché, nous montrerons quelle est sa douceur, car nous avons déjà prouvé sa justice. Les instructions par lesquelles sa volonté paternelle s’efforce de nous conduire au salut, en nous faisant connaître ce qui est bon et utile pour y parvenir, sont de plusieurs sortes : les unes expriment l’éloge, les autres le blâme. Ce sont les mêmes exhortations sous une forme différente ; car elles ont le même but et nous prouvent l’égalité de son amour et de sa justice. Après avoir montré l’usage qu’il fait du blâme, montrons celui qu’il fait de l’éloge et de l’exhortation. Ce dernier moyen d’instruction est celui qu’il préfère, parce qu’il est le plus conforme à sa douceur naturelle. Voici donc de ses exhortations à ce qui est bon et utile un exemple pris dans Salomon : « Je vous exhorte et j’élève la voix pour instruire les enfants des hommes ; écoutez-moi, je vous dirai des choses dignes de votre attention. » Il conseille ce qui est salutaire : les bons conseils déterminent les bons choix. « Heureux l’homme, nous dit-il par la bouche de David, qui n’est pas entré dans le conseil de l’impie, qui ne s’est pas arrêté dans la voie des pécheurs, et qui ne s’est point assis dans la chaire de dérision, mais qui repose son amour dans la loi du Seigneur ! »
Tout conseil s’appuie sur un exemple. Celui qui conseille prend tantôt ses exemples dans le passé, comme on ferait si on rappelait les châtiments qui frappèrent les Israélites coupables du crime d’idolâtrie par l’adoration du veau d’or ; tantôt on les prend dans le temps présent, comme le fait le Seigneur lorsqu’il répond à ceux qui lui demandaient : Êtes-vous celui qui doit venir ou en attendons-nous un autre ? « Allez raconter à Jean ce que vous avez vu et entendu : les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont guéris, les sourds entendent, les morts ressuscitent, l’Évangile est annoncé aux pauvres ! heureux celui qui ne sera point scandalisé en moi ! » Ce sont là les miracles que David prédisait en ces termes : « Nous avons vu et entendu. » Tantôt celui qui conseille prend ses exemples dans l’avenir. « Ceux qui tomberont dans le péché, nous dit-il, seront jetés dans les ténèbres extérieures : là il y aura des pleurs et des grincements de dents. » Tous ces exemples prouvent que Dieu n’épargne aucun soin pour nous sauver. Il console les pécheurs pour ralentir l’ardeur qui les porte au mal et pour leur rendre l’espérance. Il leur dit donc, par la bouche d’Ézéchiel : « Si vous vous convertissez de tout votre cœur, et si vous me dites : Mon Père ; je vous écouterai comme un peuple saint. » Il leur dit ailleurs : « Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et qui êtes chargés, et je vous soulagerai. » Le Seigneur nous exhorte évidemment à la vertu dans ce passage de Salomon. « Heureux l’homme qui trouve la sagesse, et l’homme qui est riche en prudence ! Celui qui cherche la sagesse la trouve et la goûte quand il l’a trouvée. » Le prophète Jérémie fait ainsi l’éloge de la prudence : « Heureux, dit-il, le peuple d’Israël, à qui il a été donné de connaître ce qui est agréable à Dieu ! » C’est au Verbe, qui nous rend heureux et prudents, que nous devons cette connaissance dont le même prophète exalte encore le prix dans un autre endroit : « Écoute, Israël, les ordres qui donnent la vie, écoute, afin de devenir prudent. » Sa bienveillance envers les hommes, et les récompenses qu’il leur prépare, s’ils marchent dans ses voies, brillent dans les promesses qu’il fait à son peuple par la bouche de Moïse : « Je vous introduirai dans cette terre fertile que j’ai juré à vos pères de vous donner. » « Je vous conduirai sur ma montagne sainte et je vous comblerai de joie, dit-il encore par la bouche d’Isaïe. »
L’espérance d’une vie heureuse est encore une autre espèce d’instruction. « Heureux celui qui ne pèche point, disait David, il sera comme l’arbre planté près du courant des eaux, qui donne des fruits en son temps, et dont les feuilles ne tombent point. » Les paroles qui suivent semblent annoncer le mystère de la résurrection : « Toutes les entreprises de l’homme de bien lui succéderont. » Il veut nous rendre bons, afin que nous lui donnions le pouvoir de nous rendre heureux. Aussi nous montre-t-il le châtiment de l’autre côté de la balance et l’égalité de sa justice : « Il n’en est pas ainsi des impies, dit-il, paille légère que le vent emporte. » Après nous avoir avertis que les pécheurs seront punis, que leurs œuvres périront comme la paille et la poussière livrées à la fureur des vents, le Pédagogue nous montre le supplice pour nous détourner du péché qui le produit, et nous montre la récompense pour nous exciter à la mériter. Il nous fait connaître la route que nous devons suivre. Si vous marchez dans la voie du Seigneur, vous habiterez le séjour de l’éternelle paix. Il promet aux uns la récompense de leurs bonnes œuvres, aux autres le pardon de leurs crimes. « Convertissez-vous, nous crie-t-il, convertissez-vous. » Sa bonté nous excite à une pénitence sincère qui satisfasse sa justice. Il remet lui-même dans le bon chemin ceux qui se sont égarés. Voici ce que dit le Seigneur : « Arrêtez-vous et voyez, demandez les voies éternelles du Seigneur, choisissez la voie droite, suivez-la, et vous trouverez la sanctification de vos âmes. » Il dit encore, dans ce même désir de nous conduire au salut par la pénitence : « Si tu fais pénitence, le Seigneur purifiera ton cœur et le cœur de tes fils. » J’aurais pu, en cette matière, appuyer mon sentiment de celui des philosophes qui disent que la vertu doit être louée et récompensée, le vice blâmé et puni ; mais comme la plupart d’entre eux n’ont aucune idée du véritable bonheur et de la bienveillance de Dieu envers les hommes, comme plusieurs séparent ce qui est bon de ce qui est juste, j’ai cru devoir dire tout ce que j’ai dit et ne pas m’appuyer de leur témoignage.
Je pourrais ajouter que la louange et le blâme à l’égard des hommes sont parfaitement placés dans la bouche du Pédagogue divin, puisque la folie appartient à l’homme et la sagesse à Dieu, et que la sagesse parfaite est la seule qui mérite de véritables louanges. Mais je ne veux point me servir de ce moyen. J’ajoute seulement que la louange et le blâme me paraissent les remèdes les plus nécessaires à l’homme et les plus propres à le guérir de ses faiblesses. À ceux dont le mal est invétéré, la guérison lente et difficile, il faut adresser sans relâche des reproches, des injures et des menaces, comme on emploie, pour travailler le fer, le feu, le marteau et l’enclume. À ceux au contraire, qui marchent facilement et comme d’eux-mêmes dans les voies de la vérité et de la justice, il suffit d’adresser de tendres louanges. Les louanges font croître la vertu comme l’eau des fleuves les arbres. Le philosophe Pythagore, qui avait bien compris ces vérités, les exprime en ce peu de mots : « Si tu fais le mal, blâme-toi ; réjouis-toi si tu fais le bien. » Le blâme est un avertissement donné à l’âme pour la réveiller. L’étymologie des mots grecs qui expriment l’avertissement et le blâme implique ce sens. Du reste, les préceptes qui portent l’homme au bien et le détournent du mal sont innombrables. « Il n’est point de paix pour les impies, dit le Seigneur. » Salomon instruit ainsi les enfants : « Mon fils, si les pécheurs cherchent à te séduire, fuis leurs caresses ; s’ils disent : Viens avec nous, dressons des embûches de mort, tendons des pièges à l’innocent qui l’est en vain ; comme l’enfer, engloutissons-le tout vivant ; comme la fosse, dévorons-le tout entier. » Ces paroles contiennent une allusion frappante à la passion de notre Seigneur. Enfin, par la bouche du prophète Ézéchiel, il nous apprend quelles règles il faut suivre, quels commandements il faut garder pour avoir la vie : l’âme qui a péché mourra. « Si un homme est juste, s’il agit selon l’équité et la justice ; s’il ne mange point sur les montagnes, et s’il ne lève point les yeux vers les idoles de la maison d’Israël ; s’il ne souille pas la femme de son prochain ; s’il ne s’approche pas de sa femme au jour de sa souffrance ; s’il ne contriste personne ; s’il rend son gage à son débiteur, s’il ne ravit rien par violence ; s’il donne de son pain à celui qui a faim ; s’il couvre de ses vêtements ceux qui sont nus ; s’il ne prête point à usure et ne reçoit pas plus qu’il n’a donné ; s’il détourne sa main de l’iniquité et s’il rend un jugement équitable entre un homme et un homme ; s’il marche dans la voie de mes préceptes et garde mes jugements pour accomplir la vérité, celui-là est juste, et il vivra de la vie, dit le Seigneur Dieu. » Voilà le vrai modèle de la vie chrétienne et une admirable exhortation pour nous faire remporter le prix de l’éternelle béatitude.